Texte intégral
Q - Quelle est votre réaction à l'expulsion de fonctionnaires français du territoire algérien ?
R - D'abord, si vous permettez, je suis très heureux d'être aujourd'hui dans le Calvados, à l'invitation de Christophe Blanchet, adressée il y a longtemps maintenant, dans cette très belle maison, la maison Christian Drouin. Parce qu'il n'y a pas de meilleure manière de commencer la semaine qu'avec le Calvados.
C'est l'occasion pour moi, cette visite dans le Calvados, de resserrer les liens entre les Français et leur diplomatie à un moment où jamais ce qui se passe au-delà de nos frontières n'a eu autant d'impact sur nos vies quotidiennes.
Resserrer les liens avec nos filières d'exception qui font notre fierté à l'export. C'est le cas de l'entreprise Christian Drouin, qui exporte 75% de sa production ; et plus généralement de la filière du calvados, qui emploie 5.000 personnes sur ce territoire, et dont 50%, la moitié de la production, est destinée au marché d'export. Et c'est pourquoi la diplomatie, notre diplomatie, joue un rôle si important en soutien et pour accompagner le développement de ces filières, au moment où surviennent de nouvelles tensions, de nouvelles guerres commerciales.
Resserrer les liens avec les élus locaux et les collectivités territoriales, qui sont le partenaire numéro un du ministère des affaires étrangères au travers de la coopération décentralisée, des accords de jumelage ou plus généralement de l'aide publique au développement que les collectivités déploient partout dans le monde et qui contribuent à resserrer les liens entre la France et ses partenaires.
Resserrer les liens entre la diplomatie et la jeunesse. Je serai tout à l'heure au lycée Charles de Gaulle pour un échange avec des lycéens et des élèves de classes préparatoires.
Et puis resserrer les liens avec la société civile. Tout à l'heure, à Hérouville, nous aurons un grand débat sur les questions internationales, sur l'impact de tous les bouleversements que nous constatons aujourd'hui et sur la manière dont nous devons nous y préparer pour défendre les intérêts de la France et des Français.
Q - Quelle est votre réaction à l'expulsion de fonctionnaires français du territoire algérien ?
R - C'est une décision qui est incompréhensible et qui est brutale. Le départ d'agents en mission temporaire est injustifié et injustifiable. Et comme je l'ai fait le mois dernier, nous y répondrons de manière immédiate, de manière ferme et de manière proportionnée à l'atteinte qui est portée à nos intérêts. Et je le précise, c'est une décision que je déplore parce qu'elle n'est ni dans l'intérêt de l'Algérie ni dans l'intérêt de la France.
Q - Vous savez combien de fonctionnaires ont été expulsés et quand seront-ils expulsés ?
R - Je vous l'ai dit, nous répondrons de manière immédiate, de manière ferme et de manière proportionnée à l'atteinte portée à nos intérêts.
Q - Je reviens sur votre échange. Quelles ont été les principales préoccupations des producteurs avec lesquelles vous venez d'échanger ?
R - Nous avons une filière qui est en développement et que nous voulons encourager avec un certain nombre de programmes, des programmes européens, et notamment l'un d'entre eux, qui a contribué au développement de la filière vers les États-Unis, ce que nous voulons continuer à encourager. Mais je relève notamment deux éléments sur lesquels il nous faut nous pencher. D'abord c'est la question de la simplification, qui est aujourd'hui entre les mains du Parlement, qui doit apporter des réponses à toutes les entreprises en général, mais les entreprises patrimoniales comme celle-ci et comme celle de la filière en particulier. Et puis ensuite, la question de l'approfondissement du marché unique européen. Parce qu'on a ici des exemples de producteurs français qui vendent leur production dans d'autres pays européens, mais qui, pour des raisons justement de bureaucratie, se voient imposer l'équivalent de droits de douane. Dans un moment où surviennent les guerres commerciales, il faut justement que nous allions jusqu'au bout de l'intégration du marché unique, pour faire en sorte que la première voie de diversification et d'export de nos entreprises comme celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, ce soit les pays européens. Pour ça, il faut lever les barrières. Donc en résumé, la simplification au niveau national pour toutes les entreprises, mais en particulier celle-ci. Et puis l'intégration du marché unique pour ouvrir des débouchés à nos entreprises françaises, et notamment les entreprises des filières d'exception du vin et des spiritueux.
Q - Petite question sur la paix en Ukraine. Les combats ont redoublé d'intensité. Comment aborder les négociations pour le 15 mai ?
R - Eh bien, vous savez, on a assisté ce week-end à Kiev à une démonstration de force et d'unité européenne, avec l'appel unanime à un cessez-le-feu de 30 jours sans condition, avec le soutien des États-Unis. Vladimir Poutine a tergiversé en proposant une rencontre ce jeudi à Istanbul. Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a saisi la balle au bond, et il a proposé de se rendre lui-même à Istanbul. C'est désormais ce à quoi nous appelons Vladimir Poutine à consentir également. Mais évidemment, il n'y aura de négociations sur une paix juste et durable qu'avec un cessez-le-feu, parce qu'on ne peut pas négocier sereinement sous les bombes et sous les attaques de drones.
Q - Les producteurs que vous avez rencontrés ont-ils émis des craintes particulières par rapport aux annonces de Donald Trump sur les droits de douane ?
R - Bien sûr, il y a une inquiétude, non seulement parce que ça peut renchérir le prix des produits, mais plus généralement du fait de l'impact que ces guerres commerciales pourraient avoir sur la croissance économique mondiale et donc sur la propension, sur la capacité des consommateurs à acheter ces produits, que ce soit le calvados ou d'autres spiritueux français d'ailleurs. Mais ils ont aussi insisté sur le fait qu'il y a pour le calvados et pour les productions du Calvados des marges de développement considérables aux États-Unis qu'il faut continuer à promouvoir en même temps que nous négocions pied à pied les intérêts des producteurs français.
Q - Et au-delà de ces négociations, de quelle manière l'État peut les aider ?
R - Bien sûr, il y a les programmes d'accompagnement, les fonds européens... Il faut néanmoins veiller à ce que ces fonds européens ne viennent pas simplement permettre aux producteurs d'absorber le surcoût provoqué par les normes. Il y a l'accompagnement des collectivités aussi - je crois que la région Normandie soutient très activement ses producteurs, mais c'est le cas aussi de l'échelon départemental et de l'échelon communal, sans oublier les parlementaires qui sont toujours là en soutien de la filière. Et puis, je le disais, je crois que pour une entreprise d'exception comme celle-ci, mais comme pour toutes les entreprises de France, la question de la simplification des normes est une question centrale à laquelle il faut que nous puissions apporter des réponses radicales.
Q - Est-ce qu'on va peut-être plus se concentrer sur, plutôt commercer en Europe, plutôt que d'essayer de continuer à négocier avec les États-Unis ?
R - Je crois que personne n'a intérêt aux guerres commerciales. Nous avons intérêt à pouvoir commercer avec les États-Unis comme avec d'autres. Mais nous avons autour de nous, proche de nous, des pays européens qui constituent des débouchés très intéressants pour les entreprises françaises. Aujourd'hui, il existe encore des entraves à la circulation des biens, à la circulation des services au sein même de l'Union européenne, alors même que nous avons un marché unique. Il faut lever ces entraves, il faut unifier le marché européen pour pouvoir donner les pleines opportunités à toutes les entreprises françaises.
Q - Merci beaucoup.
R - Merci à vous tous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2025