Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, sur les enjeux de la politique familiale face à la baisse de la natalité, à l'Assemblée nationale le 27 mars 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Catherine Vautrin - Ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : "Dans un contexte d'évolution démographique, quels enjeux pour notre politique familiale ?", demandé par le groupe Les Démocrates dans le cadre de sa séance thématique. Conformément à l'organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d'abord les rapporteurs – ? qui ont rédigé une note mise en ligne sur le site internet de l'Assemblée nationale –, puis les orateurs des groupes et, enfin, le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une session de questions-réponses.

(…)

La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Il me semble que vous vous rejoignez tous sur le constat. Et, de fait, les projections des démographes sont sans appel : on a, d'un côté, une natalité en chute libre et, de l'autre, une hausse rapide de l'espérance de vie, ce qui a pour conséquence le vieillissement de notre population. La baisse du taux de fécondité en France ne peut que nous interpeller : 663 000 bébés sont nés en France en 2024, tandis que, dans le même temps, 646 000 personnes sont décédées. Les deux courbes n'ont jamais été si près de se croiser.

Pour évoquer ce sujet majeur, nombre d'entre vous ont convoqué deux hommes, que certaines et certains ont d'ailleurs qualifiés de grands anciens. Le premier, c'est le général de Gaulle, qui disait en 1945 : "De quelque façon que nous organisions notre travail national, nos rapports sociaux, notre régime politique, notre sécurité même, s'il est acquis que désormais le peuple français ne se multiplie plus, alors la France ne sera plus qu'une grande lumière qui s'éteint."

L'autre, Ambroise Croizat, à la suite des travaux du Conseil national de la Résistance, fonda la sécurité sociale. Dans les deux cas, nous nous situons il y a quatre-vingts ans, et ce sont des hommes ; aujourd'hui, des femmes, à cette tribune, reconnaissent que cet héritage nous oblige, mais proposent aussi des réponses à ce problème qui, au-delà de la politique familiale, touche à l'organisation même de notre société. Rien n'est plus personnel, plus intime que le désir d'enfant, mais il ne peut être exaucé qu'à certaines conditions ; d'où des solutions médicales, matérielles, organisationnelles, totalement interministérielles. Vous avez été nombreux à mettre en avant le sujet de l'emploi, celui du logement ; nous pourrions aussi bien citer l'éducation, par exemple. La moitié du gouvernement est concernée par ce débat ! Tout en me bornant à évoquer ce qui relève de ma responsabilité, je souscris à ce qui a été dit concernant le logement : Jean-Louis Borloo insistait sur la notion de nid – ? l'endroit où l'on élève les enfants, le lieu de la première sécurité qui autorise les prémices de l'éducation, permettant à ces petites filles, ces petits garçons, de devenir un jour des citoyens.

Il s'agit avant tout d'apporter une réponse au désir d'enfant, lequel nécessite un douloureux parcours, l'infertilité – ? due dans un tiers des cas à la femme, un tiers à l'homme, un tiers au couple – constituant désormais un enjeu majeur. De ses quatre aspects, le premier est sociétal : des raisons liées à la carrière, aux choix de vie, des inquiétudes inspirées par sa situation, entraînent un recul de l'âge auquel on décide de concevoir un enfant. Le deuxième est médical : troubles de l'ovulation, pathologies génitales, endométriose. Le troisième, indéniable, réside dans les facteurs environnementaux : pollution, explosion des perturbateurs endocriniens. Le quatrième tient aux comportements quotidiens : alimentation déséquilibrée, sédentarité, obésité.

Conformément aux recommandations formulées en 2022 par le professeur Samir Hamamah et ses équipes, nous prévoyons un plan national de lutte, premier chantier d'une extrême importance. Il nous faudra plusieurs axes : l'information et la sensibilisation –? à la veille de la Journée mondiale de lutte contre l'endométriose, je ne peux qu'insister sur la nécessité d'informer les très jeunes filles, les tests permettant désormais de réduire la durée d'une errance médicale estimée en moyenne à sept ans –, un soutien accru à la recherche, enfin l'amélioration de la prise en charge et du parcours d'assistance médicale à la procréation (AMP).

L'articulation entre vie professionnelle et vie de parent constitue l'un des sujets que vous avez tous abordés : il importe que l'arrivée d'un enfant ne signifie pas perte de revenus, interruption partielle ou totale de la carrière – ? ce dernier point concernant la mère, dans l'écrasante majorité des cas. Il s'agit donc d'améliorer l'offre en matière de garde d'enfants. Pour les moins de 3 ans, le taux de couverture des besoins n'atteint pas 70 % : permettez-moi d'insister, à ce propos, sur les disparités territoriales et sociales. Dans ma région, la Champagne, il y a quelques jours, de jeunes viticultrices m'exposaient leurs difficultés : vous êtes mère au foyer, il vous faut aller vendre vos produits lors d'un salon, personne au village ne peut garder vos enfants, que faites-vous ? En zone rurale, la question des modes de garde prend ainsi une importance particulière ; s'y ajoute celle des restes à charge. Je remercie les communes qui créent des maisons d'assistants maternels (MAM) : il faut souligner le rôle de ces assistantes, et une réponse aussi concrète, aussi complète, peut inciter certaines femmes à s'orienter vers ces métiers.

Un autre point essentiel – ? pardonnez-moi de ne pas suivre la chronologie de la croissance de l'enfant – consiste à accompagner les jeunes parents afin que chacun puisse gérer selon son choix la période de sa vie qui succède immédiatement à la naissance, en d'autres termes, comme le souhaitent certains, rester auprès du bébé durant les premiers mois. De là vient l'idée du congé de naissance, que j'entends remettre sur le métier, car nous devons être en mesure, incontestablement, de proposer au père comme à la mère des solutions adaptées aux différentes périodes de l'existence et à la volonté du couple.

S'ajoute à cela la nécessité pour les foyers modestes d'une politique familiale plus juste ; nous avons œuvré en ce sens, mais nous pouvons encore aller plus loin. Je me refuse d'ailleurs à parler de familles monoparentales : j'emploie l'expression "mamans solos", car il importe de mettre des mots sur la réalité. Nous avons fait des progrès majeurs : service public des pensions alimentaires, intermédiation systématique, depuis janvier 2021, de ces pensions, ASF revalorisée de 50 %. J'ai entendu les commentaires concernant le cas de la mère refaisant sa vie avec quelqu'un qui n'est pas le père des enfants ; je prends note. Quant à la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui assurera aux mamans solos un accompagnement non plus jusqu'à la sixième, mais jusqu'à la douzième année de l'enfant, je souhaite la voir opérationnelle en septembre.

