Interview de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à LCI le 17 avril 2025, sur le conflit en Ukraine et les tensions commerciales avec les États-Unis.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : LCI

Texte intégral

Q - Merci d'être avec nous. Nous sommes avec le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Monsieur le Ministre, bonsoir.

R - Bonsoir.

Q - Vous êtes évidemment l'homme qu'il faut ce soir. Vous sortez à l'instant de cette série de réunions qui constituent ce sommet de Paris, on va en voir les images. Paris, centre de l'attention mondiale aujourd'hui, c'est l'exploit de la diplomatie française. Vous avez mis autour d'une même table les Américains et les Ukrainiens. Evidemment, nous allons développer les résultats de cette réunion, ce qui va en sortir, la suite de l'agenda, ce que vous avez obtenu en matière de dialogue avec les Américains concernant l'Ukraine, concernant évidemment les droits de douane. Un mot d'abord de l'ambiance. On a tellement parlé depuis des jours et des jours de l'antagonisme entre l'Europe et les Américains, entre la France et les Américains. Quelle était l'ambiance, là, dans la salle que l'on voit ?

R - D'abord, vous l'avez dit, c'est un succès diplomatique pour la France puisque c'est la première fois que les Américains, les Ukrainiens et les Européens sont autour de la même table. Ce sommet de Paris s'inscrit dans la continuité de la rencontre de Notre-Dame entre le Président de la République, le président Trump et le président Zelensky. Dans ce moment que nous traversons, ce sommet de Paris, cette série de rencontres, était évidemment essentiel, puisqu'il s'agit évidemment d'aller et d'avancer vers l'objectif que nous avons en commun : c'est la paix. Et ça commence par un cessez-le-feu pour que des négociations puissent se tenir. Et pour que tout cela puisse advenir, il faut poursuivre le dialogue. C'est l'objet des rencontres qui se sont tenues tout au long de la journée, à l'Elysée d'abord, puis au Quai d'Orsay.

Q - Quand on regarde l'image autour de la table, ces hommes qui incarnent le pouvoir américain, Rubio, Witkoff, Kellogg. Ils ont eu certains d'entre eux des mots extrêmement durs sur le président Zelensky notamment. Est-ce que vous sentez un mouvement chez eux ?

R - Je sens une très forte volonté de la part de nos interlocuteurs américains d'aboutir au plus vite à un cessez-le-feu. Ils sont donc à l'écoute de ce que les Ukrainiens ont à dire, de ce que les Européens ont à dire. Parce que pour conclure un cessez-le-feu, il faut être deux, au moins deux en l'occurrence - il y a aussi les Européens qui sont concernés par ce qui se passe en Ukraine, c'est-à-dire à nos portes. Et pour cela, il faut avoir des échanges qui soient francs et qui soient transparents sur ce qui est possible, ce qui ne l'est pas. J'ai trouvé des médiateurs, des négociateurs américains particulièrement à l'écoute, décidés à arriver au plus tôt au cessez-le-feu.

Q - Quel est leur intérêt ? Vous réussissez là, objectivement, c'est un très grand coup diplomatique. Bravo. C'est sans doute dû à votre habileté, à celle du Président de République, mais ils ont forcément un intérêt s'ils font le voyage de Paris, les trois, maintenant. Pourquoi ?

R - Parce qu'il y a eu ces dernières semaines, d'abord des échanges avec les Ukrainiens, puis avec les Russes, les négociateurs russes. Et plus récemment, l'émissaire du président Trump, Steve Witkoff, s'est rendu à plusieurs reprises à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine. Donc le moment était venu, après avoir entendu les attentes russes, de pouvoir rééchanger avec les Ukrainiens et avec les Européens, dont les Américains ont bien compris qu'ils joueraient un rôle très important, non seulement en soutien de l'Ukraine, mais également, le moment venu, pour surveiller un cessez-le-feu. Et puis lorsque la paix sera conclue, pour apporter les garanties de manière à ce qu'elle soit durable...

Q - Vous voulez dire qu'ils ont besoin de l'Europe ? Ils ont besoin de vous ?

R - Ils ont compris qu'une paix juste et durable, une paix durable, ne peut être atteinte qu'avec, d'une certaine manière, le consentement des Européens et la contribution des Européens. Et d'ailleurs, nous avons travaillé en ce sens, puisque la rencontre d'aujourd'hui était la première dans ce format. Mais comme vous le savez, il y a un peu moins d'un mois, nous avons accueilli à Paris, à l'initiative du Président de la République, les pays européens et les pays amis de l'Ukraine, pour préparer, pour nous préparer à surveiller ce cessez-le-feu lorsqu'il aura été atteint. Et puis ensuite, pour apporter les capacités militaires à l'Ukraine, lorsque la paix aura été conclue, pour que cette paix soit durable. C'est ce qu'on appelle les garanties de sécurité.

Q - Monsieur le Ministre, on voit qu'il y a deux absents, on va en parler, autour de la table, pour l'instant : c'est les Russes. Un jour, y aura-t-il les Russes ? On va en parler. Mais l'Union européenne n'est pas représentée, ni par Mme von der Leyen, ni par Kaja Kallas. Est-ce qu'il est vrai que les Américains n'en voulaient pas ?

