Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème : "La santé mentale, grande cause du Gouvernement pour l'année 2025 : quels moyens pour en faire une priorité ?"
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je le rappelle, l'auteur de la demande du débat dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande du débat dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la santé mentale est l'un des grands défis de notre époque. La consécration de cet enjeu comme grande cause nationale est le reflet d'une prise de conscience.
Je tiens à le mentionner d'emblée, cette prise de conscience a été notamment permise par l'engagement des parlementaires, sénateurs comme députés, issus de tous bords politiques, qui se sont largement investis sur ce sujet au cours des dernières années.
C'est pourquoi je tiens à remercier le groupe socialiste, et en particulier Marion Canalès, d'avoir inscrit ce sujet à l'ordre du jour et de nous donner ainsi l'occasion d'en débattre publiquement. En effet, je partage tout à fait l'ambition autour de laquelle nous nous réunissons ce soir : celle de nous donner les moyens de faire de cette grande cause qu'est la santé mentale une priorité.
J'ajouterai qu'il faut surtout se demander comment nous donner les moyens d'en faire une cause durable, car l'état inquiétant de la santé mentale de nos concitoyens, notamment d'une partie de notre jeunesse, nous oblige : vous l'avez dit, madame Canalès, un Français sur cinq est concerné par des troubles psychiques, notre pays est le premier consommateur de psychotropes d'Europe et le suicide reste tragiquement la première cause de décès chez les 15-35 ans.
Les besoins de soins ne cessent d'augmenter, révélant à la fois une meilleure acceptation des troubles psychiques et la nécessité d'adapter notre système de santé. En parallèle, les professionnels font face à des tensions croissantes : attractivité en berne, surcharge de travail ou encore manque de ressource médicale. Nous sommes tous concernés par ce qui représente un enjeu prioritaire de santé, indissociable de la santé globale, mais qui est aussi, plus largement, une véritable question de société.
Dans ce contexte, nous devons avoir un cap commun : faire en sorte que cette grande cause soit non pas un slogan ou un phénomène éphémère, mais un mouvement de fond. La mobilisation collective doit embarquer tout le système de santé et l'ensemble de la société.
Je l'ai évoqué d'emblée, les parlementaires prennent largement leur part dans cette démarche. En tant que ministre de la santé, je vois le nombre de propositions de loi, de rapports d'information et de débats qui portent sur ce sujet, avec des initiatives parfois très intéressantes provenant de tous les groupes.
Ici, au Sénat, on peut, par exemple, mentionner la mission d'information sur la grande cause qu'est la santé mentale menée par Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin et qui fait directement écho à notre débat de ce soir. C'est d'ailleurs votre assemblée qui, la première, avait érigée la santé mentale, et spécifiquement celle des jeunes, en grande cause de dimension nationale, en janvier 2024, avec une résolution votée sur l'initiative de la sénatrice Nathalie Delattre.
Cet engagement parlementaire fait écho à des mentalités qui évoluent. On parle de plus en plus, et de plus en plus librement, de santé mentale dans les écoles, au travail, entre amis ou en famille. Des personnalités connues du grand public prennent aussi la parole, contribuant à supprimer le stigmate qui a longtemps pesé sur la maladie mentale. Je pense notamment à une personnalité qui a récemment révélé sa bipolarité.
Dans cette perspective et en lien avec le Parlement, la responsabilité du Gouvernement, et du ministre de la santé en particulier, est d'ancrer notre politique en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie dans une ambition de long terme, clairement affirmée et transversale.
Tel était l'objet de mon intervention lors du conseil des ministres du 19 mars dernier, durant lequel, sur la demande du Premier ministre, j'ai présenté devant l'ensemble du Gouvernement les grandes lignes de mon action pour réussir à donner corps à cet engagement politique fort et interministériel. J'ai pu, à cette occasion, insister sur mes priorités d'action, que je vais décliner devant vous.
La première priorité est le développement de l'accès aux soins et le renforcement de la prévention.
L'investissement important des dernières années, avec une hausse de 42 %, soit de 3 milliards d'euros, du budget consacré à la santé mentale et à la psychiatrie entre 2020 et 2024, a permis de mettre en place de nombreux dispositifs de prévention et de repérage précoce ; le numéro national 3114, de prévention du suicide, les dispositifs VigilanS et Sentinelle, ainsi que la formation des médecins du travail à la détection des troubles psychiques en sont l'illustration. Ce sont autant de dispositifs qui prennent de l'ampleur et que je veux renforcer pour garantir un accès rapide aux soins psychologiques et psychiatriques.
J'entends aussi poursuivre et amplifier la montée en charge de Mon soutien psy, qui, je le rappelle, est accessible et remboursé dès l'âge de 3 ans. Ce dispositif fonctionne de mieux en mieux. Le dernier point d'étape sur ce dispositif a montré que plus de 500 psychologues supplémentaires avaient choisi de s'investir dans ce dispositif le mois dernier.
Je vous réaffirme par ailleurs mon souhait d'engager une réforme des urgences psychiatriques, afin de garantir une prise en charge adaptée dans chaque territoire et de désengorger les services hospitaliers, à la suite du rapport parlementaire qui m'a été récemment remis par les députées Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat.
Vous le voyez, je compte bien m'appuyer sur les nombreux travaux parlementaires.
Toujours dans cette logique de mobilisation collective et transversale, j'ai demandé hier à la Commission nationale de la psychiatrie d'élaborer des propositions d'évolution de la psychiatrie de secteur pour qu'elle puisse, d'une part, mieux se coordonner avec les autres dispositifs du paysage psychiatrique comme les centres experts et, d'autre part, réduire les délais de prise en charge en centre médico-psychologique, qui sont souvent encore trop longs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que nous partageons le souhait d'ériger la santé mentale en priorité et de faire un effort particulier envers la jeunesse, pour laquelle je veux que notre investissement soit total.
Pour cela, nous allons renforcer les maisons des adolescents et les CMP infanto-juvéniles afin de répondre à la détresse psychologique croissante des enfants et des adolescents, tout en permettant une meilleure orientation dans l'offre de soins existante. Nous allons aussi porter une attention spécifique aux plus vulnérables, notamment aux enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et aux familles les plus précaires.
Je veux également insister sur l'importance que j'accorde à la lutte contre toutes les formes d'addiction, une source importante de souffrance psychique, qu'elles qu'en soient les causes et les conséquences aggravantes.
J'en viens à ma deuxième priorité : la formation et l'attractivité de la psychiatrie. En effet, sans un surcroît de professionnels de santé engagés en psychiatrie, toutes les actions importantes que je viens de mentionner ne resteront que des vœux pieux.
Il est important de le rappeler, si la maladie psychiatrique fait partie de la santé mentale, elle doit aussi être envisagée comme un sujet à part entière. La "déstigmatisation" de la santé mentale ne doit pas conduire à euphémiser la gravité de ces pathologies, qui nécessitent une prise en charge médicale par des spécialistes.
Je veux donc renforcer la formation de ces spécialistes et tout mettre en œuvre pour que de plus en plus de jeunes aient envie de rejoindre cette discipline certes complexe, mais essentielle, et qui reste encore, même dans le monde médical, mal connue, mal reconnue et mal comprise.
Je souhaite en particulier permettre à plus d'étudiants en santé d'effectuer un stage en psychiatrie pendant leur cursus. Il en ira de même pour le cursus paramédical des infirmiers. Cela leur permettra de découvrir très concrètement cet univers plus tôt dans leurs études, alors que 37 % des futurs médecins avouent encore que la psychiatrie continue de leur "faire peur".
Je sais que cette appréhension vis-à-vis de la psychiatrie s'explique en partie par plusieurs drames, y compris très récents, liés à des actes de violence commis par des patients relevant de la psychiatrie.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Je conclus rapidement, monsieur le président.
Ces drames nous amènent à prendre des mesures fortes. Nous aurons l'occasion, comme Bruno Retailleau l'avait indiqué, de revenir sur les mesures pénales ici, au début du mois de mai, avec la proposition de loi de Philippe Pradal.
J'espère également que vous m'accorderez une majorité lorsque nous discuterons de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, que j'avais déposée en tant que député, pour former plus de médecins.
Enfin, je souhaite favoriser l'engagement des paramédicaux, notamment par le développement des infirmiers en pratique avancée en psychiatrie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurai l'occasion de compléter mon propos lors des réponses à vos nombreuses questions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Anne-Sophie Romagny et Mireille Conte Jaubert applaudissent également.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum, y compris l'éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute supplémentaire ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ou psychiatriques passe également par la garantie de leur propre sécurité. J'ajoute que changer le regard de la société sur la santé mentale ne peut se faire sans garantir la protection de tout un chacun, afin d'éviter que les exceptions dramatiques ne deviennent le prisme dominant par lequel on perçoit le sujet.
