Texte intégral
ANTOINE COMTE
Bonjour Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
ANTOINE COMTE
Merci d'être avec nous ce matin sur France Info TV. Avant qu'on parle de vos dossiers concernant la politique de la ville, je voudrais voir votre réaction par rapport aux menaces de démission du ministre de l'Intérieur. Il a été reçu hier à Matignon par François BAYROU avec Laurent WAUQUIEZ et Mathieu DARNAUD. Il dit qu'il ne souhaite pas porter un texte qui viendrait à mettre en place un scrutin proportionnel aux élections législatives. Donc pourquoi pas une menace aussi de démissionner. Quelle est votre réaction par rapport à ça ?
JULIETTE MEADEL
Je trouve que c'est plutôt bien et sincère de dire ce qu'on pense et de ne pas faire semblant d'aller défendre un texte auquel on ne croit pas. Maintenant, sur la démocratie française et sur son fonctionnement, on a un sujet très important aujourd'hui qui est la crise. Ça fait plus de 20 ans maintenant que les Français…
ANTOINE COMTE
Avec…
JULIETTE MEADEL
Et à juste titre, les termes du débat public qui est devenu de plus en plus éloigné de leurs préoccupations, une démocratie qui donne le sentiment d'être passé par un débat qui est de plus en plus abrutissant, qu'il faut faire quelque chose.
ANTOINE COMTE
Vous, vous êtes favorable à la proportionnelle ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je suis le double à ce qu'on ait un débat, comme le dit le Premier ministre. Un débat sur qu'est-ce qu'il faut changer dans... Peut-être qu'il en faut un peu moins, ou peut-être qu'il faut tout simplement revoir complètement nos institutions, le non-cumul des mandats. Il faut un immense débat sur le fonctionnement de la démocratie française, qui ne rend plus aujourd'hui les services auxquels on est en droit d'attendre, c'est-à-dire de permettre un débat éclairé et surtout de faire en sorte que les Français la défendent, cette démocratie. Or, aujourd'hui, dans les sondages, dans l'opinion publique, il y a des attentes, pratiquement, de remise en cause du régime démocratique. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas assez travaillé sur sa représentativité, sur sa légitimité. Donc il faut avoir ce débat-là. Et moi, je trouve ça tout à fait sain que nous l'ayons, que chacun dise ce qu'il pense, et la sincérité de Bruno RETAILLEAU est bienvenue, mais au moins qu'on puisse ouvrir le débat
ANTOINE COMTE
Mais alors je vous pose la question différemment. Comment peut-il rester au Gouvernement, en tant que ministre de l'Intérieur, s'il ne soutient pas les textes de son propre Gouvernement auquel il appartient ? Ça pose une vraie question, aujourd'hui, là.
JULIETTE MEADEL
C'est une question et qu'il a précisément abordée avec franchise et honnêteté. Donc de ce point de vue-là, je trouve qu'il y a un mode de fonctionnement qui est tout à fait loyal. C'est lui qui pose les termes de l'équation. Le Premier ministre décidera s'il souhaite avoir un débat sur la proportionnelle au sein du Gouvernement. Ce qui d'ailleurs, vous l'avouerez, représente aussi les positions des différents groupes politiques à l'Assemblée nationale, parce que certains sont pour, d'autres contre, certains sont dans les subtilités du dosage de la proportionnelle. Il faut qu'on en parle. On ne peut pas faire comme si on n'avait pas aujourd'hui une démocratie française qui est de plus en plus critiquée, des politiques qui n'inspirent que méfiance et que défiance. Et c'est quand même très injuste, parce que vous savez, un responsable politique... Moi, je passe ma vie avec les maires, notamment des quartiers, on va en parler. En fait, les maires de France sont les responsables politiques, honnêtement, les plus dévoués, les moins intéressés, au sens même matériel du terme, parce que c'est un métier difficile, exigeant avec une rémunération qui, pour les petites villes, est parfois nulle. Donc comment ça se fait qu'on ait un engagement politique, d'une grande partie des hommes et des femmes politiques, qui ne soit pas récompensé par de l'adhésion ? Donc il faut qu'on travaille là-dessus.
ANTOINE COMTE
Et vous êtes favorable à ce débat sur la proportionnelle ?
JULIETTE MEADEL
Mais c'est absolument indispensable de parler et de la proportionnelle et du fonctionnement global de la démocratie.
ANTOINE COMTE
Alors pendant que François BAYROU recevait Bruno RETAILLEAU à Matignon, à l'Assemblée nationale, il y avait un débat autour d'un texte concernant l'A69. En fait, le Gouvernement soutient une proposition de loi, finalement, pour contourner une éventuelle décision de justice à venir qui lui serait défavorable. Vous savez que les travaux ont été suspendus dans un premier temps de ce chantier autoroutier entre Toulouse et Castres, puis réautorisés la semaine dernière. Mais on attend un procès, on appelle un jugement en appel pour savoir si définitivement les travaux reprendront. Le Gouvernement, lui, souhaite contourner cette décision de justice, en tout cas ne pas l'attendre. Est-ce que vous trouvez ça normal ?