R - Je crois que ce format, qui rassemble la France, les Britanniques qui ne sont plus dans l'Union européenne, et les Allemands, a permis ces dernières semaines de faire des progrès considérables dans la préparation du cessez-le-feu, dans la préparation de la paix. Et c'est pourquoi...

Q - C'est bizarre.

R - Qu'est-ce qui est bizarre ?

Q - Que les Européens ne soient pas là. Que M. Trump, encore aujourd'hui, ne veuille pas recevoir Mme von der Leyen, alors que théoriquement, c'est l'Union européenne qui devrait, en grande partie négocier cela et surtout négocier les droits de douane.

R - Je crois qu'il est important que les Européens au sens large et tous les Européens qui ne sont pas dans l'Union européenne, à commencer par le Royaume-Uni, soient bien associés. Vous savez, lors de la rencontre qui s'est tenue à il y a un peu moins d'un mois à Paris, à l'invitation du Président, les Européens, justement, ont confié au Président de la République et au Premier ministre britannique le soin de représenter cette coalition des volontaires, cette coalition des alliés de l'Ukraine. D'ailleurs, ce n'est pas une surprise si suite à ce sommet de Paris qui s'est tenu aujourd'hui, c'est à Londres que sera accueillie la semaine prochaine la prochaine réunion dans ce format.

Q - Jean-Noël Barrot, entrons dans le détail, si vous le voulez bien, de ce qui a été obtenu ; ou en tout cas, on comprend bien que c'est un début, donc les pistes qui sont en train de prendre dans ce processus. La présence des Ukrainiens à la table des négociations, on sait que c'est une de leurs demandes principales. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que le Président de la République, vous, vous avez politiquement sauvé Volodymyr Zelensky ?

R - Je crois que lorsque les Ukrainiens se sont rendus en Arabie saoudite pour rencontrer les Américains, ils ont d'ores et déjà, et nous avions beaucoup échangé avec eux avant cette rencontre, ils ont d'ores et déjà montré qu'ils étaient prêts au cessez-le-feu, puisqu'ils ont accepté en Arabie saoudite un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel, à la fois dans les airs, en mer, sur terre, pour une durée de 30 jours.

Q - Le président Trump l'avait traité de dictateur, donc ça part de loin...

R - En tout cas, ils ont négocié lorsqu'ils étaient en Arabie saoudite avec les Américains et ils se sont mis d'accord sur une formule de cessez-le-feu. Ils ont donc démontré leur capacité à négocier et ils ont démontré aussi leur volonté de mettre fin à cette guerre qui a trop duré.

Q - L'Europe peut-elle prendre la relève ? Aujourd'hui, on voit à quel point les Américains semblent vouloir se désengager. On l'entendra plus tard dans l'émission. C'est ce moment très dur où le président Trump dit : "Vous n'aurez pas les Patriot." Zelensky dit : "je suis prêt à payer même 15 milliards." Trump dit non. Est-ce que l'Europe peut prendre la relève ?

R - L'Europe est en train de se réarmer, de relever ses propres défenses pour dissuader toutes les menaces. Et ce faisant, elle se prépare aussi à soutenir les pays comme l'Ukraine qui pourraient, dans son voisinage, être agressés. Maintenant, il faut rétablir les faits. Aujourd'hui, les Etats-Unis d'Amérique soutiennent l'Ukraine. L'Ukraine bénéficie, pour résister à la guerre d'agression de la Russie, du renseignement de la part des Américains, des communications satellitaires et des armes que les Américains ont apporté à l'Ukraine pendant toutes ces semaines et ces mois. Donc, aujourd'hui... Les faits sont têtus. Les Etats-Unis d'Amérique soutiennent la puissance ukrainienne.

Q - Pour l'instant. Est-ce que vous avez retrouvé espoir dans les Américains ? Pour dire les choses, la scène où on voit que ce sont des durs, et Witkoff, et Rubio - Rubio, peut-être un peu moins, Witkoff, vraiment, ce n'est pas quelqu'un de facile en affaires, malgré son sourire ; Kellogg. Est-ce que vous retrouvez espoir en eux ?

R - Ce que je constate, c'est qu'ils sont pressés d'en finir avec cette guerre, et je crois que nous devons mobiliser cet empressement ou accompagner cet empressement pour placer Vladimir Poutine face à ses responsabilités, face aux promesses qu'il a faites au président Trump et qui ne semblent pas tenir jusqu'à présent, pour permettre au président Trump, si je puis dire, de tenir l'engagement qu'il a pris pendant cinq mois...

Q - Est-ce que vous leur avez dit, pendant les réunions, "regardez, c'est Poutine qui ne tient pas ses promesses" ? Est-ce que vous leur avez dit ?

