Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 7 h 43, et vous êtes bien sur RMC et RMC Story. Est-ce que le Gouvernement a trop tardé à réagir après le meurtre d'Aboubakar, qui a été tué vendredi dans une mosquée du Gard ? Bonjour Aurore BERGÉ.
AURORE BERGÉ
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous dans ce studio ce matin. Vous êtes la ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes, mais vous êtes aussi la ministre chargée de la Lutte contre les discriminations. Je voudrais que vous écoutiez les propos de Maître Mourad BATTIKH. C'est l'avocat de la famille d'Aboubakar qui a donc été tué, alors qu'il priait dans une mosquée du Gard. Maître BATTIKH était à ce même micro hier matin. Écoutez ses accusations.
MOURAD BATTIKH, AVOCAT D'ABOUBAKAR
Je constate qu'on a un ministre de l'Intérieur qui s'est rendu sur les lieux plus de 48 heures après la commission des faits, tout en maintenant ses meetings politiques à côté. Enfin, bref. On a tout un tas d'événements et d'éléments très objectifs qui nous permettent effectivement de constater que de plus en plus, la République trie selon les victimes.
APOLLINE DE MALHERBE
La République trie selon ses victimes ?
AURORE BERGÉ
Non, évidemment que la République ne trie pas selon ses victimes, parce que l'essence même de la fraternité, c'est d'avoir autant mal quand on a une personne qui est assassinée, parce qu'elle est musulmane, qu'une personne qui est assassinée, parce qu'elle est juive. Et l'universalisme, c'est dans le même mouvement : condamner toutes les formes de haine et combattre toutes les formes de haine avec la même intransigeance. Et c'est ce qui est mis en place, évidemment, par l'État, à la fois pour garantir que l'auteur des faits soit appréhendé, traduit en justice en France, pour sécuriser les lieux de culte quels que soient les lieux. Et pour garantir à chaque personne vivant en France, qu'il soit français ou non, d'y vivre en sécurité, qu'il pratique une religion ou qu'il n'en pratique aucune et quelle que soit sa religion, évidemment.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a la question politique, au fond ce que dit Maître BATTIKH, c'est que le ministre de l'Intérieur, d'habitude, si prompt à se rendre sur les lieux quand il y a un drame de ce type. D'ailleurs, un drame quel qu'il soit, hein, puisque deux jours avant, il y avait ce drame dans le lycée de Nantes et qu'il a toutes affaires courantes lâchées pour se rendre sur les lieux, alors qu'il a attendu 48 heures avant de se rendre dans le Gard.
AURORE BERGÉ
Mais je crois que le sujet, ce n'est pas la polémique sur est-ce qu'on y va dans les 24 heures ou dans les 48 heures. La question, c'est : est-ce qu'il y a un doute, oui ou non, sur la mobilisation et l'engagement du Président de la République, l'engagement du Gouvernement, l'engagement de l'État, dans la lutte contre toutes les formes de haine ? Le risque aujourd'hui, c'est quoi ? C'est le risque de cette thèse de tenaille identitaire qu'on ait beaucoup à décrire depuis des années, à redouter depuis des années. Et je ne veux pas que cet étau se resserre, où il y aurait ceux qui considèrent qu'il y aurait les bonnes et les mauvaises victimes, et puis ceux qui considèrent qu'on ne défendrait bien qu'une part de la communauté. Ce n'est pas le cas. La France, elle ne reconnaît aucune communauté. C'est la communauté nationale, en un bloc. C'est ça l'universalisme. C'est un bloc qui garantit qu'on protège, encore une fois, tous nos citoyens et qu'on ne fasse pas le tri.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, sauf, précisément... Il y a Olivier FAURE, le patron du Parti Socialiste, qui vous cible nommément. Il dit : "Aurore BERGÉ, ministre de la Lutte contre les discriminations, n'a toujours pas réagi, c'était hier, à l'assassinat d'Aboubakar. On l'a connu plus réactive et pas toujours à bon escient."