En 2011, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pointait déjà de graves défaillances en matière de sécurité dans les établissements psychiatriques. Ce rapport évoquait le nombre de 10 000 fugues par an chez les patients hospitalisés sans consentement, ainsi qu'une vingtaine d'homicides sur cinq ans. Il dénonçait une sous-estimation des agressions, notamment sexuelles, et une organisation sectorielle peu adaptée à la diversité des pathologies.
Or des drames récents prouvent que des failles demeurent. Il y a quinze jours, à Massy, dans l'Essonne, département dont je suis élue, une femme a perdu la vie, poussée sur les rails du RER B par un homme souffrant de troubles psychiatriques et ayant fugué d'un établissement spécialisé.
Je veux le dire avec force : il ne s'agit pas de stigmatiser les personnes malades, elles-mêmes victimes de leurs propres troubles, ni de mettre en cause les soignants, qui ne sont ni gardiens de prison ni agents de sécurité. Toutefois, il nous incombe de viser ensemble deux objectifs fondamentaux : garantir les droits et la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement, tout en ne renonçant pas à la sécurité de tous.
Cet homicide, comme d'autres, nous impose une feuille de route claire pour sécuriser les établissements, prévenir les fugues et protéger patients, personnel, familles et citoyens. C'était en partie l'enjeu du plan pour la sécurité des professionnels de santé publié en septembre 2023 qui, parmi quarante-deux mesures, prévoyait notamment d'améliorer la formation, de financer des dispositifs d'alerte ou encore d'inciter les collectivités à déployer des caméras de vidéosurveillance à proximité des établissements.
Monsieur le ministre, ce plan a-t-il donné lieu à un premier bilan en matière de psychiatrie ? Le Gouvernement entend-il mener de nouvelles actions pour mieux sécuriser nos établissements psychiatriques ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Guidez, vous m'interrogez sur la sécurité des établissements psychiatriques et celle de l'ensemble de nos concitoyens, à l'extérieur des établissements. Il s'agit d'un sujet bien légitime et nous avons tous à cœur de protéger les soignants et les patients.
D'abord, il faut sécuriser les infrastructures psychiatriques, afin de mieux protéger les patients. Cela implique de moderniser les unités et de prévoir une meilleure organisation des espaces, notamment pour les patients agités ou agressifs et ceux qui ont tendance à fuguer.
Ensuite, il faut renforcer les équipes spécialisées, notamment les équipes mobiles de crise ou d'après-crise, afin d'anticiper les décompensations et d'éviter les hospitalisations sous contrainte, qui sont toujours très difficiles à mettre en œuvre, notamment pour les maires. Le programme Quality Rights, soutenu par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), permet de réduire les pratiques coercitives et les contentions dans les établissements et de favoriser d'autres solutions thérapeutiques.
Enfin, il faut améliorer la sécurité des soignants, que j'ai évoquée tout à l'heure à la tribune. Selon les dernières données dont je dispose, le nombre d'agressions de soignants est d'environ 24 000 par an, et ce chiffre est probablement sous-estimé. La proposition de loi de l'ancien député du groupe Horizons Philippe Pradal sera examinée ici, début mai. Elle permet de renforcer les peines pénales, de rendre obligatoire la déclaration par les établissements des agressions de soignants, de favoriser le dépôt de plainte et surtout de rendre anonyme ce dernier, afin d'éviter que le personnel ne subisse des représailles.
Ce bouquet de mesures permettra, je l'espère, de protéger nos soignants. Cela ne nous empêche pas de travailler par ailleurs avec, d'une part, le secteur libéral, pour faire porter le dépôt de plainte par un ordre ou un syndicat, et, d'autre part, les élus locaux, sur les sujets de la vidéoprotection et des polices municipales.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La santé mentale a été élevée au rang de grande cause nationale de 2025. Il s'agit d'un grand pas en avant pour nos concitoyens, qui nous amène à nous poser la question de l'effectivité de la prise en charge des patients en France et de l'adaptation de notre système de santé à la prise en compte d'un phénomène qui est de moins en moins ignoré.
À ce propos, je salue la prise de parole salutaire et courageuse de Nicolas Demorand sur sa bipolarité et l'errance médicale et pharmaceutique que peuvent vivre les patients. Par exemple, la quétiapine est en rupture totale de stock sur le territoire national depuis plusieurs mois.
Il faut évoquer le mal-être, de plus en plus documenté, de notre jeunesse et de toute notre société. Nous le savons, les chiffres sont inquiétants : 20 % de la population est atteinte de troubles psychiques ; le nombre de suicides est de 6 000 par an, et c'est la première cause de mortalité des 16-25 ans ; un jeune sur deux montre des signes de troubles psychiques, en particulier depuis le covid-19.
La prise en charge de ces troubles est toutefois empêchée par la désertification médicale, avec ce qu'elle suppose de prévention ratée, par les ruptures d'approvisionnement en médicaments ou, plus largement, par le manque de personnel médical.
Je veux illustrer mon propos en évoquant le service de pédopsychiatrie de Lens, dont le dernier médecin, qui assurait seule la gestion de dix unités fonctionnelles, démissionne. Sans médecin, les services ne peuvent plus fonctionner pour aider nos plus jeunes. Ce sont ainsi 2 500 enfants et jeunes qui se retrouvent sans solution, sur un bassin de vie de 240 000 habitants. Or, si les troubles ne sont pas traités au plus tôt, les pathologies psychiatriques vont se cristalliser et être encore plus difficiles à traiter.
Nous considérons que le système de santé et de protection sociale doit s'appuyer sur le triptyque accompagnement-traitement-soins adaptés pour chaque patient. Quels moyens l'État entend-il mettre en place pour y parvenir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, les troubles bipolaires touchent environ 1 % à 2 % de la population. Vous avez évoqué les personnalités qui rendent publique leur maladie, ce qui permettra, je l'espère, de lever le voile sur ces pathologies souvent mal diagnostiquées ou diagnostiquées tardivement, avec des errances thérapeutiques aggravant la situation.
Ces pathologies très particulières, qui entraînent des troubles psychiatriques sévères, font pleinement partie de la priorité que nous donnons à la santé mentale, grande cause nationale. Aux côtés des troubles bipolaires, d'autres pathologies, comme la schizophrénie, bénéficient de centres experts labellisés par la fondation FondaMental. Ces centres offrent une prise en charge dans plusieurs champs, notamment les dépressions résistantes, les troubles bipolaires, la schizophrénie et l'autisme de haut niveau, avec des pratiques harmonisées et un référencement international.
Ensuite, il y a naturellement la question des moyens. Je le répète, notre souhait est de pouvoir former plus et mieux les professionnels médicaux et paramédicaux, ainsi que les psychologues, afin de réduire les délais de prise en charge dans les centres médico-psychologiques et de restaurer l'image de la psychiatrie. Je ne citerai qu'un chiffre à ce sujet : 60 % des étudiants considèrent la psychiatrie comme une sous-spécialité, une spécialité mal valorisée.
L'enjeu est important : si l'on veut que la situation s'améliore, il faut renforcer l'attractivité de la psychiatrie, ce qui implique notamment de faire passer les étudiants en médecine dans les services de psychiatrie.
En ce qui concerne enfin la quétiapine, vous savez sans doute que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a autorisé le remplacement de ce médicament sur la base d'un tableau d'équivalence et le recours au fractionnement à l'unité. Pour ma part, j'ai interdit aux grossistes-répartiteurs de livrer cet antipsychotique à l'étranger, pour éviter l'établissement de nouveaux traitements.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. En France, on prescrit plus qu'on ne guérit. Plus de 16 millions de Français ont déjà pris des médicaments psychotropes et 80 % de ces médicaments sont prescrits par des médecins généralistes, parfois sans suivi psychologique et médical adapté, malgré les graves risques de dépendance et d'effets secondaires. On estime que 20 % seulement des patients suivent une psychothérapie parallèlement à la prise d'un psychotrope.
Thérapies cognitives et comportementales (TCC), désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires (Eye movement desensitization and reprocessing, ou EMDR), thérapies interpersonnelles (TIP), tout cela ne vous dit peut-être rien et, pourtant, ces thérapies non médicamenteuses ont montré leur efficacité dans le traitement des troubles de la santé mentale. Tantôt méconnues, tantôt inaccessibles, elles sont pourtant aussi efficaces que les thérapies médicamenteuses, si ce n'est plus.
À Paris, les étudiants attendent cinq mois pour obtenir un rendez-vous dans un bureau d'aide psychologique universitaire (Bapu). Pour en décrocher un dans un centre médico-psychologique, il y a trois mois d'attente.
