Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Yannick NEUDER, bonjour.
YANNICK NEUDER
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Déjà en consultation avec Nina, Yannick NEUDER. Vous êtes ministre de la Santé, vous êtes médecin, vous êtes cardiologue. On salue Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs. C'est votre commune dans l'Isère.
YANNICK NEUDER
Oui. Exactement.
CHRISTOPHE BARBIER
Celle que vous avez dirigée pendant des années. Alors vous souteniez élu rhônalpin, Laurent WAUQUIEZ pour les Républicains, pour la présidence. Déçu, déçu surtout de la violence, de la défaite.
YANNICK NEUDER
Je crois que c'était assez saint comme compétition. Déçu naturellement, parce que je suis proche de Laurent WAUQUIEZ. C'est un secret pour personne. C'est surtout aussi une relation d'amitié puisque j'ai été depuis 10 ans à ses côtés à la région Auvergne Rhône-Alpes que j'ai été 7 ans son vice-président. Après, c'est le jeu aussi des élections internes. Donc ce qui est important aussi, c'est de voir que tout ça a généré beaucoup de mobilisation de l'électorat de droite, que les deux candidats ont fait une belle campagne, que Bruno RETAILLEAU maintenant va rassembler tout le monde. Et je crois que nous verrons d'ailleurs à midi pour ces sujets-là. Et je crois que ça fait partie de la démocratie interne d'un parti. Donc, effectivement quand ce n'est pas son candidat qui a gagné, on est triste. Mais d'un autre côté, c'est aussi de pouvoir montrer qu'il y a une vraie vision à droite et qu'il va falloir tenir compte dans les années qui viennent et particulièrement dans les échéances car au-delà des personnes, ce sont les idées que nous portons.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est ce que vous allez dire à Bruno RETAILLEAU tout à l'heure. Les idées, les idées, les idées.
YANNICK NEUDER
Oui. Moi, j'avais été clair pendant cette campagne. Je suis fidèle à Laurent WAUQUIEZ parce que nous avons des relations amicales et on voit bien qu'au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ça a été particulièrement vu et visible. Il est particulièrement reconnu et apprécié en Auvergne-Rhône-Alpes. Par contre, j'ai été loyal avec Bruno RETAILLEAU et nous travaillons très bien ensemble au sein du ministère sur un certain nombre de sujets, lui à l'Intérieur et moi à la Santé.
CHRISTOPHE BARBIER
En tout cas, les militants, eux, ils ont tranché, être dans le Gouvernement, c'était le bon choix. Ils ont plébiscité aussi le fait de participer, d'agir.
YANNICK NEUDER
Alors c'est toujours difficile quand vous êtes membre d'un Gouvernement en disant : "Bah s'il dit ça, c'est pour garder sa place". Je crois surtout qu'il y a besoin de stabilité en France. Moi, je le vois bien. Quand j'ai été nommé un 24 décembre, j'étais le quatrième ministre de la Santé en 2024 et je vois bien que sur des sujets aussi compliqués et aussi des sujets qui sont le quotidien des Français avec des difficultés d'accès aux soins, de déserts médicaux, eh bien il faut s'inscrire dans le temps pour pouvoir porter des réformes. C'est ce que nous sommes en train de faire avec la réforme sur les déserts médicaux, sur la formation de plus de médecins. Et je crois que ce n'est pas de changer de Gouvernement tous les trois mois, de ministres qui règlent les problèmes des Français et je crois que les Français en sont bien conscients.
CHRISTOPHE BARBIER
On a l'impression que la stabilité, ça ne viendra qu'en 2027, quand on aura un nouveau Président et une nouvelle majorité.
YANNICK NEUDER
Il me semble aussi et surtout, je pense qu'en 2027, il y aura surtout des questions qui ne pourront être tranchées qu'à ce moment-là. Je pense qu'il y a des questions qui nécessitent d'avoir une majorité pour pouvoir être réglées, ce qui n'est pas le cas actuel. Donc il faut continuer d'avancer parce qu'on ne peut pas se permettre de ne pas avancer jusqu'en 2027. Mais il faut aussi savoir que certains sujets seront des sujets de campagne présidentielle.