AURORE BERGÉ
Écoutez. Il est dans une campagne interne et tant mieux pour lui, mais bon. Le seul sujet, maintenant, c'est de savoir, encore une fois, quel tweet on met ou on ne met pas. Moi, j'ai réagi par l'intermédiaire du ministre de l'Intérieur, par l'intermédiaire du Président de la République et du Premier ministre. Et après, j'avais de toute façon un événement, une conférence de presse, vous voyez, hier matin, pour présenter le plan du Gouvernement dans la lutte contre l'antisémitisme. Et parce que, justement, on ne trie pas, ce plan sur la lutte contre l'antisémitisme, il est aussi un plan dans la lutte contre le racisme. Et c'est ça, en fait, qu'on fait quand on est au Gouvernement. C'est qu'on travaille, on agit, on se mobilise et on garantit qu'encore une fois, la protection de la République, elle est la même pour tous. Si le seul étalon qui compte maintenant, c'est l'étalon sur combien de tweets on met pour garantir si on est un bon ministre ou un mauvais ministre, alors, je suis désolée, mais ce n'est pas comme ça que la vie politique devrait être animée. Le sujet, c'est d'être jugé, encore une fois, sur la capacité qu'on a à protéger les Français, à ne, évidemment, en aucun cas, faire le tri, à éviter toute forme de récupération indigne qui a comme seul objectif, encore une fois, de nous mettre dans cette tenaille identitaire.
APOLLINE DE MALHERBE
De qui parlez-vous ?
AURORE BERGÉ
Je parle de cette mobilisation, je parle du fait que Jérôme Gale a été…
APOLLINE DE MALHERBE
Quelle mobilisation ? La mobilisation contre l'islamophobie, dimanche, notamment à l'appel de la France Insoumise ?
AURORE BERGÉ
Notamment à l'appel de la France Insoumise, parce qu'encore une fois, quand on se mobilise, on se mobilise pour tout le monde, on ne trie pas, justement, dans les victimes. Donc, on est autant ému quand 50 Français sont assassinés par le terrorisme islamiste et par le Hamas en Israël, autant ému quand malheureusement, il y a une explosion et un risque de ré-enracinement de l'antisémitisme, autant ému quand quelqu'un est assassiné, parce qu'il est en train de crier dans une mosquée, autant ému quand on cible des hommes et des femmes, quels qu'ils soient, quelle que soit leur identité réelle ou supposée, quelle que soit leur religion, quelle que soit leur particularité. Parce que c'est ça la France.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais Aurore BERGÉ, la France Insoumise, notamment, s'étonne que d'autres n'aient pas cette manifestation dimanche, dans les rues de Paris. À l'inverse, vous vous étonniez, à l'époque, que la France Insoumise ne participe pas à la grande marche qui avait eu lieu contre l'antisémitisme, au moment de l'explosion du nombre d'actes antisémites dans les rues de Paris.
AURORE BERGÉ
C'est malheureusement toujours le cas. Il y a une explosion d'actes antisémites dans notre pays, manifeste. 62 % des actes antireligieux en France sont concentrés sur moins de 1 % de la population française, c'est-à-dire, les Français juifs. Donc, il faut être lucide sur le moment qu'on vit, qu'il n'est pas juste une explosion des actes antisémites, qu'il y a un risque de ré-enracinement profond de l'antisémitisme.
APOLLINE DE MALHERBE
Un homme est mort dans une mosquée, y a-t-il aujourd'hui un…
AURORE BERGÉ
On ne va pas faire de concurrence. On ne va pas faire de concurrence, quand même, entre l'explosion, d'un côté, des faits d'antisémitisme et la peur qui est vécue aujourd'hui par des Français juifs, et dans le même mouvement, le fait qu'il y ait un homme qui a été assassiné dans une mosquée. Moi, je ne hiérarchise pas entre les deux. Et heureusement, ce serait grave de hiérarchiser, ce serait grave de dire qu'il y a des faits qui sont plus importants que d'autres. Ce n'est pas le cas. Il y a des quantités de faits qui sont plus importants que d'autres, mais ça n'empêche pas que dans le même mouvement, on combatte, encore une fois, toutes les formes de haine.