Alors, soigner, oui, mais avec quels moyens ? À quand une orientation systématique des patients sous psychotropes vers un professionnel de santé mentale et une psychothérapie ? À quand une généralisation sans discrimination du remboursement des séances de psychothérapie pour l'ensemble de la population, y compris en cas de troubles sévères, de risques suicidaires, de troubles des conduites alimentaires (TCA) ou de dépendance aux substances psychoactives ? À quand un remboursement de l'ensemble des séances de psychothérapie qui ont démontré leur efficacité ?
Oui, le soin psychique est un soin comme un autre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Souyris, vous venez de souligner un paradoxe réel, qui consiste, pour résumer votre propos, en la coexistence en France d'une surmédication et d'un manque d'accompagnement humain. Parfois, notre système de soins, faute de temps et de présence médicale, prescrit en effet davantage de médicaments.
Cela étant, on n'observe pas tellement de distorsions entre l'augmentation des troubles et la hausse du nombre de prescriptions, sauf pour les benzodiazépines.
Vous l'avez dit, la France se classe au premier rang des pays européens consommateurs de psychotropes. Ce constat doit nous interpeller. C'est d'ailleurs dans cette perspective que nous avons favorisé la mise en place de Mon soutien psy et que nous avons cherché ensuite à le développer. Depuis 2022, on a enregistré près de 2,5 millions de consultations via ce dispositif ; le mois dernier, plus 500 psychologues l'ont rejoint pour une prise en charge plus humaine, plus précoce et plus accessible.
S'y ajoutent le déploiement d'équipes mobiles de soins intensifs pour développer la pair-aidance et le soutien que nous accordons au travers des groupes d'entraide mutuelle.
Il convient, bien entendu, d'aborder tous les sujets de façon équilibrée. En l'occurrence, la démédicalisation excessive n'est pas la solution, non plus que la médicalisation et, surtout, la prescription de médicaments. Il faut converger vers une approche intégrative, fondée sur l'alliance thérapeutique et le respect des droits, ainsi que sur la possibilité de renouer un lien, de rebâtir un projet, de rétablir la confiance. C'est pourquoi Mon soutien psy est totalement remboursé. C'est aussi la raison pour laquelle nous réfléchissons actuellement à un remboursement de la deuxième ligne pour les psychothérapies.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.
Mme Anne Souyris. J'ajoute que la consommation de médicaments psychotropes a nettement augmenté chez les enfants et les adolescents entre 2014 et 2021 : la hausse est de 62 % pour des antidépresseurs et de 78 % pour les psychostimulants, alors que la proportion de personnes suivies stagne à 20 %, ce qui montre bien qu'il existe un vrai problème en France, un problème que l'on ne parvient pas à résoudre, y compris par Mon soutien psy.
La question du remboursement systématique des psychothérapies, quoi qu'il s'y passe et quelle que soit leur durée, se pose et le dispositif Mon soutien psy n'apporte donc pas de véritable réponse. Il est absolument urgent d'agir : le nombre de jeunes ayant fait des tentatives de suicide a augmenté de 40 % ces dernières années !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. J'entends bien le sujet que vous évoquez, madame la sénatrice, mais il convient d'interpréter les chiffres que vous avez cités, même s'ils sont, dans les grandes lignes, tout à fait justes.
Je précise que nous avons, en France, une stratégie très intensive pour dépister tout un tas de troubles, notamment les troubles de l'attention chez les enfants, lesquels donnent lieu à de nombreuses prises en charge et prescriptions, en vertu notamment des recommandations de la Société française de pédiatrie. L'essor du dépistage de ces troubles a mécaniquement entraîné l'augmentation du nombre de prises en charge médicamenteuses.
Et oui, enfin, pour une réflexion sur la prise en charge des psychothérapies.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. J'espère que cette réflexion conduira à un remboursement automatique par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, les populations vulnérables sont souvent victimes d'une double stigmatisation du fait de leur situation psychique et sociale. Elles sont souvent marginalisées et vivent dans une grande précarité dans nos communes.
À ce jour, 75 % des personnes sans abri présentent des troubles psychiatriques en raison de parcours complexes, de problèmes de santé mentale non détectés et non suivis. Leur accès aux soins est problématique : le manque d'accessibilité tant géographique que financière les éloigne d'une offre de soins adaptée. Les services de psychiatrie sont saturés et peinent à recruter. Les professionnels spécialisés manquent cruellement et les soignants généralistes ne sont pas formés, ou le sont peu, à la prise en charge des troubles de la santé mentale.
Ces difficultés de prise en charge se répercutent sur le quotidien des maires, démunis face aux troubles à l'ordre public provoqués par des personnes laissées sans solution. Je pense par exemple au maire de Saint-Brieuc, agressé physiquement par un homme laissé sans suivi après des prises en charge ponctuelles, et connu des services médicaux, sociaux et de sécurité de la ville.
Combien y a-t-il de maires dans cette situation ? Combien de maires ont-ils eu à gérer ce type de difficultés ? Les élus interviennent souvent en lien avec les services de police ou de gendarmerie, qui absorbent les manquements de notre système de soins, sans avoir de mesure à proposer ni d'outil adapté à mobiliser dans l'exercice de leurs compétences.
Des réponses existent : je pense aux équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP), aux pensions de famille, qui ouvrent la voie à une prise en charge globale, aux groupes d'entraide mutuelle. Les moyens consacrés à tous ces dispositifs mériteraient d'être adaptés à la hauteur de chaque besoin singulier.
Les liens entre les services sociaux des collectivités locales et les services médico-sociaux doivent être resserrés ; les réponses médicales doivent être mieux coordonnées.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que ceux qui sont déjà éprouvés dans leur quotidien par des accidents de la vie soient mieux accompagnés face à leurs problèmes de santé mentale ? Quels investissements envisagez-vous pour développer l'"aller-vers" et soutenir les maires démunis ? Comment rendre les métiers de la santé mentale attractifs pour les psychiatres, les psychologues, et, plus généralement, les soignants ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame Le Houerou, je ne sais pas si j'aurai assez de temps, dans les deux minutes dont je dispose, pour répondre à toutes les questions que vous me posez.
Tout d'abord, les publics vulnérables, comme l'ensemble des populations en difficulté d'ailleurs, font l'objet de toutes les attentions. Comme vous le savez, des projets territoriaux seront mis en place avant l'été. Nous privilégierons deux axes : le soutien aux publics les plus vulnérables et les parcours enfants-adolescents.
Ensuite, j'estime pour ma part que la question des moyens ne se pose pas tellement, dans la mesure où nous sommes avant tout limités dans notre action par le manque de ressources en professionnels de santé et la pénurie de personnel médical et paramédical.
Je ne vais pas réitérer mon propos, mais vous comprenez bien qu'il faut former plus de praticiens paramédicaux, en lien notamment avec les régions, plus d'infirmiers et d'infirmiers en pratique avancée consacrés à la psychiatrie. Je regrette vivement que l'on ait supprimé les infirmiers spécialisés en psychiatrie il y a quelques années, car cela a fortement grevé notre système. Il importe de former davantage de médecins, en espérant que, dans les nouvelles générations, certains praticiens choisiront de s'engager dans la spécialité psychiatrique, ce qui implique de les faire passer dans les services de psychiatrie – je l'ai dit – et de déstigmatiser ce type de prise en charge.
Je rappelle aussi que des docteurs juniors pourront exercer dans les territoires et qu'ils pourront prendre en charge un certain nombre de patients présentant des troubles psychiatriques. N'oublions pas non plus les 5 000 étudiants français qui suivent actuellement un cursus médical à l'étranger : si le Sénat adopte la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, ce que j'espère, ces étudiants pourront réintégrer notre filière universitaire en deuxième cycle et, ainsi, être plus rapidement opérationnels et renforcer notre prise en charge des patients.
Pour ce qui est des mesures prises pour renforcer l'intérêt de cette filière, nous avons évidemment prévu d'accroître l'attractivité financière de la filière, notamment dans le cadre de la revalorisation de Mon soutien psy.
Cet ensemble de mesures devrait permettre une meilleure prise en charge, mais cela suppose, non pas une année entièrement dédiée à la santé mentale, mais plusieurs années de travail et des investissements pluriannuels.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, le constat est alarmant et nous ne pouvons pas l'ignorer.
Selon les derniers chiffres publiés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le suicide est l'une des premières causes de mortalité parmi les 15-24 ans. La Mutualité sociale agricole (MSA) indique que, chez les agriculteurs, le risque de suicide est supérieur de 30 % à la moyenne des autres catégories professionnelles. D'après l'intersyndicale des internes, 21 % des internes en médecine ont eu des idées suicidaires au cours des douze derniers mois et 13 % d'entre eux consomment des antidépresseurs.
