Texte intégral
Madame la ministre, chère Marie Barsacq,
Monsieur le ministre, cher Philippe Baptiste,
Monsieur le recteur de Paris, qui nous accueillez en Sorbonne,
Mesdames et messieurs les rectrices et les recteurs,
Mesdames et messieurs les hauts cadres de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Mesdames et messieurs,
INTRODUCTION
Je me réjouis de vous retrouver pour cette réunion de rentrée du haut encadrement de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, au cœur de ce lieu chargé d'histoire.
En ce début d'année, je tiens à vous adresser mes vœux les plus chaleureux, pour vous-même, vos proches, ainsi que vos équipes.
Je formule également des vœux de réussite pour l'action que nous allons mener ensemble, au service du progrès des élèves et de l'épanouissement de toute la communauté scolaire et universitaire.
L'enseignement est avant tout un projet collectif, et nous devrons avancer unis, dans un esprit de dialogue et de détermination constants.
Aujourd'hui, mon propos portera sur les questions scolaires.
Nous aurons l'occasion avec Philippe Baptiste, lors d'une prochaine réunion de recteurs, d'aborder les sujets de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui sont essentiels pour notre pays.
Tout d'abord, je veux évoquer devant vous les nombreux défis qui nous attendent.
Vous le savez, nous traversons une période inédite.
Alors que nous sommes pleinement mobilisés pour la rentrée scolaire à Mayotte, nous sommes également engagés dans l'examen du budget des missions Éducation et Enseignement supérieur et Recherche.
Le 23 décembre dernier, le président de la République et le Premier ministre m'ont confié la responsabilité de diriger le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, avec Philippe Baptiste à mes côtés.
Vous le savez, je suis la sixième ministre à être nommée en un peu plus de deux ans et demi.
Ces fonctions, je les ai acceptées, avec gravité.
Gravité, face à la nécessité de tenir un cap clair pour notre École.
Gravité, face aux défis de toutes natures qu'elle affronte.
Gravité, face au constat que, malgré les actions engagées depuis 2017, le lien de confiance entre l'École et les Français s'est distendu.
Mesdames et messieurs,
La société française est inquiète pour son avenir et celui de ses enfants.
Elle doute de la capacité de l'École à donner à chacun les clés pour réussir.
Alors même que nous avons, j'en suis convaincue, toutes les cartes en main, l'idée que la génération suivante vivra mieux que la précédente ne va plus de soi.
Je ne peux m'y résoudre.
Nous devons donc, ensemble, bâtir un nouveau contrat.
Entre les élèves, et l'école.
Entre les professeurs, et l'école.
Entre tous les personnels, et l'école.
Entre les parents et l'école.
Bref, entre les Français et l'École.
Pour cela, nous devons redoubler d'efforts.
Redoubler d'efforts, au service d'une institution déterminée à accompagner chaque élève vers la réussite. Redoubler d'efforts, pour que les professeurs et les personnels puissent exercer pleinement leur mission.
UNE NOUVELLE MÉTHODE
C'est pourquoi je suis convaincue que nous devons adopter une nouvelle méthode.
Une méthode fondée sur la confiance, l'initiative et la responsabilité.
Ma conviction est simple : tout ne se décide pas rue de Grenelle ou rue Descartes.
Et ce que j'attends de vous, en tant que membres du haut encadrement du ministère, c'est d'oser.
D'oser encourager l'initiative locale, dans l'esprit du CNR voulu par le Président de la République, de faire émerger des solutions concrètes, et de libérer l'intelligence collective.
Ce que je vous propose, c'est donc un véritable changement de culture.
L'Éducation est nationale, mais elle ne peut être uniforme.
Son socle, ce n'est pas la circulaire du ministère, c'est le professeur, avec ses élèves, dans une salle de classe, avec ses défis quotidiens.
Il nous faut partir de cette réalité pour mettre en œuvre, quelles que soit les fonctions que nous occupons, avec pragmatisme, et audace, les politiques ministérielles.
Je crois en la prise d'initiative
Osons sortir des schémas classiques, expérimenter plus librement, proposer sans crainte, et innover sans attendre.
Je préférerais toujours une tentative imparfaite à une immobilité prudente.
Notre système éducatif ne doit plus être un carcan descendant.
Cette époque est révolue : j'attends de vous des solutions concrètes, des actions mesurables, et des avancées tangibles dans vos territoires.
Prenez des initiatives avec vos partenaires locaux–services de l'État, collectivités, associations – tous ceux qui partagent notre exigence de réussite.
Construisez des solutions adaptées, ciblées et efficaces.