S'agissant des allocations familiales, je rappellerai que seuls 11 % – ? les plus aisés – des 4,9 millions de bénéficiaires ont été concernés par la modulation des montants : la réflexion porte, encore une fois, sur les familles les plus modestes. La proposition de loi de la députée Anne Bergantz visant à simplifier et réorienter la politique familiale vers le premier enfant mérite d'être considérée. Personne n'imagine que le désir d'enfant puisse tenir à un intérêt financier ; en revanche, c'est bien à la première naissance que se produit, au-delà de la découverte de la parentalité, un changement de vie qui entraîne des frais  – ? ne serait-ce que l'acquisition d'un équipement amorti, si je puis dire, dès le deuxième bébé, quoique 45 % des familles ne comptent qu'un enfant. Je me tiens donc à votre disposition pour travailler à ce dossier et le faire progresser.

Il arrive également que l'on m'interpelle au sujet des familles de trois ou quatre enfants, celles dont le nombre diminue le plus  – ? plutôt en faveur de deux enfants, la proportion des enfants uniques n'évoluant guère. Bien entendu, ce qui nous importe avant tout, je le répète, est d'accompagner le désir d'enfant, de plus en plus tardif – ? l'âge moyen au premier enfant est passé à 31 ans ; or, si ce désir reste éminemment intime, personnel, il est de notre devoir de rappeler les limites imposées par l'horloge biologique, quels que soient les progrès de la science.

Joël Bruneau a évoqué l'autre moitié, en quelque sorte, de notre société : celle qui vieillit. Chaque jour, 2 000 Français fêtent leurs 60 ans, alors que seulement 1 800 viennent au monde. Il y a là un déséquilibre démographique majeur ; bien loin de l'époque d'Ambroise Croizat, le nombre d'actifs par retraité est d'ores et déjà tombé à 1,1. Cet enjeu influe sur le modèle même de la famille multigénérationnelle, des liens qui existent en son sein, de l'accompagnement de ceux qui nous ont permis de devenir ce que nous sommes. La politique familiale ne s'arrête pas aux tout-petits : elle inclut tous les âges, évolue avec les besoins de la société, sans que nous perdions de vue notre mission première – ? soutenir toutes les familles. Il y a là un chantier immense.

Certes, ce gouvernement ne comprend pas de ministère exclusivement consacré aux familles, mais elles figurent dans l'intitulé du mien ; en outre, un haut-commissariat à l'enfance a été créé le 5 mars. Je tiens à souligner l'importance du tissu associatif, de la gouvernance, des comités de filière : nous devons conserver la capacité de travailler avec tous ceux qui s'impliquent dans ce domaine. C'est ensemble que nous partagerons une vision de la société, une responsabilité ; je remercie les corapporteurs de leur travail, de leur approche transpartisane. Notre défi concerne désormais la seconde partie du XXIe siècle : à nous d'être à la hauteur des grands anciens  – ? peut-être nos successeurs parleront-ils un jour des anciennes qui auront fait évoluer la politique familiale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et Dem. – ? Mme Karine Lebon, rapporteure, applaudit également.)

M. le président
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est de deux minutes, sans droit de réplique. Il est rare que la présidence puisse limiter la parole des ministres !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Profitez-en !

M. le président
Je ne dis pas cela parce que vous avez été longue ! Au contraire, vous avez été parfaite !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je vous ai même fait gagner presque quatre minutes !

M. le président
Je rappelle que les questions seront posées depuis les travées et les réponses, données depuis le banc des ministres.
La parole est à Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet (Dem)
Lors de mon intervention, j'ai rappelé combien il est important que la société tout entière se mette en ordre de marche pour accueillir l'enfant.

Votre portefeuille ministériel comprend les questions liées au travail. Or je suis convaincue que nous devons faire évoluer le travail et les mentalités des employeurs, pour permettre un meilleur accueil de l'enfant et la prise en compte de la parentalité. Nous devons mobiliser les employeurs au sens large, c'est-à-dire non seulement les entreprises privées, mais aussi les collectivités et les associations.

C'est pourquoi j'aimerais savoir si, dans votre feuille de route, vous prévoyez de créer un groupe de travail pour réfléchir à la manière d'inciter les entreprises à se pencher sur ces sujets. Ne pourrait-on pas envisager un label, dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui ferait des employeurs les "Amis des familles et des enfants", afin que les salariés choisissent leur entreprise en fonction de l'accueil qui serait fait à leur futur bébé ? Cette mesure représenterait une avancée intéressante pour la société, qui doit se mobiliser, à tous les étages, pour accueillir les enfants et faciliter la vie de leurs parents.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je voudrais, pour commencer, mettre en avant le travail des partenaires sociaux, qui sont très engagés sur le sujet et réfléchissent déjà à l'organisation des temps. Il s'agit d'un enjeu majeur sur lequel nous pourrions avancer afin de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale – ? tout le monde a intérêt à agir en ce sens.

Nous devons effectivement évoluer et je voudrais partager avec vous une idée. Au-delà du congé de naissance, il faudrait que l'entreprise interroge la personne qui va partir pour accoucher, sur ses intentions concernant son retour : souhaite-t-elle revenir rapidement ou, au contraire, prolonger son congé ? Cela permettrait de mieux anticiper l'avenir, tant pour l'entreprise que pour la personne concernée, et d'aborder la parentalité comme étant un enjeu très concret de la vie de la femme. Ce serait plus simple et cela permettrait de mieux se projeter, au lieu d'attendre la veille du retour présumé pour finalement annoncer qu'on souhaite prolonger son congé.

De très grandes entreprises françaises à vocation internationale appliquent déjà des politiques RSE ouvertes sur le sujet – ? je pense notamment à un groupe de cosmétiques bien connu, qui travaille aussi bien sur des questions de ménopause que de temps de travail.

Par conséquent, je suis prête à réfléchir à une meilleure articulation entre le travail et la période de grossesse, puis de retour dans l'entreprise. C'est, finalement, la parentalité dans l'entreprise.

M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau.

M. Joël Bruneau (LIOT)
Ma question ne porte pas sur la natalité mais sur la dépendance, inquiétude partagée par de nombreuses familles et qui, en matière de défi démographique, a souvent été abordée mais sur laquelle aucune décision définitive n'a été prise. Or le temps est venu de décider.

D'abord, parce qu'il s'agit d'une préoccupation partagée par l'ensemble de nos compatriotes, comme je viens de le dire. De nombreuses familles se retrouvent en grande difficulté pour prendre en charge les coûts d'hébergement d'un parent dépendant et sont contraintes de se constituer une épargne de précaution, participant ainsi moins qu'elles ne le pourraient à la vie économique de la nation.

Ensuite, parce que le système actuel n'est pas très juste. La récupération des prestations sociales sur le patrimoine de la personne décédée lors de la succession n'est pas appliquée à l'identique d'un département à l'autre. De plus, pourquoi récupérer sur la succession de celui qui a fait l'effort de se constituer un patrimoine et laisser la collectivité assumer le coût de l'hébergement dans un établissement pour celui qui, à revenu égal, n'a pas consenti cet effort ?