Que dire des élus ? L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) affirme que 83 % des maires estiment que le mandat qu'on leur a confié est usant pour leur santé, y compris mentale.
Soignants, aidants, professeurs, membres des forces de l'ordre, la liste est longue. Si certaines professions et catégories de la population sont plus exposées que d'autres, la santé mentale concerne chacun d'entre nous. C'est précisément la raison pour laquelle celle-ci est la grande cause nationale de l'année 2025, mais cela implique des moyens qui soient à la hauteur de nos ambitions.
On le sait, en matière de santé, notamment mentale, pour être le plus efficace, il faut toujours intervenir le plus tôt possible, ce qui suppose une action de proximité, la présence de professionnels capables de repérer, d'écouter et d'orienter.
Je pense notamment aux médecins et aux infirmières scolaires. Sur 1 800 postes budgétés en médecine scolaire, seuls 650 sont effectivement pourvus. Et 200 d'entre eux le sont par des contractuels. C'est bien trop peu pour être efficace !
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour renforcer l'attractivité de la médecine scolaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Vous l'avez bien dit, madame la sénatrice Lermytte, qu'il s'agisse des élus, des agriculteurs, des différents corps de métiers et professions, tout le monde est concerné par les troubles de la santé mentale.
C'est tout le sens de l'action interministérielle que nous déployons, notamment avec Annie Genevard, ministre de l'agriculture, puisqu'un agriculteur se suicide malheureusement tous les trois jours en France. Ce travail doit également être conduit en lien avec le monde du travail, via notamment la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), avec l'éducation nationale et dans le cadre de notre politique de l'asile.
Vous venez de parler de l'éducation nationale. Il y a de notre part une réelle volonté de réarmer la médecine scolaire. En tout cas, c'est mon souhait et c'est une ambition partagée par la ministre de l'éducation nationale. Nous allons d'ailleurs lancer, dès le mois de septembre prochain, des campagnes musclées pour rappeler l'importance de la vaccination contre le papillomavirus et les méningocoques.
Nous devons également faire en sorte que certains professionnels exerçant dans notre système de soins et qui ne seraient plus totalement intéressés par une carrière à l'hôpital puissent entamer une deuxième vie professionnelle, au sein de l'éducation nationale.
Nous travaillons donc sur ce sujet, mais, encore une fois, pour pouvoir livrer bataille – pardonnez-moi cette expression – en matière de santé mentale, il faut avant tout plus de soignants, ce qui implique d'en former davantage. Cela passera certes par une hausse des moyens budgétaires, mais surtout par des efforts pour redorer l'image des professionnels de santé qui embrassent ces carrières. Il faut naturellement prévoir des mesures de revalorisation financière et salariale, mais pas seulement : il faut être capable de répondre à une quête de sens.
Je pense à cet égard que la loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, que vous avez adoptée à l'unanimité ici, au Sénat, ainsi que tous les moyens dédiés à une amélioration de la qualité du travail favorisent l'engagement des professionnels de santé dans ce secteur.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales mène une mission d'information, dont je suis le rapporteur avec mes collègues Daniel Chasseing et Céline Brulin, sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la fin de la crise sanitaire.
Nos travaux ont confirmé ce que chacun de nous observe dans son département : les centres médico-psychologiques sont à bout de souffle. Alors qu'ils sont conçus comme le pivot de la prise en charge des troubles psychiques, le délai d'attente moyen pour une première consultation médicale y est de six mois et peut même atteindre parfois un an ! Les CMP sont contraints de concentrer leurs efforts sur les patients les plus sévèrement touchés et abandonnent tout espoir de faire de la prévention.
De nombreux psychiatres ou directeurs d'établissements nous ont fait part de leurs difficultés à obtenir des moyens pour leur CMP. Les agences régionales de santé (ARS) accordent en priorité des financements aux organisations particulièrement innovantes. Ces centres ne sont pas toujours innovants, mais ils ont fait leurs preuves pour ce qui est d'encourager les prises en charge et de coordonner les soins.
Pourquoi ne pas donner la priorité aux CMP, et plus particulièrement aux CMP infanto-juvéniles, dans le cadre du financement consacré à la psychiatrie ? Si la pénurie de médecins psychiatres ne peut pas se résoudre rapidement, pourrions-nous au moins accorder des crédits à des postes d'infirmiers en psychiatrie et d'infirmiers en pratique avancée (IPA) ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Sol, je souhaite avant toute chose vous remercier de votre contribution dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales.
Vous avez tout dit au sujet des CMP. En effet, les délais d'attente sont insupportables. Cependant, bon nombre de territoires, dont le vôtre, ont encore la chance de disposer d'une prise en charge de ces troubles en secteur ; cette sectorisation de la psychiatrie est fondamentale.
Les CMP jouent un rôle crucial et il faut naturellement contribuer à leur réarmement. Encore une fois, ces centres ne souffrent d'aucune restriction budgétaire ; la seule limite est que nous avons besoin de plus de professionnels formés pour y travailler. C'est pourquoi aucune priorisation n'est, selon moi, nécessaire : la priorité va à tous les professionnels de santé qui veulent s'engager dans ces CMP. Ce n'est pas une question budgétaire.
Il existe par ailleurs d'autres manières d'avancer, notamment à travers les projets territoriaux de santé mentale. Je l'ai déjà dit, des mesures consacrées à la prise en charge, notamment des plus jeunes, seront ainsi décidées avant l'été.
Il n'en reste pas moins que ces délais d'attente restent insupportables. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre entend présenter un certain nombre de propositions avant la fin du mois d'avril qui, d'une certaine façon, constituent l'une des réponses à la problématique des déserts médicaux. Ces déserts concernent la prise en charge de l'ensemble des pathologies, notamment en matière de santé mentale.
J'espère que tous les professionnels de santé que l'on parviendra à faire venir, qu'il s'agisse de nos étudiants partis pour l'étranger, de ceux qui sont issus de notre formation initiale ou continue, ou de nos jeunes docteurs, contribueront collectivement à régler les problèmes, territoire par territoire.
D'ici quelques semaines, je vais entamer un travail très fastidieux : je compte réaliser, pour tous les départements de France, intercommunalité par intercommunalité – il m'est impossible de descendre à l'échelon de la commune –, un diagnostic de notre offre de santé. Il s'agit de déterminer si cette offre existe ou non ; dans cette perspective, une analyse à l'échelon de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) me paraît judicieuse et correspondre au bon maillage territorial : on sait très bien en effet que l'on ne sera pas en mesure d'installer des professionnels de santé dans l'ensemble des communes, même si tout le monde le souhaite.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Tout l'enjeu autour de la santé mentale, élevée au rang de grande cause nationale pour 2025, sera, à mon sens, de traduire les actions identifiées dans la feuille de route ou lors des assises en financement concret sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, avant de devenir sénateur, j'ai été gestionnaire de collège pendant plus de trente-cinq ans. Je souhaite donc vous interroger sur la santé mentale des jeunes.
En effet, les données dont nous disposons sont inquiétantes. En témoignent les résultats de l'enquête nationale en collège et en lycée menée par l'École des hautes études en santé publique (EHESP) et l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, et publiée en 2024 : entre 2018 et 2022, les collégiens et les lycéens ont subi une dégradation de leur santé mentale et de leur bien-être ; 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque important de dépression ; 24 % des lycéens déclarent qu'ils ont eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois ; 13 % d'entre eux indiquent avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie, sachant que 3 % de ces tentatives ont entraîné une hospitalisation.
La pandémie de la covid-19 et les confinements successifs ont sans doute aggravé la santé mentale de nos jeunes.
Le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier, soulignait le 26 mars dernier devant la commission des affaires sociales du Sénat que, depuis la crise sanitaire, il ne constatait "pas de dégradation, mais [que] la situation ne s'amélior[ait] pas non plus : les indicateurs d'anxiété, de dépression, de troubles du sommeil et d'addiction restent relativement élevés, en particulier chez les jeunes".
Face à une jeunesse en perte de repères et inquiète pour son avenir, je m'interroge sur le rôle et les moyens de l'école, un lieu de passage obligé, qui peut être celui de l'épanouissement comme celui du harcèlement. Et même si l'école ne peut pas tout, elle pèse pour beaucoup dans la construction de la personnalité d'un élève.
