Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la coopération dans la zone de l'Océan indien, à Tananarive le 24 avril 2025.

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Circonstance : Sommet de la Commission de l'Océan Indien

Texte intégral

Monsieur le président de la République de Madagascar, merci infiniment pour votre accueil et vos mots.

Monsieur le Président de l'Union des Comores, 
monsieur le Premier ministre de la République de Maurice, 
monsieur le président de la République des Seychelles, 
mesdames les Premières Dames, 
monsieur le secrétaire général de la Commission de l'Océan Indien, 
monsieur les chefs d'institution de la République de Madagascar, 
messieurs les premiers ministres, 
mesdames et messieurs les ministres, 
madame la présidente et messieurs les présidents des collectivités françaises ultramarines présentes dans la délégation française, 
mesdames, messieurs les parlementaires, 
mesdames, messieurs les ambassadrices et ambassadeurs, 
mesdames, messieurs les représentants et membres des gouvernements, les observateurs de la COI, 
mesdames et messieurs les partenaires de la Commission de l'Océan Indien, 
mesdames et messieurs en vos grades et qualités, 
chers amis,

permettez-moi tout d'abord d'adresser mes remerciements les plus chaleureux à la fois à notre hôte, le président Rajoelina, cher Andry, merci infiniment à vous et à madame la Première Dame pour le formidable accueil à la fois d'hier soir et d'aujourd'hui, et d'avoir pris l'initiative de nous réunir à Antananarivo aujourd'hui.

Et permettez-moi de féliciter le président Azali, mon cher frère, qui co-préside ce sommet. Je souhaite d'ailleurs, réitérant les félicitations à la République des Seychelles pour le formidable travail qui a été fait, vous souhaiter le plein succès pour la présidence comorienne de la Commission de l'Océan Indien qui vient de débuter.

Je suis très heureux d'être à vos côtés aujourd'hui pour célébrer ensemble les 40 ans de la Commission de l'Océan Indien. Et je rends hommage ici à cette occasion à la vision des fondateurs et à l'engagement de tous ceux qui ont façonné cette institution depuis 4 décennies. Monsieur le secrétaire général, cher Edgar, en continuant à la faire vivre au quotidien avec vos équipes, vous êtes les dépositaires de cet héritage. Vous donnez corps à l'amitié et à la communauté de destin qui existe entre nos îles, entre nos peuples, ici, dans cet espace maritime et insulaire entre l'Afrique et l'Indopacifique, car nos îles sont nées d'un même monde. Et pour citer l'homme de lettre mauricien Malcolm De Chazal, "une île est une éclosion de la mer". Et mon premier sentiment est d'abord celui-là, le sentiment d'une fraternité profonde.

La France est fière d'être membre de la COI et l'océan Indien fait partie de l'identité de notre pays. Oui, ce sont plus d'un million de nos concitoyens ultramarins, expatriés ou binationaux qui vivent et travaillent dans cette région du monde et qui ont souvent des attaches fortes, familiales, unissant d'ailleurs toutes les îles de notre Commission. Ce qui nous réunit, c'est une histoire, une culture francophone, une tradition de solidarité et d'échange entre nos populations, nos jeunes, nos étudiants, nos artistes, nos entrepreneurs. J'avais évoqué, lors d'un précédent déplacement à La Réunion en 2019, la culture des rivages qui nous rassemble et fait notre identité commune. Aujourd'hui, l'état du monde nous impose encore davantage de nous unir autour de cette culture, de cette identité, et d'en faire le carburant de notre méthode multilatérale pour unir et protéger davantage, à travers des projets communs, nos peuples qui ont l'océan Indien et l'insularité en partage. Mesdames et Messieurs, depuis notre dernier sommet en 2014, l'ordre international a été profondément bousculé, bouleversé par des crises historiques et des changements brutaux. Nous avons vécu une décennie où tant de nos certitudes ont été ébranlées, où les défis se sont accumulés, quand parfois aussi les règles communes ont été mises à l'épreuve, et nous l'avons encore vu ces dernières semaines.