R - Bien sûr, puisque nous sommes instruits par l'histoire récente, par les Accords de Minsk, qui, il y a dix ans, ont été violés à de multiples reprises par Vladimir Poutine. Nous avons rappelé que, alors que nous nous préparons à rentrer dans le vif de ces négociations conduisant à un cessez-le-feu puis à une paix durable, il faut bien avoir à l'esprit que Vladimir Poutine utilisera toutes les combines, toutes les manoeuvres pour échapper à ses responsabilités.

Q - Question très concrète. On a vu ce bombardement à Soumy il y a quelques jours, extrêmement meurtrier, opéré par les Russes. Les Ukrainiens manquent de Patriot. La France a certains systèmes à peu près équivalents comme les Mamba. Est-ce que la France va aider davantage ?

R - La France et les autres pays européens ont, ces derniers mois, pris de nouveaux engagements pour soutenir la résistance ukrainienne. C'est le cas de la France, avec un paquet de 2 milliards d'euros qui a été annoncé il y a trois semaines par le Président de la République. C'est le cas de l'Allemagne, et vous avez entendu les déclarations du futur chancelier, qui d'ores et déjà envisage que des Taurus puissent, sous certaines conditions, être livrés. Plus généralement, vous voyez bien, que ce soit au niveau national ou que ce soit au niveau européen, des financements ont été libérés pour permettre aux pays européens de se réarmer. Tout ça va évidemment permettre de poursuivre notre soutien à l'Ukraine, qui s'accompagne des sanctions que nous plaçons et que nous allons continuer de placer sur la Russie. Mais au-delà, puisque, une fois la paix conclue, la paix que nous appelons de nos voeux parce que nous voulons la paix, il faudra qu'elle soit durable, et la première garantie qu'elle puisse être durable, c'est de renforcer cette armée ukrainienne par la formation, par le soutien avec des équipements, mais peut-être aussi, et je crois qu'il y a des opportunités à saisir, avec de la production sur place, de matériels, d'équipement, de drones. Les Ukrainiens ont acquis tout au long de ces guerres une expertise assez forte.

Q - Vous parlez des Taurus allemands. Le nouveau chancelier Merz va sans doute les donner. Est-ce que dans la sécurité du continent européen, ce sera décisif à vos yeux ?

R - La sécurité du continent européen, elle se joue aujourd'hui en Ukraine. De la manière dont cette guerre prendra fin, de la solidité de la paix qui sera conclue, dépendra l'avenir de notre continent. C'est pourquoi, depuis trois ans, nous n'avons jamais manqué aux Ukrainiens. C'est pourquoi nous les avons soutenus et nous continuerons à le faire. Parce qu'on pourrait détourner les yeux, considérer que tout cela se passe loin de chez nous, mais ce serait méconnaître le fait que la Russie est, pour nous, une menace qui est devenue existentielle, qu'elle consacre aujourd'hui une part très importante de son budget et de sa richesse nationale à son effort de défense, et qu'elle n'entend pas s'arrêter là, puisqu'il y a quelques jours, Vladimir Poutine a annoncé une nouvelle conscription de 160.000 soldats, la plus importante depuis 14 ans, et que nous avons vu au-delà du terrain militaire l'agressivité de la Russie se déployait dans tous les champs connus de la conflictualité, la désinformation, le cyberespace, le sabotage, la perturbation des élections. Bref, nous devons dissuader cette menace en élevant nos défenses durablement.

Q - Vous parlez du recrutement. On voit qu'il a toujours de l'argent. Poutine a de l'argent qui vient encore en partie du gaz, qu'il peut encore vendre à l'Europe de l'Ouest. Est-ce que vous allez définitivement couper ce robinet-là ? Une grande partie a été coupée, mais il y a encore des milliards qu'il prend de l'Europe et qui servent entre autres à payer des soldats.

R - Nous travaillons activement à une nouvelle série de sanctions, le 17ème paquet de sanctions depuis le début de cette guerre...

Q - Y compris moins de gaz ?

R - ... que nous voulons le plus ambitieux possible, avec évidemment toujours une vigilance sur la sécurité énergétique de l'Europe, puisque certains pays européens dépendent du gaz. Et donc, au moment où nous voulons pénaliser, asphyxier l'économie de guerre de Vladimir Poutine, nous veillons à ne pas trop diminuer, à ne pas trop fragiliser l'économie européenne. Mais nous allons préparer et j'espère que nous serons en mesure d'adopter dans les prochaines semaines un 17ème paquet de sanctions qui viendra alourdir le coût de cette guerre pour Poutine.

Q - Eclairez-nous sur la question des troupes au sol. On a dit tellement de choses sur le sujet, y compris parfois des bêtises, ça arrive aux commentateurs, mais il faut dire que la France aussi a donné parfois des versions un peu différentes. On a compris la dernière en date, c'est-à-dire, dites-moi si je me trompe, des troupes de réassurance qui ne seront là qu'après un cessez-le-feu, enfin qui seront là potentiellement, qui peuvent être là, Françaises et autres, sur le sol de l'Ukraine. Est-ce que c'est toujours à l'ordre du jour ?