Je viendrai sur le terrain, dans chaque académie, pour observer, évaluer et valoriser vos initiatives.
L'heure est venue de faire confiance et de libérer l'action.
UN OBJECTIF AMBITIEUX : LA RÉUSSITE DE TOUS LES ÉLÈVES
Une action au service d'une ambition claire et partagée : la réussite de tous les élèves.
Chaque jeune doit progresser, trouver sa voie, s'épanouir pleinement.
Cela signifie que tous doivent bénéficier de l'accompagnement nécessaire pour aller au bout de leur potentiel, et au-delà.
Pour chacun, visons l'excellence.
Aujourd'hui encore, un quart des élèves qui intègrent la classe de seconde ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux.
C'est un constat auquel je ne me résous pas.
Nous devons y répondre méthodiquement, avec des actions concrètes, pas des effets d'annonce.
Chaque talent doit pouvoir éclore, sans distinction d'origine, de milieu ou de genre.
Il ne doit pas y avoir de plafond de verre dans notre Éducation nationale.
C'est pourquoi nous devons agir contre tous les déterminismes, notamment pour garantir l'égalité entre les filles et les garçons.
Aujourd'hui encore, l'auto-censure est dramatique.
Il est par exemple indispensable que les filles puissent investir tous les champs du savoir, qu'elles puissent s'engager pleinement dans les sciences, qu'elles puissent elles-aussi exceller dans l'intelligence artificielle, dans les mathématiques, dans la recherche de demain.
De même que nous ne pouvons nous satisfaire des écarts de niveau qui persistent avec nos voisins européens, nous ne pouvons nous satisfaire des écarts qui se creusent entre les filles et les garçons.
Il nous faut donc embarquer tout le monde, sans exception, dans cette dynamique de réussite.
Autrement dit, nous devons nous assurer que personne ne reste sur le bord du chemin.
La réussite pour tous, ce n'est pas un slogan, c'est le cœur battant de notre projet éducatif.
C'est notre devoir collectif, une exigence que nous partageons ici, dans cet amphithéâtre, et partout sur le territoire.
Et il vous appartient d'agir, avec pragmatisme, avec méthode, en mobilisant tous les leviers à votre disposition.
Car c'est vous, hauts cadres de l'Éducation nationale, qui pouvez soutenir et accompagner.
Donner l'impulsion qui permettra aux personnels de direction et aux professeurs de faire réussir tous les élèves.
Et faire réussir tous les élèves, c'est leur donner envie, leur ouvrir des horizons, leur permettre de rêver grand et de construire leur avenir avec ambition.
C'est leur donner confiance en eux, en leur montrant que la réussite s'exprime de 1000 manières et qu'il n'y a pas de modèle unique.
Faire réussir, c'est donc élargir le champ des possibles, susciter des vocations, provoquer des déclics.
Notamment en accompagnant davantage à la découverte des métiers.
Il ne s'agit donc pas seulement, je le redis, d'accompagner ceux qui réussissent naturellement, mais bien de révéler les talents de tous, sans exception.
Chaque élève doit avoir sa chance d'accéder à l'excellence, qu'il aspire à devenir chaudronnier ou écrivain, infirmier ou développeuse informatique, artisan d'art ou professeur, chercheuse ou boulanger, ingénieur ou ministre.
Et pourquoi pas plusieurs de ces métiers à la suite ?
Car nous le savons, les générations à venir seront appelées à exercer plusieurs métiers au cours de leur vie.
C'est aussi cela, notre responsabilité : les préparer à l'avenir, les armer pour la diversité des parcours.
C'est l'attente du Président de la République.
C'est l'attente du Premier ministre.
C'est aussi la mienne.
La diversité des talents de notre jeunesse est une richesse inestimable pour notre pays.
C'est à nous de la cultiver, que les élèves s'engagent dans la voie générale, la voie technologique, ou la voie professionnelle.
S'agissant de ces deux filières, je serai particulièrement attentive à en renforcer l'attractivité, et à accroître leur capacité d'insertion dans le monde du travail d'aujourd'hui et de demain.
Car il ne doit plus y avoir de voie par défaut.
Il ne doit y avoir que des voies d'excellence, adaptées aux aspirations et aux talents de chacun.
Nous devons en finir avec les parcours subis, avec les injonctions réductrices, avec les représentations figées.
Chaque voie doit être une voie royale.
RESTAURER L’AUTORITÉ
Mesdames et messieurs,
Pour atteindre cet objectif d'élévation collective du niveau, je vois deux chemins.
D'abord, restaurer l'autorité au sein de l'École.
