Texte intégral
JEROME CHAPUIS
Ce ne sera pas une semaine noire, promet la direction de la SNCF. Reste qu'il y a des perturbations sur les réseaux régionaux et qu'on en saura un peu plus, sur les prévisions de trafic pour ce long week-end, dans le courant de la matinée. Bonjour Philippe TABAROT.
PHILIPPE TABAROT
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Ministre des Transports. Est-ce que ce rêve peut encore être évité pour ce long week-end ?
PHILIPPE TABAROT
La SNCF va, dans quelques instants, donner les prévisions pour ce week-end. Il y a une réalité pour l'instant, c'est ce qui a pu se passer hier, ce qui se passe aujourd'hui, puisque certaines syndicales avaient lancé déjà une grève depuis hier. Je dis bien certaines, parce qu'on parle de grève de l'ensemble des…
JEROME CHAPUIS
On va en parler. Mais sur le trafic, quelles informations à l'heure où on se parle ?
PHILIPPE TABAROT
Sur le trafic, ce que l'on peut dire, quand même, malgré les présentations assez catastrophiques qui sont faites sur certains nombre de médias. Je rappelle quand même qu'il y a probablement 14 000 trains qui vont circuler aujourd'hui sur 15 000 trains sur l'ensemble du toit national. Ce qui est quand même significatif, avec aucune perturbation sur les TGV, aucune perturbation sur les trains d'équilibre du territoire. Et puis sur l'égalité des régions. Après, il y a des situations plus compliquées, vous l'avez rappelé, en Île-de-France et sur certaines régions, sur du TER.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que le TER et les petites lignes sont sacrifiées ?
PHILIPPE TABAROT
Non, pas sacrifiées. C'est globalement les cheminots qui décident de faire grève où ils le souhaitent et c'est eux, un petit peu, indirectement, qui dictent le plan de transport. En tout cas, on nous parlait d'une grève massive, et surtout, de trains qui ne circuleraient pas. On en tirera les enseignements à la fois par rapport au plan de transport qui va être proposé par ce week-end, et plus largement, peut-être, après la grève. Mais moi, je suis ravi de savoir que des syndicats ont décidé de ne pas suivre le mouvement, que des cheminots travaillent, ont travaillé hier. J'ai moi-même pris le train au retour de Marseille pour notre grande conférence de financement. Et on a discuté avec des chefs de bord qui ont chevillé au corps et au coeur le service public, l'envie de transporter leurs concitoyens. Et ils le font avec beaucoup de compétence et avec beaucoup d'amour pour leur entreprise.
JEROME CHAPUIS
Je me trompe, Philippe TABAROT, ou vous êtes optimiste ?
PHILIPPE TABAROT
Il ne faut jamais être optimiste sur ces questions. Simplement, je pense que ce qui a été relayé ces dernières semaines et un catastrophisme ambiant sur les week-ends à venir a été, je pense, préparé en amont avec la difficulté, quand même. Et je le rappelle, c'est quelque chose qui, au niveau législatif, pourrait peut-être, un jour, évoluer. C'est de dire que les cheminots grévistes ont des préavis dormants et ont la possibilité de se déclarer simplement 48 heures avant le jour de grève. Donc, c'est vrai qu'il est très difficile d'organiser un service pour le bien des usagers, d'avoir une bonne information suffisamment en amont. Là, on voit que l'information va être donnée par la SNCF dans quelques minutes, pour demain et pour ce week-end.
JEROME CHAPUIS
C'est trop tard.
PHILIPPE TABAROT
Mais c'est la loi qui veut ça. Je pense que 72 heures seraient beaucoup plus utiles pour pouvoir informer. La base d'une bonne communication pour les usagers, c'est de pouvoir avoir l'information en amont et la donner de manière très transparente, le plus tôt possible.
JEROME CHAPUIS
Donc, trois jours avant, mais avant de devenir ministre, vous étiez, Philippe TABAROT, rapporteur d'une proposition de loi du sénateur centriste Hervé MARSEILLE, pour encadrer le droit de grève lors des départs en vacances et des jours fériés. Elle consistait en quoi ? Et vous y êtes toujours favorable, comme ministre ?
PHILIPPE TABAROT
Je ne vais pas me dédier par rapport au que j'étais encore il y a quelques mois. Hervé MARSEILLE avait travaillé principalement sur la sanctuarisation d'un certain nombre de jours dans l'année, et notamment des grands départs. Et moi, j'avais travaillé plus sur la partie grève du quotidien dont on parle. C'est un petit peu ce qui se passe aujourd'hui avec cette question des préavis dormants.
JEROME CHAPUIS
Est-ce qu'il faut limiter le droit de grève ?