J'aimerais donc connaître vos intentions en matière de financement de la dépendance. N'est-il pas temps de regarder la réalité en face et d'instaurer un système d'assurance obligatoire, qui tiendrait compte des capacités contributives de chacun et permettrait de mutualiser le risque au bénéfice de tous ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Il s'agit clairement d'un enjeu de taille, puisque la France compte actuellement 2,5 millions de personnes dépendantes et que ce chiffre devrait s'élever à 3,5 millions, voire 4 millions, en 2050.

La réflexion est ouverte, mais aucune décision n'a été prise pour le moment. Néanmoins, je travaille avec les équipes sur un plan lié au virage démographique, autour de trois volets : le premier concerne la petite enfance et toutes les questions qui s'y rattachent –? infertilité, mode de garde, aide sociale à l'enfance et ainsi de suite ; le deuxième s'intéresse à l'emploi des jeunes et des seniors, ainsi qu'aux questions de santé, y compris sur chacun des bassins de vie ; enfin, le troisième porte sur le grand âge.

Pourquoi le grand âge ? Si la courbe démographique forme un plateau jusqu'en 2030, nous savons que nous aurons ensuite une explosion du nombre de personnes en situation de dépendance – ? permettez-moi, à ce titre, de mentionner une très belle publication du premier ministre, alors haut-commissaire au plan, intitulée "Quand les babyboomers auront 85 ans", c'est-à-dire en 2030.

Nos concitoyens souhaitent pouvoir vieillir chez eux. Encore faut-il leur apporter des réponses concrètes : il existe d'abord les établissements médico-sociaux, à l'échelle du bassin de vie et, pour les cas plus lourds, l'hospitalisation à domicile ; il y a également les centres de ressources territoriaux (CRT) qui accompagnent les personnes âgées à leur domicile le plus longtemps possible, jusqu'au moment limite où elles ne peuvent plus rester chez elles ; ensuite, nous avons les Ehpad. Nous devrons réfléchir à l'accueil en Ehpad et trouver des réponses en matière de financement. C'est pourquoi, à ce stade, aucune solution n'est à écarter.

M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot (LFI-NFP)
Un berceau vide et des vies brisées, voilà ce que signifie pour 2 800 familles la mortalité infantile en France en 2024. Depuis 2020, la hausse de la mortalité infantile est vertigineuse. La France, qui a longtemps figuré dans le trio de tête, est maintenant classée vingt-troisième sur vingt-sept en Europe, entre la Pologne et la Bulgarie. Dans notre pays, 4,1 nouveau-nés sur 1 000 décèdent avant d'avoir soufflé leur première bougie ; 2 000 de ces enfants meurent même avant leur premier mois de vie !

Cette situation est d'abord due au fait que la distance n'a cessé d'augmenter entre les maternités et les femmes : 75 % des maternités ont fermé en cinquante ans et dix départements ne comptent plus qu'une seule maternité. Or une étude démontre qu'un temps de trajet supérieur à 45 minutes double le taux de mortalité périnatale.

Cela fait huit ans qu'Emmanuel Macron est à la tête du pays ; huit ans de hausse ininterrompue de la mortalité infantile ! Qu'avez-vous fait, madame la ministre, depuis que vous êtes aux responsabilités, pour endiguer cette terrible réalité ? Rien ! Au contraire, vous l'accélérez, en continuant de fermer des maternités, en rognant dans les budgets et en dégradant les conditions de travail des soignants. Pour les familles les plus précaires, la réduction de la protection maternelle et infantile fait des ravages, alors que la pauvreté explose.

Pire, vous osez parler de réarmement démographique – ? le même terme qu'utilise Viktor Orbán, qui s'en prend au droit à l'avortement, en Hongrie – alors que vous êtes incapables de mener une politique de santé publique capable de garder en vie les enfants qui naissent.

Constater ce fléau ne suffit pas. Quand agirez-vous, madame la ministre, face au scandale de la mort avant la vie ? Permettez-moi de vous poser deux questions précises : envisagez-vous, enfin, d'instaurer le registre national des naissances, pour que le système de santé périnatale cesse de fonctionner à l'aveugle ? Vous engagez-vous à consentir, au moins, un moratoire sur la fermeture des maternités, alors que l'Académie de médecine prône encore la fermeture de 111 d'entre elles, au risque de mettre en danger la santé des mères et des nourrissons ? (M. Louis Boyard applaudit.)

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je partage les chiffres que vous avez cités. La mortalité infantile des enfants de 0 à 1 an augmente depuis dix ans : alors qu'elle était de 3,5 ‰ en 2014, elle est de 4,1 ‰ en 2024. Les mauvais résultats de la mortalité infantile sont principalement dus à l'augmentation de la mortalité néonatale, qui en représente les trois quarts. La France se classe au vingtième rang sur vingt-huit, proche de l'Allemagne et du Royaume-Uni.

La difficulté est d'apporter des réponses concrètes sur plusieurs points : les situations de précarité, l'accroissement des grossesses multiples ou encore la hausse de l'âge des mères. Il y a aussi des disparités géographiques, avec un nombre de lits de réanimation néonatale pour 1 000 naissances qui varie du simple au double selon les territoires. C'est clairement un premier sujet qui m'interpelle et sur lequel je souhaite apporter des réponses concrètes.

Le deuxième point, c'est que l'offre de soins critiques néonatals reste insuffisante, alors que le nombre de grossesses poursuivies lorsque le fœtus est atteint d'une malformation a bondi en dix ans de 200 % – ? c'est dire si nous devons garder ce sujet à l'esprit.

Troisièmement, les taux d'occupation sont très élevés puisqu'ils atteignent 95 % dans près de la moitié des unités de lits de réanimation ; sur 20 % du temps, celles-ci sont même occupées à près de 100 %.
Par ailleurs, les postes de pédiatre en néonatalogie pâtissent d'un manque d'attractivité…

Mme Mathilde Panot
Vous ne parlez pas du registre national des naissances !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Laissez-moi terminer – ? je n'en suis pas encore à deux minutes ! Je suis en train d'instaurer les registres de naissances et de décès, et de déployer, au niveau local, des revues de morbi-mortalité, de façon à étudier chacun des décès. C'est ainsi que nous pourrons apporter des réponses concrètes.

Dernier point : vous connaissez le débat lié au nombre d'accouchements dans les maternités. L'Académie de médecine préconise de fermer celles qui pratiquent moins de 300 accouchements par an, en raison d'un manque d'expertise et d'expérience. Là est le cœur du débat. (Mme Anne Bergantz applaudit.)

M. le président
La parole est à M. Louis Boyard.

M. Louis Boyard (LFI-NFP)
Depuis le début, j'ai le sentiment que vous essayez d'esquiver la question qui vous a été posée par de nombreux parlementaires, concernant le réarmement démographique.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Pourquoi ?