CHRISTOPHE BARBIER
Justement, la présidentielle, est-ce que Bruno RETAILLEAU a pour charge d'accoucher d'une méthode pour cette présidentielle ?
YANNICK NEUDER
Je crois que le président d'un parti doit mettre son parti en ordre. En plus, la droite républicaine, nous sommes aussi un parti avec beaucoup d'élus locaux puisque nous sommes plutôt à la tête des collectivités locales. Si on regarde les régions, les départements, les communes…
CHRISTOPHE BARBIER
Et les municipales…
YANNICK NEUDER
Il va y avoir les municipales. Donc je crois que surtout, il ne faut jamais jouer le troisième tour avant le deuxième. Je crois qu'il faut préparer les municipales et je crois que c'est le succès aussi des municipales qui permettra de pouvoir se projeter en 2027. Mais chaque chose en son temps. Les politiques sont déjà dans 2027. Les Français pour l'instant sont dans leurs problèmes du quotidien. Ils veulent des réponses et les municipales n'arriveront, je le sais bien, j'ai été maire nombreuses années, n'arriveront qu'en janvier, une fois les fêtes de fin d'année passées.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous êtes plutôt pour la présidentielle, pour une primaire ouverte à tout le monde, une primaire fermée, pas de primaires. On attend les sondages. Comment on fait ?
YANNICK NEUDER
Moi, je ne suis plutôt pas favorable aux primaires parce que c'est une… Elles ne nous ont jamais porté chance et je ne vois pas comment… on le voit bien. Là, il y a eu une élection interne. Je crois qu'on doit trouver les modalités pour désigner notre candidat. Mais moi je ne suis pas favorable aux primaires parce que vous passez un certain temps à montrer vos différences par rapport aux autres et puis après il faut vite se mettre ensemble. Non. Je crois que ce n'est pas notre ADN en tout cas à la droite.
CHRISTOPHE BARBIER
Et est-ce que vous êtes pour des négociations ouvertes avec Edouard PHILIPPE et son mouvement Horizons ? Il vous a tendu la main le samedi soir à Marseille.
YANNICK NEUDER
Je crois que c'est un peu tôt. Nous sommes à deux ans des élections présidentielles. Moi, ce que je crois par contre, c'est que… pour être clair, moi, ce qui me mobilise, c'est que en 2027, on ne se retrouve pas avec des extrêmes au pouvoir, que ça soit le Rassemblement national d'un côté ou la France Insoumise de l'autre. Donc je pense que c'est probablement prématuré, mais il faudra que chacun prenne ses responsabilités et qu'une fois que quand ça sera le moment de déclarer notre candidat, il faudra voir comment est le paysage. Parce qu'en deux ans, ils peuvent se passer beaucoup de choses.
CHRISTOPHE BARBIER
Bien sûr.
YANNICK NEUDER
Rappelons-nous, il y a deux ans en arrière, qui aurait dit qu'il y avait une dissolution ?
CHRISTOPHE BARBIER
Que Bruno RETAILLEAU…
YANNICK NEUDER
Voilà. Donc je crois que…
CHRISTOPHE BARBIER
Donc la responsabilité, c'est début 2027, se retirer si on n'est pas le mieux placé.
YANNICK NEUDER
Je crois. Voilà.
CHRISTOPHE BARBIER
Et sur le fond, avec RETAILLEAU, il y a quand même l'idée d'un homme qui n'est pas pour la fin de vie. Le texte qui est en débat en ce moment à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous avez avec lui un différend sur ce point ? Est-ce que vous lui en parlerai tout à l'heure ?