JULIETTE MEADEL
Attendons quand même avant d'en tirer des conclusions. Tant que vous n'avez pas vu le texte, vous ne pouvez pas savoir si l'objectif, et ça m'étonnerait, c'est de détourner une décision de justice. On a heureusement des institutions françaises qui fonctionnent en respectant bien la séparation des pouvoirs. Bon, sur ce sujet de l'A69, il y a quand même un vrai problème de respect des écosystèmes. Et en même temps, on est dans la contradiction actuelle de l'écologie. C'est-à-dire, pour ne pas avoir une écologie punitive, est-ce qu'on peut essayer de trouver un mode de fonctionnement qui nous permet d'avoir un bon équilibre ?
ANTOINE COMTE
Mais vous êtes favorable à la construction de cet A69 ou pas ? Vous êtes dans quel team, comme on dit ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je suis dans la team qui pense qu'on est dans une impasse quand on passe des années sur ce débat-là. Quel temps perdu ! Franchement, on n'aurait pas pu s'organiser autrement pour régler les problèmes de transport, avec peut-être des transports collectifs plus propres, et pour éviter le blocage. Vous vous rendez compte ? L'argent public gaspillé, le temps gaspillé, les débats. Et ça n'a réglé ni le problème des habitants, qui...
ANTOINE COMTE
Oui. Le désenclavement.
JULIETTE MEADEL
... suffisamment rapidement. Donc ça ne règle pas le problème du désenclavement. Et en même temps, ça ne rend pas service à l'écologie. Donc franchement…
ANTOINE COMTE
Que de temps perdu.
JULIETTE MEADEL
Sur ce débat-là, que de temps perdu. C'est ça le problème.
ANTOINE COMTE
Un mot, et même plus qu'un mot, sur ce grand raout qui est prévu vendredi en présence de François BAYROU. Le comité interministériel des villes qui se réunit tous les deux ans, ça va se passer du côté de Montpellier, c'est vendredi. L'objectif, c'est de faire des annonces, j'imagine. À quoi on peut s'attendre ?
JULIETTE MEADEL
Non, mais d'abord, ça n'a pas lieu tous les deux ans, le comité interministériel. Ça dépend, ça dépend de la volonté du Premier ministre.
ANTOINE COMTE
Oui. En tout cas, c'est deux ans qu'il n'y en a pas eu.
JULIETTE MEADEL
Là, il n'y en a pas eu depuis le mois d'octobre 2023, puisqu'il y en avait un juste après les émeutes de Nahel. Je suis ministre de la Ville, c'est la volonté du Président et du Premier ministre, ce qui dit déjà qu'ils souhaitent qu'on lutte contre ce sentiment d'exclusion qu'ont des Français qui vivent dans des territoires où il n'y a pas suffisamment de services publics.
ANTOINE COMTE
Donc concrètement, qu'est-ce que vous allez annoncer ?
JULIETTE MEADEL
Alors je ne vais pas vous faire les annonces tout de suite mais ce que je veux dire ici, c'est que pour la première fois, on a tout un Gouvernement qui est réuni autour de trois objectifs clés pour les habitants des quartiers. Le premier, c'est la prévention, c'est-à-dire qu'il faut intervenir massivement sur les enfants, sur les jeunes et sur les adolescents qui vivent dans ces quartiers, parce qu'aujourd'hui, il manque des services publics essentiels. Le sport, la culture, l'éducation, la santé et la sécurité. Donc notre premier message, c'est, et on fera des annonces, le Premier ministre les fera, maximisons l'investissement politique mais aussi l'investissement financier sur ce moment de la vie que sont les premières années de la vie d'un citoyen. C'est un investissement rentable, rentable.
ANTOINE COMTE
Donc la prévention.
JULIETTE MEADEL
Quand vous mettez un euro sur un enfant qui ne va pas très bien, c'est 10 euros d'économisés à l'âge adulte. Et donc vous l'aidez à aller mieux en termes psychiques, en termes de santé, en termes de capacité d'apprendre et de réussir à l'école et donc de réussir sa vie. Ça, c'est un message clé et le Premier ministre y tient. Et puis il va y avoir aussi des annonces sur la question de la sécurité et sur l'entretien dans les quartiers, l'entretien des parties communes. Vous savez que dans les quartiers, moi, je suis frappée par, souvent, les conditions de dégradation, les saletés, les poubelles qui ne sont pas toujours bien ramassées. J'ai agi depuis cinq mois, nous avons des résultats. Nous allons aborder ce sujet avec les bailleurs sociaux pour aller plus vite, plus loin.