Alors, monsieur le ministre, comment l'école pourrait-elle devenir davantage un lieu de prévention et de sensibilisation aux enjeux liés à la santé mentale ? Au-delà des numéros d'urgence, du protocole de santé mentale dans chaque établissement et de la démarche École promotrice de santé, qui peuvent être des outils efficaces, comment le Gouvernement pourrait-il renforcer les moyens dédiés à l'école, pour que la santé mentale des jeunes demeure une grande cause dans les années à venir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Buis, votre question me permet de réaffirmer le rôle que nous souhaitons jouer en matière de renforcement de la médecine scolaire, laquelle est malheureusement mal en point : celle-ci se caractérise aujourd'hui par un manque de médecins ou d'infirmiers ; dans les écoles, le nombre d'élèves par professionnel de santé est beaucoup trop élevé.
Aussi, Élisabeth Borne et moi-même lancerons les assises de la santé scolaire en mai prochain, pour tenter d'augmenter le recrutement de personnels dans l'éducation nationale.
Nous disposons de plusieurs leviers, le principal étant financier, puisque les crédits alloués seront doublés d'ici à 2027. Je tiens en premier lieu à évoquer les maisons des adolescents (MDA) et des jeunes adultes, qui accueillent les 11-25 ans et leur offrent, ainsi qu'à leur entourage et leurs familles, une meilleure prise en charge ; l'enjeu est de parvenir à installer au moins une MDA dans chaque département. Il en existe actuellement cent vingt-cinq sur le territoire ; il convient de continuer à les développer.
Il faut, en second lieu, poursuivre le déploiement des projets territoriaux de santé mentale, afin d'être en mesure de mener des actions particulières en faveur des jeunes.
Nous échangeons avec les élus locaux qui ont des propositions à faire sur ces dispositifs. Daniel Fasquelle, le maire du Touquet, a justement été convié à représenter les collectivités au sein du groupe de travail – ou task force – sur la santé mentale.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Conte Jaubert.
Mme Mireille Conte Jaubert. Monsieur le ministre, la pandémie de la covid-19 a mis en lumière une triste réalité, parfois oubliée et peu évoquée : la santé mentale de nos jeunes.
Troubles du sommeil, anxiété, isolement, décrochage, les difficultés sont nombreuses et s'accentuent face à la pression académique et aux incertitudes liées à l'avenir.
L'éducation a un rôle crucial à jouer face à cette crise. Nos établissements doivent certes rester des lieux où l'on apprend, mais ils doivent aussi accompagner les jeunes. Or les services de santé universitaire sont saturés, la médecine scolaire est sous-dotée et les délais pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste s'allongent.
Des dispositifs existent, mais ils doivent être renforcés et mieux intégrés aux parcours des jeunes.
Certes, la reconnaissance de la santé mentale comme grande cause nationale pour 2025 est une avancée importante, que je salue. Je souhaite à ce titre rappeler l'engagement de notre ancienne collègue Nathalie Delattre, notamment au travers de sa proposition de résolution visant à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, adoptée ici même à l'unanimité.
Mais il faut aller plus loin en augmentant le nombre de psychologues dans les universités, en sensibilisant étudiants et enseignants à la santé mentale, et en garantissant un accès rapide à des soins adaptés.
Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles mesures envisagez-vous de prendre pour faciliter l'accès des étudiants à un accompagnement psychologique au sein même de leur établissement ? Ne pas agir, c'est condamner ces jeunes à l'isolement et, parfois, au pire. L'urgence nous oblige à être au rendez-vous !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Conte Jaubert, vous évoquez la question spécifique des étudiants.
Selon leur âge, ces derniers peuvent être pris en charge dans les maisons des adolescents. Par ailleurs, comme vous le savez, Mon soutien psy a fusionné avec le programme Santé psy étudiant : ces dispositifs sont désormais accessibles à tous et remboursés dès l'âge de 3 ans.
Nous réfléchissons en outre à une feuille de route sur le sommeil, car on observe une mauvaise qualité du sommeil, notamment chez les étudiants, ainsi qu'à des rappels sur la nécessaire limitation du temps passé devant les écrans, qui seraient à diffuser au sein des établissements scolaires.
Je rappelle l'existence d'un certain nombre d'autres dispositifs : le numéro national 3114, que vous connaissez, mais également le VigilanS qui permet de suivre toute personne, et notamment les jeunes, au détour d'une tentative de suicide, et les groupes d'entraide mutuelle dont nous poursuivons le déploiement.
Toutes ces initiatives méritent d'être soutenues et amplifiées pour répondre aux besoins de notre jeunesse. Mais avant tout, je le répète, il faut former plus de professionnels et les former mieux pour prendre en charge des besoins malheureusement grandissants.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier le groupe socialiste d'avoir pris l'initiative de ce débat primordial pour le bien-être des Français et notre cohésion sociale, celui de la santé mentale.
La pandémie de la covid-19, qui nous a confinés, déconfinés, inquiétés en raison des centaines de milliers de décès qu'elle a provoqués, et qui a touché tous les pays du monde et angoissé les populations, a aujourd'hui encore des incidences sur la santé mentale des Français.
Plus particulièrement, les jeunes se sont retrouvés isolés à un âge où les contacts sociaux et les interactions concourent à la construction de leur personnalité.
L'inspection générale des affaires sociales a conduit une mission sur les jeunes de 16 à 29 ans en milieu rural. Son rapport sur la pauvreté et les conditions de vie des jeunes ruraux met en évidence la précarité de cette population et les lacunes des politiques publiques. L'éloignement géographique allonge en effet les temps de déplacement et freine l'accès à des droits fondamentaux tels que la santé ou l'emploi. L'isolement pèse aussi sur la santé mentale des jeunes ruraux.
L'Igas note que les politiques en faveur de la jeunesse ont "élargi leur champ d'attention aux transitions de la jeunesse et aux inégalités", mais observe également que "les dispositifs plus spécialisés de formation, d'accompagnement vers l'emploi ou de santé […] se concentrent quant à eux dans des agglomérations plus importantes".
Son rapport livre une trentaine de recommandations pour lutter contre l'exclusion croissante de cette jeunesse souvent invisible, telles que la création d'un cadre prioritaire pour les jeunes ruraux vulnérables via le "zonage France Ruralités +" et le renforcement de l'accompagnement en santé mentale.
Monsieur le ministre, envisagez-vous de proposer des dispositifs complémentaires au dispositif Sentinelle, consacré au mal-être agricole ? Surtout, quelles mesures spécifiques allez-vous mettre en œuvre pour toucher les jeunes en ruralité face à des troubles qui peuvent affecter leur santé mentale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Romagny, vous m'interrogez sur la santé mentale en ruralité.
Il est vrai que le monde rural concentre les difficultés : je pense à l'isolement, aux difficultés d'accès à certains plateaux techniques et à certaines structures d'hospitalisation.
Vous avez mentionné les agriculteurs et vous avez eu raison de le faire, car c'est une profession dans laquelle le taux de suicide est élevé. De ce point de vue, je rappelle l'existence d'Agri'écoute, derrière lequel on trouve une trentaine de psychologues qui peuvent répondre à toutes les attentes, grâce à son service d'écoute. Dans les départements – c'est le cas chez moi, dans l'Isère –, ce dispositif est parfois géré par des bénévoles qui sont souvent d'anciens agriculteurs, lesquels sont les mieux à même de prendre en charge les agriculteurs en activité dans toutes les dimensions, qu'elles soient sociales ou médicales.
Dans la ruralité, on trouve de nombreuses communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et j'espère qu'il y en aura de plus en plus. Je souhaite qu'elles fassent elles aussi de la santé des jeunes une grande cause de leur action et de leur mobilisation.
Au risque de me répéter, j'indique de nouveau que, dans les zones rurales, il existe aussi des maisons des adolescents et un certain nombre de dispositifs spécifiques. Il n'y a pas forcément lieu d'en créer d'autres : il faut avant tout s'assurer qu'ils couvrent bien l'ensemble des territoires et qu'ils soient accessibles partout et par tous, pour tous nos jeunes, qu'ils soient des villes ou des champs. Voilà l'enjeu. Il nous faudra rattraper le retard accumulé en quelques années.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer les troubles du neurodéveloppement (TND), car une personne concernée par l'autisme, le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou un trouble "dys", comme la dyspraxie, garde toute sa vie un fonctionnement différent, avec une façon particulière d'agir, de penser ou d'entrer en relation avec les autres. Cela représente autant de défis à relever pour préserver sa santé mentale.
Les TND sont des handicaps qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le quotidien, non seulement de ceux qui en souffrent, mais aussi de leurs proches aidants, et en particulier leurs parents.
Je connais bien le sujet : en 2023, j'étais la rapporteure, avec mes collègues Jocelyne Guidez et Laurent Burgoa, de la mission d'information sur les troubles du neurodéveloppement, qui nous a conduits à souligner le retard pris par la France en matière de diagnostic, mais aussi de prise en charge des TND.
