Interview de M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, à LCP le 3 juin 2025, sur la proportionnelle, la contestation des chauffeurs de taxi, le contrôle des VTC, l'A69 et la grève à la SNCF.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Philippe TABAROT.

PHILIPPE TABAROT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes ministre des Transports, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview ou un partenariat avec la Presse régionale, représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. Bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane, bonjour Philippe TABAROT.

PHILIPPE TABAROT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment parler de vos dossiers au ministère des Transports. Ils sont nombreux Philippe TABAROT, mais d'abord un mot. Vous êtes membre des Républicains. Les Républicains qui ont affirmé, réaffirmer hier leur opposition à la proportionnelle. Est-ce que vous quitterez le Gouvernement si François BAYROU met en place cette réforme ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, il faut déjà discuter sur ce sujet de la proportionnelle. Je crois que notre président, Bruno RETAILLEAU, et les deux présidents de groupe, Laurent WAUQUIEZ et Mathieu DARNAUD, ont clairement expliqué que depuis toujours notre famille politique était contre la proportionnelle.

ORIANE MANCINI
Il n'y a pas de discussion possible avec eux ? Ils sont contre ?

PHILIPPE TABAROT
Oui. Globalement, les sénateurs et les députés de notre famille, vous venez de l'entendre pour un sénateur, se sont exprimés contre la proportionnelle parce qu'on a toujours considéré que c'était un scrutin qui n'apportait pas de stabilité et que quelque part, plus que jamais, notre pays a besoin de stabilité. Après on peut dire que le quinquennat a changé un certain nombre de choses, qu'aujourd'hui, on a un scrutin majoritaire à deux tours et que la majorité absolue n'est pas évidente pour un Gouvernement.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous vous dites « Moi, je quitte le Gouvernement si ce chantier est mis en oeuvre » ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, la décision sera collective de toutes les manières. C'est ce que j'ai dit dès le premier jour. Je comprends que Bruno RETAILLEAU ait quelques réticences puisqu'il est le ministre en charge des Élections et qu'il ne souhaiterait pas, aux bancs, défendre la mise en place de la proportionnelle.

ORIANE MANCINI
Il a raison ?

PHILIPPE TABAROT
Alors j'entends les arguments des proportionnels. Et François BAYROU, lui aussi, est assez constant avec ce qu'il a toujours dit. Il y a une question peut-être de représentativité. Mais là où il faut de la représentativité, aujourd'hui, je pense que le plus important pour notre pays, c'est la stabilité. Et la stabilité, ce n'est pas le scrutin proportionnel qui l'apporte, notamment en France.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'il a eu raison de mettre sa démission dans la balance, Bruno RETAILLEAU ?

PHILIPPE TABAROT
On a un vrai problème de coalition à mettre en place. On essaie, on est dans les prémices. C'est peut-être la première fois qu'il y a depuis, en tout cas, dans la Ve République, un Gouvernement qui essaie de créer sur certains textes des coalitions. Mais en tout cas, je ne pense pas que ça réglerait les solutions institutionnelles.

ORIANE MANCINI
Mais vous êtes plus prudent que lui sur quitter le Gouvernement ?

PHILIPPE TABAROT
Moi, j'aime bien jouer collectif. Donc voilà.

ORIANE MANCINI
Lui, il l'a joué perso hier ?

PHILIPPE TABAROT
Non, pas du tout, puisqu'il était aux côtés du président des députés, du président des sénateurs. Ce sont des points à voir avec l'ensemble de notre collègue. Ça a été évoqué en bureau politique mercredi dernier. Donc moi, je serai bien sûr solidaire de mes " camarades ou compagnons ".

ORIANE MANCINI
Pour entre guillemets ?

PHILIPPE TABAROT
Non, non, non. " Mes camarades ", ce n'est pas une expression qui est très utilisée dans ma famille politique. Mais en tout cas, le plus important, c'est aussi de penser à notre pays. Est-ce que ce mode de scrutin peut apporter de la stabilité pour le pays ? Je ne le pense pas. Et je crois que notre participation à ce Gouvernement malgré ce que pouvait penser mon ancien collègue, Pascal ALLIZARD, a apporté dans notre pays... On pèse sur l'action gouvernementale. Je pense qu'on montre de nouveau que les Républicains sont un parti de Gouvernement. Et pour toutes ces raisons, je pense qu'il est utile qu'on soit dans ce Gouvernement. En tout cas notre présence dans ce Gouvernement a évité probablement d'autres solutions, plus à gauche voire à l'extrême-gauche, qui auraient fait beaucoup de mal de manière irréversible au pays.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Elle a peut-être évité ou elle évite pour l'instant une nouvelle dissolution. Mais pour combien de temps ?

