Texte intégral
Madame la Ministre, chère Rachida
Mesdames et Messieurs,
Chers partenaires du monde culturel et du numérique,
Nous sommes réunis aujourd'hui à un moment singulier. L'intelligence artificielle
marque une transformation technologique d'une ampleur que l'on ne connaît qu'une
fois par siècle. Une révolution silencieuse mais puissante, qui modifie nos façons de
créer, de comprendre, de transmettre.
Cette transformation interroge notre rapport au travail, au savoir, à la création. Elle
suscite des espoirs immenses, mais aussi des incertitudes légitimes. Ces interrogations,
loin d'être des freins, témoignent de notre responsabilité collective : faire en sorte que
la technologie demeure au service de nos valeurs, de notre humanisme, de notre
exigence française.
Et cette exigence, c'est aussi, comme vous l'avez rappelé Madame la Ministre, celle de
faire dialoguer souveraineté technologique et souveraineté culturelle. Il ne s'agit pas
d'opposer innovation et création, mais bien de les faire progresser ensemble.
1. L'IA est opportunité sans précédent pour l'innovation, la culture et la souveraineté
européenne
L'IA est déjà à l'oeuvre dans la recherche, dans l'éducation, dans la transition
écologique. Elle est aussi une opportunité majeure pour la culture : elle transforme la
création, en renouvelle les formes, multiplie les moyens d'accès et de diffusion.
La France a pris très tôt la mesure de ces enjeux, en engageant une stratégie nationale
dès 2018 qui nous a conduit à être aujourd'hui les premiers en Europe.
Dans cette dynamique, nous avons organisé le Sommet pour l'Action sur l'IA, voulu par
le Président de la République. Grâce à notre action, nous avons développé des talents,
des infrastructures, des projets pionniers, qui placent la France au coeur de la
conversation mondiale sur l'IA. Nous devons désormais aller plus loin.
Car cette dynamique n'est pas seulement un impératif économique. Elle est aussi un
impératif de civilisation. Si demain, seuls des modèles issus d'autres continents
façonnent notre rapport à la culture, à l'information, à la connaissance, alors nous
risquons de perdre ce qui fait notre richesse : la diversité de nos imaginaires, de nos
langues, de nos patrimoines.
2. Nous avons des questions légitimes que nous devons affronter avec lucidité
Comme toute révolution, l'IA soulève des interrogations. Dans le champ culturel, elles
sont particulièrement sensibles. Nous ne les ignorons pas. Nous les abordons avec
sérieux, comme en témoignent les " Cafés IA " organisés sur tout le territoire.
À ceux qui créent : je ne suis pas l'ambassadrice de l'IA, je suis sa Ministre. Je ne
minimise pas vos craintes. La question de la rémunération des créateurs, du respect du
droit d'auteur, de la reconnaissance du travail artistique, est au coeur de cette
concertation. C'est un pilier de notre modèle culturel, que nous continuerons à
défendre.
Certains métiers vont évoluer, certains modèles économiques doivent être repensés.
Notre méthode est claire : comprendre, dialoguer, agir. C'est pourquoi nous avons
lancé un appel à projets de 80 millions d'euros pour soutenir les initiatives culturelles
autour de l'IA.
Mais il nous faut aussi trouver un chemin équilibré. Car si nous voulons que des modèles
d'intelligence artificielle soient développés en Europe, nous devons garantir un cadre
juridique sécurisé pour l'accès aux données culturelles, tout en respectant les droits des
créateurs et les secrets d'affaires des entreprises.
À ceux qui innovent : je sais la compétition internationale, les barrières réglementaires,
les défis techniques. Je vous soutiens pleinement. Vous avez fait le choix de bâtir le
monde de demain depuis l'Europe, depuis la France. Vous devez pouvoir accéder à des
données fiables, diversifiées, légales – y compris culturelles – dans un cadre clair et
équilibré.
Notre objectif est clair : encourager l'innovation, tout en valorisant les oeuvres et les
contenus qui nourrissent les modèles. Nous voulons faire émerger des solutions
concrètes, basées sur la transparence, la traçabilité, et le respect des intérêts légitimes
de chaque partie prenante.
3. Le dialogue, seule méthode possible pour avancer collectivement
C'est tout le sens de la concertation que nous ouvrons aujourd'hui avec vous, à
l'initiative conjointe des ministères de la Culture et de l'Intelligence artificielle.
Nous lançons un travail exigeant, mais nécessaire. Un travail d'écoute, de compromis,
de co-construction.
Notre méthode repose sur une conviction simple : aucun cadre efficace ne peut être
construit sans écouter ceux qu'il concerne.
C'est la logique du règlement européen sur l'IA – un texte pionnier, ambitieux, exigeant
– qui vise à encadrer les usages, protéger les droits fondamentaux et faire en sorte que
l'IA serve l'humain, sans jamais le remplacer.
Pour que cette régulation européenne soit pleinement opérationnelle, il nous faut
l'enrichir au contact du terrain. C'est l'objet de cette concertation.
Ce dialogue, qui vous réunit, créateurs et innovateurs, avec l'aide des services de l'État,
abordera quatre sujets très concrets :
– l'accès aux données culturelles ;
– les modèles économiques et les licences ;
– les modalités d'opt-out ;
– et les mécanismes permettant une juste rémunération.
Je remercie chaleureusement Marc Bourreau et Maxime Boutron, qui mèneront ces
travaux avec rigueur et indépendance, ainsi que les services mobilisés : DGMIC, Service
Juridique de la Culture, DGE, DG Trésor, PEReN.
En conclusion : notre ambition européenne nous oblige. Nous avons une responsabilité
collective de faire de l'IA une chance pour l'Europe
Ce que nous engageons aujourd'hui peut servir de référence. Car d'autres secteurs
vont, eux aussi, être transformés par l'IA.
Mon souhait, c'est que ce travail devienne un modèle. Un modèle d'équilibre,
d'ambition, de responsabilité. Un modèle européen fondé sur nos valeurs.
Alors, avançons ensemble, avec lucidité, avec exigence, et avec confiance.
Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 4 juin 2025