Texte intégral
Bonjour à tous,
Je suis ravi d'être ici à Lille, pour illustrer le resserrement, le rapprochement entre les Françaises et les Français et leur diplomatie, dans un moment où jamais ce qui se passe au-delà de nos frontières n'a eu autant d'impact sur la vie quotidienne des Françaises et des Français. C'est la raison de ma présence ici, à Sciences Po Lille, où j'ai pu échanger avec des étudiants. C'est la raison de mon échange, un peu plus tôt, avec les collectivités territoriales des Hauts-de-France, pleinement engagées dans la coopération décentralisée, qui représentent pour le ministère des affaires étrangères des partenaires très privilégiés.
Nous voulons, dans la suite des dialogues de Saint-Denis, organiser des assises, cet automne, de la coopération décentralisée, avec mon ministère et les collectivités, qui nous permettent de prendre un tournant dans la manière dont nous conduisons ensemble la politique ou l'action internationale de la France. C'est l'objet de mon déplacement tout à l'heure à Dunkerque pour signer la convention de Mageteaux, qui est un formidable exemple de coopération transfrontalière entre la France et la région flamande, qui va permettre d'apporter des solutions durables dans la lutte contre les inondations comme celles que nous avons connues il y a un peu plus d'un an dans ce département, et qui a nécessité 15 ans de négociations avant d'aboutir aujourd'hui. C'est une grande satisfaction pour nous.
Q - Vous avez évoqué, Monsieur le Ministre, des questions régionales et internationales. La diplomatie française s'active dans tous les sens à l'approche de la conférence de New York. Vous-même aussi. Mais Israël qualifie cette conférence d'inappropriée, alors qu'il est en pleine guerre, et parle d'un "État palestinien sur le papier". Quel est votre commentaire là-dessus ?
R - La France est très attaché à l'idée d'une solution politique au conflit israélo-palestinien, et depuis longtemps, considérant qu'il n'y a aucune solution militaire à ce conflit. Et que pour y parvenir, elle doit se mobiliser, mobiliser ses partenaires, de manière à créer les conditions de l'existence, le moment venu, d'un État palestinien vivant côte à côte avec l'État d'Israël, en paix et en sécurité. Nous le faisons dans l'intérêt de la sécurité d'Israël et des Israéliens, dans l'intérêt des Palestiniens, dont l'aspiration à vivre dans un Etat est légitime. C'est dans cet esprit que nous préparons cette conférence, qui s'inscrit dans la pleine continuité des efforts menés de longue date par notre pays.
Q - Aujourd'hui, nouvelle négociation entre l'Ukraine et la Russie à Istanbul. Vous y croyez, à ces nouvelles négociations ?
R - Nous attendons toujours le premier signe en provenance de Vladimir Poutine, de son intention réelle de cesser de feu, et de s'engager dans des discussions menant à une paix juste et durable pour l'Ukraine. Ce que nous avons vu jusqu'à présent, ce sont des mouvements d'esquive pour gagner du temps et poursuivre sa guerre coloniale contre l'Ukraine, ce à quoi nous voulons opposer, d'ailleurs, des sanctions massives. C'est l'objet du travail en cours par la Commission européenne, en coordination avec le travail qui est mené au Congrès américain, je recevais ce week-end les sénateurs Lindsay Graham et Richard Blumenthal, qui préparent ce paquet de sanctions de leur côté au moment où nous préparons le montant.
Q - Du coup, il y a quand même une escalade des tensions, ces derniers jours ? Notamment aussi hier, une puissante attaque ukrainienne contre la Russie...
R - Non, pas contre la Russie, contre les avions russes qui bombardent l'Ukraine.
Q - D'accord. Et donc cette escalade des tensions, pour vous, ne va pas mettre encore plus de tension pour ces négociations ?
R - Je crois que le moment est venu pour Vladimir Poutine de comprendre que de poursuivre inlassablement sa guerre coloniale contre l'Ukraine va lui coûter très cher. D'abord parce que, de toute évidence, les Ukrainiens qui se battent pour leur liberté, pour leur souveraineté, pour l'intégrité de leur territoire, ne sont pas prêts de rendre les armes si Vladimir Poutine ne cesse pas son agression. Et d'autre part, parce que les partenaires de l'Ukraine que nous sommes avons bien l'intention de forcer Vladimir Poutine à s'asseoir de bonne foi à la table des négociations, s'il n'y consent pas de lui-même.
