Interview de M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, à CNews le 21 mai 2025, sur la contestation des chauffeurs de taxi, l'entrisme des Frères musulmans dans les sociétés publiques de transports et l'autoroute A69.

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Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
CNews, il est 7h13. Beaucoup de sujets à voir avec vous, monsieur le ministre des Transports. Bonjour Philippe TABAROT.

PHILIPPE TABAROT
Bonjour.

ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup d'être là. On va parler des taxis, des Frères musulmans, de ce qui s'est passé à la RATP et puis de l'autoroute A69. Je disais, beaucoup de sujets à voir avec vous, bon, étape par étape. La grève des taxis se poursuit. Il y a un mouvement de grève qui est prévu pour durer jusqu'à vendredi, peut-être samedi ; des taxis qui ne veulent pas que la sécurité sociale réduise ses dépenses de transport sanitaire, dont bénéficient de nombreux taxis. Qu'est-ce que vous dites ce matin aux grévistes et aux taxis ?

PHILIPPE TABAROT
Je leur dis que je suis le ministre des Taxis également, que j'ai eu l'occasion, et ça n'a pas été suffisamment dit je pense, de les recevoir le 12 mai dernier, que mon cabinet travaille étroitement avec les représentants syndicaux des taxis sur différents sujets. Le seul problème que j'ai concernant le ministère des Transports, c'est que les trois sujets et les trois revendications principales dépendent d'autres collègues du Gouvernement, notamment au niveau de la Santé, de l'Intérieur et du Travail. Mais je ne me satisfais pas de la situation actuelle d'ailleurs qu'on a pu avoir dans le centre de Paris, des incidents graves qui se sont déroulés hier à Marseille, et je pense qu'il faut ramener de la raison. Il y a 40 000 taxis dans notre pays. Je ne souhaite pas qu'ils donnent cette image qui n'est pas la leur. Et je souhaite que les choses s'apaisent. C'est la raison pour laquelle je recevrai une délégation ce matin pour échanger avec eux une nouvelle fois, je le rappelle, une nouvelle fois sur leurs différentes problématiques.

ROMAIN DESARBRES
Vous le disiez, il y a eu des violences. On va regarder notamment à Marseille où, à priori, un chauffeur de VTC a cherché à fuir parce qu'il était attaqué. Il recevait des oeufs, des projectiles. Il cherche à fuir. Et dans sa fuite, il renverse des manifestants, des chauffeurs de taxi. Il y a eu deux blessés, dont un grave. Et le chauffeur de la voiture s'est rendu. Il a été interpellé. J'allais dire, c'est que le début de la contestation, parce que là, c'est pour faire des économies. Le budget 2026, il va falloir faire des économies. Tout le monde va devoir faire des efforts. C'est ce que vous dites aux taxis ?

PHILIPPE TABAROT
Il y a un aspect économie, vous l'avez dit, à travers l'assurance maladie. Économie, plus qu'économie, c'est arrêter cette inflation où le transport sanitaire aujourd'hui a augmenté, ne serait-ce qu'au niveau des taxis, de 45% en 4 années. Donc ce sont des chiffres qui sont assez considérables. On parle de plus de 3 milliards sur 7 milliards sur le transport sanitaire. C'est un aspect et là, il y aura une discussion avec ma collègue qui est en charge de ce sujet. Moi, j'aimerais revenir sur deux sujets qui me concernent un petit peu plus. Avec le ministre de l'Intérieur, nous allons procéder à des contrôles par rapport à l'activité des VTC, à la fois sur les méthodes de certains VTC qui font des maraudes, qui se mettent en station, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire, et il y aura des contrôles accrus. Et deuxième chose, l'arrivée des plateformes dans ce secteur qui est déjà assez tendu et qui doit être régulé… Je suis pour l'ouverture à la concurrence dans les transports. Je l'ai montré notamment dans le ferroviaire. L'ouverture à la concurrence ne veut pas dire ne pas contrôler un certain nombre de choses et laisser faire tout et n'importe quoi. Il faut que la tension redescende. Il y a de la place, je pense, pour tout le monde, à la fois pour les taxis, bien sûr, mais également pour les VTC. Encadrer la profession me semble devenu aujourd'hui indispensable.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, autre sujet qui vous concerne : le rapport choc sur les Frères musulmans en France. Comment ça se traduit, cette tentative d'emprise des Frères musulmans dans des sociétés publiques dont vous avez la charge : la SNCF, l'RATP, je pensais également à l'aéroport de Paris, Est-ce que vous avez eu des signaux d'alerte ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, les signaux d'alerte, on les a depuis un certain nombre d'années des personnes qui sont sur le terrain, que ce soient des collaborateurs de différentes entreprises de transport, que ce soient des élus locaux, que ce soient des associations. Je pense que ce rapport va pouvoir permettre de mettre au grand jour ce que certains savaient déjà et puis surtout de prendre des décisions. Moi, je me réjouis qu'on ait un conseil de sécurité ce matin qui ne sera pas qu'un échange, je pense, de la situation, mais qui va nous amener à prendre des décisions concrètes parce que les choses ne peuvent plus continuer de cette manière dans notre pays. Les chiffres qui sont donnés sont très significatifs. Donc l'entrisme existe très fortement, l'islamisme très fortement sur notre pays. Et nous devons, le secteur des transports n'est pas épargné, loin de là, et nous prendrons tout de notre part pour faire stopper ou en tout cas ne plus tourner la tête devant des comportements qui sont quelquefois inadmissibles.

