Interview de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à LCI le 4 avril 2025, sur les emplois menacés à Intermarché, les conséquences de l'augmentation des droits de douane aux États-Unis, la manifestation à l'initiative du Rassemblement national et la contre-manifestation des partis de gauche le 6 avril et la simplification de France Travail.

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Média : LCI

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Je suis curieux de savoir ce qu'en pense la ministre qui est en charge de tout le pôle social du Gouvernement et qui est notre invitée ce matin. Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des familles. Bonjour Catherine VAUTRIN.

CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Jean-Baptiste BOURSIER.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci d'être avec nous ce matin sur LCI.

CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Un mot pour les salariés, s'il vous plaît, ancien CASINO, nouvellement INTERMARCHÉ, 680 emplois sont menacés. Est-ce que vous êtes en contact avec la direction du groupe ?

CATHERINE VAUTRIN
Bien sûr. J'ai rencontré le groupe et d'ailleurs j'ai longuement discuté avec eux parce qu'il y a deux approches. Il y a des magasins qui ont été repris et dans certains cas, il y a des créations d'emplois pour certains sites qu'ils ont repris. Et puis malheureusement, il y a effectivement des sites dont vous venez de parler qui sont ceux qui vont fermer, avec des sujets évidemment d'accompagnement, et le travail qui va être le nôtre, c'est évidemment, dès que le PSE, le plan social est signé, c'est d'accompagner chacun de ces salariés pour préserver leur employabilité, pour leur permettre surtout de rebondir dans les meilleurs délais.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc éviter 680 pertes sèches d'emplois.

CATHERINE VAUTRIN
Exactement.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Vous avez des objectifs ? Vous avez fixé des objectifs ?

CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, nous sommes territoire par territoire puisque quand vous regardez la liste, vous êtes aussi bien dans l'Est à Metz que vous êtes aux Pennes-Mirabeau à côté de Marseille. Donc les endroits sont très nombreux et donc c'est sur chaque territoire en fonction des besoins des territoires. Parce que fixer des objectifs, c'est bien. S'adapter aux besoins du territoire, c'est mieux si on veut que les personnes puissent effectivement répondre aux besoins du marché du travail du secteur.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame la ministre, hier, Patrick MARTIN, patron du Medef, estime, je le cite, que des centaines de milliers d'emplois sont menacés par les annonces de Donald TRUMP. Est-ce que vous avez la même estimation ? Centaines de milliers d'emplois en France.

CATHERINE VAUTRIN
Alors, je n'ai pas aujourd'hui une estimation sur le nombre d'emplois mais ce qui est certain, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle dès hier le président de la République a réuni l'ensemble des filières. C'est bien pour mettre en avant la volonté, qui est celle de notre pays, de protéger notre pays. Protéger le pays, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire d'abord travailler notre souveraineté parce qu'il y a des enjeux de production. Nous avons des échanges commerciaux très importants avec les États-Unis et je pense qu'il faut que chacun mesure que cette crise est une crise qui remonte globalement à des crises comme on a pu en connaître dans les années 30. C'est absolument majeur avec deux éléments, d'un côté les exportations que nous ne pourrons pas faire et d'un autre côté, le risque qui est peut-être aussi que le marché chinois ou asiatique pourrait déporter vers l'Europe, les États-Unis absorbant moins. Donc on a deux enjeux, un enjeu de production, on a un énorme enjeu d'exportation. Je suis Champenoise.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Oui.

CATHERINE VAUTRIN
Je vous donne un exemple très concret, le champagne c'est un enjeu majeur. Évidemment l'économie américaine importait beaucoup de champagne, un petit peu pour les vins d'Alsace. Donc là, on est sur cette seule région. Si je prends les vins et spiritueux, si j'ajoute la partie automobile, et si je mets un peu de pharmaceutique, c'est plus de 5,4 milliards pour juste la région Grand Est, pour vous donner une idée de l'impact financier.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame VAUTRIN, est-ce que la France va montrer les muscles à l'issue de l'expertise secteur par secteur, comme l'a dit le président de la République ?

CATHERINE VAUTRIN
Non seulement la France va montrer les muscles, mais surtout vous avez vu le travail qui est porté vraiment par le président de la République, le Premier Ministre, c'est aussi que l'Europe cesse sa naïveté. En d'autres termes, nous représentons un marché de 450 millions de consommateurs. Donc nous avons à protéger notre marché et à travailler ensemble. Premier sujet, d'ici le 15 avril, c'est l'augmentation des taxes sur l'aluminium et sur l'acier. Et dans un deuxième temps, ça sera des réponses pour chacune des filières. Parce que montrer les muscles, c'est ça.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc ça veut dire que nous aussi, nous allons augmenter nos droits de douane…