Voilà pourquoi nous devons y répondre ensemble, de manière solidaire. Et notre Commission en a démontré sa capacité en travaillant à notre sécurité alimentaire, à celle de nos partenaires, c'est travailler à la sécurité et la stabilité de nos territoires respectifs. C'est le meilleur investissement à la paix et à la prospérité. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons lancé, dès le début de la guerre d'agression russe en Ukraine, en mars 2022, l'initiative FARM qui a permis de libérer des voies de passage pour le blé ukrainien, dont beaucoup, y compris dans la région, étaient dépendants. Mais surtout, nous avons initié une initiative au long cours avec nos instruments, Bpifrance, le groupe AFD, nos partenaires, comme le Fonds international de développement agricole, pour investir de manière durable dans nos filières agricoles. Et c'est ce même engagement, beaucoup d'entre vous étaient présents à Paris il y a quelques semaines, que nous avons renouvelé lors du dernier sommet nutrition pour la croissance, où j'ai pu annoncer à cette occasion que la France investirait plus de 750 millions d'euros sur la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde d'ici 2030.

Cet engagement se décline évidemment dans le sud-ouest de l'océan Indien, et nous y menons, notamment avec l'Union européenne, plus de 120 millions d'euros de projets en matière de sécurité alimentaire qui tiennent compte des défis spécifiques de notre région, car on le sait, à la fois l'insularité, mais également la multiplication des aléas climatiques, cyclones et autres, conduit à rendre ce défi encore plus vital. Mais nos îles ont aussi beaucoup d'atouts et sont souvent à la pointe de la recherche, de l'innovation, de la production. Et nous avons ainsi des trésors endémiques. Ce n'est pas par hasard si nos îles se réunissent sous le label des Îles vanilles. Et il y a beaucoup d'autres exemples, l'ylang-ylang, la canne à sucre, le girofle, le copra et j'en passe. Et nous avons aussi des ressources naturelles pour subvenir aux besoins de nos populations, notamment les ressources halieutiques, dont l'exploitation doit être conciliée avec le plus haut degré de protection, y compris contre les prédations extérieures. Pour ce grand archipel qu'est le sud-ouest de l'océan Indien, ces ressources agricoles et halieutiques sont un bien commun régional. Et je vois au moins trois chantiers pour mieux les valoriser.

D'abord, stimuler la production, comme vous l'avez dit, et améliorer les infrastructures, en particulier agro-logistiques. Et pour cela, il nous faut plus d'investissements du secteur privé, ce qui exige notamment un climat des affaires sûrs, prévisibles, ce qui suppose aussi davantage de formations dans les métiers agricoles. Engageons-nous sur ces projets. Vous pouvez compter sur la France et l'ensemble de ses opérateurs. Ensuite, c'est consolider un cadre normatif qui nous protège. Les normes sanitaires et phytosanitaires ne sont pas un obstacle au développement de la production, mais un atout pour la compétitivité à l'export, pour la santé de nos populations. Mais nous voulons, pour ce faire, avoir un cadre commun au niveau de la COI.

Cessons les barrières qui empêchent la circulation de nos productions agricoles et la solidarité nécessaire. C'est ce qui donnera plus de profondeur à notre marché, plus d'investissement privé, plus de solidarité et une réponse plus efficace à la lutte contre la vie chère. Enfin, c'est aussi le chantier qui consiste à mieux intégrer les chaînes de valeurs régionales, et je salue ici l'idée d'un espace de production et d'échanges agricoles et alimentaires au sein de la COI, ce qui permettra d'accélérer cette dynamique, d'avoir, là aussi, l'espace qui permet les bons investissements. Ceci m'amène au deuxième thème que je souhaite aborder, à savoir la sécurité et la sûreté maritimes. En effet, pour prévenir les pollutions marines, aider les navires en difficulté, lutter contre les trafics, qu'il s'agisse de la pêche illégale, des trafics de drogue, nous avons besoin d'une action structurée et coordonnée autour de l'architecture de sécurité maritime dont nous sommes dotés. Tous, nous sommes touchés par ces fléaux. Tous dans la région, nous sommes touchés par ces trafiquants qui viennent prélever ce qui n'est pas à eux et qui viennent, en quelque sorte, exploiter aussi les difficultés déjà présentes. L'exercice interarmées, Tulipe, qui se tient en ce moment même à Madagascar et qui rassemble près de 1 500 militaires des Etats membres de la COI, illustre cette dynamique commune. Le renforcement de notre interopérabilité, la bonne coordination entre nos moyens militaires contribuent à notre crédibilité collective et renforcent notre capacité conjointe d'action.