PHILIPPE TABAROT
Plus que la dissolution… Ça, c'est dans les mains du Président de la République. Est-ce qu'il souhaitera utiliser encore cette arme qu'il a utilisée ?

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Il va bientôt pouvoir.

PHILIPPE TABAROT
Il va bientôt pouvoir. Mais je pense qu'il y réfléchira à deux fois par rapport à ce qui s'est passé précédemment. En tout cas, moi, je pense que le plus important, c'est de pouvoir agir pour notre pays, de lui donner un budget. C'était le moment le plus important et la raison de notre présence au Gouvernement, d'apporter un peu de stabilité, aujourd'hui, de préparer les échéances et notamment budgétaires à venir, c'est là l'intérêt d'être présent au Gouvernement. Et je pense que les LR pèsent de tout leur poids dans la politique de ce Gouvernement.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous avez plus envie de peser que de partir, en fait, si je vous écoute bien ?

PHILIPPE TABAROT
La décision de partir ou de ne pas partir doit être collective. Mais je pense que si nous partons de ce Gouvernement - ce qui sera peut-être une option et je ne la laisse pas de côté puisque Bruno RETAILLEAU et nos autres collègues ont clairement exposé les choses –, je pense que les solutions pour remplacer les LR du Gouvernement vont probablement tendre vers la gauche, voire l'extrême gauche. Et je pense que ce qu'ils feraient dans ce Gouvernement serait totalement irréversible pour notre pays.

ORIANE MANCINI
On va parler des dossiers de votre ministère. Ils sont évidemment nombreux. On va commencer par les taxis, les taxis toujours en colère. Vous recevez aujourd'hui les représentants des VTC. Vous avez promis aux taxis que les VTC seraient plus contrôlés. De quelle manière ?

PHILIPPE TABAROT
J'ai vu les VTC hier. Je vois aujourd'hui les plateformes. Et je revois demain les taxis. Donc cycle d'échanges qui a été lancé en présence du Premier ministre samedi, il y a maintenant 8 jours ou 9 jours. Et l'idée, c'était de pouvoir entendre toutes les parties prenantes et de pouvoir faire une synthèse par rapport aux différentes propositions, de trouver un système pour que le transport de personnes à travers soit des taxis, soit des VTC, puisse se faire dans une meilleure harmonie aujourd'hui. On est dans une guerre de tranchées entre les uns et les autres. Il faut appeler au calme. Je l'ai fait déjà à différents épisodes de cette crise. Je souhaite le refaire. J'écoute avec beaucoup d'attention, avec l'ensemble de mes collègues concernés. On est pratiquement dans chaque réunion dans une interministérielle avec l'ensemble des services de l'État. Peut-être ce qu'il a manqué, je dirais, ces dernières années voire ces derniers mois, c'est qu'on puisse mettre tout le monde autour de la table et pas de manière catégorielle.

ORIANE MANCINI
Mais comment vous allez renforcer le contrôle des VTC ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, le contrôle des VTC a commencé. J'ai eu l'occasion, avec le préfet de police et mon collègue François-Noël BUFFET, d'être à la gare de Lyon la semaine dernière. Nous avons mené un certain nombre d'opérations dans nos aéroports aussi, où c'est quelque part là-bas que la fraude est le plus important. Moi, je veux rappeler qu'il y a des taxis, des VTC dans notre pays. Et ce sont l'immense majorité qui travaille énormément, qui sont des gens compétents, des gens honnêtes. Il faut le redire. Par contre, au sein même de leur profession, que ce soit les taxis, les VTC, il y a des personnes qui opèrent de manière illégale, qui font du racolage à la sortie des gares, à la sortie des aéroports, qui donnent une image catastrophique de notre pays et qui doivent être contrôlés, parce que là où certains passent des examens et travaillent, je dirais, pour pouvoir assurer une qualité de service, d'autres ne le font pas. Moi, je suis pour la concurrence. On en a souvent parlé sur votre plateau, la concurrence notamment sur le secteur des transports et du ferroviaire, mais une concurrence qui soit saine et avec des règles qui soient identiques pour les uns et pour les autres.

