Déclaration de Mme Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et du numérique, sur ses priorités en ce qui concerne le système de médecine scolaire scolaire, Paris le 14 mai 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Élisabeth Borne - Ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et du numérique

Circonstance : Déclaration aux assises de la santé scolaire

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Madame la Directrice générale de l'enseignement scolaire,
Madame la rectrice de Paris,
Mesdames et messieurs les rectrices et les recteurs,
Mesdames et messieurs les DASEN,
Mesdames et messieurs les chefs d'établissement,
Mesdames et messieurs les inspectrices et les inspecteurs.
Mesdames et messieurs les personnels médicaux et sociaux de l'Éducation nationale,
Mesdames et messieurs les représentantes et représentants des organisations syndicales,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
Mesdames et messieurs,

Je tiens d'abord à saluer la qualité des interventions, et la force des témoignages qui ont rythmé cette journée.

Je veux également vous remercier, monsieur le ministre, cher Yannick Neuder pour vos mots, qui illustrent la convergence de nos priorités et de nos actions.

Ces assises de la santé scolaire étaient attendues, je le sais.

Elles sont le fruit de semaines de concertation, réunissant les organisations syndicales, les services et personnels de l'Éducation nationale, mais aussi les élèves, par la voix des élus du Conseil national de la vie lycéenne.

Elles ont abouti aujourd'hui à une journée de dialogue dense, exigeante, mais surtout indispensable.

Ces assises répondent à une urgence dont chacun, je le sais, mesure la gravité.

Notre système de santé scolaire ne répond plus aux besoins des élèves.

L'augmentation des élèves à besoins particuliers nécessitant un suivi pédagogique et humain est une réalité que vous connaissez ;

Les effets des confinements, les séquelles du COVID, l'influence croissante des réseaux sociaux : tout cela nourrit des tensions collectives, des fragilités individuelles, et une souffrance trop souvent invisible.

Cette nouvelle donne appelle une refondation ambitieuse de notre système de santé scolaire, à la hauteur de ces nouveaux défis, en réaffirmant avec force les missions fondamentales de la santé scolaire : la prévention, la détection et la promotion de la santé.

Mesdames et messieurs,

L'École, c'est là son premier devoir, doit d'abord instruire, transmettre, former des citoyens.

Mais on n'enseigne pas à des élèves en souffrance.

Qu'il s'agisse de troubles somatiques ou psychologiques, visibles ou invisibles,

Faute de dépistage ou de sensibilisation précoce, ces difficultés s'ancrent dans la scolarité, et se répercutent avec force dans la vie d'adulte.

C'est pourquoi notre politique de santé scolaire doit désormais s'appuyer sur quatre priorités :

D'abord, agir dès le plus jeune âge pour renforcer la prévention.

La visite de la 6ème année n'est réalisée que dans 20 % des cas, en ciblant certes l'éducation prioritaire où les besoins sont importants,

Mais en laissant parfois, sur le bord du chemin d'autres élèves, notamment dans les territoires ruraux.

C'est inacceptable.

Pour que chaque élève puisse entrer sereinement dans les apprentissages, il est essentiel de mieux repérer les premières difficultés dès qu'elles apparaissent.

Notre engagement est clair :

Soit le dossier médical de l'élève permet de s'assurer qu'il bénéfice d'ores et déjà d'un suivi approprié, soit il devra bénéficier d'une consultation dans le cadre scolaire.

Ma deuxième priorité est de remettre au cœur de la pratique quotidienne de tous les acteurs de la santé scolaire ses trois principales missions : la prévention ; la détection ; et la promotion de la santé.

Car je le sais, ces missions sont souvent concurrencées par des tâches administratives, sans bénéfices concrets sur la santé des élèves.

C'est pourquoi nous allons lancer une vague de simplifications, en allégeant notamment le suivi des plans d'accompagnement personnalisés afin de libérer un temps essentiel aux médecins scolaires.

De même, la visite médicale requise pour certains travaux réglementés ne sera réalisée qu'en début de formation.

Troisièmement, nous devons faire alliance avec les partenaires de l'école pour garantir une prise en charge plus efficace.