YANNICK NEUDER
Je crois que ce sont des sujets qui font partie de l'intime, que chacun a sa vision, donc c'est difficile de pouvoir donner son avis. C'est bien tout le problème. Moi, je crois que surtout, ce qu'il faut, c'est mettre des garde-fous. Je crois que nous sommes là aussi pour protéger les plus vulnérables. Je crois qu'il faut rester sur les données essentielles qui sont que quand quelqu'un demande une fin de vie, c'est souvent parce qu'en fait il a mal et qu'il n'a pas eu accès aux soins palliatifs. Donc moi, j'ai été favorable à un texte en deux temps, mais vraiment avec une certaine distance entre les deux textes, pour permettre le développement de soins palliatifs partout et pour tous, parce que les études l'ont donné. C'est le comité de consultation éthique qui l'a donné, sur 100 patients qui demandent une aide active à mourir, s'ils sont pris en charge par des soins palliatifs, il y en a plus que neuf qui demandent l'aide active à mourir. Ça veut dire que dans 91 % des cas, les patients ont trouvé une solution. Et on voit bien, il ne faut pas que non plus qu'en France en fait obtenir une consultation pour la douleur ou une prise en charge deviennent plus compliquées qu'une aide active à mourir. Donc moi, j'étais favorable à ce que, effectivement, on développe les soins palliatifs, qu'on évalue, mais je ne suis pas complètement prêt à ce saut sociétal. En tout cas, il faut définir un cadre extrêmement strict avec des garde-fous pour maintenir l'accès à l'aide active à mourir pour, par exemple, les 9 % qui le demandent, qui, malgré une prise en charge soins palliatifs, ne sont pas satisfaits, en mettant des garde-fous extrêmement importants, une décision collégiale - il faut que ce soit plusieurs professionnels de santé qui décident - de pouvoir aussi s'assurer que le patient a bien toute sa conscience. Donc attention au problème de tutelle, de curatelle qui sont extrêmement importants.
CHRISTOPHE BARBIER
On peut être sous influence.
YANNICK NEUDER
Et puis attention au critère.
CHRISTOPHE BARBIER
Le critère de cette nuit, par exemple, c'était phase avancée et terminale. Les députés se sont beaucoup disputés autour de ça. Qu'en dit le médecin ? C'est quoi une phase avancée et terminale ?
YANNICK NEUDER
Le médecin, il le dit - et je l'avais dit quand j'étais député, et donc je ne change pas d'avis entre mes positions de député, de rapporteur général de la commission des finances et maintenant de ministre - je pense qu'il y a un élément qui a disparu et qui, moi, me gêne, c'est le pronostic vital engagé. Quand on est sur des maladies en stade terminale, des maladies avancées, il est très compliqué de définir un pronostic. D'ailleurs, la Haute Autorité de Santé a révélé elle-même qu'elle ne pouvait pas le faire. Moi-même, je conduisais les gens à la transplantation cardiaque. Il était très difficile pour un patient à qui vous ne trouviez pas de griffon de lui définir exactement, avec précision, son pronostic puisqu'il y a beaucoup de facteurs individuels. Et si on prend d'autres maladies, par exemple, que tout le monde connaît, l'insuffisance rénale, c'est bien une maladie avancée, grave en stade terminal. Mais si vous êtes transplanté, si vous êtes dialysé, votre pronostic n'est pas mis en jeu. Donc, je crois qu'avoir enlevé le pronostic vital engagé à court terme est, pour moi, quelque chose qui n'est pas une bonne chose.
CHRISTOPHE BARBIER
Un référendum, si le Parlement n'arrive pas à dégager un texte, c'est une bonne idée ?
YANNICK NEUDER
Il faut faire attention aux questions qu'on pose. En gros, est-ce que vous voulez, quand l'heure de votre mort arrive, mourir dans de bonnes conditions, sans douleur ? Oui, mais c'est la définition des soins palliatifs, donc il faut faire attention. Mais en tout cas, on ne peut jamais être contre la consultation du peuple et de nos concitoyens. Mais attention à la façon dont on pose les questions.
CHRISTOPHE BARBIER
Il y a eu des violences aux soignantes en croissance ces derniers temps. Encore une infirmière agressée par des dealers à Vénissieux en fin de semaine dernière. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Il faut mettre un policier derrière chaque médecin ?