M. Louis Boyard
Permettez-moi d'expliquer pourquoi ce terme a choqué. Lorsque le président de la République parle de réarmement démographique, il parle de l'intime : il parle des utérus, des femmes et de leur corps, qui leur appartient à elles seules. Toutefois, il parle de l'utérus comme d'une arme. C'est une forme de déshumanisation des femmes qui les réduit à leur rôle de génitrices, comme le disait Napoléon, et qui fait écho à une longue histoire française : j'aimerais vous citer l'article 1124 du code civil napoléonien qui indiquait que "les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux", l'article 213, selon lequel "la femme doit obéissance à son mari", ou encore cette citation de Napoléon : "Les femmes sont faites pour l'intimité de la famille […]."

Il y a donc une longue histoire, en France et dans le monde, qui vise à réduire les femmes à un rôle familial. Heureusement, les combats féministes ont permis de sortir de cette situation. Pas totalement, néanmoins, puisqu'en parlant de réarmement démographique, Emmanuel Macron fait peser sur les femmes la charge d'élever l'enfant. En effet, ce sont elles qui assument, trop souvent, les plus grandes charges : 47 % des mères réduisent leurs activités, contre 6 % des pères ; elles consacrent cinq heures par jour en moyenne au travail domestique, contre deux heures pour les pères. Et je ne parle même pas des 30 % de différence de salaire entre les femmes et les hommes.

Pour terminer, j'aimerais évoquer l'extrême droite, qui se déchaîne sur la question du réarmement démographique. C'était intéressant d'entendre le Rassemblement national parler d'enjeu de civilisation, – ? exactement comme Trump –, et de constater qu'il est favorable à un ministère de la natalité. J'aimerais faire le parallèle avec la Hongrie, pays dans lequel les femmes ont disparu de la politique au profit de la famille, c'est-à-dire que la cause des femmes a été remplacée par les politiques familiales.

Ma question est donc simple : contestez-vous, madame la ministre, le terme de réarmement démographique, utilisé par le président de la République ?

Mme Mathilde Panot
Brillant !

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je vous remercie pour votre question. Cela ne vous aura pas échappé : je suis une femme, je suis mère et je suis une femme politique. J'ai été élue députée le dimanche, j'ai accouché le mardi. Je ne m'étendrai pas sur ma vie – ? cela n'a aucun intérêt –, mais je veux dire que je fais partie de ces femmes qui considèrent qu'on ne doit jamais renoncer à rien et qu'on doit prendre, plutôt que d'attendre qu'on nous donne. C'est cela, la vie des femmes – ? cela commence par là.

Tout à l'heure, j'ai évoqué les hommes qui parlaient des femmes, mais en définitive, celle qui a le mieux parlé des femmes, c'est Simone Veil – ? nous nous retrouvons sur ce point. Tout le monde lui a rendu hommage et a salué son travail. Les mots ont un sens, bien sûr, mais ce qui est encore plus fort, c'est l'action. J'ai un rêve et je vais le partager avec vous : que sur ce sujet, nous arrivions à nous retrouver. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR.)

M. Louis Boyard
Vous n'avez pas répondu à ma question !

M. le président
La parole est à M. Christian Girard.

M. Christian Girard (RN)
La politique familiale en France se trouve dans un état gravissime : nous connaissons un effondrement démographique, une baisse de la conjugalité et un vieillissement de la population. Les politiques sociales ont été gérées de manière erratique, au détriment d'une politique familiale saine. Le grand soir démographique que nous subissons compromet par ricochet notre système de retraite. Dans ce domaine qui touche à l'intimité des familles – ? les cellules de base de la société –, l'État doit rester à sa place ; il ne peut s'immiscer dans leur vie privée. Toutefois, il est de sa responsabilité de soutenir la fécondité et de garantir le renouvellement des générations, dans un souci de justice distributive.

Les gouvernements successifs ont lamentablement échoué dans le soutien aux familles : ils ont complexifié les aides et entravé leur libre choix. Une étude récente a estimé à 264 000 euros le coût d'un enfant pour ses parents. De tels chiffres découragent financièrement les couples d'avoir des enfants et pèsent sur les esprits. L'État se doit de soutenir les familles : l'accueil de l'enfant ne doit plus être perçu comme un fardeau – ? une charge administrative ou financière –, mais comme une joie et une chance.

Des solutions existent : rebâtissons une politique familiale fondée sur la liberté, la simplicité et la pérennité ; rétablissons, sans pour autant tendre vers l'assistanat, l'universalité des allocations familiales pour alléger la perte de pouvoir d'achat après l'arrivée d'un enfant ; restaurons un quotient familial juste, étendu à la contribution sociale généralisée (CSG) – ? montrons-nous fidèles à notre Constitution ; facilitons la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale par un congé parental souple ; adaptons le logement en boostant l'offre locative privée tout en allégeant les normes et la fiscalité.

Ces mesures, qui ne représentent pas un coût excessif, mettraient un terme au déclin démographique de la France. Comment envisagez-vous d'encourager la conjugalité, de soutenir les familles et de favoriser l'accueil de l'enfant ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
J'ai déjà répondu à certaines de vos questions au fil de mes réponses précédentes. Je reviendrai sur plusieurs points.

D'abord, nous voulons proposer aux futurs parents, ou aux futures mères, une consultation prénatale pour les accompagner – ? c'est l'un des sujets sur lesquels il est possible d'avancer.

Ensuite, j'ai souligné l'importance de la flexibilité en matière de modes de garde. J'ai évoqué la participation des femmes au marché du travail et le renforcement de l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Cela n'exclut pas les hommes  – ? dans le cadre des congés de naissance, nous devons permettre des choix alternatifs au sein du couple en fonction des souhaits de chacun, ce qui doit s'accompagner d'un développement de l'offre de modes de garde.

S'agissant des prestations en faveur des familles, je citerai quelques chiffres – ? je me réfère au périmètre du compte de l'enfance : les prestations d'entretien de l'enfant représentent 20,8 milliards d'euros, le maintien et compléments de rémunération, 7,5 milliards ; les prestations d'accueil du jeune enfant, 17,7 milliards ; l'aide sociale à l'enfance, 7,5 milliards ; les prestations d'action sociale, 2,2 milliards ; les prestations liées au handicap de l'enfant, 7,3 milliards. On arrive à un total de 63 milliards.

En outre, la prise en compte des enfants dans le calcul de l'impôt sur le revenu et les avantages différés en matière de droits familiaux de retraite, qui entrent dans le champ de la politique familiale, représentent respectivement 12,8 milliards et 20,7 milliards –? ce sont des montants très importants. La dépense sociale en faveur des enfants sur le périmètre étendu représente 4,7 % du produit intérieur brut.

Bien sûr, tout est perfectible – ? nous pouvons aller plus loin –, mais il n'est pas possible de dire que rien n'est fait actuellement.