Ce retard est dû à un manque criant de psychiatres, de psychomotriciens, d'ergothérapeutes ou encore d'orthophonistes. Les recommandations de la mission d'information ont été reprises dans la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants. La loi finalement parue au Journal officiel le 15 novembre dernier prévoit notamment deux examens de détection, à 9 mois et à 6 ans, ce qui va dans le bon sens.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier la question du repérage et de la prise en charge de ces troubles chez les adultes.
Monsieur le ministre, pour que la santé mentale devienne réellement une grande cause nationale, nous devons disposer de suffisamment de professionnels de santé et de spécialistes pour faire de la psychoéducation, mais aussi et surtout pour proposer des thérapies comportementales, des groupes de parole ou encore de la remédiation cognitive.
Comment comptez-vous améliorer spécifiquement l'accompagnement des personnes atteintes d'un TND ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Féret, je vous remercie de cette question qui nous permet d'évoquer les troubles du neurodéveloppement. Ce sujet est également suivi par ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq, avec laquelle nous travaillons sur une stratégie de détection, d'accompagnement, de structuration des parcours et d'articulation avec le champ de la santé mentale.
Vous l'avez dit, les liens entre santé mentale et TND sont évidents dans de nombreux cas, comme les troubles du spectre autistique, les troubles du langage ou les TDAH. Les examens précoces de repérage permettent de les diagnostiquer au plus tôt, à l'âge de 9 mois et à l'âge de 6 ans.
Au-delà de la détection, il convient d'associer les maisons de l'enfant et de la famille et de mieux structurer l'offre spécialisée et coordonnée. Les centres médico-psychologiques pour enfants sont renforcés de plus de 400 ETP. De même, les centres experts, dont certains sont labellisés pour l'autisme de haut niveau, peuvent jouer un rôle plus clair dans cette filière.
Par ailleurs, des parcours intéressants comme le dispositif dit de l'article 51 (introduit par l'article 51 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018) sur la santé protégée ou le programme Pegase (Programme d'expérimentation d'un protocole de santé standardisé appliqué aux enfants ayant bénéficié avant l'âge de 5 ans d'une mesure de protection de l'enfance), destiné aux enfants confiés à l'ASE, doivent, à terme, se diffuser plus largement.
En outre, nous avons inscrit les TND dans le programme pluriannuel dédié à la santé mentale et à la psychiatrie pour la période 2025-2030 de la Haute Autorité de santé (HAS).
Je lancerai prochainement des filières régionales de prise en charge du TDAH pour favoriser la prise en charge dans les régions.
Enfin, nous allons créer des plateformes de coordination et d'orientation, afin que les psychologues et les neuropsychologues puissent plus rapidement établir le bon diagnostic et intégrer les enfants dans un parcours plus fluide, plus lisible et aussi décloisonné que possible.
Toutefois, ces mesures sont limitées par le nombre de professionnels de santé dont nous disposons.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Comme vous venez de le réaffirmer, il est indispensable de consacrer des moyens supplémentaires aux TND, qui concernent près de deux enfants par classe. Les familles de ces enfants attendent ces efforts.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, tout d'abord, je sais gré au gouvernement de François Bayrou d'avoir repris à son compte la décision si salutaire de Michel Barnier de faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025.
La santé mentale des jeunes est préoccupante, tout comme le silence assourdissant qui règne tant dans le débat public que dans les politiques de santé publique sur l'un des leviers les plus insidieux de cette dégradation : la consommation de cannabis.
Les autorités sanitaires doivent briser le tabou et montrer que le cannabis altère profondément les fonctions cérébrales en formation. Il ralentit la maturation du cerveau, dégrade la mémoire de travail et entrave les capacités d'apprentissage. Chaque jeune qui aspire à être libre – ce qui est heureux – devrait savoir que le cannabis affecte la manière même dont l'information est traitée. Le cerveau devient moins apte à trier, à hiérarchiser, à prendre du recul.
Dans un monde saturé de contenus numériques, avec leur lot de fausses informations et autres manipulations destinées à propager des thèses très dangereuses, cette fragilité cognitive rend le jeune cerveau plus vulnérable aux influences les plus nocives.
Le cannabis que l'on consomme pour être moins stressé empêche de gérer le stress, affaiblit la résilience face à l'effort, provoque une anxiété diffuse et mine la motivation. Ces effets conduisent à un repli sur soi, à une perte de confiance et à une incapacité à faire face aux exigences scolaires ou universitaires. Ainsi, des années cruciales de la vie de ces jeunes se trouvent compromises, dans l'indifférence de tous.
Enfin, le cannabis est l'un des principaux risques environnementaux de déclenchement de la schizophrénie. Derrière chaque statistique, il y a une vie brisée par une substance que certains continuent de présenter comme inoffensive.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire, dans le cadre des campagnes de communication de la grande cause nationale, pour mettre un terme à cette illusion dangereuse d'un cannabis sans conséquence aucune pour la santé mentale ?
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je vous remercie de rappeler tous les méfaits de la drogue en général, et du cannabis en particulier. Vous avez bien résumé les effets néfastes de la consommation de cannabis, notamment sur les fonctions cognitives supérieures.
Vous auriez pu ajouter que la consommation de cannabis accentue les risques de survenue d'accidents sur la voie publique, qui sont la première cause de mortalité et de traumatologie chez les jeunes.
En outre, la banalisation de l'usage de cannabis et le fait qu'il soit souvent coupé avec d'autres drogues aux effets encore plus importants peuvent constituer une porte d'entrée vers la consommation de drogues dures, notamment la cocaïne. (Mme Émilienne Poumirol proteste.) Outre-Atlantique, certains États des États-Unis et le Canada regrettent ainsi d'avoir légalisé le cannabis, car cela a entraîné une augmentation de la consommation de drogues dures.
Nous devons faire preuve d'une tolérance zéro vis-à-vis de la drogue en général. Si je dis oui au cannabis thérapeutique – comme vous le savez, j'ai renouvelé la lettre de couverture et prolongé les délais pour en évaluer les effets –, cela ne vaut certainement pas pour le cannabis dit récréatif, dont la consommation porte atteinte à la santé de nos jeunes de manière terrible, est accidentogène et ouvre la voie à l'usage de drogues encore plus dures.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, vous engagez-vous à organiser une campagne de communication sur le sujet dans l'année ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins. Nous avons en effet la volonté de réaliser une campagne de communication sur les dangers de la drogue. Nous avons d'ailleurs établi des axes de travail avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), pas plus tard que cet après-midi.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. C'est parfait, merci !
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Nous le voyons bien au travers des diverses interventions, la question de la santé mentale n'est plus une bombe à retardement ; elle est désormais une bombe à fragmentation, dont les dépressurisations psychologiques se sont multipliées à la faveur de la crise sanitaire, qui a agi comme un accélérateur ou un amplificateur.
Il suffit pour s'en convaincre de constater que les maladies psychiatriques sont devenues les premières affections de longue durée chez les moins de 30 ans. À cet égard, nous pouvons regretter qu'il ait fallu attendre cinq ans pour faire de la santé mentale une grande cause nationale.
Entre 2020 et 2022, 24 % des établissements psychiatriques ont été contraints de fermer de 10 % à 30 % de leurs lits, contre 5 % avant 2020. Les professionnels parlent de point de rupture des capacités d'hospitalisation. Comme vous le savez, monsieur le ministre, très peu d'étudiants ayant réussi le concours de l'internat choisissent la psychiatrie. À l'heure actuelle, 23 % des postes de psychiatre à l'hôpital public sont vacants.
Si les causes sont diverses, les professionnels évoquent avec insistance la question de la responsabilité juridique. Quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?
Il convient d'adopter une démarche globale et coordonnée sur le modèle de ce qui a été réalisé dans la lutte contre le cancer, pour laquelle un institut national spécifique a été créé. Quelle est votre position sur le sujet ?
Comme l'ont rappelé plusieurs de mes collègues, nous sommes tous concernés par la santé mentale. Il ne faut pas oublier que les personnes âgées sont, à côté des jeunes, les autres grandes victimes de ces dérèglements.
Pour mieux les prendre en charge, il est nécessaire que les équipes médicales évoluant dans le champ de la psychiatrie se coordonnent davantage avec les autres équipes médicales. Nous avons tous vécu des expériences personnelles au cours desquelles la dimension psychiatrique de la prise en charge médicale n'a pas été prise en considération ou l'a été insuffisamment.