YANNICK NEUDER
Je crois qu'il faut surtout une tolérance zéro. J'ai beaucoup travaillé ce sujet, notamment avec Gérald DARMANIN et avec Bruno RETAILLEAU. Il y a quelques semaines, nous avons voté une loi au Sénat justement pour un renforcement des peines pénales vis-à-vis des agresseurs, dans un esprit de tolérance zéro, de pouvoir aussi permettre de rendre anonymes les plaintes pour éviter les représailles, d'avoir un accompagnement des soignants pour déposer leurs plaintes. Et puis surtout, de pouvoir aussi substituer le soignant. Il y a des discussions sur les libéraux de savoir si ce seront les URPS ou les conseils de l'ordre. Le sujet n'est encore pas tranché. Et puis pour les hospitaliers, ce seront les structures d'hospitalisation qui porteront plainte. Mais c'est vrai qu'il faut vraiment avoir une tolérance zéro. Et encore tout mon message d'empathie vis-à-vis de cette infirmière qui est dans le Rhône puisque j'ai eu le président du conseil de l'ordre infirmier et que j'ai laissé un message à cette soignante qui est forcément bouleversée par ce qui lui est arrivé.
CHRISTOPHE BARBIER
Le pacte proposé par le Gouvernement sur les déserts médicaux, le texte de loi qui est en chantier, tout ça a fâché les médecins. Deux jours par mois dans les zones désertiques, ça ne leur va pas. On va en sortir ?
YANNICK NEUDER
Je crois que si vous voulez, on pourrait tomber dans la facilité en disant que tout est parfait, donc ne changeons rien. Malheureusement, on voit bien la grande difficulté. On a 6 millions de Français qui n'ont pas de médecin traitant. Par contre, il y a un souci, mais le souci est essentiellement numérique. On manque de médecins parce que nous n'en avons pas formé assez. C'est le résultat de 30 ans de politique.
CHRISTOPHE BARBIER
On rattrape maintenant.
YANNICK NEUDER
Alors qu'on rattrape, mais qu'on rattrape très partiellement puisqu'actuellement, on forme le même nombre de médecins qu'en 1970. Donc, nous sommes 15 millions d'habitants en plus. Il y a beaucoup plus de maladies chroniques et le rapport au travail a changé. Un médecin généraliste, quand il part à la retraite, maintenant, il en faut 2,3 pour le remplacer. Donc, je crois qu'il ne faut pas faire porter la responsabilité à la nouvelle génération qui s'est engagée dans des études de médecine longue. Donc, cette obligation d'installation… Quand vous avez une pénurie, ce n'est pas en régulant la pénurie que vous allez avoir une augmentation. Donc, ce qu'il faut, c'est faire les deux. C'est-à-dire qu'il faut une solidarité médicale active, une obligation collective où, dans un territoire où on est un peu mieux doté, on se projette avec l'aide des élus locaux pour pouvoir apporter du soin avec une incitation financière. Deux jours par mois, ça redéfinit aussi le rôle du médecin traitant qui peut lui-même accueillir des docteurs juniors, accueillir des internes, se faire remplacer quand il fait cette mission. Il ne s'agit pas de laisser le territoire abandonné. Par contre, ça nécessite aussi qu'en parallèle, on forme plus, on forme mieux et on forme partout. Donc, c'est l'idée aussi des propositions de loi qui sont actuellement au Sénat et à l'Assemblée nationale de permettre d'avoir une année de médecine accessible dans tous les départements. Car on sait très bien que les jeunes ne s'installent pas dans les territoires qu'ils ne connaissent pas. C'est le pouvoir justement supprimer le numerus apertus-clausus. Et puis, le système est trop restrictif. Beaucoup de nos étudiants français sont partis à l'étranger, en Roumanie, en Espagne, en Belgique. Donc, il faut rapatrier tous ces étudiants pour qu'ils viennent finir leurs études en France parce qu'on manque beaucoup trop de médecins.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2025