M. le président
La parole est à Mme Anne Sicard.

Mme Anne Sicard (RN)
La tendance des no kids zones – ? les zones sans enfant –, qui prend une ampleur démesurée dans les transports, les restaurants et les fêtes, reflète une société en quête de tranquillité à tout prix, qui refuse le principe même de la continuité historique, de la transmission et du renouvellement des générations. Bien qu'il soit légitime de rechercher des espaces calmes, l'interdiction pure et simple des enfants soulève des questions éthiques importantes. Ne sont-ils pas des membres à part entière de notre communauté ?

Exclure les enfants équivaut à nier le concept même de famille. Cela crée des clivages entre générations et véhicule l'idée que certaines personnes, en raison de leur âge ou de leur comportement supposé, sont indésirables. En élargissant cette logique, où tracera-t-on la ligne dans le futur ? Aujourd'hui, les enfants, demain, les personnes handicapées ou les personnes âgées : peut-on imaginer des lieux festifs et des trains sans personnes handicapés et sans personnes âgées ? Devons-nous vraiment accepter une société où certaines catégories de population sont systématiquement marginalisées, sous prétexte de préserver le confort de quelques-uns ? Cette ségrégation va à l'encontre de notre modèle de société fondé sur la transmission et la famille.

Faut-il rappeler que nous traversons une crise démographique préoccupante ? Les familles sont le pilier de la cohésion sociale ; les affaiblir revient à fragiliser la société dans son ensemble. Nous avons évoqué le réarmement démographique dont la France a besoin. Comme le dit Laurence Rossignol, qui défend une proposition de loi visant à reconnaître la minorité comme un facteur de discrimination afin de promouvoir une société ouverte aux enfants, il est nécessaire de défendre l'idée que les enfants sont les bienvenus dans notre société – ? quand on exclut les enfants, on exclut également les familles.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir que l'espace et les services publics restent accessibles à toutes les familles –? enfants compris –, sans discrimination ? Soutiendrez-vous la proposition de loi de Laurence Rossignol pour éviter que la France devienne le pays où l'on exclut ceux qui incarnent son avenir ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je suis très intéressée par vos propos. Vous parlez à juste titre d'une société inclusive – ? c'est très important. "La force d'une nation réside dans sa cohésion", disait Jacques Chirac en 2002, dans le discours de Troyes. Il ajoutait ensuite : "Son moteur, c'est l'égalité des chances." Nous devons avoir la capacité de faire grandir la société avec la richesse de tout ce qui la compose. Les enfants en font partie : comme l'a souligné Mme Perrine Goulet, une société qui met en avant la parentalité et la place des enfants doit s'assurer qu'ils soient accueillis dans tous les lieux publics, y compris dans les transports.

Nous devons aller encore plus loin. Mme Perrine Goulet a évoqué la ville amie des enfants ; la haute-commissaire à l'enfance m'en a parlé également. Les labels apportent une reconnaissance : ils ne changeront pas tout, mais ils permettent d'afficher une volonté politique et de souligner l'importance que l'on accorde à un phénomène. Cela mérite d'être considéré.

J'ai besoin d'étudier plus en détail la proposition de loi de la sénatrice Laurence Rossignol mais, connaissant son engagement sur le sujet, je ne suis pas surprise. Son texte alimentera nos réflexions.

M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR)
L'échec du dispositif actuel de congé parental ne fait pas débat. Depuis de nombreuses années, les rapports de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), du Haut Conseil de la famille ou encore du Sénat ont démontré son inefficacité, notamment en ce qui concerne le meilleur partage du congé entre les pères et les mères.

Dans ce contexte, nous accueillons favorablement l'annonce, le 3 mars, de la poursuite du travail sur la réforme du congé parental. Vous avez d'ores et déjà annoncé que ce congé réformé serait plus court mais mieux rémunéré. Si le montant actuel est clairement insuffisant et déconnecté des besoins des familles, le raccourcissement du congé ne va pas de soi. Quand la réforme a été annoncée en 2023, 45 % des Français interrogés s'étaient déclarés défavorables à un congé parental raccourci mais mieux rémunéré ; seuls 33 % s'y étaient déclarés favorables.

Par ailleurs, il n'est pas certain qu'une meilleure indemnisation soit suffisante pour provoquer enfin un réel partage du congé entre les parents. Une étude du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) a en effet souligné que le recours à un congé paternité est plus faible aux deux extrémités de l'échelle sociale. Du côté des salariés les plus modestes, les pères indiquaient avoir peur des conséquences d'un congé paternité sur leur carrière professionnelle ; les détenteurs des plus hauts salaires invoquaient quant à eux le surinvestissement professionnel lié à des postes de direction.

Faudra-t-il maintenir un système tout à la fois incitatif et pénalisant, qui n'a vraisemblablement pas fait ses preuves ? Ne serait-il pas opportun de réformer les congés maternité, paternité et parental dans leur ensemble, comme le préconise d'ailleurs l'Igas, en vue d'atteindre le premier anniversaire de l'enfant, à partir duquel sa socialisation peut être envisagée avec plus de bénéfices ?

Enfin, la recherche d'un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle au sein des entreprises mériterait d'être abordée par la négociation collective. La nécessaire réforme du congé parental doit s'inscrire dans une réflexion plus large, qui inclut non seulement l'accueil du jeune enfant, mais aussi l'égalité et le travail. C'est pourquoi votre annonce selon laquelle cette réforme pourrait être inscrite dans un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) nous déçoit : un tel enjeu mériterait un projet de loi de politique familiale embrassant les thèmes de l'égalité entre les femmes et les hommes, des congés parentaux dans leur ensemble et de l'accueil de la petite enfance. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)

M. le président
Vous êtes arrivés après terme, monsieur Lecoq !

M. Jean-Paul Lecoq
Cela permet la qualité !

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Vos propos sont toujours de qualité. Vous l'aurez compris en m'écoutant, l'objectif est de parvenir à une solution permettant aux familles d'avoir le choix, en combinant le congé de naissance avec un congé parental plus long. Je reviendrai sur trois éléments.

D'abord, la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui permettra de soutenir les familles, notamment les plus en difficulté, comprend trois volets. L'extension du CMG aux frais liés à la garde d'enfants âgés de six à douze ans, pour les familles monoparentales, représente une vraie avancée – ? le coût de cette mesure s'élève à 450 millions par an. Pour les familles modestes et celles qui ont un fort recours à la garde, les règles de calcul seront modifiées afin de réduire le reste à charge, ce qui rendra le dispositif plus incitatif. En cas de résidence alternée, le CMG sera partagé pour éviter l'inégalité entre le parent qui bénéficie de la prestation et l'autre parent – ? cette évolution était très attendue.

Ensuite, s'agissant du congé de naissance, je souhaite instaurer un allongement volontaire des congés maternité et paternité. La compensation serait dégressive – ? elle pourrait s'élever à 70 % le premier mois supplémentaire et à 60 % ensuite. Ainsi, la rémunération serait plus forte que ce qui avait été envisagé précédemment.

