Texte intégral
AMANDINE BÉGOT
Et tout de suite l'invité d'RTL Matin, Olivier, vous recevez aujourd'hui le ministre en charge des transports, Philippe TABAROT, bonjour.
PHILIPPE TABAROT
Bonjour.
OLIVIER BOY
Bonjour Monsieur le Ministre, merci d'être avec nous sur RTL. On s'achemine vers une semaine noire à la SNCF pour le pont du 8 mai. Le syndicat SUDRAIL a dit que les négociations hier avaient été un échec. Est-ce que c'est fichu ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, je ne sais pas si c'est fichu. Je pense que la direction de la SNCF veut continuer le dialogue social. Il y a un certain nombre de revendications sur lesquelles il souhaite avancer. Pour autant, pour négocier, il faut être deux et certains syndicats ne semblent pas vouloir avancer vers un apaisement. Moi, je suis le ministre des usagers. Je pense beaucoup aux usagers qui s'inquiètent par rapport à ce mois de mai qui s'annonce difficile. Je pense qu'il faut rapidement qu'ils puissent avoir des informations pour pouvoir s'organiser. En tout cas, j'ai espoir encore sur les capacités de Jean-Pierre FARANDOU, de Christophe ANICHET, à pouvoir trouver un accord et que certains syndicats reviennent à la raison par rapport à une grève qui aurait des conséquences très lourdes, à la fois financièrement pour l'entreprise et pour la confiance des Français dans cette grande entreprise.
OLIVIER BOY
SUD RAIL, les syndicats demandent un travail sur les lignes également. Pour le moment, ils ne bougent pas là-dessus. Est-ce que la SNCF doit céder ?
PHILIPPE TABAROT
Il paraît qu'à chaque fois que je prends la parole, c'est pour mettre de l'huile sur le feu sur ces questions. Donc, je ne voudrais pas être une cause supplémentaire de grève pour les syndicats. Je fais confiance à la SNCF pour voir ce qui n'est pas juste en termes de revendications.
OLIVIER BOY
Mais vous êtes ministre des Transports…
PHILIPPE TABAROT
Je suis le ministre des usagers, je pense à eux prioritairement. Par contre, je pense également qu'on doit avoir sur les comptes de la SNCF un certain équilibre parce qu'on a besoin d'investir dans le réseau. C'est ça le plus important, investir dans les infrastructures. Et une journée de grève, c'est dix millions qui ne sont pas investis dans le réseau. Donc, ceux qui se prétendent, et je veux bien le croire, des amoureux du ferroviaire et qui souhaitent que l'État, à travers la SNCF, puisse investir dans le ferroviaire, doivent pouvoir permettre, tout en ayant un dialogue social apaisé, d'avancer sur ces sujets, et surtout de ne pas utiliser en permanence l'arme de la grève.
OLIVIER BOY
Ce sera une grosse grève si jamais ça n'aboutit pas ? SUD RAIL et CGT, c'est très présent chez les contrôleurs et les conducteurs, ce sera une grosse grève, là ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, on ne sait jamais comment une grève peut être suivie ou non. Moi, je veux encore que le dialogue social puisse se mettre en oeuvre. Je ne souhaite pas intervenir directement parce que je pense que ça affaiblirait probablement…
OLIVIER BOY
L'État n'a pas à mettre la pression sur l'un ou l'autre pour que les négociations avancent ?
PHILIPPE TABAROT
L'État l'a toujours fait, et ça ne s'est jamais très bien passé au final. Donc, moi, j'ai confiance. Jean-Pierre FARANDOU est à la fin de son mandat, il va l'assumer pleinement au bout du bout, et il saura s'il peut trouver un accord ou pas. Le plus important, c'est, en amont, de pouvoir donner l'information aux usagers, de penser à eux.
OLIVIER BOY
Au 64-900 sur RTL, on a beaucoup d'auditeurs qui réagissent là-dessus, un auditeur en particulier qui dit : " S'il y a grève, il faut avancer sur cette histoire d'interdiction des jours fériés et des vacances. " C'est précisément cette proposition de loi que vous portez depuis des années, que vous avez fait voter au Sénat, qui n'est pas encore arrivée à l'Assemblée. Est-ce que s'il y a grève, vous allez revenir, vous, ministre des Transports, avec cette loi et avec la volonté qu'elle passe, près de tout le Parlement ?