ORIANE MANCINI
Mais juste sur les VTC, ils disent que pénaliser leur secteur, ça revient à pénaliser les usagers. Qu'est-ce que vous allez leur dire, les plateformes ?

PHILIPPE TABAROT
Je ne souhaite pas arrêter l'activité de VTC dans notre pays. Par contre, j'ai souhaité convoquer les plateformes, parce qu'il y a des dysfonctionnements évidents qui ont été rappelés lors des différentes réunions et notamment ces plateformes…

ORIANE MANCINI
C'est quoi, ces dysfonctionnements ?

PHILIPPE TABAROT
C'est de laisser avec une maraude électronique un certain nombre de véhicules, ce qu'ils n'ont pas le droit, à pouvoir tourner aux alentours, aux abords de ces lieux de transport dont je vous ai parlés. C'est également de pouvoir prendre un petit peu n'importe qui, des personnes qui, à travers une formation de 20 Euros, deviennent VTC, des personnes qui, avec des équivalences, deviennent VTC, et puis des sociétés dites sociétés écrans de rattachement qui existent entre les conducteurs et les plateformes, qui ne payent pas leurs impôts en France, qui sont particulièrement opaques et contre lesquelles on souhaite lutter.

ORIANE MANCINI
Les taxis ne sont pas seulement en colère par rapport au VTC, ils sont en colère par rapport à une nouvelle convention qui doit rentrer en vigueur pour faire notamment des économies sur le budget de la Sécurité sociale. Elle doit rentrer en vigueur le 1er octobre. Est-ce que vous êtes prêts à revoir cette convention ?

PHILIPPE TABAROT
Groupe de travail sanitaire avec les collègues De MONTCHALIN et Yannick NEUDER qui travaillent sur ce sujet. Le Premier ministre a été clair lors de la première réunion. Il souhaite que cette convention soit mise en place dans le calendrier qui était décidé du mois d'octobre, simplement suite à la discussion…

ORIANE MANCINI
Oui, mais à la première réunion, il a dit qu'il était question de la retravailler. Bon, alors est-ce qu'elle va être vue ou pas ?

PHILIPPE TABAROT
Elle est en train d'être retravaillée, je dirais, sur la forme, pas sur le fond, en tout cas sur les objectifs. Il faut rappeler que…

ORIANE MANCINI
Donc il y aura toujours les économies prévues initialement ?

PHILIPPE TABAROT
Le transport sanitaire, c'est 6,7 milliards dans notre pays dont 3 milliards environ pour les taxis, avec une augmentation, ces 4 dernières années, de 45%. Je dirais qu'on n'est même pas sur une économie, on est aujourd'hui sur ralentir cette progression.

ORIANE MANCINI
Mais parce qu'il y a des abus ? Il y a des abus de la part de certains taxis ?

PHILIPPE TABAROT
Il y a des abus qui ont été condamnés. Il y a des procédures judiciaires qui existent. Il y a des médecins qui prescrivent également ce que nous disent justement les taxis. Je crois qu'il faut repartir de la base. C'est ce qui a été demandé. Les taxis sont, aujourd'hui, en train de se rapprocher des caisses d'assurance maladie de leur département et de revoir une organisation qui soit plus pertinente, qui puisse leur permettre d'apporter ce service indispensable aux millions de Français qui sont dans la détresse et qui sont malades, mais également de rationaliser les choses pour que la progression et l'explosion des dépenses puissent se ralentir. Je vous rappelle…

ORIANE MANCINI
Donc sur le fond, vous ne toucherez pas à la convention et aux objectifs initiaux.

PHILIPPE TABAROT
Vous en parlez... Je vous rappelle des chiffres que sont donnés à la Cour des comptes pour 2025, avec un déficit de plus de 22 milliards de notre Sécurité sociale. Il faut agir pour éviter cette progression et pour rationaliser les choses, mais avec les acteurs concernés qui sont bien souvent sources de propositions, même de propositions d'économie.

ORIANE MANCINI
Mais sur le fond, vous maintenez l'objectif d'économie et vous maintenez cette nouvelle convention ?

PHILIPPE TABAROT
C'est la position du Premier ministre qui a été clairement rappelée aux participants lors de la première réunion de samedi, il y a 9 jours.