R - Une fois la paix conclue, il faut la garantir. La première des garanties, je le disais tout à l'heure, c'est une armée ukrainienne forte, en capacité de repousser toute tentative d'invasion ou d'agression. Ensuite, comme c'est le cas d'ailleurs dans d'autres pays européens, il est important que nous puissions apporter de la capacité militaire, qui peut prendre diverses formes, de manière à ce que l'agresseur éventuel sache que, même s'il perçait les défenses du pays qu'il entend envahir, se retrouverait face, en deuxième rideau, si je puis dire, à des capacités militaires alliées, et qu'il prendrait donc le risque de se retrouver entraîné dans une guerre beaucoup plus, ou en tout cas dans une confrontation militaire plus incertaine.

Q - C'est toujours à l'ordre du jour ?

R - C'est à l'ordre du jour, évidemment, puisque ça fait partie de la responsabilité des alliés de l'Ukraine, des Européens, mais également des Américains qui n'ont jamais exclu formellement de pouvoir participer d'une manière ou d'une autre à ces garanties.

Q - Des soldats américains au sol en Ukraine...

R - Non, mais vous m'avez entendu parler de capacités militaires plus largement, puisque...

Q - Là, je vous parle vraiment des troupes. C'est ça, évidemment qui est le sujet le plus sensible.

R - Oui, mais on aurait tort de réduire ces garanties à la simple présence de troupes, puisque vous avez d'abord la capacité militaire, et on a vu dans cette guerre que les capacités ont changé d'ailleurs sur le champ de bataille...

Q - Pardon, vous êtes un ministre habile, vous mettez ça dans un grand ensemble, mais vous savez comme moi que le sujet hyper sensible, à la fois du côté des Russes et à la fois des Européens et pour l'opinion française, c'est oui ou non, est-ce qu'il est possible que des soldats français... On a compris, après un cessez-le-feu, on a compris, avec d'autres... Mais que des soldats français soient sur le sol de l'Ukraine, prêts à se battre si les Russes attaquent de nouveau.

R - Avec l'élément que j'évoquais, c'est-à-dire que c'est l'armée ukrainienne qui sert en premier instance...

Q - La réponse est oui ou non ?

R - Ensuite, les capacités militaires qui seront déployées pour soutenir l'Ukraine pourraient inclure des déploiements de troupes issus de pays alliés. Mais cela ne se résume pas du tout à cela...

Q - On vous sent très prudent, c'est-à-dire, vous prenez beaucoup de circonvolutions. Pardon, mais...

R - Je suis prudent parce que ce sont des travaux, ce sont des discussions qui sont en cours. Les chefs des armées françaises et britanniques se sont rendus à Kiev il y a quelques jours, justement pour rentrer dans le détail : qu'est-ce que ça veut dire qu'une capacité militaire ? Est-elle dissuasive ? Comment la rendre justement plus dissuasive et susceptible de repousser la menace ? Mais à cette capacité militaire vient s'ajouter d'autres éléments de la garantie. Ce sont par exemple les sanctions, qui peuvent s'ajouter ou se réappliquer en cas de violations.

Q - Mais sur les troupes au sol. Restons un instant sur les troupes au sol, s'il vous plaît. Dans une précédente intervention, le Président de la République, là encore très habilement, disait : "Au fond, ça arrive souvent dans beaucoup de théâtres d'opérations où des troupes françaises étaient là, ont pu devoir résister à des assauts." Evidemment, c'est différent si c'est la Russie, si c'est une puissance nucléaire. Est-ce que vous assumez pleinement cette possibilité que demain, des soldats français puissent être sur le sol de l'Ukraine, prêts à défendre l'Ukraine si les Russes attaquent après le cessez-le-feu ?

R - D'abord, je ne veux pas préempter des discussions et des travaux qui sont en cours et qui sont menés par les canaux autorisés et compétents. Deuxièmement, si nous soutenons l'Ukraine, et nous y avons consacré des montants considérables, c'est d'abord parce que nous pensons à la sécurité du continent européen et à la sécurité des Françaises et des Français. Et toujours, nous reviendrons à cela : comment assurer leur sécurité ? Et puis enfin, je veux simplement rappeler, et vous le savez parfaitement, que dans le cadre de l'OTAN, qui ne couvre pas l'Ukraine aujourd'hui, mais dans le cadre de l'OTAN, il y a aujourd'hui des contingents français en Estonie - 500 -, en Roumanie - 1.500 -, qui sont là comme une force de réassurance, qui en quelque sorte, est suffisamment dissuasive pour n'être jamais testée.

Q - Justement, c'est la grande différence, c'est l'OTAN. Et on a, la France, l'obligation de défendre les pays de l'OTAN, pas l'Ukraine. Vous savez bien, c'est un engagement à défendre l'Ukraine qui ne serait pas le même. Elle n'est pas dans l'OTAN, donc c'est un engagement au-delà.

R - Mais vous savez, rien n'empêche des garanties d'être apportées sous la forme d'accords ou de traités qui peuvent être conclus avec les uns, avec les autres...

Q - Ça devra passer devant le Parlement ?