ANTOINE COMTE
Donc ça, c'est le deuxième thème.
JULIETTE MEADEL
Ça, c'est le deuxième point. Et le troisième point, c'est un point sur l'économie. Il n'y a pas de raison que les quartiers où il y a une énergie formidable ne reçoivent pas des investissements privés. Et d'ailleurs, j'ai signé une convention, notamment avec la Caisse des dépôts, pour encourager l'investissement, le microcrédit, l'activité économique. Il n'y a aucune raison que ces quartiers qui sont composés d'habitants dynamiques et courageux, nonobstant les minorités effectivement qui peuvent relever des casseurs ou du trafic de drogue, mais ça, c'est une minorité, et donc il n'y a aucune raison que les 90% des habitants des quartiers politiques de la ville soient assimilés aux quelques casseurs ou aux quelques trafiquants de drogue de ces quartiers.
ANTOINE COMTE
Juliette MEADEL, vous êtes en charge de la politique de la ville. Vous voulez intervenir auprès des habitants des quartiers. C'est votre objectif pour eux.
JULIETTE MEADEL
Pour eux.
ANTOINE COMTE
Bruno RETAILLEAU, lui, parle, alors il ne les cite pas nommément, mais de jeunes, en tout cas, qui viendraient de ces quartiers et qui auraient cassé sur les Champs-Elysées lors de la victoire du PSG. Il emploie le mot de barbare. Est-ce que vous auriez utilisé ce mot, vous aussi ?
JULIETTE MEADEL
Je ne crois pas que le ministre de l'Intérieur fasse un amalgame, contrairement au Rassemblement national, entre les barbares et les habitants des quartiers. Ce n'est pas son style.
ANTOINE COMTE
En tout cas, le lexique qui est utilisé est proche de celui du Rassemblement national.
JULIETTE MEADEL
Ce n'est pas son style. Après le mot de barbare, moi, je n'aurais pas utilisé ce mot-là parce que je pense qu'on peut qualifier les agissements de ces casseurs, on peut dire que ce sont des vandalistes, enfin qu'ils ont vandalisé, pardon.
ANTOINE COMTE
Des délinquants, ce sont des délinquants.
JULIETTE MEADEL
Ce sont des délinquants qui ont vandalisé. C'est scandaleux. Il faut le sanctionner et d'ailleurs, de façon exemplaire, comme l'a dit le président de la République. Les interpellations ont déjà eu lieu. Donc bien sûr qu'il faut sanctionner et bien sûr qu'il faut agir. Mais il ne faut pas faire d'amalgame. L'amalgame que fait le Rassemblement national, et non pas le ministre de l'Intérieur, avec des populations dont on imagine bien qu'ils ciblent les étrangers et les délinquants, est un amalgame qui est précisément l'illustration de ce que la démocratie se délite. Parce qu'on a des responsables politiques qui parlent avant qu'il y ait eu des interpellations et qui parlent sans savoir qui sont vraiment, qu'elle est vraiment l'identité de ces casseurs.
ANTOINE COMTE
Un dernier mot, Juliette MEADEL, très rapide, sur la TVA sociale. François BAYROU a demandé aux partenaires sociaux de travailler le sujet. Ça veut dire que les Français auront un nouvel impôt à venir ?
JULIETTE MEADEL
Non, ça veut dire qu'on discute. C'est la méthode du Premier ministre qui, à mon avis, est la seule possible en ce moment. On parle, on discute, on envisage toutes les solutions.
ANTOINE COMTE
Enfin on a discuté sur les retraites, mais ça n'a pas fonctionné.
JULIETTE MEADEL
Mais si, on va avoir le résultat du conclave. Et puis il y a quand même une question clé et grave, c'est l'avenir de la protection sociale française.
ANTOINE COMTE
Donc vous nous dites : " Pas de nouvel impôt ". Ça ne veut pas dire un impôt caché, cette TVA sociale. C'est on discute.
JULIETTE MEADEL
Ça veut dire qu'il n'y a jamais d'impôt caché. En tout cas, pas dans le Gouvernement auquel j'appartiens. Ce n'est pas le genre de la maison. En revanche, il faut parler de la situation grave des finances publiques. Et moi, je tiens à la sécurité sociale. Et je pense qu'il faut travailler à sa pérennité, parce que pour le moment, elle est gravement déficitaire. Donc il faut réfléchir à toutes les hypothèses possibles pour augmenter ses ressources.
ANTOINE COMTE
Merci Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Merci à vous.
ANTOINE COMTE
Merci d'avoir répondu à mes questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 juin 2025