ORIANE MANCINI
Autre sujet, c'est l'A69. Mercredi, la Cour administrative de Toulouse a autorisé la reprise du chantier de l'A69, cette autoroute entre Toulouse et Castres. Vous avez parlé d'une reprise des travaux mi-juin. Est-ce que vous avez une date plus précise ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, j'ai dit à partir de mi-juin progressivement. C'est-à-dire qu'un chantier arrêté, c'est compliqué à la fois parce que des centaines d'engins de chantier ont dû partir, un millier d'ouvriers. Il a fallu sécuriser ce chantier pendant toute cette période, puisque je rappelle que certaines personnes qui manifestent à travers vos médias le font physiquement par une présence sur le terrain. Il faut faire un état des lieux de l'état du chantier et puis ensuite repartir progressivement.

ORIANE MANCINI
À quelle date ? À partir de quelle date ?

PHILIPPE TABAROT
L'objectif est celui que j'ai donné de mi-juin pour monter en puissance…

ORIANE MANCINI
Mais c'est un peu vague.

PHILIPPE TABAROT
Pour une présence importante des entreprises pendant l'été, vers la fin de l'été. En tout cas, l'objectif…

ORIANE MANCINI
Donc reprise totale en septembre ?

PHILIPPE TABAROT
C'est probablement le cas. En tout cas, c'est aux entreprises de le dire et c'est à la société ATOSCA et à la société ASF de le dire. L'idée, c'est de pouvoir avancer sur ce chantier, continuer. Je vous rappelle que c'est un chantier qui a été réalisé, notamment sur ces ouvrages d'art, aux deux tiers. C'est un chantier qui a besoin de pouvoir avancer aujourd'hui. Il y a des compensations environnementales qui ont été promis et qui doivent être mises en place. Donc pour toutes ces raisons, ce chantier doit avancer, je l'espère, dans des conditions normales et pas avec un certain nombre d'individus qui, en permanence, font une pression intolérable sur les ouvriers de ce chantier.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que vous avez estimé le coût de cette suspension de chantier ?

PHILIPPE TABAROT
Il y a aujourd'hui des discussions entre l'État et la société en question que j'ai citée. On sait qu'au niveau de la sécurisation du chantier, au niveau de toutes les opérations de gardiennage pour empêcher que le chantier soit envahi, on parle de 200 000 Euros environ par jour. Donc on voit que tout ça s'additionne. C'est la raison pour laquelle il est impératif de reprendre ce chantier.

ORIANE MANCINI
Mais le coût supplémentaire, il est à combien du coup ? Il est estimé à combien ?

PHILIPPE TABAROT
Le coût sera défini en discussions et en échanges et avec des intermédiaires, le cas échéant, des médiateurs avec la société. Ce qui est sûr, c'est que la décision de justice a entraîné un coût considérable pour le contribuable. Et je suis soulagé…

ORIANE MANCINI
Mais à combien ? Plusieurs millions d'Euros ?

PHILIPPE TABAROT
Ah oui, écoutez, en tout cas, ce sera à un niveau important. Vous ne pouvez pas vous rendre compte de toutes les conséquences que peut engendrer l'arrêt d'un chantier de cette importance.

ORIANE MANCINI
Mais du coup, cette autoroute A69, si les travaux vont au bout, elle entrera en service quand ?

PHILIPPE TABAROT
Il faut revoir le nouveau planning maintenant. Il faut revoir comment les choses ont fonctionné. Je vous rappelle que l'objectif initial qui allait être tenu, c'était la fin de cette année.

ORIANE MANCINI
Ça devait être fin 2025. Là, c'est quoi, le calendrier prévu ?

PHILIPPE TABAROT
La société ATOSCA fera un nouveau planning par rapport à... Il faut retrouver…

ORIANE MANCINI
Mais ce ne sera pas fin 2025 ?

PHILIPPE TABAROT
Ah non, rester sur le même calendrier. Il y a eu cette coupure. Et plus que les mois de la coupure, il y a arrêter un chantier et le reprendre. Et malheureusement - j'espère que ce ne sera pas le cas - mais on anticipe aussi des perturbations importantes dans le chantier. Certains ne s'en cachent pas et ont déjà annoncé qu'ils souhaiteraient même physiquement interrompre de nouveau le chantier.

ORIANE MANCINI
Il y a une mobilisation qui est prévue début juillet, notamment.