ROMAIN DESARBRES
À propos de ne pas tourner la tête devant des comportements inadmissibles, regardons ensemble la une du Figaro de ce matin - je voulais entendre votre commentaire -Une femme en voile intégrale sur le quai d'une gare qui est avec son fils ou en tout cas un bébé qu'elle pousse dans une poussette. C'est évidemment interdit, c'est hors la loi. Qu'est-ce qu'on fait ? On voit des personnes et des femmes habillées de cette manière, c'est interdit par la loi, mais personne ne fait rien, on laisse faire. La preuve, c'est sur un quai de gare. Personne ne peut dire qu'on ne l'a pas vu parce qu'il y a des caméras partout. Accessoirement, il y a de la sécurité. Il y a également des passagers. Qu'est-ce que ça vous inspire comme réflexion en tant que ministre des Transports ?

PHILIPPE TABAROT
J'ai cru comprendre que madame MABROUK allait recevoir tout à l'heure monsieur Jean-François COPE qui avait été très courageux à l'époque et l'auteur d'une loi pour l'interdiction de la burqa. Il faut voir si prendre les transports en commun avec de tels vêtements rentre dans le cadre de sa loi et notamment si les forces de police peuvent intervenir.

ROMAIN DESARBRES
Là, très clairement, c'est une burqa…

PHILIPPE TABAROT
Je comprends que ça peut choquer un certain nombre de nos concitoyens parce que quelque part, on n'a pas forcément l'impression que c'est totalement un fait qui soit religieux absolument, mais plus une provocation quelquefois. Et c'est cet aspect aussi qui peut être choquant pour nos concitoyens.

ROMAIN DESARBRES
Au-delà de la loi, quel est le message envoyé par une dame qui choisit de s'habiller comme ça ? C'est le vivre ensemble ? C'est tant défendu à gauche.

PHILIPPE TABAROT
On voit l'évolution. Vous savez, je ne pense pas que le Coran ait beaucoup changé ces dernières années ; c'est l'interprétation du Coran par certains qui ne l'ont jamais lu mais qui, quelque part, veulent passer un message politique en France, comme le dit très bien le rapport ; un message d'entrisme sur certains territoires et montrer que les lois de la République pourraient ne pas s'appliquer à eux. Et ça, c'est ça qui est inacceptable. Et je compte bien sur notre ministre de l'Intérieur pour appliquer pleinement les lois de la République et d'être particulièrement ferme sur ce sujet également.

ROMAIN DESARBRES
Avant de parler de l'A69, ce qui s'est passé au pied d'un bus RATP, puisque le chauffeur n'a pas voulu laisser rentrer une jeune femme… On va regarder la séquence et je vais continuer à parler dessus. C'est une jeune femme qui s'indigne – et elle a bien raison - parce qu'il y a un chauffeur de bus qui ne voulait pas la faire rentrer parce qu'il a estimé qu'elle était habillée de façon trop courte, qu'elle ne cachait pas assez sa peau. On demande bien ce qu'on pouvait reprocher à cette pauvre jeune femme. Elle est en short, elle part faire du sport. Elle a bien le droit de prendre le bus et elle a bien raison et elle fait bien ce qu'elle veut d'ailleurs. Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?