Enfin, je souhaite optimiser le congé parental : le taux plein serait maintenu en cas de reprise d'une formation rémunérée et le montant forfaitaire serait augmenté la première année, peut-être avec une dose de dégressivité. Les femmes doivent pouvoir alterner garde d'enfant et retour à l'emploi. Il s'agit de leur permettre de réaliser leur souhait d'avoir des enfants tout en limitant les conséquences de ce choix sur leur vie personnelle et professionnelle – ? un élément majeur d'égalité des chances.

M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour une seconde question.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR)
Lorsque nous discutons avec les jeunes dans nos circonscriptions respectives, le premier sujet qu'ils évoquent n'est pas le congé parental, ni aucun des points que nous venons d'aborder.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je m'en doute…

M. Jean-Paul Lecoq
Leur première question porte sur l'avenir réservé à leurs enfants, dans l'hypothèse où ils en auraient : sur quelle planète allons-nous les faire vivre ? Quelle planète allons-nous leur laisser ?

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je suis d'accord avec vous.

M. Jean-Paul Lecoq
Ils se demandent aussi – ? la période s'y prête, malheureusement – comment éduquer des enfants dans un monde qui ne garantit pas la paix. Si nous ne progressons pas dans ces domaines, nous ne progresserons pas en matière de natalité.

D'autre part, mon épouse et moi avons eu la chance d'éduquer nos enfants dans une ville où l'accès aux centres de loisirs, aux colonies de vacances, aux écoles d'art, à l'école de musique et à la médiathèque était gratuit, où les transports en commun étaient aux aussi presque gratuits – ? j'ai essayé de convaincre mon voisin, le maire du Havre, de mener une politique analogue, mais il n'a pas encore craqué. (Sourires.) Les familles considéraient que l'endroit était propice à l'éducation de leurs enfants. Or les communes, dont le budget régresse, ne sont plus à même d'offrir tous ces services dans ces conditions.

Pour terminer, j'aborde une question qui n'a rien à voir. Nous avons beaucoup parlé des femmes ; j'aimerais que nous parlions des hommes. Il semblerait que le nombre d'hommes ayant la capacité naturelle de procréer diminue.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui.

M. Jean-Paul Lecoq
Ainsi que me l'ont expliqué des spécialistes du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen, le fait d'avoir en permanence un ordinateur portable ou une console de jeux sur les testicules réduirait la puissance des spermatozoïdes. J'ai été surpris de l'apprendre, mais cela mérite que la ministre de la santé se renseigne. Si tel est le cas, il semble urgent d'informer, notamment dans les lycées et les universités, qu'utiliser des appareils électroniques de la sorte peut poser un problème à l'avenir.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Beaucoup de jeunes garçons et filles s'interrogent effectivement sur l'opportunité de faire naître un enfant dans ce monde. C'est une question importante, que l'on entend souvent. J'ai moi-même évoqué dans mon intervention liminaire les facteurs que je qualifierai de sociétaux. Il est certain que le bruit de bottes ambiant n'aide pas. Quant aux sujets environnementaux, ils sont déjà mis en avant depuis un certain temps.

J'évoque les sujets environnementaux aussi parce qu'ils sont reconnus comme l'une des causes de l'infertilité masculine. Je l'ai dit précédemment, parmi les causes de l'infertilité, un tiers est lié aux hommes, un tiers est lié aux femmes et un tiers est lié au couple. C'est dire l'importance de ces questions. Je le redis, j'ai reçu avec beaucoup d'intérêt le professeur Samir Hamamah et consulté ses travaux.

Nous allons lancer un grand plan relatif à la fertilité. Une des priorités est effectivement l'information. Il faut expliquer à nos concitoyens les conséquences de certaines expositions. Je pense notamment aux perturbateurs endocriniens, sujet désormais clairement documenté. Les produits que l'on choisit et l'utilisation que l'on en fait ont une incidence.

Nous sommes dans une période de prise de conscience de la société sur ces questions. Je vous renvoie aux débats que vous avez eus récemment dans cet hémicycle sur certains textes de loi. Nos concitoyens n'ayant pas tous accès au même degré d'information, nous avons un rôle majeur à jouer à cet égard. En matière de santé – ? autre volet de mon portefeuille, auquel vous avez fait allusion –, notre première responsabilité est la prévention. Chacun de nous a un capital santé qu'il lui appartient d'entretenir, ce qui vaut aussi pour la fertilité.

M. le président
La parole est à Mme Céline Hervieu.

Mme Céline Hervieu (SOC)
Lorsque l'on s'interroge sur les freins à la natalité et sur les politiques familiales, on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion de fond sur les modes d'accueil des très jeunes enfants. Vous en avez beaucoup parlé dans votre intervention, madame la ministre, et je vous en remercie. Les politiques publiques de soutien aux crèches et à l'accueil individuel sont indispensables, car elles permettent aux parents de concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle, favorisent l'égalité entre les femmes et les hommes, et garantissent aux jeunes enfants un accueil de qualité, apportant des réponses rapides et adaptées à leurs besoins individuels.

Pourtant, force est de constater que le modèle économique des crèches est à bout de souffle. Conçu pour favoriser la création de places, le mode de financement actuel, à savoir la prestation de service unique (PSU), n'est plus adapté aux besoins des familles. Il produit des dérives graves, à la fois pour la qualité de l'accueil et pour les finances publiques. La PSU oblige les gestionnaires de crèche à optimiser en permanence le niveau d'occupation de chaque structure et ne les incite pas à améliorer la qualité de l'accueil proposé aux enfants.

Madame la ministre, nous avons travaillé ensemble sur un texte visant à lutter contre la financiarisation du secteur des crèches, notamment sur des mesures à l'égard des crèches privées à but lucratif. Je vous remercie pour le travail de bonne qualité que nous avons alors accompli en commun.

Il convient désormais de nous interroger sur une réforme structurelle du mode de financement. En effet, celui-ci ne garantit pas la pérennité économique des structures. Les coûts de fonctionnement des crèches sont en train d'exploser et l'évolution des financements de la branche famille n'a pas suivi l'inflation. Une réforme structurelle s'impose. Elle est attendue, vous le savez, par l'ensemble des acteurs. Où en êtes-vous des travaux à ce sujet ? Envisagez-vous de revenir à un financement forfaitaire, par exemple à la demi-journée, pour les structures d'accueil du jeune enfant, ainsi que l'a préconisé le rapport de la commission d'enquête sur le modèle économique des crèches ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous connaissons tous les limites du mode de financement actuel de l'accueil du jeune enfant. Nous avions eu l'occasion de l'évoquer ensemble lors de l'examen de votre proposition de loi. Nous constatons que la PSU a atteint ses limites. En effet, en dépit de certains assouplissements, la logique de facturation horaire continue à induire de très importantes lourdeurs. Quant aux microcrèches Paje, leur coût demeure élevé pour les familles, ce qui pose une réelle difficulté. Nous devons travailler sur ce mode de financement ; c'est un élément majeur si nous voulons redynamiser la création de places, sachant que 30 % des besoins de garde d'enfant ne sont pas couverts.