R - Ça, je vous avoue que je ne saurais pas vous donner une réponse exacte, mais dans certaines circonstances, oui, j'imagine, que l'on parle d'accords de sécurité ou que l'on parle d'éventuelles capacités militaires déployées...

Q - Si les troupes françaises doivent être sur le sol ukrainien, est-ce que ça devra passer devant le Parlement ?

R - J'imagine que selon la forme que cela prend... Vous me parlez de déploiement de troupes ?

Q - Oui.

R - J'imagine que ça devra passer devant le Parlement même si je ne suis pas un expert. Ce que je dis, c'est que si nous le faisions, cela serait dans l'intérêt de la sécurité nationale et de la sécurité des Français.

Q - Jean-Noël Barrot, quand on voit cette image de Steve Witkoff qui a mis comme ça la main sur le coeur avant de rencontrer Vladimir Poutine, une grande partie du monde a été heurté par cela. Et ce n'est pas simplement l'image, vous le savez, c'est les propos qu'il a tenu. Ce soir, le président Zelensky dit : "je pense que M. Witkoff a adopté la stratégie de la partie russe. Je trouve cela très dangereux. Ils diffusent, consciemment ou inconsciemment, je ne sais pas, le discours russe. En tout état de cause, cela n'aide en rien." Est-ce que cela vous inquiète ? C'est-à-dire, ces Etats-Unis qui parlent avec vous, et encore une fois, c'est une grande réussite de la diplomatie française, c'est tout à fait certain, mais cette partie russe qui, pour ainsi dire, a pris le parti de Moscou.

R - Steve Witkoff l'a redit tout à l'heure au Président de la République. Il se place dans une position de médiateur, de facilitateur, pour permettre au président Trump d'atteindre son objectif de cessez-le-feu le plus rapidement possible. Ça le conduit à échanger avec Vladimir Poutine. Et nous avons dit depuis longtemps que si les Etats-Unis du président Trump veulent atteindre ou créer les conditions du cessez le feu, nous n'allons pas les en dissuader. Simplement, pour qu'un cessez le feu puisse advenir, il faut être deux. Chacune des parties doit faire entendre ce que sont ses attentes, ce que sont ses inquiétudes. L'objectif de ce sommet d'aujourd'hui, c'était que les facilitateurs, les médiateurs américains entendent bien ce que sont, en quelque sorte, les attentes, les inquiétudes, les lignes rouges de la partie ukrainienne et des Européens.

Q - Il y a deux stratégies, en tout cas, tellement différentes. Les Américains qui parlent à Poutine. Ils lui parlent en plus très chaleureusement. Sans aller jusque-là, est-ce que, à un moment donné, la France, qui réussit à parler aux Ukrainiens, aux Américains et même à les mettre autour d'une même table, y mettra aussi ou souhaiterait aussi y mettre les Russes ?

R - Il faudrait, pour commencer que les Russes, que Vladimir Poutine exprime sincèrement, ouvertement, qu'il a l'intention d'aller au cessez-le-feu et qu'il a l'intention d'aller vers une paix durable qui garantisse la souveraineté de l'Ukraine. À ce moment-là, je pense que oui, des discussions pourront, comme elles auraient peut-être dû se tenir depuis longtemps, pourront se tenir entre les Russes d'un côté, les Ukrainiens et les Européens de l'autre, avec évidemment la participation des Européens, des Américains et d'autres.

Q - Le Président de la République est allé très loin, il faut le rappeler. Il a été parmi les derniers, si j'ose dire, à parler encore, à tenter de parler avec Vladimir Poutine. Tout le monde a en mémoire la longue table, etc... Est-ce que ce fil, à ces conditions-là, peut être renoué ?

R - Le Président de la République a même été le seul dirigeant à faire se rencontrer Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, en 2019, parce qu'il avait le sentiment que c'est par le dialogue entre les deux parties que pourraient se résoudre les tensions. Mais c'était évidemment sans compter que, entre 2019 et 2022, la Russie a changé d'approche, s'est métamorphosée en une puissance impérialiste qui a décidé de devenir ou de se lancer dans une invasion à grande échelle, peut-être l'une des plus importantes, les plus graves que l'on ait connues depuis 80 ans...

Q - Sous conditions, est-ce qu'une telle image est possible à nouveau en France, à Paris ? Vous rappelez effectivement 2019, Mme Merkel, le Président de la République, Zelensky, Poutine. Est-ce que, avec Merz cette fois-ci, c'est possible ?

R - C'est possible, à condition que la Russie s'engage de bonne foi dans des discussions de paix, et préalablement que la Russie agrée un cessez-le-feu sans conditions immédiates. Et que, si je puis dire, les tragédies, les atrocités dont nous avons été témoins le dimanche des Rameaux à Soumy cessent une bonne fois pour toutes.

Q - Ça veut dire qu'une forme de détente est possible. Il y a eu, dans la longue histoire russe soviétique, ils avaient envahi l'Afghanistan, ils ont envahi la Tchécoslovaquie, ils ont occupé une moitié de l'Europe et il y a eu plusieurs tentatives de détente. Est-ce que vous espérez encore une forme de détente avec la Russie ?