Restaurer l'autorité au sein de l'École, c'est d'abord poser une règle simple : la fermeté.
Face aux violences, face aux incivilités, face aux remises en cause des valeurs qui fondent notre République, nous ne céderons rien.
J'inclus bien sûr, à ce combat, toutes les contestations de la liberté d'expression.
Je veux ici avoir une pensée pour tous les membres de la communauté éducative qui, pour simplement avoir exercé leur métier, subissent violences et intimidations.
Et parfois, l'ont payé de leur vie, comme Samuel Paty et Dominique Bernard.
Face aux remises en cause de l'autorité, face au harcèlement, face aux violences à l'École, nous ne ferons aucune concession.
Aucun élève, aucun professeur ne doit se sentir seul ou abandonné.
Le harcèlement, c'est une souffrance qui détruit de l'intérieur, qui brise des trajectoires, qui isole.
C'est un poison insidieux qui s'immisce dans les salles de classe, dans les cours de récréation, jusque dans les espaces numériques.
Et nous devons l'éradiquer, avec une absolue détermination.
Je ne tolérerai jamais que les enfants de la République soient entravés dans leur droit fondamental d'apprendre.
Je ne tolérerai jamais que la peur prenne le pas sur l'envie de réussir.
Parce que le harcèlement, ce n'est pas seulement un obstacle au bien-être, c'est une menace directe à la possibilité même d'apprendre, de s'épanouir, de grandir sereinement.
Le mal-être concerne aussi les professeurs. Près d'un sur deux rapporte avoir subi la contestation de son enseignement.
C'est inacceptable.
L'École, c'est le lieu du savoir, du respect et de l'exigence.
Je ne tolérerai jamais que l'autorité du savoir, que l'autorité de la transmission soit mise en péril.
Face à cela, nous devons agir, sans relâche.
L'École doit rester ce sanctuaire de l'apprentissage, ce rempart contre les violences, cette promesse d'égalité et de progrès.
Pour moi, l'autorité n'est pas un vain mot.
Je serai à vos côtés, et je compte sur vous pour accompagner et soutenir.
A l'Éducation nationale, on ne doit rien mettre sous le tapis.
Je serai également attentive à l'amélioration des conditions d'enseignement, qui est au cœur de mon action.
C'est pour cela que dans le cadre du Plan Tranquillité scolaire annoncé en novembre 2024, et dans lequel je m'inscris, nous allons recruter 170 CPE et 600 AED supplémentaires dans le second degré en 2025.
Ces renforts sont une réponse directe aux besoins exprimés par le terrain.
C'est-à-dire par vous.
Nous renforçons également, vous le savez, les formations sur la laïcité et les valeurs de la République, ainsi que les équipes académiques valeurs de la République, afin de donner aux professeurs et aux personnels les outils nécessaires pour faire face aux situations sensibles.
A ce sujet, nous travaillons de manière étroite avec le ministère de la Fonction publique pour permettre au plus vite le dépôt de plaintes au nom de l'institution.
Nous serons intraitables sur la protection des enseignants et personnels éducatifs.
Dans ce combat, nous n'avançons pas seuls.
Nous ne pouvons réussir qu'avec l'engagement de tous : la Justice, les forces de l'ordre, les collectivités territoriales, les familles, les associations.
Chacun a sa place dans cette pyramide de solidarité, où chaque niveau renforce le précédent.
Comme ancienne Première ministre, comme ancienne préfète de région, je connais les défis du terrain.
Je sais ce que vous affrontez au quotidien.
Soyez assurés de mon soutien sans faille pour permettre à l'École d'accomplir pleinement ses missions : Instruire. Éduquer. Élever.
Personne, ni élève, ni professeur, ne doit entrer dans une salle de classe la boule au ventre.
Nous avons donc une responsabilité collective : garantir un cadre serein, où chacun puisse apprendre et enseigner avec confiance et respect.
"RÉENCHANTER L'ÉCOLE"
Mesdames et messieurs,
Pour atteindre notre objectif d'élévation du niveau pour tous et d'épanouissement, nous devons réenchanter l'École.
Réenchanter l'École pour les élèves, pour les professeurs, pour tous ceux qui la font vivre.
Réenchanter l'École, c'est-à-dire faire de l'École un lieu où l'on apprend avec plaisir, où l'on enseigne avec passion.
Un espace qui stimule l'intelligence, éveille la curiosité et fédère autour de valeurs communes.
Nous devons donc tout mettre en œuvre pour que l'École soit pleinement un lieu d'émancipation.