PHILIPPE TABAROT
Vous l'avez dit, je ne redis pas le parlementaire que j'ai été il y a encore quelques semaines. Ce texte a été voté, on verra si des députés s'en saisissent. Je pense qu'il serait intéressant de faire un point, de toute manière, de la situation après cette potentielle grève, après cette période du mois de mai, on en parlait tout à l'heure, il y a une autre période qui est clé aussi, c'est celle des vacances de Noël, qui correspondent souvent aux négociations annuelles salariales. Je pense que ce sont les deux points…
OLIVIER BOY
S'il y a grève, est-ce que cette loi revient et arrive à l'Assemblée nationale ?
PHILIPPE TABAROT
C'est aux parlementaires d'en décider, ou en tout cas aux députés, puisqu'au Sénat, elle a été votée avec une large majorité.
OLIVIER BOY
Vous la souhaitez toujours ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, je suis un des co-rédacteurs, donc je ne renie pas celui que j'ai été sur ces sujets. Je ne le souhaiterais pas, parce que je pense qu'on peut avancer autrement. Après, quand il y a un contournement du droit de grève, des grèves perlées, des grèves de 59 minutes, des préavis dormants pendant des années, je pense que le droit de grève lui-même est détérioré. Je pense que c'est un droit constitutionnel qui est particulièrement important dans notre pays.
OLIVIER BOY
Et qui est dévoyé aujourd'hui par les syndicats, c'est ce que vous dites ?
PHILIPPE TABAROT
Non, qui pourrait l'être, qui pourrait l'être quelquefois. Et je pense que notre droit constitutionnel, c'est celui de pouvoir aller et venir. Je pense qu'on en parlera dans un instant. Et ça, c'est important pour moi, ça a du sens.
OLIVIER BOY
On va parler maintenant de l'état de nos transports en France. État inquiétant, vous avez vous-même commandé une étude au ministère des Transports, qui est arrivée sur votre bureau, on l'a révélée ce matin sur RTL, avec un chiffre qui nous a tous effarés : un Français sur trois renonce un jour à une opportunité professionnelle, parce qu'il ne peut pas y aller facilement, parce qu'il y a des problèmes de transports. D'abord, vous le ministre, est-ce que vous avez été aussi effaré, étonné par ce chiffre ?
PHILIPPE TABAROT
C'est ça ma préoccupation principale. Je ne l'ai pas été totalement, parce que si j'ai souhaité une conférence de financement qui se tient le 5 mai prochain à Marseille, c'est par le Premier ministre, et sur une dizaine de semaines, avec des experts des transports, avec des élus, avec des usagers, c'est pour trouver des sources de financement pour les infrastructures de transport. On s'aperçoit dans notre pays que les infrastructures sont vétustes, qu'elles ont besoin de financement pour être beaucoup plus efficaces, qu'il y a une dette grise qui existe, que nous n'investissons pas suffisamment, et je souhaite qu'à travers cette conférence de financement, on puisse trouver la possibilité à la fois de financer les secteurs qui peuvent gagner de l'argent de manière très simple, et je pense notamment aux concessions autoroutières, qu'elles soient en mesure de pouvoir financer d'autres modes de transports, comme nos routes nationales qui sont particulièrement détériorées, ou comme nos infrastructures ferroviaires qui en ont besoin. Et peut-être il y a la question aussi par rapport au sondage, bien sûr cette question d'un sur trois, un Français sur trois qui ne peut pas trouver de travail, et il y a également la différence entre Paris et la province, et la différence entre les métropoles et les périphéries. C'est ça peut-être le plus frappant.
OLIVIER BOY
On entend la France à deux vitesses, on l'a entendu sur RTL tout à l'heure avec cette ligne en Auvergne qui ne fonctionne pas, sur l'état des routes. Juste sur ce point-là, parce que vous parlez d'argent. Les maires de France parlent de réseaux routiers proches du délabrement.
PHILIPPE TABAROT
C'est un autre sujet, les maires de France…
OLIVIER BOY
Non, ils disent que vous leur donnez un milliard d'euros pour gérer les routes, gérées par les communes, alors que vous récupérez cinquante milliards d'euros.
