Déclaration de Mme Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et du numérique, sur la place de l'intelligence artificielle dans le système éducatif, Sèvres le 7 février 2025.

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Intervenant(s) : 
  • Élisabeth Borne - Ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et du numérique

Texte intégral

Monsieur le préfet [Alexandre Brugère],
Monsieur le Directeur Général de France Education international, qui nous accueillez ici dans vos magnifiques locaux,
Monsieur le maire [cher Grégoire de la Roncière],
Monsieur le recteur, [de Versailles, Étienne Champion],
Mesdames et messieurs les directrices et les directeurs,
Mesdames et messieurs les expertes et les experts de l'UNESCO et des Etats-membres de l'Union européenne,
Mesdames, messieurs,

Je me réjouis d'être parmi vous pour ouvrir cette journée qui s'annonce riche et passionnante, à l'image du sujet qui nous réunit aujourd'hui.

L'intelligence artificielle n'est pas une révolution à venir, c'est une révolution en marche.

Elle bouleverse tout : notre économie, nos métiers, nos façons de penser, d'apprendre et d'enseigner.

Elle redessine notre quotidien à une vitesse fulgurante.

Et la France, vous le savez, n'a pas attendu pour y prendre toute sa part.

Dès 2018, nous avons lancé une stratégie nationale pour l'intelligence artificielle avec un investissement massif de 2,5 milliards d'euros dans le cadre de France 2030, structurant ainsi toute une filière.

La même année, nous avons initié, aux côtés du Canada et des autres membres du G7, le Partenariat mondial sur l'IA pour promouvoir une IA éthique et responsable.

En 2023, lorsque j'étais Première ministre, nous avons mis en place la Commission IA pour garantir un développement maîtrisé et anticiper ses usages.

Et cette année, en 2025, nous lançons neuf IA Clusters, mobilisant 360 millions d'euros pour renforcer notre écosystème de recherche et d'innovation.

Mais nous devons aller encore plus loin, en garantissant que l'IA devienne véritablement un outil au service de tous, en particulier au sein de notre système éducatif.

Dans nos salles de classe, dans nos amphithéâtres, le constat est clair : nos lycéens et nos étudiants n'attendent pas.

La quasi-totalité d'entre-deux utilisent déjà l'IA, comme un grand nombre de collégiens. En revanche, moins de 20 % de nos professeurs s'en saisissent régulièrement dans leur pratique professionnelle.

Cette asymétrie doit nous alerter.

Notre responsabilité, c'est justement d'accompagner l'ensemble de la communauté éducative pour permettre une appropriation éclairée de l'IA et éviter un décalage qui fragiliserait la transmission des savoirs.

Nous avons donc un défi immense devant nous : donner les moyens aux professeurs de prendre en main ces technologies, non pas pour les remplacer, mais pour les renforcer dans leur mission essentielle.

C'est pourquoi nous avons lancé, en janvier dernier, une grande consultation nationale sur l'usage de l'IA dans l'éducation.

Elle se déroule actuellement, sur tout le premier trimestre 2025, et mobilise l'ensemble de la communauté éducative : professeurs, personnels de direction, parents d'élèves et lycéens.

Nous nous appuyons aussi sur le réseau des professeurs engagés dans les bonnes pratiques de l'IA [CREIA] et sur toutes les académies pour enrichir cette réflexion collective.

À l'issue de cette consultation, un cadre d'usage sera finalisé, et diffusé au printemps.

Ce document didactique précisera les conditions dans lesquelles l'IA peut aujourd'hui être utilisée dans les classes comme dans le champ administratif, en définissant des règles claires.

Concernant les élèves, nous lançons également une première formation en ligne pour le second degré dès la rentrée 2025.

Basée sur un parcours Pix, elle leur permettra d'acquérir les bases du prompting, de comprendre les grands types d'apprentissage des IA, leur fonctionnement et leurs enjeux, notamment en termes de limites de biais, de gestion des données et d'impact environnemental.

Ce parcours sera obligatoire pour tous les élèves de 4e et de 2nd, et accessible à l'ensemble des collégiens et lycéens qui souhaitent s'y former. Et bien sûr, il sera aussi mis à disposition des professeurs.

Par ailleurs, nous expérimentons dès cette année une IA générative au service des agents du ministère, inspirée du projet "Cassandre" déployé dans l'académie de Lyon.

Cet outil, qui s'appuie sur l'IA générative ALBERT, a déjà prouvé son efficacité en accompagnant les gestionnaires RH, en prenant en charge les parties administratives et réglementaires du traitement des dossiers. Il libère ainsi du temps pour se consacrer à la dimension humaine de la gestion de nos personnels.

Nous allons désormais généraliser cette initiative à l'ensemble des académies.

Enfin, je vous annonce que nous lançons une initiative stratégique pour développer une IA souveraine dédiée aux professeurs.

Un appel à projets, doté de 20 millions d'euros de France 2030 dans le cadre d'un nouveau Partenariat d'innovation pour l'intelligence artificielle, sera lancé à l'été 2025.

Son objectif : concevoir une IA ouverte, transparente et pérenne, qui puisse aider nos professeurs à préparer leurs cours, corriger les devoirs et enrichir leurs pratiques pédagogiques.

Cet outil devra être pleinement opérationnel au cours de l'année scolaire 2026-2027.

Mesdames et Messieurs,

L'IA ne remplace pas l'humain, elle lui permet d'aller plus loin.

Elle doit être un levier pour nos professeurs, un atout pour nos élèves, un moteur pour notre pays.

Elle doit accompagner, renforcer, éclairer.

Nous devons penser cette révolution à l'échelle nationale, mais aussi européenne et internationale.

C'est tout l'enjeu du Sommet pour l'Action sur l'IA, qui se tiendra les 10 et 11 février prochains à Paris, et où nous serons pleinement engagés pour défendre une IA éthique, inclusive et respectueuse de nos valeurs.

Le défi est immense.

Mais j'ai la conviction qu'ensemble, nous pourrons le relever.

Avec audace. Avec exigence. Avec ambition.

Parce que nous avons entre les mains une révolution, et que la France doit en être à l'avant-garde.

Si nous le voulons, l'avenir est à nous.

Je vous remercie.


Source : Service presse du ministère de l'éducation nationale, le 15 mai 2025