Un lieu où chaque élève puisse trouver sa voie et s'accomplir.
Qu'il s'agisse de l'école inclusive dans toutes ses dimensions.
Qu'il s'agisse des classes à horaires aménagés.
Qu'il s'agisse des lycées professionnels, dont nous adaptons les formations aux réalités du marché du travail du prochain quart de siècle.
Tous ces parcours doivent être mieux exploités, et mieux valorisés.
Et je veux insister ici, comme ministre de l'Éducation nationale ET de l'Enseignement supérieur, sur l'importance de l'orientation des élèves et des étudiants.
Pour atteindre ces objectifs, nous mettons les moyens.
Le maintien des 4 000 postes prévus au budget l'illustre.
Je vous demande de les allouer au mieux pour poursuivre le déploiement de l'école inclusive, notamment des pôles d'appui à la scolarité :
- pour renforcer les dispositifs permettant d'apaiser le climat scolaire ;
- pour donner les ressources nécessaires aux brigades de remplacement.
Ces dispositifs sont divers. Ils sont nombreux.
Il vous appartient de définir, en fonction des réalités des territoires dont vous avez la charge, et en liaison avec l'ensemble de vos partenaires, la stratégie adéquate pour obtenir des résultats significatifs.
Pour que l'École soit un lieu d'épanouissement pour les élèves, elle doit l'être aussi pour les professeurs.
C'est pour cela que nous devons aller au bout de la réforme de leur formation initiale, afin de les préparer au mieux aux réalités du terrain, tout en élargissant nos viviers de recrutement.
C'est pour cela aussi que nous allons travailler, dans le cadre de l'agenda social, à améliorer les parcours de carrière.
Nous devons, naturellement, porter une ambition pédagogique claire et exigeante.
Une pédagogie qui conjugue transmission des savoirs et accompagnement personnalisé.
Avec un objectif : élever le niveau.
J'ai pris récemment des décisions concernant le collège, le brevet, et la classe de seconde.
En 6e et en 5e, nous ne reviendrons pas sur l'organisation des groupes de besoins qui viennent de se déployer et feront l'objet d'une première évaluation en juin.
En 4e et en 3e, cette dynamique devra se poursuivre en proposant des accompagnements adaptés aux besoins de tous les élèves.
A cet effet, 542 postes ont été dégagés.
Leur usage sera à la main des établissements auxquels ils seront affectés.
Vous prendrez les décisions qui s'imposent pour les utiliser au mieux, et vous m'en rendrez compte.
S'agissant du DNB, comme ma prédécesseure, j'ai décidé de le rendre plus exigeant, en supprimant les correctifs académiques et en introduisant une nouvelle pondération.
Pour le passage en seconde, je souhaite que l'on continue à faire confiance au conseil de classe.
Un échec au brevet doit alerter, et conduire à la mise en place de dispositifs de remédiation.
Les classes de prépa 2nde existantes seront maintenues et feront l'objet d'une évaluation.
Nous devons, en outre, réfléchir ensemble à la mise en place de nouveaux dispositifs de soutien pour accompagner l'entrée au lycée des élèves ayant échoué au brevet.
Mais j'insiste sur un point essentiel : la mise en œuvre de ces mesures doit venir du terrain.
Ce sont les établissements qui doivent proposer des solutions, en coordination avec les corps d'inspection, et dans le respect des priorités éducatives nationales.
C'est le pragmatisme qui nous guidera.
Chaque décision que nous prenons engage l'avenir de nos enfants et la confiance que la Nation place en son École.
CONCLUSION
Mesdames et messieurs,
Ce que je vous propose, c'est une stratégie de la réussite et de l'épanouissement.
Une stratégie qui permette aux élèves de trouver leur voie ; une stratégie qui permette aux professeurs d'exercer leur métier sereinement.
Une stratégie grâce à laquelle l'École pourra retrouver sa juste place dans le cœur des Français, c'est-à-dire la première.
Cela passe par des actions concrètes, visibles, mesurables qui permettent à l'École d'accomplir pleinement sa haute mission.
Changer de méthode pour faire venir les solutions du terrain.
Restaurer l'autorité, pour garantir un cadre serein et propice aux apprentissages.
Réenchanter l'École, pour que chaque élève y trouve sa voie et que chaque professeur y trouve du sens.
Nous avons tant de défis à relever, mesdames et messieurs.
Ces défis, nous les relèverons ensemble.
Avec engagement. Avec passion.
Pour y parvenir, je vous dis toute ma confiance.
Je vous remercie.
Source : Service de presse du ministère de l'éducation nationale, le 15 mai 2025