CATHERINE VAUTRIN
Bien sûr que oui. Et parallèlement à ça, on a aussi à travailler pour ne pas non plus casser la corde. Parce que ce qu'il faut également regarder ce sont les conséquences sur le marché américain. Vous avez vu l'effondrement de la Bourse. Je prends un exemple que tout le monde connaît, APPLE. Hier, APPLE dévissait de 9 %. Si vous regardez le dollar, le dollar hier baissait. On était à 1,10 dollars pour un euro. Donc les conséquences pour le marché américain lui-même sont très importantes. Et la question c'est pendant combien de temps les entreprises américaines vont regarder cette situation. Donc c'est une crise absolument majeure. Protéger les Français, réagir, renforcer notre souveraineté et bien évidemment travailler avec l'Europe.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Je voudrais que nous penchions sur ce qui va arriver dimanche madame VAUTRIN. Il y a eu une manifestation à Paris, à côté des Invalides, à l'initiative du Rassemblement National pour, je cite, sauver la démocratie. Xavier BERTRAND, qui est Républicain, disait hier : "Il craint un remake du Capitole". L'accusation est assez grave. Il y aura une contre-manifestation initiée par les partis de gauche. Est-ce que vous êtes inquiète, vous, de cette journée-là ?

CATHERINE VAUTRIN
Écoutez, moi, j'ai entendu le préfet de police de Paris qui a lui-même expliqué qu'il ne voyait pas à ce stade d'enjeu majeur. Bien évidemment les mesures de sécurité vont être prises. Je crois qu'il est important de rappeler aujourd'hui une chose, c'est que tout justiciable peut évidemment faire appel, premier élément. Deuxième élément, le respect que l'on doit individuellement à chacun des magistrats. Troisièmement, je ne commenterai évidemment pas un verdict, pour autant je dirais simplement, et je crois que c'est très important, que l'application d'un texte peut bouger dès lors que le Parlement en décide. Donc aujourd'hui, si les parlementaires…

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
C'est le sens de la proposition de monsieur CIOTTI.

CATHERINE VAUTRIN
Si les parlementaires ne sont pas d'accord, qu'ils peuvent déposer un texte de loi, qu'ils le discutent, et les parlementaires auront le dernier mot.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Est-ce que vous étiez troublé, comme monsieur BAYROU, à la lecture de l'énoncé ?

CATHERINE VAUTRIN
Moi, si vous voulez, je n'ai pas de réaction. La justice fait son travail.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Encore un mot sur cette journée, puisque avec le Premier ministre, justement, vous déplacez à FRANCE TRAVAIL à Nanterre. Il va être question de simplification. D'ailleurs, j'allais dire, c'est un des chantiers initiaux d'Emmanuel MACRON au moment de son élection en 2017.

CATHERINE VAUTRIN
Oui. Et on peut continuer parce qu'en matière de simplification, il y a encore des choses à faire.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Continuer ou vraiment commencer, alors ?

CATHERINE VAUTRIN
Non. Alors, il y a déjà des choses qui ont été faites. Et aujourd'hui, ce que nous allons mettre en avant, deux choses. Vous avez 6 millions de Français qui perçoivent le RSA, la prime d'activité. Très concrètement, depuis le 1er mars, leurs documents sont pré-remplis, exactement comme pour la déclaration d'impôt. Ça veut dire qu'ils n'ont plus qu'à vérifier si ce qui a été déclaré est juste ou pas. Ça évite toutes les erreurs, ça évite tous les recours. Donc c'est une économie, évidemment, pour chaque citoyen. Mais c'est aussi beaucoup moins d'administratif. Et ça évite tous ces recours. Deuxième élément, dire aux Français, dites-le-nous une fois. C'est-à-dire des systèmes informatiques qui se parlent entre les départements, la CAF, POLE EMPLOI, Cap Emploi. Et ça veut dire qu'on remplit une seule fois vos dossiers.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais c'est faisable, ça ? La France est réformable de ce point de vue-là, madame Vautrin ? On a l'impression que c'est un vœu pieux. Tout le monde le dit depuis des dizaines d'années.

CATHERINE VAUTRIN
Ce que je viens de vous dire sur le RSA, ce n'est pas on va faire, c'est fait. C'est fait depuis le 1er mars sur toute la France, après avoir testé sur six départements. Ce dont je vous parle là, dites-le-nous une fois, c'est pareil. Ce sont des choses que le Premier ministre va voir parce qu'elles sont mises en place. Et je voudrais souligner le travail de FRANCE TRAVAIL, des équipes de département.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Les salariés, que leur dites-vous de FRANCE TRAVAIL ? Ils étaient en grève cette semaine. Ils sont inquiets de cette loi de simplification.

CATHERINE VAUTRIN
Mais elle est absolument indispensable. Les salariés de FRANCE TRAVAIL font partie des agents qui ont le plus progressé. On a énormément fait bouger FRANCE TRAVAIL de façon à mieux répondre aux besoins qui sont ceux du pays, c'est-à-dire la gestion prévisionnelle des emplois. En d'autres termes, à l'échelle du bassin de vie, faire se parler les entreprises qui expriment leurs besoins, les salariés qui, eux, cherchent. Le but de la manœuvre : on permet aux salariés, aux demandeurs d'emploi d'aller dans l'entreprise. Ils testent un emploi, ça marche, ils continuent, ils se forment. Donc de l'efficacité, le pays en a besoin pour sa productivité. La gestion prévisionnelle des emplois, c'est, un, moins de demandeurs d'emplois et, c'est, deux, une industrie plus compétitive.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci beaucoup madame la ministre d'avoir été avec nous ce matin.

CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 avril 2025