PHILIPPE TABAROT
Je rappelle qu'il y a eu 14 décisions de justice favorables pour continuer le chantier, une décision défavorable et de nouveau une décision favorable qui rappelle quand même, puisque même si ce n'est pas une décision sur le fond, qu'il y a une raison impérative d'intérêt majeur de reprendre ce chantier.

ORIANE MANCINI
Mais vous dites que ce n'est pas une décision sur le fond. Est-ce que vous préparez un nouvel arrêt des travaux quand la justice aura tranchée sur le fond ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, j'ai vraiment bon espoir par rapport à la décision qui a été prise il y a quelques jours, parce que certes, elle est sur la forme, mais le fond a été un petit peu évoqué. C'est ce que je viens de vous dire à l'instant. Le juge a dit, j'autorise la reprise du chantier parce qu'il y a une raison impérative d'intérêt majeur caractérisée à continuer ce chantier.

ORIANE MANCINI
Il y avait un texte qui a été voté au Sénat, qui a été examiné hier à l'Assemblée. L'examen a été de courte durée, il y a eu une motion de rejet. Est-ce qu'avec la décision de justice de la semaine dernière, cette loi a encore une utilité ?

PHILIPPE TABAROT
Hier, tentatives d'obstruction encore de La France insoumise sur une niche EPR. 700 amendements sur une proposition de loi d'un ou deux articles pour essayer de bloquer les choses. Le texte va revenir par rapport à la motion de rejet qui a été votée hier soir à l'Assemblée en commission mixte paritaire. J'espère qu'elle sera adoptée. Je dirais plus que cette proposition de loi et de son adoption, où le Gouvernement est resté prudent, a dit qu'il est favorable au projet, mais que c'était une initiative parlementaire. Le Gouvernement a choisi la voie judiciaire pour faire entendre son intérêt pour que le projet soit mené à bien. Il y a un autre amendement qui est peut-être passé sous vos radars, important dans le projet de loi simplification, qui dit que désormais, et pour tous les autres projets dans notre pays, il faut, dès le début de la procédure, et quand vous obtenez une déclaration d'utilité publique, traiter la question de la raison d'intérêt public majeur. À ce moment-là, et c'est logique, on ne peut pas…

ORIANE MANCINI
C'est-à-dire que là, les choses ont été faites à l'envers ? Cette loi aurait dû passer avant le début du chantier ?

PHILIPPE TABAROT
Probablement. Après on sait que c'est une obligation européenne qui est venue. Je pense, et c'est ce qu'a dit l'amendement du Gouvernement, quand on a une déclaration d'utilité publique, ça doit tout écraser. C'est important, ce n'est pas simple d'obtenir une déclaration d'utilité publique. C'est de dire que demain, on peut exproprier des personnes parce qu'on juge que le projet est au-dessus de tout et que l'intérêt public est dans ce projet. Mais on doit pouvoir tout juger pour tout écraser et ensuite pouvoir sereinement mener le chantier, avec des enquêtes publiques au préalable qui peuvent amener à cette déclaration d'utilité publique.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Je voudrais vous parler des autres autoroutes, celles qui sont déjà en fonctionnement, puisque vous attendez du renouvellement des contrats de concession, des ressources nouvelles pour l'État. Déjà, vous espérez combien ? Ça, c'est ma première question. Ma deuxième question, c'est, est-ce qu'il faut s'attendre à une nouvelle augmentation des hausses de tarifs autoroutiers à l'horizon 2026 ? Pour mémoire, ils ont augmenté d'à peu près 40% en 20 ans.