APOLLINE DE MALHERBE
Y a-t-il aujourd'hui, Aurore BERGÉ, un climat, comme le dit, c'est l'expression de Jean-Luc MELENCHON, un climat d'islamophobie en France ?
AURORE BERGÉ
Ça, moi, ce n'est pas un terme que j'emploie.
APOLLINE DE MALHERBE
Islamophobie ?
AURORE BERGÉ
Je pense qu'il y a de la haine à l'encontre des Français qui sont musulmans, et que c'est un problème et que ça se combat, et que ça se combat fortement quelle que soit la religion que l'on pratique, quelle que soit l'identité, d'ailleurs, réelle ou supposée. Eh bien, évidemment, personne n'a à subir la haine, personne n'a à subir l'invindicte, l'intimidation, la menace, ou pire, de risquer, évidemment, pour sa propre sécurité. Mais moi, ce que je crains derrière l'emploi de ce terme, qui est un terme dont on sait qu'il a été documenté, qu'il y a cette volonté des frères musulmans notamment de l'imposer, c'est qu'on empêche tout débat et toute critique possible de la religion. Et nous sommes dans un pays…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous estimez qu'on doit pouvoir critiquer la religion, mais en revanche ne pas critiquer ceux qui la pratiquent ?
AURORE BERGÉ
Bien sûr. Et toutes les religions. En fait, on n'a jamais le droit d'attaquer un homme ou une femme en raison de la pratique de la religion, en raison de la croyance qui est la sienne. Mais dans notre pays, on a tout droit de critiquer les religions, quelles que soient les religions, on a tout droit de blasphémer, sauf d'autant plus dans un pays qui a connu des attentats où des hommes et des femmes ont été ciblés, justement, pour le droit à la caricature, pour le droit au blasphème. Et c'est là où il faut cesser tout de suite de tout mélanger, lutter contre toutes les formes de haine, quelles qu'elles soient, qui que ce soit qui soit visée évidemment, y compris quand c'est un homme qui est en train de prier dans une mosquée, parce qu'on devrait tous s'émouvoir. On devrait tous s'indigner par rapport à ce fait qui est absolument tragique et dramatique. Et l'État est mobilisé pour tout faire, pour comprendre ce qui s'est passé et empêcher que ça se reproduise. Mais on ne devrait pas confondre ça avec la critique libre, évidemment, dans notre pays, de toutes les religions.
APOLLINE DE MALHERBE
Davantage formé pour empêcher un réenracinement dans la société de l'antisémitisme, voilà l'un des objectifs de votre plan. Est-ce qu'il est déclinable à toutes les formes de racisme ?
AURORE BERGÉ
Évidemment. Évidemment, l'antisémitisme, c'est une forme particulière de racisme, c'est la plus ancienne, d'ailleurs, d'entre elles. Et on voit aujourd'hui que ces formes, elles ont malheureusement évolué, muté. Et on voit bien la manière avec laquelle on a des hommes, des femmes, parfois des enfants qui sont ciblés parce qu'ils sont juifs. Quand on a une petite fille de 12 ans qui est violée à Courbevoie, on la traite de sale sioniste. Donc, on voit bien que, malheureusement, l'antisémitisme, il a évolué, que ça nécessite qu'on s'adapte. Et il y a la nécessité de protéger tous nos concitoyens, notamment, je pense à nos enseignants, qui, justement, nous permettent de vivre libre dans notre pays, et sont pris pour cible régulièrement.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Aurore BERGÉ d'avoir répondu à mes questions. HANOUNA, candidat en 2027, vous y croyez ou pas ?
AURORE BERGÉ
C'est à lui dire s'il est candidat ou pas, et aux Français, ensuite, de juger. Je pense que tout ça est un peu rapide pour tous les candidats, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ce n'est pas le moment, mais pas moins pour HANOUNA que pour d'autres ?
AURORE BERGÉ
Après, c'est les Français qui jugent. Comme pour n'importe quel candidat, l'élection présidentielle est la capacité à faire campagne, à avancer un projet et des idées, qui, je l'espère, vont rassembler plus que diviser.
APOLLINE DE MALHERBE
Aurore BERGÉ, ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes, et de la Lutte contre les discriminations. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2025