PHILIPPE TABAROT
J'ai échangé avec le président de la RATP sur ce sujet. Il semblerait, et je parle sous toute réserve, qu'il n'y ait pas d'entrisme religieux voire politique dans la décision de ce chauffeur, qui est totalement condamnable aussi, parce qu'il n'a pas à le faire. Je pense que la RATP - j'en suis même sûr - l'a suspendu, mène son enquête interne, et que la jeune fille a remercié la RATP pour son action en twittant tout récemment. Moi, vous savez, j'ai été l'auteur d'une loi sur les transports dont on a parlé sur votre antenne

ROMAIN DESARBRES
Oui, la sécurité dans les transports.

PHILIPPE TABAROT
Et un des objets de cette loi, c'est vraiment de pouvoir permettre à tous, mais aux femmes notamment, de pouvoir prendre les transports en commun en toute tranquillité à certaines heures de la journée, ne pas être assignées à résidence en fonction de l'endroit où elles vivent et en fonction du comportement de certains dans les transports en commun. Donc, bien sûr que ce problème ne me plaît pas, ne me satisfait pas, mais je pense que la RATP a pris conscience de ce que ça représentait et prendra des décisions fortes dans les jours à venir.

ROMAIN DESARBRES
Action, réaction. Autoroute A69 à l'arrêt ; est-ce qu'on se dirige vers une reprise du chantier ? Il y a une audience qui va se tenir ce matin. C'est une audience qui est cruciale pour l'autoroute A69 ?

PHILIPPE TABAROT
C'est une audience qui est cruciale pour l'autoroute A69, et vous l'avez dit dans votre titre, qui est cruciale pour tout notre pays. Parce que si la jurisprudence du tribunal administratif de Toulouse, qui a fait arrêter ce chantier, qui était terminé aux deux tiers, avec beaucoup d'argent qui avait été investi, cela aurait des conséquences sur l'ensemble des projets dans notre pays, que ce soit des projets routiers, des projets autoroutiers ou des projets d'infrastructures ferroviaires. Beaucoup de projets seraient de nouveau à l'arrêt. On le voit depuis le rendu du tribunal administratif de Toulouse, des recours ont pullulé sur tous les aménagements de sécurité, notamment, et d'infrastructures dans notre pays. Donc la décision aujourd'hui de la cour administrative d'appel est importante pour ce projet qui doit désenclaver le département du Tarn, qui en a tellement besoin, mais sur un plan également économique, parce qu'un arrêt de chantier, ça coûte très cher.

ROMAIN DESARBRES
Cela se compte en centaines de millions d'euros ?

PHILIPPE TABAROT
Cela peut se compter en centaines de millions d'euros. Il y a un médiateur qui discute aujourd'hui entre les différentes parties pour parler de ces sommes. On parle déjà pour sécuriser le chantier, parce qu'il y a des individus qui souhaitent détériorer ce qui a déjà été en partie fait et s'attaquer à un certain nombre d'ouvrages d'art. Ce sont plus de 200 000 euros par jour. Donc pour toutes ces raisons, je pense que cette décision est importante. Il y a un point qui est positif pour l'instant, mais je garde vraiment toute réserve… Et ça ne veut rien dire de la décision qui sera prise, soit aujourd'hui, soit dans les jours à venir. Mais le rapporteur public a jugé qu'il n'était pas indispensable d'arrêter ce chantier. Donc j'espère sincèrement que ce chantier pourra reprendre à la fois pour les Tarnais, à la fois pour tous les projets sur nos territoires de tous les élus locaux et nationaux. Et puis véritablement qu'on éclaircisse les choses. Vous parlez souvent de l'empilement des mesures, des normes. C'en est un exemple particulièrement significatif. Il faut éclaircir tout ça au niveau européen, au niveau national pour qu'une telle situation ne se retrouve pas.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, merci beaucoup d'être venu ce matin sur le plateau de la matinale de Cnews.

PHILIPPE TABAROT
Avec plaisir.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mai 2025