Par ailleurs, le lien avec les proches est un sujet fondamental pour les patients majeurs. En effet, les troubles mentaux ont des incidences sur la vie de tous les proches des patients concernés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Uzenat, je regrette comme vous les fermetures de lits dont souffre actuellement la psychiatrie. Au risque de me répéter, je rappelle qu'il est fondamental de former plus de soignants pour en rouvrir un maximum.
Dans 40 % des cas, l'entrée dans un parcours de soins psychiatriques se fait par la voie des urgences. Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau m'ont remis leur rapport d'information sur la prise en charge des urgences psychiatriques et j'espère bien traduire plusieurs de leurs recommandations par des mesures réglementaires.
Je souhaite également la présence d'un référent dans tous les services d'urgence de notre pays pour prendre en charge les patients psychiatriques, qu'il s'agisse d'un infirmier en pratique avancée ou d'un médecin. Nous savons bien que lorsque les flux entre malades organiques et psychiatriques s'entremêlent, cela complique la gestion du quotidien.
J'ai bien en tête la question de la responsabilité juridique. Si les étudiants ne choisissent pas la psychiatrie et disent en avoir peur, ce n'est pas seulement à cause des tableaux cliniques des malades. Ils pensent évidemment au risque de récidive d'un patient qu'ils auraient laissé sortir d'hospitalisation. Sachant que 30 % des détenus en France souffrent de troubles psychiatriques, nous mesurons bien le degré de responsabilité que représente la remise d'une autorisation de sortie ou d'un avis psychiatrique. Les groupes d'évaluation départementaux (GED), par exemple, demandent également la présence systématique d'un psychiatre en leur sein.
Le problème de la responsabilité juridique existe donc, et il faut pouvoir en parler et l'expliquer.
Vous proposez, si je comprends bien, de créer un institut national sur le modèle de l'Institut national du cancer (Inca). Je n'y suis pas vraiment favorable. L'heure n'est pas à la création de superstructures. Mon objectif est de restaurer l'attractivité de la psychiatrie. Nous devons donner envie à notre jeunesse de s'investir dans cette filière.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Il faut bien sûr former plus de soignants, mais il faut aussi donner envie à nos jeunes internes de s'orienter vers la psychiatrie. Par ailleurs, vous évoquez une forme de saupoudrage de la prise en charge, monsieur le ministre, sur laquelle je vous invite à la prudence.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, dans la mesure où je suis le treizième à m'exprimer, vous risquez de trouver quelques répétitions dans mon intervention. Ce sera donc le cas des deux premières phrases, mais non du reste… (Sourires.)
La santé mentale a été désignée comme grande cause nationale pour l'année 2025. Ce choix répond à un enjeu majeur de santé publique. En effet, un Français sur quatre sera concerné par un trouble mental au cours de sa vie. Cette grande cause nationale s'articule autour de quatre objectifs prioritaires : la déstigmatisation ; le développement de la prévention et du repérage précoce ; l'amélioration de l'accès aux soins partout sur le territoire français ; et l'accompagnement des personnes concernées.
Ces objectifs sont non seulement louables, mais indispensables. Il convient néanmoins de ne pas rester dans l'affichage et de les traduire par des actions concrètes.
Je pense tout d'abord au déploiement d'une force de premier recours pour dépister et prévenir les troubles psychiques dès le plus jeune âge.
Ensuite, il convient de développer de nouveaux métiers et de nouvelles compétences en santé mentale et en psychiatrie, afin de recentrer le temps médical sur les prises en charge des patients complexes. En effet, il est souhaitable de traiter la question de la santé mentale comme un enjeu de santé publique pouvant toucher chacun d'entre nous, comme nous l'avons fait il y a vingt ans pour le cancer.
Enfin, nous devons structurer un pilotage de la feuille de route de la psychiatrie et de la santé mentale, à l'échelle tant nationale que locale.
Monsieur le ministre, pour répondre à ces objectifs, que partagent une grande partie des professionnels de terrain, il nous faut déployer des dispositifs pour former les professionnels de santé, pour repérer les troubles, pour financer des postes, notamment d'IPA, d'assistants médicaux ou de coordonnateurs au sein des établissements, mais également pour sensibiliser les équipes de professionnels accueillant du public.
La création de maisons des enfants, sur le modèle des maisons des adolescents, est une bonne chose pour assurer des missions de premier accueil et de prévention. La structuration de l'offre de soins en santé mentale sur le territoire doit être pilotée par les agences régionales de santé, en lien avec les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, alors qu'un quart de l'année est déjà écoulé, ma question est simple : quelles mesures ont été adoptées ou, à tout le moins, proposées, pour que cette année de grande cause nationale pour la santé mentale soit dotée d'un contenu réel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Milon, je serai aussi indulgent à l'égard des répétitions que vous le serez, je l'espère, à l'égard des réponses de votre ministre, qui, après quatre heures d'audition sur la fin de vie, les questions d'actualité au Gouvernement et l'examen de la proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l'État et à l'indemnisation des victimes du chlordécone, est très heureux de répondre à la treizième question de la soirée… (Sourires.)
Nous avons concentré nos efforts sur le renforcement de la première ligne, en agissant massivement sur les déterminants de santé mentale. Je pense notamment à l'exposition aux violences sexuelles durant l'enfance, aux addictions, aux discriminations, à la précarité financière…
Nous allons consolider les maisons des adolescents, la médecine générale, les CPTS et le dispositif Mon soutien psy. De même, nous souhaitons renforcer l'offre de secteurs pivots, notamment la psychiatrie générale, et nous dotons les CMP pour enfants de près de 400 postes supplémentaires.
Tous ces sujets seront évoqués au cours de la réunion du comité interministériel sur la santé mentale que j'organiserai en juin prochain. Notre objectif est d'articuler la psychiatrie surspécialisée avec la psychiatrie de première ligne et les CMP, afin de fluidifier les parcours petit à petit. Je vous donne donc rendez-vous en juin.
Au reste, je vous rappelle que l'année n'a commencé qu'en mars, après l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. "Elle a été déclarée grande cause nationale 2025. Les acteurs de la santé mentale attendaient cette reconnaissance depuis des années, mais ils ne sauront se contenter d'une déclaration d'intention." Voilà les propos introductifs d'une tribune publiée dans un quotidien local à l'occasion du Forum national de la santé mentale, qui se tiendra en fin de semaine dans le département dont je suis élue, les Alpes-Maritimes.
Dire que le sujet est d'importance est un euphémisme : plus de 12 millions de Français souffrent de troubles psychiques et une tentative de suicide a lieu toutes les trois minutes… Si la santé mentale a été désignée grande cause nationale, ce n'est malheureusement pas sans raison. S'en préoccuper relève de l'urgence et de la nécessité, d'autant qu'il s'agit de notre premier poste de dépenses sociales.
La rapidité du diagnostic devient centrale au regard de l'errance des patients. Face à la pénurie de psychiatres et à la désertification médicale qui s'étend, c'est-à-dire, en somme, face à la saturation de notre système de santé, il nous faut optimiser la complémentarité entre tous les professionnels de santé mentale qui se trouvent en première ligne des consultations. Ce faisant, nous améliorerons le parcours de soins.
Monsieur le ministre, comment votre feuille de route prévoit-elle de remédier à la saturation des centres médico-psychologiques, qui manquent cruellement de moyens et de personnel, notamment pour s'occuper de notre jeunesse ?
Par ailleurs, le dispositif Mon soutien psy est parfois critiqué pour ses critères d'accès et de sélection, et il est jugé peu attractif pour les psychologues. Sera-t-il significativement amélioré ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Demas, je vous remercie de votre question. Nous nous retrouverons probablement à Cannes vendredi prochain à l'occasion de la deuxième édition du Psychodon, que je viendrai inaugurer. Ce sera un bon moment, car il est important de faire remonter du terrain des idées de patients et d'associations portant sur toutes les facettes de la santé mentale. C'est précisément l'engagement de l'organisateur de l'événement, Didier Meillerand.
Depuis trois ans, les consultations réalisées dans le cadre de Mon soutien psy sont remboursées. De plus, nous avons validé un accès direct au dispositif dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. J'ai également demandé un rapport sur les patients ayant bénéficié de ce parcours pour déterminer le taux de prise en charge médicale, le taux de guérison et le taux de suicide après ce cycle.
Selon les données de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), les patients utilisent rarement les douze séances qui leur sont remboursées. Ils s'arrêtent souvent avant la fin du cycle, au bout de six à huit séances.
Jusqu'à présent, plus de 500 000 patients ont été pris en charge par les 5 500 psychologues qui sont actuellement conventionnés. Comme je l'ai déjà indiqué, 500 nouveaux psychologues ont demandé un conventionnement au cours des deux derniers mois.