PHILIPPE TABAROT
Alors, ce que je souhaite, tout d'abord, c'est de pouvoir terminer les 7 années en moyenne qui restent sur tous les contrats de concession actuels. Les premières tombent en 2031, les dernières en 2036. Et là, l'État revient au coeur du jeu. L'État est en train progressivement de notifier à toutes les sociétés d'autoroutes les travaux qu'il reste à faire pendant cette période de sept années. Je souhaite que jusqu'au dernier jour, les entreprises concessionnaires puissent investir et tenir leurs engagements qui ont été notifiés et pas contractualisés, c'est différent, avec l'État aujourd'hui. Deuxièmement, je souhaite, à travers la conférence de financement qui est en cours actuellement et pour 10 semaines, qui a été lancée par le Premier ministre à Marseille, pouvoir discuter sur l'avenir de ces concessions. On travaille avec 150 experts, dont des experts du Sénat qui ont commis des rapports particulièrement pertinents sur le sujet, de se dire qu'est-ce qu'on fait de ces autoroutes demain. Il semble, à travers les premiers débats que je ne souhaiterais pas préempter, mais que l'idée générale, c'est plutôt de repartir sur un système concessif, probablement moins long que le précédent qui était pratiquement de 70 années, qu'il y ait des lots qui soient faits par territoire et qu'on avance sur les différents projets. Et je pense que tout le monde peut trouver sa place, à la fois des sociétés concessionnaires qui peuvent faire des profits, mais pas des superprofits. Il y a l'encadrement des superprofits qui n'avait pas été prévu en 2005 et ça a fait beaucoup débat. Il y a le péage - pour venir à votre question - qui doit continuer à faire, je pense, que c'est plus à l'utilisateur qu'au contribuable de payer ses péages. Et puis, le bénéfice de ces péages doit, à mon sens, aller sur la décarbonation des autoroutes, sur l'électrification des autoroutes et aussi sur les routes nationales et sur le réseau ferroviaire. On a besoin aujourd'hui de 4,5 milliards pour investir sur notre réseau ferroviaire. Nos routes nationales sont dans un mauvais état. On a 120 000 ponts à entretenir.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Philippe TABAROT, ça veut dire que les péages autoroutiers vont continuer à augmenter ?

PHILIPPE TABAROT
Non, ça veut dire qu'il y aura un encadrement de ces péages autoroutiers. Si vous voulez, on peut faire comme en Espagne. Ils ont rendu la gratuité des autoroutes aujourd'hui, nationalisés. J'en ai parlé avec mon homologue espagnol. Je le revois jeudi au Conseil des ministres européens. Il m'a dit que c'était probablement une des plus grosses erreurs qui a été commise par son Gouvernement parce qu'aujourd'hui, il n'arrive plus à entretenir les autoroutes et que quelque part nous avons quand même une grande fierté d'avoir parmi les autoroutes les mieux entretenues d'Europe. Il faut faire payer le juste prix. Est-ce que vous pensez que c'est au contribuable de financer les véhicules étrangers qui utiliseraient nos autoroutes et qui ne paieraient pas ? Je pense que la meilleure formule, c'est d'encadrer bien sûr ce paiement des péages, mais que quand on utilise une autoroute, on doit contribuer à son entretien et contribuer au financement également d'autres modes de transport et d'autres infrastructures comme les routes nationales et comme les infrastructures ferroviaires.

ORIANE MANCINI
Il y a de nouveaux appels à la grève à la SNCF pour demain, pour après-demain, pour la semaine prochaine également. Ils seront suivis ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, c'est difficile de le dire à l'heure où on parle parce qu'après l'épisode des précédentes grèves du 8 mai dernier et le fait que quelque part, malgré une mobilisation relativement importante, cela ne s'est pas ressenti dans la qualité du service puisque le plan de transport a été assuré entre 90 et 95%, les grévistes potentielles souhaitent se déclarer au tout dernier moment pour ne pas que l'entreprise ne s'organise pour faire circuler les trains. Vous savez qu'il y a un délai de 48 heures. Nous souhaitions, avec le sénateur Marseille, passer ce délai à 72 heures. Là, c'est encore 48 heures. Donc, peu de visibilité, mais il n'y a qu'un syndicat, la CGT en l'occurrence, qui a déposé sur le 4. Sur le 5, c'est sur d'autres sujets et notamment encore la réforme des retraites. Aujourd'hui, il semblerait que la SNCF puisse assurer un plan de transport qui soit à un bon niveau, quelques perturbations légères en région RER B, RER D, mais pour le reste, le plan de transport sera assuré au maximum. En tout cas, moi, j'ai une nouvelle vision, une nouvelle pratique là-dessus que peut-être aucun de mes prédécesseurs n'avait utilisée ; c'est de se dire, je n'interfère pas auprès du Gouvernement pour les obliger à trouver un accord coûte que coûte. Et puis, les décisions et les discussions sur le financier ont lieu une fois par an sur les négociations annuelles obligatoires et pas tous les deux mois pour savoir si on rajoute une nouvelle prime et notamment aux personnes qui sont en arrêt maladie.

ORIANE MANCINI
Merci Philippe TABAROT, merci beaucoup d'avoir été notre invité.

PHILIPPE TABAROT
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 juin 2025