Q - Une question sur l'Iran. Les Iraniens craignent que le dernier rapport de l'AIEA soit exploité par les Européens à des fins politiques. Est-ce que vous pouvez en dire un mot, aujourd'hui ?
R - La même chose que ce que nous disons avec beaucoup de constance depuis des mois maintenant : il est inacceptable que l'Iran puisse accéder à l'arme nucléaire. C'est une question de sécurité nationale. Et au moment où nous arrivons à l'expiration de l'accord sur le nucléaire iranien que nous avions signé il y a dix ans, soit nous constatons, sur la base de ce rapport, que les intérêts de sécurité français sont préservés ; soit ce n'est pas le cas, et alors nous n'hésiterons pas une seule seconde à réappliquer toutes les sanctions contre l'Iran que nous avions levées il y a dix ans.
Q - Sur la Pologne, est-ce que... À ma connaissance, la France n'a pas encore réagi ? Quelles sont les conséquences de l'élection de M. [Karol] Nawrocki en Pologne ?
R - Écoutez, je félicite le président élu. Je lui souhaite plein succès dans sa mission. Je souhaite qu'il puisse continuer à faire vivre la dynamique franco-polonaise qui s'est enclenchée avec la signature historique du Traité de Nancy et qu'il puisse s'attacher à oeuvrer aux côtés de la France et de l'Allemagne, au sein de ce Triangle de Weimar qui nous réunit tous les trois, à la souveraineté et l'autonomie stratégique européenne, qui est une priorité pour la France, pour l'Allemagne, comme pour la Pologne.
Q - Vous avez évoqué la Syrie. Vous vous êtes déplacé à Damas le 3 janvier. Est-ce que pour vous, aujourd'hui, les mesures prises par les autorités de transition sont inclusives de toutes les composantes de la société syrienne, comme la France réclame (inaudible) ?
R - Avec la chute du régime sanguinaire de Bachar al-Assad, un nouvel espoir s'est levé en Syrie. Nous avons engagé le dialogue avec les autorités de transition, tout en étant lucides sur leur passé et sans faire de chèque en blanc, en jugeant ces autorités sur leurs actes. Nous avons signalé l'importance pour nous qu'aucune place, qu'aucun espace ne soit laissé à une résurgence du terrorisme de Daech ; que l'avenir institutionnel de la Syrie fasse sa place à toutes les composantes de la société syrienne, et que chacun ait un accès plein et entier à la citoyenneté. Nous avons également exigé que les stocks d'armes chimiques disséminés en Syrie par le régime de Bachar al-Assad soient identifiés et détruits. Nous avons obtenu satisfaction sur un certain nombre de points, ce qui nous a conduit à lever les sanctions qui pesaient sur la Syrie et qui en entravaient son développement, voire même l'accès de l'aide humanitaire. Je constate que les États-Unis ont décidé de suivre cet exemple. Nous allons poursuivre ce dialogue exigeant, en continuant à être très clair et très transparent sur nos attentes vis-à-vis des autorités syriennes, parce que c'est, pour la région comme pour la France, un enjeu de sécurité.
Q - On sent (inaudible) très fort, juste avant la conférence à New York sur Gaza. Qu'est-ce que la France va y chercher ? Qu'est-ce qu'ont peut, réalistiquement, en attendre ? Et est-ce que vous y allez pour reconnaître la Palestine ou... ? Qu'est-ce qui risque d'en sortir ?
R - Comme je vous l'ai dit, nous préparons cette conférence dans la continuité de ce qui a été la position historique de la France : celle qui consiste à oeuvrer à l'avènement d'une solution politique au conflit israélo-palestinien. Une solution politique qui prendra la forme de deux États vivante côte à côte, insérés dans une architecture régionale de sécurité associant les pays arabes de la région qui, à leur tour, normaliseront, le moment venu, leurs relations avec Israël. Tout cela permettant de ramener durablement la paix et la stabilité dans cette région, qui a subi tant de conflictualité et de violence depuis si longtemps. La France est dans son rôle lorsqu'elle convie, avec l'Arabie saoudite, une conférence internationale sous l'égide des Nations unies au sujet de cette solution politique. Et nous oeuvrons actuellement à préparer les résultats les plus ambitieux possibles pour cette conférence qui se tient dans 15 jours à New York.
Q - Merci.
R - Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2025