Comme vous, je souhaite renforcer les moyens des CMP, qui, je le répète, ont besoin non pas de moyens financiers, mais de personnel disponible.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.
Mme Patricia Demas. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais j'aurais aimé obtenir des éléments sur des moyens financiers supplémentaires, car ils sont le nerf de la guerre. Il me semble qu'un ordre de grandeur des moyens à notre disposition pour mettre en application des actions est un paramètre indispensable à toute feuille de route. Pouvez-vous nous donner un tel ordre de grandeur ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Puisque vous voulez des chiffres, madame la sénatrice, je peux vous dire qu'entre 2018 et 2026, 3,3 milliards d'euros supplémentaires auront été consacrés à la santé mentale.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas.
Mme Patricia Demas. La santé mentale est la grande cause nationale de 2025, mais elle doit le demeurer par la suite, car il s'agit d'un enjeu de société qui concerne toutes les générations et qui révèle les fractures de notre société, au-delà des fractures d'ordre psychique.
Monsieur le ministre, il faut fournir un effort collectif, en réunissant les forces vives de la Nation autour de cette cause, mais aussi un effort financier.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Ma question porte sur le rôle des structures locales et territoriales, ainsi que sur le rôle des élus, dans le pilotage d'une politique nationale de la psychiatrie et de la santé mentale.
La santé mentale est un enjeu majeur de notre époque. Au total, 12,5 millions de Français sont atteints de maladie mentale. Un jeune adulte sur deux présente des signes de dépression et l'on enregistre 6 000 suicides par an dans notre pays. Je le rappelle à mon tour, le suicide est la première cause de décès des 15-29 ans.
Avec plus de 23 milliards d'euros annuels, les dépenses remboursées au titre de la souffrance psychique et des maladies psychiatriques représentent le premier poste budgétaire de l'assurance maladie.
En 2021, les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie ont souligné la nécessité d'une approche holistique, articulée aux besoins des territoires.
Les structures locales – centres médico-psychologiques, hôpitaux de proximité ou encore associations de santé mentale – jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des patients, au plus près des réalités du terrain. Leurs équipes connaissent mieux que quiconque les besoins spécifiques des communautés qu'elles prennent en charge.
De leur côté, les élus locaux ont une responsabilité particulière. Ils sont les garants de la cohésion, du lien social et de la qualité de vie dans leur territoire. Ils ont le pouvoir d'impulser des dynamiques locales et de mobiliser les acteurs de santé. Ils peuvent plaider pour des moyens supplémentaires auprès des instances nationales, ce que nous faisons à notre tour ce soir.
Ce constat sanitaire appelle une meilleure articulation entre politique globale et déclinaisons territoriales. Ne serait-il donc pas envisageable de créer, sur le modèle du délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, au nombre desquels figure l'autisme, un délégué interministériel à la santé mentale ? Je relève à ce titre que toutes les agences régionales de santé ne disposent pas encore de référent psychiatrie et santé mentale.
En parallèle, il convient de renforcer les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), en chargeant les antennes départementales des ARS de les animer.
En outre, je propose la création d'un centre expert pour la santé mentale dans chaque région, structure qui favoriserait l'inclusion des patients dans la recherche.
Enfin, un centre référent d'accompagnement pour les parcours des patients et la formation des professionnels pourrait garantir un diagnostic et une prise en charge précoces, gages de meilleurs résultats thérapeutiques. Je pense notamment aux 200 000 malades psychiatriques les plus sévères : dans leur cas, une prise en charge adaptée permet de réduire de 50 % le nombre de journées d'hospitalisation.
En résumé, il est urgent de redéfinir le rôle des structures locales et des élus dans le pilotage de la politique nationale de la psychiatrie. La santé mentale de nos concitoyens en dépend.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Laurent Somon. Faisons en sorte que chaque territoire dispose des moyens nécessaires pour répondre aux défis de la santé mentale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Somon, vous évoquez le rôle des élus locaux : l'appel de Nantes a permis à cinq associations nationales d'élus de s'engager, notamment l'AMF et Intercommunalités de France.
Vous m'interrogez sur l'organisation territoriale qu'il convient de privilégier en la matière. Le projet territorial de santé mentale apparaît finalement comme le plus efficace, à condition qu'il soit élaboré en lien avec les conseils locaux de santé mentale ; un certain nombre de ces structures ont déjà vu le jour.
Vous suggérez la création d'un délégué interministériel, mais, dans ce domaine, nous disposons déjà d'un délégué ministériel. Je me fais fort de présenter, lors d'un prochain conseil des ministres, l'ensemble des actions que nous allons mener avec lui, en lien avec les acteurs du monde économique, notamment au titre de la RSE, ceux de la politique de la ville et ceux de l'éducation nationale.
Le ministère de la santé doit coordonner son action avec les travaux menés par l'ensemble des autres ministères compétents pour mener à bien ces politiques publiques. La santé mentale doit, comme le handicap, avoir une place dans l'ensemble des politiques que nous menons.
Un certain nombre de centres experts existent, mais il convient effectivement de les développer. Cela étant, il me semble que vous êtes, comme beaucoup, adepte de la simplification : évitons de créer encore de nouvelles catégories de structures. Mieux vaut selon moi concentrer les moyens sur les professionnels de terrain, même si, sur l'ensemble de ces sujets, je reste ouvert à la discussion.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 13 millions de Français présentent un trouble psychique. Plus d'un quart de la population française consomme aujourd'hui des anxiolytiques, antidépresseurs et autres médicaments psychotropes. Les troubles psychiques sont ainsi la première cause d'invalidité, la deuxième cause d'arrêt de maladie et, avec 23 milliards d'euros en 2023, le premier poste de dépenses du régime général de l'assurance maladie.
Ces chiffres doivent nous alerter, d'autant plus que la forte dégradation de la santé mentale constatée depuis le covid-19 et les confinements successifs frappe sans distinction de milieu social ou d'âge.
Il est urgent de repenser notre approche de la santé mentale : cette dernière est aussi importante que la santé physique. Je me réjouis donc que, dès octobre dernier, le Gouvernement ait fait d'elle la grande cause nationale de 2025.
Véritable enjeu de santé publique, la santé mentale est l'affaire de tous. Elle constitue, de surcroît, une préoccupation majeure des élus locaux, qui jouent un rôle central dans ce domaine. Leur champ d'action s'étend en effet aux crèches, aux écoles ou encore aux Ehpad.
Encouragées par les ARS, diverses collectivités territoriales travaillent ainsi à la mise en place d'un conseil local de santé mentale via une approche participative, regroupant toutes les parties prenantes afin de mener des actions concertées. Toutefois, le manque de psychiatres et notamment de pédopsychiatres se révèle lourd de conséquences, et les élus peinent à mettre en œuvre ces politiques locales.
Le manque de ressources adaptées pour les enfants présentant des besoins spécifiques, les délais d'attente dans les centres médico-psychologiques ou encore les limites du dispositif Mon soutien psy l'illustrent : l'accès aux soins en santé mentale reste très dégradé.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre aux carences de la psychiatrie publique ? Surtout, comment mieux accompagner les collectivités territoriales dans le déploiement des conseils locaux de santé mentale et, ce faisant, faciliter la prévention ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Ventalon, votre question est la dernière de ce débat : c'est peut-être volontairement que vous m'invitez à récapituler le travail engagé ou à venir.
Il faut renforcer la territorialisation des actions de notre ministère en s'appuyant sur les élus locaux. Départements et communes prennent de nombreuses initiatives dans ce domaine, comme l'élaboration des projets territoriaux de santé mentale et la création des conseils locaux de santé mentale. Naturellement, il convient d'encourager ces démarches.
Il faut mettre l'accent sur la formation des professionnels de santé, en lien avec les régions dans le cas des paramédicaux et à l'échelle nationale pour les médecins.
Il convient aussi de renforcer l'attractivité des différents métiers, que ce soit à l'hôpital, en ville ou dans les centres médico-psychologiques.
L'effort de déstigmatisation, qui est tout aussi essentiel, suppose plus largement un travail de vulgarisation. Ériger la santé mentale en grande cause pour l'année 2025 permet déjà de parler de tous ces sujets. Le débat de ce soir en est la preuve.
Il s'agit évidemment de politiques de longue haleine et je n'ai pas de solution immédiate à vous proposer. Toutefois – j'en suis convaincu –, si nous déployons des moyens dignes de ce nom en faveur de la formation, si l'on traite les différents sujets en prenant soin d'adopter une approche transversale et interministérielle, nous pourrons avancer de manière collective, face à ces problèmes ô combien préoccupants.
Source https://www.senat.fr, le 22 avril 2025