Vous l'avez souligné, monsieur le ministre : nos synergies sont précieuses.

Comme vous l'avez dit : "L'école est et doit être un lieu de santé."

Nos succès collectifs sur les campagnes de vaccinations menées contre le papillomavirus, et la campagne qui s'annonce contre les méningocoques, l'illustrent.

L'école est donc en première ligne, pour vacciner, pour détecter les troubles, les mal-être, les situations de handicap.

Mais les établissements scolaires et leurs personnels ne peuvent, ni ne doivent, se substituer à une prise en charge médicale ou thérapeutique.

Pour mener à bien ces missions, l'École ne peut pas être seule.

Nous devons au contraire conjuguer nos efforts avec l'expertise de nos partenaires.

La pratique mixte des médecins, en ville et en médecine scolaire, sur laquelle nous travaillons avec le ministère de la santé, illustre ces synergies.

Nous veillerons également à systématiser les conventions avec les PMI, et à inscrire notre action dans les plans territoriaux de santé publique,

Tout cela, sera rendu possible grâce à une coopération étroite avec les ARS.

Pour cela, je tiens de nouveau à vous remercier, monsieur le ministre, cher Yannick Neuder, pour votre soutien déterminant.

Enfin, vous le savez, ces assises s'inscrivent dans notre grande cause nationale : la santé mentale.

Une cause que j'ai portée, comme Première ministre, notamment en lançant le plan interministériel contre le harcèlement à l'école.

Parce que le harcèlement est l'un des déclencheurs majeurs du mal-être, qui peut conduire à l'irréparable.

Et parce que combattre le harcèlement, c'est soigner l'École, et ses élèves.

La santé mentale est donc, naturellement, ma quatrième priorité et je souhaite détailler davantage les mesures que nous mettrons en place dans ce cadre.

Parce que, mesdames et messieurs,

Les chiffres sont implacables :

13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent déjà des troubles mentaux probables.

Au collège et au lycée, plus de la moitié des élèves souffrent de troubles somatiques, maux de tête, insomnie, ou dépressifs.

Les jeunes filles sont particulièrement touchées : 1 lycéenne sur 3 a eu des pensées suicidaires ces 12 derniers mois.

Ces troubles fragilisent les apprentissages.

Ils minent la confiance en soi, à l'âge où elle se construit.

Faute de prévention, ils peuvent mener au pire.

L'actualité, et tout particulièrement le drame survenu à Nantes, nous rappellent que la détresse peut devenir danger. Pour soi ou pour les autres.

Et je veux, à cet instant, avoir une pensée pour les victimes, en particulier pour l'adolescente qui a perdu la vie, pour leurs familles, et pour leurs proches.

Oui, mesdames et messieurs,

Nous devons repérer les signes de fragilité, veiller à la prise en charge des jeunes en détresse, et détecter les maltraitances.

Dès la rentrée scolaire 2023, à l'issue de la pandémie de COVID-19 et des confinements, nous avons créé les équipes académiques en santé mentale, et proposé les premiers protocoles dédiés pour les établissements scolaires.

A l'heure actuelle, seuls 14% de ces protocoles sont effectivement rédigés et mis en place.

Il nous faut donc aller plus loin.

C'est pourquoi, mesdames et messieurs,

A l'issue de ces assises, je vous propose 3 axes pour agir ensemble en faveur de la santé mentale des jeunes.

Nous devons d'abord renforcer la détection et la prise en charge immédiate des troubles.

C'est pourquoi je demande à tous les collèges et à tous les lycées de se doter d'un protocole de santé mentale d'ici à la fin de l'année 2025.

Dans le premier degré, et dans le même délai, ce protocole sera construit en circonscription, et mis à la disposition des écoles.

Un parcours de formation en ligne sera proposé aux inspecteurs du 1er degré et aux personnels de direction pour les accompagner dans cette démarche.

2 personnels-repères en santé mentale seront également formés dans chaque lycée, dans chaque collège et dans chaque circonscription pour déployer ces protocoles.

Pour les cas les plus délicats,

Des coupe-files seront mis en place pour garantir un accès plus rapide aux centres médico-psychologiques.