Je suis très heureux à cet égard que les FAZSOI puissent agir à vos côtés, et au-delà de nos forces qui sont prépositionnées dans l'océan Indien, dont nous sommes en train d'accroître la présence, la France va dans les deux prochaines années, accroître de plus de 15 % sa présence à La Réunion avec les FAZSOI, démultiplier aussi sa présence maritime à La Réunion et à Mayotte, je suis fier que, dans le cadre des exercices Tulipe, nous ayons déployé plus de 500 militaires, des moyens exceptionnels, Frégates A400M, pour démontrer notre solidarité et notre participation à la sécurité collective de l'océan Indien. Preuve supplémentaire de notre engagement, j'ai la fierté d'annoncer que nous avons lancé une académie de l'océan Indien basée à La Réunion pour coopérer avec nos partenaires de la région sur les défis sécuritaires, et qui sera pleinement complémentaire des actions de la COI.

Le troisième sujet que je voudrais aborder avec vous est celui de la gestion des risques naturels. Les cyclones Chido et Garance ont durement éprouvé, et Mayotte et La Réunion. Ils ont aussi montré que la solidarité était essentielle sur ce sujet comme sur les autres. Et je veux très sincèrement remercier les autres Etats de la COI pour leur soutien à nos collectivités affectées par ces catastrophes. Vous n'avez pas ménagé votre solidarité dans tous les domaines, et nous y avons été extrêmement sensibles. En filigrane, il y a bien sûr la question climatique, l'enjeu de la préservation de la biodiversité, qui est l'enjeu de notre siècle, est un défi existentiel pour nos îles. Et la coopération que nous déployons au sein de la COI est essentielle pour y faire face. Pour répondre à ces défis communs et urgents, la France, qui est le premier bailleur de la COI, continuera de mettre ses capacités au service de notre communauté à travers ses opérateurs, notamment l'AFD, qui déploie à ce jour un portefeuille de 125 millions d'euros de projets au profit de la COI. Mais aussi grâce à l'appui des services de l'Etat positionnés dans la région, des forces armées de la zone sud de l'océan Indien, de l'université, de La Réunion, des organismes de recherche et de coopération, je pense à l'IRD, au SIRAD, à l'Institut Pasteur ou aux agences régionales de santé. Et la contribution des collectivités ultramarines françaises, dont je salue l'engagement, est évidemment des plus décisives. Mesdames et messieurs, je ne saurais être complet sans évoquer l'intégration de l'ensemble de nos îles du sud-ouest de l'océan Indien dans la coopération régionale. J'ai dit que la COI se caractérisait par un esprit d'amitié, de fraternité, de solidarité et de coopération depuis 40 ans. C'est ce qui fait notre force. Et nos territoires font face, en effet, aux mêmes défis. Et ces défis ne connaissent pas les frontières. Parce que nous devons partager cette ambition commune au service de l'intérêt de tous, nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes. Je pense bien évidemment à Mayotte, île et territoire de l'océan Indien, que dans les faits, vous avez mis au coeur de votre solidarité quand elle a été si durement éprouvée.

L'implication de nos populations, l'intégration de toutes nos îles dans les efforts de la COI pour la prospérité et la sécurité dans la pluralité de ces dimensions, maritime, alimentaire et pour la santé, sont dans l'intérêt de nos peuples et de la région. Et je sais pouvoir compter sur l'engagement de tous pour avancer de manière pragmatique vers cet objectif. Mesdames et Messieurs, la France se mobilisera pour que la préservation de nos biens communs dans l'océan Indien figure en bonne place dans les discussions de la Conférence des Nations unies sur l'océan que nous accueillerons à Nice du 9 au 13 juin 2025. Plusieurs de nos Etats membres ont montré leur plein engagement par la signature et la ratification du Traité pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, dit traité BBNJ. J'encourage tous les Etats, y compris nos observateurs, qui ne l'ont pas encore fait à ratifier ce texte majeur pour la protection de nos océans. C'est une opportunité historique et je compte sur vous. Dans un contexte international de plus en plus complexe, singulièrement dans la zone Indopacifique, la COI est un modèle de coopération pour le développement et l'attractivité de nos îles. Aucune de nos îles ne peut relever seule les défis qui se présentent à tous.

Mais je suis convaincu d'une chose, c'est qu'ensemble, en conjuguant nos atouts, en mutualisant nos idées et nos savoir-faire, en investissant sur les projets concrets que nous nous sommes donnés, nous pouvons tracer une voie nouvelle, singulière, adaptée à nos réalités insulaires, une voie de fraternité, d'engagement et de courage.


Vive l'Indien Océanie, vive notre communauté de la Commission de l'Océan Indien et vive la fraternité entre l'ensemble de nos pays, l'ensemble de nos îles !

Je vous remercie.