PHILIPPE TABAROT
Ecoutez. Les parlementaires se saisiront, s'ils le souhaitent, de cette proposition de loi qui a été votée au Sénat, que je ne renie pas. D'autres parlementaires ont l'air de lancer également des possibilités de faire évoluer la législation là-dessus. Je pense qu'il faudra tirer un enseignement de cette grève. Peut-être que pour la première fois dans cette grève, la grande évolution, c'est que le Gouvernement n'a pas mis de pression sur la SNCF et la direction de la SNCF pour trouver un accord coûte que coûte et pour sortir le carnet de chèques coûte que coûte. Je pense que c'est une nouvelle manière de traiter les rapports sociaux. Ce sont des rapports entre l'entreprise et entre ses collaborateurs, ses cheminots. Ils prennent les meilleures décisions possibles et l'État ne met aucune pression, parce que peut-être que si on avait réglé absolument le conflit à venir, cette semaine, on se serait retrouvé exactement dans la même situation pour d'autres ponts ou pour des vacances d'été. Donc, c'était repousser l'échéance à 2-3 mois simplement.
JEROME CHAPUIS
Attendez. Qu'on se comprenne bien, la SNCF avait carte blanche. Le carnet de chèques était ouvert pour répondre aux revendications. C'est ça que vous nous dites ?
PHILIPPE TABAROT
Moi, je pense que, globalement, un certain nombre de Gouvernements ne se sont pas cachés, demandaient absolument à la direction de la SNCF de trouver une solution, et coûte que coûte, c'est bien le terme à employer, coûte que coûte, de régler la situation et on s'est retrouvé dans des situations où aujourd'hui, plutôt que la grève soit un dernier recours, elle est devenue un préalable. Et ce n'est malheureusement pas l'objectif de la grève ou du droit de grève qui est un droit constitutionnel que je respecte, mais qui doit être encadré sous certaines formes.
JEROME CHAPUIS
Question, quand même, sur ces collectifs autonomes qui prolifèrent indépendamment des syndicats. Je rappelle que 4 à 5 000 contrôleurs sont membres d'un groupe Facebook sur environ 10 000 contrôleurs. Et c'est ce groupe qui appelait notamment à la grève. C'est un casse-tête, ça, pour le dialogue social ?
PHILIPPE TABAROT
C'est peut-être un casse-tête probablement pour la direction de l'entreprise, et plus, je dirais pour les syndicats qui se sont quelques fois dépassés. Je rappelle que ces collectifs n'ont pas la possibilité de déposer des préavis de grève et qu'ils doivent être aidés, soutenus, pour pouvoir déposer ces préavis par des syndicats. Mais là encore je le rappelle…
JEROME CHAPUIS
Ça pousse à la surenchère ?
PHILIPPE TABAROT
Probablement. Certains syndicats y ont été, d'autres syndicats n'y ont pas été. Et je tiens à les remercier d'avoir pensé avant tout aux services publics, à leur entreprise et aux usagers, parce que je le rappelle, je veux être aussi et avant tout le ministre des usagers.
JEROME CHAPUIS
Philippe TABAROT, dans la minute qui nous reste, un autre sujet d'actualité qui vous concerne comme ministre des Transports. Votre collègue du Gouvernement, Gérald DARMANIN, ministre de la Justice, se dit favorable à la généralisation de la reconnaissance faciale pour identifier les voyageurs, fluidifier les départs et les arrivées dans les aéroports. C'était sur la chaîne YouTube " Légendes ".
GERALD DARMANIN, MINISTRE DE LA JUSTICE
Si vous voulez une société sécure, il faut la reconnaissance faciale par exemple. La reconnaissance faciale, c'est-à-dire, je reconnais : Monsieur X arrive à l'aéroport, on sait que c'est lui. Parce que les gens disent " À Roissy, on met une heure et demie pour passer. " Ouais, super. À Dubaï, on met dix minutes. Oui, mais à Dubaï, il y a la reconnaissance faciale. À Dubaï, vous n'avez pas besoin de ticket. On a votre tête, on sait votre identité, quel est votre catégorie judiciaire, est-ce que vous êtes recherchés.
JEROME CHAPUIS
Philippe TABAROT, vous êtes favorable à la reconnaissance faciale systématique dans les aéroports ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez. Je suis favorable à la reconnaissance faciale en général, notamment dans le secteur des transports. On l'a vu à travers les caméras algorithmiques qui ont plutôt bien fonctionné pendant les Jeux Olympiques.
JEROME CHAPUIS
Mais c'était une période exceptionnelle.
PHILIPPE TABAROT
Mais il faudra probablement qu'on aille plus loin. Ce que dit Gérald DARMANIN, et frappé du bon sens. C'est quelque chose qui existe dans de nombreux pays, et même des pays européens, je pense notamment à l'Angleterre. Ça peut nous aider en matière de transport : à fluidifier, à contrôler et à être au plus près des besoins des usagers, de pouvoir circuler en toute sécurité, d'intervenir quand c'est nécessaire. Moi, je pense que l'intelligence artificielle, il faut l'utiliser à bon escient. Et ça peut être à bon escient à travers la reconnaissance faciale, bien sûr, encadrée.
JEROME CHAPUIS
Pas de risque pour les libertés publiques, de dérive vers une société de surveillance ?
PHILIPPE TABAROT
À encadrer. Mais je vous rassure, le Conseil constitutionnel et la CNIL le font très bien dans notre pays.
JEROME CHAPUIS
Merci Philippe TABAROT, ministre des Transports, d'avoir été avec nous ce matin sur France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2025