R - Soyons clairs, je le disais tout à l'heure, la Russie représente pour l'Europe et pour encore un moment, et sans doute un long moment, une menace existentielle. C'est pourquoi, même si nous parvenions, ce qui est mon souhait le plus cher, à une paix juste et durable en Ukraine, nous ne pourrions relâcher notre garde. Pourquoi ? Eh bien, parce que je le disais, l'agressivité de la Russie s'est désormais manifestée à travers l'Europe et sous des formes très différentes que nous devons repousser, que nous devons dissuader. Et d'autre part, parce que dans sa guerre d'agression vis-à-vis de l'Ukraine, la Russie a franchi une ligne qu'aucun membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies n'avait osé franchir jusqu'à présent. C'est-à-dire qu'elle a utilisé le fait d'être une puissance nucléaire ou une puissance dotée de l'arme nucléaire pour intimider un voisin, et pouvoir en toute impunité commettre des crimes de guerre, et peut-être même plus que cela. Cela signifie que ce qu'elle a déjà fait en Ukraine, elle pourrait être tentée de le refaire ailleurs. C'est pourquoi nous n'avons pas d'autre choix, si nous ne voulons pas être un jour ou un autre entraînés dans la guerre, d'être suffisamment puissants pour être dissuasifs et n'être pas une proie.

Q - Je vous avais posé la question, mais c'était dans d'autres circonstances. Aujourd'hui, on voit que vous entrez dans un processus où la France a un rôle éminent d'engager le dialogue avec les Américains, avec les Ukrainiens, et vous l'avez dit, sous beaucoup de conditions, peut-être avec les Russes, si je vous ai bien compris. Si demain Sergueï Lavrov vous appelle, est-ce que vous lui répondez ?

R - Pour me dire que la Russie a accepté un cessez-le-feu sans conditions et immédiat dans les airs, sur terre, en mer.

Q - Il faut d'abord prendre le téléphone pour qu'il vous le dise, sinon ça va être compliqué.

R - Il est difficile d'engager une discussion alors même qu'il y a plus d'un mois, les Ukrainiens ont accepté un cessez-le-feu qui allait plus loin que leurs propres propositions, même s'ils ont demandé à ce que ce cessez le feu soit borné dans le temps parce qu'ils ont soupé des Accords de Minsk qui n'étaient pas bornés et qui ont été violés à 20 reprises avant que la Russie lance sa guerre d'agression. Et donc, dès lors que la Russie manifestera son souhait de cesser le feu et d'engager des discussions de paix respectueuses de la partie adverse, alors des discussions pourront s'engager.

Q - Jean-Noël Barrot, le 9 mai sera une date extrêmement importante. Le président Poutine va en quelque sorte faire battre le rappel de ses alliés. Il espère faire une sorte de grande célébration à Moscou, l'anniversaire de la Victoire de part et d'autre. Et il y aura une forme d'anti 9 mai à Kiev. Est-ce que la France y participera d'une manière ou d'une autre ? Est-ce que pour vous, ce sera un moment de manifester la solidarité des Européens ?

R - Les ministres européens des affaires étrangères se donnent rendez-vous le 9 mai à Kiev.

Q - Vous y serez donc ?

R - J'y serai certainement, sans oublier que le 9 mai, nous célébrerons un autre moment important de notre histoire et de l'histoire européenne et un autre succès de la diplomatie française. Ce seront les 75 ans de la déclaration de Robert Schuman, qui est d'ailleurs célébré dans toute l'Europe chaque année le 9 mai, puisqu'elle s'est tenue le 9 mai 1950 au Quai d'Orsay. Dans un moment où les tensions renaissaient entre la France et l'Allemagne, où l'on appelait à un réarmement tarifaire et des droits de douane, Robert Schuman a fait le choix inverse en proposant la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, qui a permis à notre continent de vivre en paix, en sécurité et en prospérité pendant presque huit décennies. Et ce sera un moment fort, que nous célébrerons également.

Q - Vous, vous êtes l'hyper Européen. Il n'y a pas plus européen que Jean-Noël Barrot. Centriste, hyper européen. Ce sera votre jour le 9 mai !

R - Je suis schumanien en tout cas, ce qui ne veut pas dire que je suis un Européen béat. Je crois, comme Robert Schuman le croyait, dans un principe dont le nom est un petit peu sophistiqué, qui est celui de la subsidiarité. Il y a des choses qui sont plus efficacement traitées au niveau national, d'autres qui le sont plus efficacement au niveau européen. En tout cas, c'est de cette manière-là que le pouvoir et les responsabilités doivent être distribuées.

Q - Aujourd'hui, l'Europe, ses forces et ses faiblesses. Mme Meloni, la Première ministre italienne est, ce soir-là... on a vu les images, on en verra d'autres, il y a des déclarations qui sont en train de tomber. Trump-Meloni, cette sorte de lune de miel, ils sont politiquement beaucoup plus proches. Est-ce que ça vous inquiète que Mme Meloni aille négocier seule de son côté à Washington ?