J'ai donc ouvert ce chantier, en commençant par une approche technique consistant à mettre à plat tous les mécanismes. Avant l'été, nous lancerons une consultation des élus et proposerons des éléments de réforme, d'abord sur une base expérimentale – ? c'est important du point de vue des élus –, avant une éventuelle généralisation.

Je profite de cet échange pour affirmer que jamais je ne sacrifierai la sécurité des enfants à des considérations tarifaires. C'est la raison pour laquelle j'ai signé le décret mettant fin au régime dérogatoire des microcrèches. Il convient en la matière de suivre les recommandations des rapports que nous avions commandés. La sécurité des enfants est pour moi un enjeu majeur.

M. le président
La parole est à Mme Céline Hervieu, pour une seconde question.

Mme Céline Hervieu (SOC)
Je vous rejoins tout à fait, madame la ministre, en ce qui concerne le décret qui a harmonisé les normes pour les microcrèches.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Merci.

Mme Céline Hervieu
Le référentiel de la qualité d'accueil du jeune enfant est en cours de finalisation. Il est prévu qu'il soit publié par décret. Quand cette publication interviendra-t-elle ?

Compte tenu de la méthode retenue pour son élaboration, ce référentiel est assez dense ; il compte une centaine de pages. D'après les premiers éléments que j'ai pu recueillir, les acteurs de terrain s'inquiètent de la manière dont ils vont pouvoir l'utiliser et en tirer des mesures opérationnelles. Il ne faudrait pas que ce référentiel, dont l'élaboration a pris du temps, ne soit finalement pas utilisé et que rien ne change.

Je ne peux pas faire abstraction de la question de la pénurie de professionnels et de l'attractivité des métiers. Elle est sur la table depuis longtemps ; le comité de filière petite enfance y travaille. Où en est-on en la matière ? A-t-on identifié des pistes pour lutter contre cette pénurie ?

En cas de manque de personnel, les gestionnaires peuvent faire appel à l'intérim, mais cela leur coûte très cher. Dans les crèches, on le sait, s'applique un principe de référencement. Ne pourrait-on pas étendre aux crèches les règles qui encadrent le recours à l'intérim dans les structures hospitalières ? Elles imposent un niveau minimal de qualification et d'expérience.

S'agissant des assistantes maternelles, je tiens à relayer l'inquiétude exprimée par Mme Annick Bouquet, présidente de la commission petite enfance de l'association France urbaine : alors que les crèches familiales sont un modèle intéressant et un véritable levier d'attractivité pour les assistantes maternelles – ? à qui elles permettent de travailler dans un cadre pluridisciplinaire –, il existe manifestement un blocage à cause d'un décret qui empêche les expérimentations innovantes en la matière. Êtes-vous au courant du problème ? Comment comptez-vous y remédier ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Le référentiel de la qualité d'accueil du jeune enfant est prêt ; il est en train d'être maquetté. Dans un premier temps, il sera mis en ligne à l'attention des professionnels, afin que ceux-ci se l'approprient et fassent un retour. Ensuite, il sera publié par arrêté. Cela aura lieu dans les quinze jours qui viennent.

L'Igas remettra à la fin du mois d'avril un rapport sur les crèches familiales. Nous avons plutôt bien avancé sur cette question aussi.

Vous avez raison d'évoquer l'attractivité, car c'est probablement le sujet le plus compliqué. Pour les crèches PSU, nous avons instauré un bonus attractivité, de 150 euros dans le privé et de 100 euros dans le public. Nous facilitons la validation des acquis de l'expérience (VAE), point très important pour nous. Pour les assistantes maternelles, nous avons doublé la prime d'installation et prévu la prise en charge de deux mois de salaires impayés.

Surtout, nous travaillons pour faciliter l'ouverture des MAM, qui constituent une réponse intéressante. On se rend compte que les professionnels éprouvent de plus en plus le besoin de travailler en groupe. On peut d'ailleurs faire une analogie avec les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) : un nombre croissant de jeunes médecins déclarent ne pas vouloir travailler seuls. De même, les jeunes assistantes maternelles expliquent que le fait de se relayer dans une MAM leur permet de diversifier les activités proposées aux très jeunes enfants. Le fait de ne plus travailler chez elles est un changement considérable. L'accueil au domicile devient de plus en plus rare, les assistantes maternelles préférant travailler dans un lieu professionnel, en quelque sorte.

M. le président
La parole est à M. François Ruffin.

M. François Ruffin (EcoS)
Madame la ministre, vous avez cité Ambroise Croizat et le général de Gaulle. La sécurité sociale a été créée après guerre pour nous protéger contre trois grands risques : la maladie, les accidents et la vieillesse – ? celle-ci étant non pas un risque, mais une chance. En revanche, ses fondateurs n'avaient pas prévu un quatrième risque, bien réel, qui frappe des millions de nos concitoyens : la séparation. Celle-ci fait désormais partie de la vie conjugale et familiale, le nombre de séparations s'établissant à 400 000 chaque année. Aujourd'hui, une famille sur quatre est une maman solo ; une famille sur dix est recomposée.

Or la séparation est un moment de fragilité, non seulement psychologique, mais aussi économique et sociale : les revenus sont divisés, voire chutent, alors même qu'il faut trouver un deuxième logement. Et ce sont les femmes qui souffrent le plus de cette fragilité économique. Dans 80 % des cas, elles héritent des enfants, ce qui représente un coût non seulement pour elles, mais aussi et surtout pour les enfants. Ainsi, près d'un enfant sur deux élevés par une maman solo vit sous le seuil de pauvreté. C'est le double de la proportion constatée pour l'ensemble des enfants, qui est déjà trop élevée.

Le pire, c'est que l'État renforce cette inégalité, par sa fiscalité : côté père, la pension alimentaire est défiscalisée ; côté mère, les revenus sont fiscalisés. Entendez-vous peser pour réformer ces règles ?

Cette fiscalité, c'est comme si la société ne s'était pas adaptée à ces nouvelles normes et au nouveau mode de fonctionnement des familles. Or le rôle du politique est selon moi d'aider et de soutenir dans les moments de risque tels que la séparation, d'amortir les chocs et les chutes, voire de les prévenir. La vie de couple n'est jamais facile. Des villes comme Viroflay proposent dans leur mairie du conseil conjugal, afin que les hommes et les femmes se parlent, disent leurs difficultés, envisagent des options et des solutions, et que, s'ils se séparent, ils le fassent dans la compréhension et la discussion, non dans les cris et les coups. Dès lors, pourquoi ne pas créer une "maison des cœurs brisés", un "France séparation", qui offrirait un accompagnement à ce moment-là ?

