Texte intégral
Monsieur le Président, cher Xavier,
Mesdames et messieurs les députés et les élus locaux,
Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités,
Je suis ravie d'être aujourd'hui à Lille pour l'édition 2025 du « Forum InCyber ».
Permettez-moi dans un premier temps de féliciter ses organisateurs et le Président de la région pour le succès du Forum InCyber. Grâce à eux, la capitale des Hauts-de-France a réuni, au cours de ces trois derniers jours, le meilleur de l'écosystème cyber mondial. C'est une fierté, deux mois après le " Sommet pour l'action en matière d'IA ", que la France soit à nouveau au coeur de l'Europe et du numérique.
Je suis d'autant plus fière que l'Europe est ici réunie dans un moment charnière. Le Président Donald Trump a annoncé hier soir la hausse de 20% de droits de douane sur l'ensemble des biens européens qui sont importés aux États-Unis. Je tiens donc naturellement à débuter mon propos sur le sujet.
La guerre commerciale qui débute ce jour est une guerre idiote. Je regrette le choix politique qui est fait par l'administration américaine. Je ne souhaite pas d'escalade commerciale. Ainsi, les droits de douane augmenteront les prix des biens importés et nourriront l'inflation.
Il est d'ailleurs nécessaire de rappeler que les entreprises et les citoyens américains seront les premières victimes de cette guerre qui ne fera que des perdants.
Mais soyons clairs : l'Union européenne répondra de manière ferme et unie. Le Ministre de l'économie Eric LOMBARD a d'ailleurs eu l'occasion de le rappeler : nous ferons face ensemble et répondrons de manière proportionnée pour chaque euro, pour chaque centime, d'intérêt européen menacé. Nous mobiliserons pour se faire l'ensemble des instruments européens à notre disposition.
Je tiens toutefois à redire ici qu'aucune décision n'a été prise à ce stade et que nous échangerons, à 27, unis, entre européens, pour prendre la meilleure décision.
Elle sera ferme mais proportionnée.
Ainsi, l'Europe est prête. Elle est forte de son marché de 450 millions de citoyens. Et je crois qu'aucune entreprise américaine, y compris dans le secteur du numérique, n'aient à gagner à cette bataille. L'Europe est plus forte que nous le pensons. L'Europe et la France doivent également protéger face à la crainte légitime de nos entreprises. Je tiens donc ici à rassurer l'ensemble des filières qui seront touchés par les droits de douane. Le Président de la République les recevra dès cet après-midi et aura l'occasion de rappeler la mobilisation et l'action du Gouvernement à leurs côtés.
Si j'ai commencé mon propos par cette clarification nécessaire, c'est aussi parce la situation géopolitique que je viens de décrire donne raison, je crois, à l'agenda que nous portons, avec le Président de la République. Cet agenda, c'est celui d'une Europe du numérique souveraine. C'est celui d'une Europe consciente des dépendances dans lesquelles elle s'est parfois enfermée. C'est celui d'une Europe qui protège. C'est aussi, enfin, celui d'une Europe qui regarde et investit fièrement dans l'avenir et le progrès technologique.
C'est à ces 3 conditions, je crois, que nous construirons l'autonomie stratégique que le Président de la République appelle de ses voeux depuis 2017 et le discours de la Sorbonne.
La première condition, je le mentionnais, c'est de connaître nos dépendances. Le changement de contexte nous pousse à réévaluer plus finement ces dépendances en particulier dans le secteur numérique.
La France comme l'Europe sont aujourd'hui dépendantes de l'extraction de matières premières, d'entreprises productrices de cartes graphiques ou de fournisseurs de cloud qui sont en position oligopolistique sur le marché européen. Oui, nous avons des dépendances. Mais arrêtons sans cesses de nous auto-censurer. La France a des atouts considérables qu'il faut mettre en avant. Nous disposons d'une énergie décarbonée et stable, d'infrastructures de calcul publiques et privées, de talents enviés dans le monde entier et d'entreprises qui peuvent être les leaders de demain.
En bref, nous avons toutes les cartes en main pour réussir dans le monde et l'économie de demain.
La deuxième condition c'est de protéger. C'est bien l'objet du FIC et l'ambition des entreprises et experts ici réunis.
Les cyber attaques sont aujourd'hui une réalité. Les attaques auxquelles nous faisons face sont de plus en plus sophistiquées, variées, automatisées et touchent un public plus large. Nous devons développer nos propres capacités de défense, mais aussi protéger et armer nos infrastructures stratégiques, nos entreprises et nos citoyens face aux menaces d'une nouvelle forme. C'est tout le sens du projet de loi Résilience adopté par le Sénat le 12 mars dernier et que je porterai devant l'Assemblée nationale d'ici quelques mois. Ce projet de texte se construit aussi collectivement également au FIC. C'est en débattant ici, en échangeant ensemble que nous ferons du texte un succès.
Je veux insister sur un point essentiel : la cybersécurité ne doit pas être l'apanage des grandes structures. Elle doit devenir une culture partagée, ancrée dans tous les territoires, à tous les niveaux de responsabilité. C'est l'opportunité qui est devant nous, grâce à ce texte de loi.
Réussir ce défi suppose un effort de formation, de sensibilisation, mais aussi d'accessibilité à des ressources techniques et humaines. C'est pourquoi je souhaite que le dispositif Cyber PME – dispositif de France 2030 qui permet aux petites et moyennes entreprises d'être accompagnés – sera renforcé.
Enfin, l'Etat français, grâce au travail sans relâche de l'ANSSI, a été précurseur pour protéger les données les plus sensibles des administrations en développant la certification " SecNumCloud ".
Je continuerai de porter cette ambition au niveau européen pour faire émerger des solutions de confiance pour nos administrations et nos entreprises.
Enfin, la troisième condition, sans doute la plus importante, c'est bien sûr de continuer à innover, en européens, pour faire émerger les champions de demain. A cet égard, je suis très fière d'appartenir à un Gouvernement résolument pro-européen qui n'a jamais changé de cap et qui continue de croire dans l'innovation et le progrès scientifique.
Depuis 2018, la France a beaucoup fait. Avec France 2030, elle a investi plus de 50 milliards d'euros dans les technologies de demain pour rattraper le retard industriel que nous avons accumulé. La stratégie de la France a porté ses fruits.
Si nous souhaitons aller plus loin, nous devons maintenir le cap des réformes mais également réfléchir à renforcer la capacité de l'Union européenne à investir massivement dans les technologies les plus disruptives.
C'est tout le sens de l'Agenda de Versailles que le Président de la République avait construit lors de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne.
Comme l'a encore récemment rappelé Mario Draghi dans son rapport pour la compétitivité européenne, c'est un choc d'investissement qu'il nous faut produire. Je porte donc avec détermination une réorientation des financements français et européens vers les technologies plus stratégiques, comme l'IA, le quantique, le cyber ou la défense.
Aux grands patrons qui hésitent, je veux le redire, des solutions européennes, innovantes et compétitives existent, y compris dans le secteur du cloud. Si les grands patrons veulent acheter des solutions françaises, chiche !
Aussi, ces solutions ont l'avantage d'être souveraines, protectrices de nos valeurs et de notre patrimoine informationnel.
Ainsi, en conclusion, je crois important de rappeler que la mobilisation pour la souveraineté numérique doit être collective.
Il s'agit d'un impératif, d'une condition sine qua none si nous souhaitons réussir à construire l'autonomie stratégique de l'Union européenne.
Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 7 avril 2025