PHILIPPE TABAROT
Ça n'a rien à voir, on parle de voirie communale, ça, c'est des questions de communes, d'intercommunalité, à la rigueur de dotation de l'État sur ces sujets. Moi, je vous parle des routes nationales, je vous parle de celles qui sont des compétences de l'État, et l'État n'investit pas suffisamment sur ces routes nationales.
OLIVIER BOY
Et pourquoi vous n'avez pas assez d'argent pour vous occuper de ces routes nationales ?
PHILIPPE TABAROT
Parce qu'il faut que d'autres moyens, par solidarité, puissent aider au financement. Nous avons un sujet important qui est la fin des concessions autoroutières dans notre pays. Il faut se dire, qu'est-ce que nous souhaitons de ces concessions routières ? Le sondage montre que les Français sont très attachés, c'est un patrimoine national, il y a 10 000 kilomètres d'autoroutes dans notre pays qui sont plutôt très bien entretenues par le système concessif. Est-ce qu'on souhaite conserver ce système concessif ? Est-ce qu'on souhaite un autre système ?
OLIVIER BOY
Récupérer l'argent des sociétés autoroutières, pour l'instant, vous n'en récupérez pas assez. Elles servent à quoi les bénéfices des sociétés autoroutières ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, l'État s'est un petit peu désengagé de ces questions ces dernières années et n'est plus au coeur de ces discussions. Moi, je souhaite que l'État soit de nouveau au coeur de ces sujets, à la fois pour notifier aux sociétés autoroutières les dernières années de contrat qu'elles ont et les investissements qu'elles doivent faire dans leurs contrats de concession, et surtout leur donner la possibilité, à travers notamment les recettes des péages…
OLIVIER BOY
Qui ont augmenté les dernières années plus que l'inflation…
PHILIPPE TABAROT
Qui ont augmenté, et vous voyez dans l'étude, les Français disent qu'ils sont prêts à payer le juste prix si les autoroutes sont dans un bon état et si elles permettent de financer d'autres modes de transport, notamment le ferroviaire. Ça, ce sont des sujets intéressants.
OLIVIER BOY
Comment ça se passerait ? Vous allez renégocier à partir de 2030, c'est ça, 2031 ?
PHILIPPE TABAROT
Exactement.
OLIVIER BOY
Dans votre modèle, comment ça se passe ? Comment vous récupérez l'argent des sociétés autoroutières ? Quelle clause vous mettez dans les contrats ?
PHILIPPE TABAROT
La conférence de financement sera là pour le dire. Moi, à titre personnel, j'ai un certain nombre de convictions. Les pays qui ont voulu renationaliser ces autoroutes, et je pense notamment à l'Espagne, qui ont voulu faire la gratuité des transports, se retrouvent dans une situation particulièrement difficile aujourd'hui. Donc, plus de finances publiques pour les financer.
OLIVIER BOY
Vous les laissez aux sociétés autoroutières.
PHILIPPE TABAROT
Et donc, comment vous faites ? On encadre, et on encadre beaucoup plus peut-être que par les précédentes concessions, à la fois la question des profits. À l'époque, ça se base sur les superprofits.
OLIVIER BOY
Ils gagnent trop d'argent les sociétés ?
PHILIPPE TABAROT
Avec les précédents contrats, très probablement, parce qu'ils n'avaient pas été suffisamment bien négociés. Là, je pense que tout le monde peut y trouver son compte. Bien sûr, les actionnaires de ces grandes sociétés concessionnaires, mais également les usagers qui doivent payer le juste prix, et pas plus, et puis dégager des sommes qui pourront permettre d'investir, comme je l'ai dit, sur les infrastructures ferroviaires, et sur les routes nationales qui en ont besoin pour éviter…
OLIVIER BOY
Les routes nationales, est-ce qu'il faudrait les faire payer ?
PHILIPPE TABAROT
Non, je ne suis pas pour faire payer les routes nationales, c'est du ressort de l'État de les entretenir, et nous devons trouver les sommes nécessaires dans un contexte si compliqué, pour pouvoir investir. Il y a des ponts aussi qui posent un certain nombre de problèmes dans notre pays, il faut sécuriser tout ça, et je pense que les mains des concessions autoroutières pourront le permettre dans les dix, vingt et trente prochaines années. En tout cas, c'est mon souhait, et j'espère que ce sera le souhait lors de la conférence de financement le 5 mai prochain à Marseille, pour dix semaines.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 avril 2025