Sur ces sujets, le travail collectif, partenarial, est essentiel.

C'est pourquoi une convention sera signée avec l'association nationale des Maisons des adolescents.

Le deuxième axe vise à apporter aux équipes éducatives un appui renforcé et adapté à chaque territoire.

Dans chaque département, nous allons créer un pôle "psycho-médico-social" autour du DASEN.

Ce pôle sera composé des conseillers techniques, médecin, infirmier, assistant de service social, que nous renforçons d'un conseiller technique en santé mentale.

Le pôle sera chargé de définir et de déployer une stratégie et des priorités adaptées à chaque département.

Il assurera la formation des personnels sociaux et de santé du territoire.

L'appui de l'équipe académique "santé mentale" pourra aussi être sollicité pour la gestion des situations les plus complexes.

Enfin, nous devons avant tout agir en direction des principaux intéressés : les élèves.

Ils seront, eux-mêmes, formés, sensibilisés, outillés.

Car la promotion de la santé passe par l'acquisition, dès le plus jeune âge de compétences psycho-sociales.

Le nouveau socle commun de connaissances et de compétences, qui sera publié à l'automne 2025, aura notamment pour objectif de développer ces compétences psycho-sociales.

Nous allons également proposer aux lycéens des modules de sensibilisation avec une priorité donnée aux élèves membres des conseils de la vie lycéenne, comme ils l'ont eux-mêmes suggéré lors du dernier Conseil national de la vie lycéenne.

Ces formations viseront à promouvoir l'entraide entre pairs sans faire porter le poids du dépistage sur les jeunes.

Je sais qu'ils seront à la hauteur de leur responsabilité, l'investissement qu'ils ont fourni lors de ces assises l'a montré.

Cette attention portée à la santé mentale de nos élèves va de pair avec la vigilance particulière que nous portons sur le rôle des écrans.

Je pense ici à la pause numérique au collège, et au droit à la déconnexion pour les espaces numériques de travail et les logiciels de vie scolaire, qui seront mise en œuvre dès la rentrée prochaine.

Enfin, l'information aux élèves et aux familles sera renforcée, au plus tard à la rentrée prochaine, avec l'inscription des trois numéros de signalement et d'écoute dans les carnets de correspondance, les environnements numériques de travail, et leur affichage au sein des établissements.

Mesdames et messieurs,

Je sais que sans les milliers de personnes qui agissent chaque jour,

Du premier au dernier kilomètre,

Rien de tout cela n'est possible.

Je sais aussi combien cette tâche est complexe.

Repenser les organisations, former les personnels, accompagner les élèves ne suffit pas.

Aujourd'hui, la médecine scolaire traverse aussi une crise d'attractivité, avec près de 40% de postes de médecins scolaires vacants.

C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui des mesures en faveur des métiers de la médecine scolaire, qui s'appliqueront dès 2026.

La carrière des médecins sera revalorisée et fluidifiée.

Je sais que cette mesure est très attendue.

Nous procéderons également à un renforcement des effectifs d'infirmiers, d'assistants sociaux et de psychologues de l'Éducation nationale.

Mesdames et messieurs,

Ces assises ne sont qu'une étape, vous l'aurez compris, elles nous engagent collectivement à poursuivre le travail lancé avec tous les acteurs.

Le projet que nous portons pour la médecine scolaire est exigeant, mais il est indispensable.

Parce que mieux vaut prévenir que guérir.

Parce que mieux vaut former que soigner.

Parce que mieux vaut accompagner que subir.

Alors, continuons ensemble à faire de l'École la promesse tenue de la République.

Partout. Pour tous.

En bâtissant une institution plus inclusive, plus lucide, plus protectrice.

Une École qui vit avec son siècle, et qui le comprend.

La santé scolaire ne doit plus être un problème.

Elle vient soutenir une meilleure réussite scolaire et personnelle des élèves.

Et ce n'est qu'ensemble que nous pourrons y parvenir.

Je vous remercie.


Source : Service de presse du ministère de l'éducation nationale, le 15 mai 2025