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je ne me prononcerai pas sur la beauté de la dénomination "maison des cœurs brisés", mais vous appelez notre attention sur un phénomène de société que l'on ne peut ignorer. Si je vous disais que j'ai tout prévu et que je déroulais un plan d'action en trois parties, vous seriez surpris, et vous auriez raison !

Nous nous interrogeons en ce moment sur l'évolution de notre modèle social. Je vous renvoie à Ambroise Croizat, avec tout le respect que j'ai pour ce qui a été réalisé à cette époque.

M. Jean-Paul Lecoq
Ministre communiste, il faut le rappeler à chaque fois !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je sais, monsieur Lecoq. C'est le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), promu à la fois par Ambroise Croizat et par le général de Gaulle, donc tout le monde s'y retrouve. Reconstitution de ligue dissoute…

M. Jean-Paul Lecoq
Voilà !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Quatre-vingts ans après, nous réfléchissons légitimement sur le sujet. Je ne vais certes pas vous proposer de créer une sixième branche de la sécurité sociale – ? je n'en suis pas là – mais je reconnais qu'il convient de nous interroger sur la pertinence des dispositifs existants.

Vous m'avez posé plusieurs questions. Je ne vous répondrai pas sur le sujet du logement même si, à titre personnel, je pense que l'augmentation du nombre de séparations et le doublement du nombre de logements nécessaires qui en découle expliquent une partie de la crise du logement.

M. Jean-Paul Lecoq
C'est vrai !

Mme Catherine Vautrin, ministre
S'il faut probablement envisager la défiscalisation des pensions alimentaires, nous donnons la priorité à la question de leur paiement, souvent problématique  – ? vous le savez comme moi –, et à celle de leur réévaluation. Agissons étape par étape !

Nous pouvons réfléchir à des lieux d'accueil, étant observé que des lieux de médiation existent déjà  – ? vous connaissez trop le terrain pour que je vous le rappelle. Ces lieux accueillent des parents dont la situation est tellement complexe qu'ils ne peuvent pas se voir ensemble avec leurs enfants sans un intermédiaire, ce qui est brutal. Ma ville est dotée de ce type de structures ; il y en a sûrement dans votre circonscription, à Abbeville ou ailleurs. Cela constitue peut-être une première piste de réponse à vos interrogations. Du point de vue de l'intérêt des enfants, il est bon de mettre en place tout ce qui permet un minimum de dialogue entre les parents, dans le respect des choix de vie qui sont les leurs.

M. le président
La parole est à M. François Ruffin.

M. François Ruffin (EcoS)
Lors d'un déplacement à Amiens, Emmanuel Macron a déclaré : "[N]ous n'avons pas de politique à avoir pour la jeunesse." De fait, la promesse fut tenue : il n'y a pas eu et il n'y a pas de politique pour la jeunesse. Or, si on veut des bébés, si on veut encourager la natalité, il faut une politique pour la jeunesse, les jeunes couples, les jeunes adultes, pour tous ceux qui sont en âge de procréer.

Nous assistons aujourd'hui à un écrasement de la jeunesse. Vous connaissez la loi du marché : ce qui est rare est cher. En matière démographique, tous les démographes le disent, c'est quasiment l'inverse : ce qui est rare est écrasé. Actuellement, la jeunesse subit un écrasement social, avec un taux de pauvreté deux fois supérieur à celui du reste de la population, un écrasement professionnel, avec un taux de chômage également deux fois supérieur à celui des Français en général, un écrasement moral puisqu'un tiers des jeunes souffrent de dépression, et un écrasement politique, avec quatre fois moins de votants parmi les jeunes que dans les autres tranches d'âge.

Que faire pour sortir la jeunesse de cet écrasement ? Pendant la crise du covid, j'avais proposé une espèce de contrat intergénérationnel à l'image de ce que nous avons fait pour les personnes âgées. Autrefois, dans les classes populaires, on vieillissait dans la misère, c'était une sorte de fatalité. Le programme du CNR a permis de la battre en brèche parce qu'on est passé d'une solidarité familiale à une solidarité nationale et à une solidarité sociale. Aujourd'hui les choses se sont inversées : c'est presque une fatalité, quand on est jeune, de vivre dans la pauvreté. Je pense qu'ici aussi, nous devrions passer d'une solidarité familiale à une solidarité sociale et nationale.

Au moment de la crise du covid, Emmanuel Macron avait dit : "Nous travaillons pour qu'en avril 2025 puisse paraître une une sur notre jeunesse qui aurait tourné la page de la pandémie." Quatre années se sont écoulées et la date fatidique approche : c'est la semaine prochaine. Alors, d'ici quelques jours, quelle une comptez-vous publier ? Avec quels chiffres ? En effet, je l'ai dit, les taux de pauvreté des jeunes sont toujours deux fois plus élevés que ceux des autres tranches d'âge, les taux de chômage deux fois supérieurs, 75 % des jeunes jugent l'avenir effrayant et chez les moins de 45 ans, la part des propriétaires a été divisée par deux alors que vous savez l'importance de l'immobilier.

M. le président
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
J'entends ce que vous dites mais on ne peut pas affirmer qu'il n'y a strictement rien pour la jeunesse ! Des dispositifs existent : par exemple, les aides aux vacances et le pass colo. Bien sûr, ces dispositifs ne sont pas destinés à aider les jeunes à se projeter dans la vie, c'est un autre sujet, mais ils existent.

Le problème de la pauvreté au sens financier du terme appelle des réponses. J'en ai évoqué un certain nombre ; là encore, même si elles sont incomplètes, elles existent.

Une deuxième question me semble tout aussi importante à traiter : celle de l'ouverture de l'esprit, de l'ouverture à la culture au sens large. Selon moi, l'une des premières inégalités consiste à pas pouvoir choisir le métier et la vie que l'on veut, par manque de connaissances.

Comme vous, je suis tout le temps sur le terrain et, parce que je suis chargée de l'apprentissage, il m'est arrivé d'interroger des apprentis et de leur demander pourquoi ils ont choisi tel ou tel métier. Quand un sur deux me répond : "Parce que c'est le métier de mon père et que je n'en connaissais pas d'autres", je me dis que notre travail doit commencer là. Il nous faut faire découvrir à chacun les possibilités qui lui sont ouvertes et, ensuite, permettre leur réalisation. Cela ouvre un grand champ d'action interministériel, avec de nombreux leviers d'action ; à nous de les explorer.

J'ignore si, la semaine prochaine, les ministres chargés de l'éducation et de la jeunesse publieront un document à ce sujet  – ? peut-être –, mais en tout état de cause, c'est ce qui doit guider notre politique parce que c'est incontestablement ce qui permettra à chacun d'assumer demain son destin.

M. le président
Je remercie le groupe Les Démocrates et Mme la présidente Goulet pour l'inscription de ce débat à l'ordre du jour, l'ensemble des députés, notamment nos trois rapporteurs, pour leurs questions, et Mme la ministre pour ses réponses exhaustives données dans les temps.
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 31 mars 2025