R - Je suis sûr qu'elle portera le message des Européens, notamment dans le domaine commercial, puisque nous sommes ciblés, comme tous les pays du monde, par des droits de douane, 10% pour tous les produits, 25% pour l'automobile, 25% pour l'aluminium et l'acier. Ce que nous voulons, puisque nous sommes le premier partenaire commercial des Etats-Unis, c'est de revenir à la situation auparavant. Pourquoi ? Parce que cette situation nous appauvrit, mais appauvrit surtout les classes moyennes américaines, et parce que si nous ne parvenons pas à une désescalade, nous serons obligés de répliquer, d'infliger des représailles à la hauteur des atteintes portées à nos intérêts.

Q - Est-ce que vous en avez parlé avec vos interlocuteurs américains tout à l'heure ?

R - Ça a fait partie des discussions, mais ce n'était pas au coeur des discussions. Les droits de douane, le sujet de l'Iran, les crises actuelles en Afrique ou en Haïti ont été abordés dans certains des échanges qui ont eu lieu aujourd'hui.

Q - Qu'est-ce que vous leur avez dit, en substance ?

R - Que nous sommes prêts à discuter, à négocier avec les États-Unis, avec lesquels nous avons plutôt intérêt à un désarmement tarifaire plutôt qu'à un réarmement tarifaire. Par ailleurs, je le disais, nous n'aurons d'autre choix que de prendre des représailles si nos intérêts sont atteints. Il se trouve que depuis la première présidence Trump, l'Union européenne s'est dotée d'instruments de dissuasion dans le domaine commercial qui sont extrêmement puissants et qui permettent à la Commission européenne de restreindre l'accès aux marchés publics, de restreindre l'accès à certains services numériques, financiers. Nous ne voulons pas en arriver là. Nous voulons revenir à la situation précédente, mais encore faut-il que les Américains s'engagent de bonne foi dans ces négociations.

Q - Le Président de la République a-t-il un rapport privilégié avec M. Trump ? On se rappelle la poignée de main extrêmement serrée, on se rappelle la vraie-fausse poussière sur le costume. Ils ont eu des rapports aigres doux, mais enfin, ils se parlent beaucoup. Est-ce que c'est vrai ?

R - C'est tout à fait vrai. Il y a beaucoup d'échanges entre ces deux présidents qui, je crois, s'estiment réciproquement. Si nous avons réussi à mettre Américains, Ukrainiens et Européens aujourd'hui autour d'une même table à Paris, ça tient sans doute à la bonne relation cultivée par le Président de la République avec le président Trump.

Q - Le Président de la République a appelé les patrons à une réaction patriotique en disant : "Il s'agit maintenant de suspendre les investissements aux Etats-Unis." Alors Bernard Arnault donne un son extrêmement différent et une version extrêmement différente ce soir, puisqu'il a eu des mots très durs sur la méthode européenne. Je le cite, il dit : "Si on se retrouve avec des droits de douane élevés, on sera augmenté des productions américaines." Si l'Europe n'arrive pas à négocier intelligemment, ils auront cette conséquence dans beaucoup d'entreprises. S'ensuit une critique très dure, mais le fait qu'il envisage de renforcer sa production aux Etats-Unis, comment le regardez-vous ?

R - Je crois que dans les propos de Bernard Arnault, il y a un appel à, si je puis dire, l'unité et la fermeté européenne dans les négociations. Que c'est par cette unité, cette fermeté et la transparence qu'on doit avoir avec les négociateurs américains sur les mesures de représailles éventuelles...

Q - Si je peux me permettre, il appelle au contraire plutôt à une discussion à l'amiable. Il dit : "Il ne faut surtout pas de bras de fer, il ne faut pas, il faut y aller à l'amiable." Et il a des mots très durs sur l'Europe. Il dit : "L'Europe, c'est un pouvoir bureaucratique qui passe son temps à rajouter des règles, et parfois la France en rajoute encore plus."

R - Et l'Europe est en train de, si je puis dire, d'alléger un certain nombre de règles qu'elle avait accumulées, et qui effectivement posaient un problème. Là où il a raison, c'est que quoi qu'il arrive, et même si nous parvenons à un désarmement tarifaire, c'est-à-dire à une réduction des droits de douane qui est dans l'intérêt des Européens comme des Américains, nous entrons dans un monde où la concurrence va être beaucoup plus rude, où il va falloir être, pour survivre, beaucoup plus compétitif. C'est pourquoi nous allons continuer à presser la Commission européenne de retirer la chape de plomb qui s'est placée sur les épaules des entrepreneurs et des entreprises françaises et européennes pour qu'elles puissent livrer bataille dans les meilleures conditions...

Q - Il est très critique. Quand il dit, "il faut absolument trouver un accord, comme les dirigeants de Bruxelles semblent essayer d'en trouver un pour la voiture allemande." Pour la viticulture française, c'est vital. Est-ce qu'on en est là, effectivement ?

R - Mais la Commission européenne a la responsabilité de défendre l'intérêt européen. C'est vrai que nous avons des différences dans notre capacité d'exportation. Il y a les automobiles allemandes, il y a certains secteurs bien connus de M. Arnault qui font la fierté de notre pays. Ce sont tous ces secteurs-là qu'il nous faut parvenir à défendre.

Q - Quand Bernard Arnault dit "j'espère que ce sera 0%, que ce sera une zone de libre-échange totale", il dit la même chose que Elon Musk. Est-ce que vous partagez cet espoir ?

R - Oui, c'est-à-dire que...

Q - C'est un oui un peu hésitant, si je peux me permettre, Monsieur le Ministre.

R - Non, mais sur le principe, si vous voulez... Je vous parlais tout à l'heure de Robert Schuman qui a dit, le 9 mai 1950n "mettons en commun le charbon et l'acier entre l'Allemagne et la France"...

Q - Vous vous réfugiez derrière Robert Schuman là !

R - Non ! Ensuite, nous ne sommes pas favorables à un libre-échange complètement dérégulé. Il faut qu'il y ait des cadres, il faut que...

Q - Monsieur le Ministre, vous vous réfugiez trop...

R - Non, mais... Nous avons un marché unique en Europe. C'est d'abord cela qu'il faut renforcer, puisque vous savez qu'il existe encore des barrières entre les pays européens qui représentent un droit de douane implicite qui ne dit pas son nom de 45%. La première des urgences, c'est bien d'aller jusqu'au bout du marché unique européen. Et ensuite avec le Canada ou avec les Etats-Unis, mais commençons par le Canada. Le Canada, nous avons un accord, le CETA, qui n'a causé aucune difficulté aux agriculteurs français et qui a pourtant été rejeté au Sénat il y a quelques mois. Je crois qu'il faut reprendre ces bons accords, qui sont pertinents, qui sont utiles pour les industries françaises, et les activer pour que nous puissions trouver des débouchés pour les entreprises au moment où les droits de douane s'élèvent partout dans le monde.

Q - Jean-Noël Barrot, deux questions encore. Une sur les Américains, parce que là, vous avez réussi, je le dis encore, et vraiment, il faut dire les choses qui vont et celles qui ne vont pas. Il y a un exploit de la diplomatie française. Vous arrivez à leur parler. Ils ont été très agressifs sur l'Europe, ils ont dit des choses très dures. Et en particulier, là, le dernier développement. Ils veulent même... Ils envisagent d'acheter des gens au Groenland, leur donner une telle somme pour annexer en quelque sorte le Groenland. C'est quand même l'Union européenne. Qu'est-ce que vous leur dites ?

R - C'est l'Union européenne, c'est l'OTAN. Puisque le Groenland est couvert par l'OTAN.

Q - Quand on a des amis comme ça, on n'a pas besoin d'ennemis.

R - J'ai déjà eu l'occasion de le rappeler. L'intégrité des frontières, la souveraineté des pays de l'Union européenne comme de l'OTAN ne sont pas négociables.

Q - Ça veut dire "vous n'aurez jamais le Groenland" ? Ils n'auront jamais le Groenland ?

R - Ça veut dire qu'avec un allié comme les États-Unis, nous sommes allés au sein de l'OTAN, on peut avoir des désaccords et y compris des désaccords de principe, et se dire les choses en toute transparence et en toute franchise.

Q - Un mot s'il vous plait, encore, sur la crise algérienne, évidemment crise extrêmement grave. Le rappel de l'ambassadeur pour consultation, est-ce qu'il est fait ?

R - Il est rentré en France.

Q - Il est là ce soir à Paris ?

R - Il est à Paris.

Q - Quand on dit "pour consultation", ça peut vouloir dire très longtemps ?

R - Ça peut le vouloir dire le temps nécessaire. Et nous le prendrons pour faire un état des lieux complet de la situation, puisque nous avons pris une décision de très grande fermeté avec l'expulsion de 12 agents algériens du réseau diplomatique et consulaire en France. Cette décision, qui est sans doute l'une des plus fermes que la diplomatie française ait eu à prendre de ces dernières années, fait suite à une décision incompréhensible des autorités algériennes, mais qui ne sera évidemment pas sans conséquences sur notre coopération migratoire, sur notre coopération en matière de sécurité. Alors, bien sûr, nous allons continuer à exiger de l'Algérie qu'elle respecte les accords qui régissent notre relation. Nous allons continuer à plaider pour la libération de Boualem Sansal, dont l'état de santé nous préoccupe tout particulièrement, d'appeler à un geste d'humanité le concernant. Mais tous ces sujets vont devoir être ou seront abordés dans les discussions que nous aurons ces prochains jours avec notre ambassadeur, auquel je veux rendre hommage, parce qu'il a travaillé ces derniers mois dans des conditions très difficiles. Rendre hommage aussi à tous nos agents de l'ambassade à Alger qui, parfois éloignés de leurs familles, ont continué à défendre l'intérêt de la France et des Français.

Q - Monsieur le Ministre, merci beaucoup à la fin de cette longue journée, d'avoir été avec nous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2025