Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8 h 32. Et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour APOLLINE de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions, ce matin. Vous êtes ministre d'État, ministre des Outre-mer, numéro 3 du Gouvernement. Et si c'était sur la Nouvelle-Calédonie que le Gouvernement implosait ? Il y a un an, la Nouvelle-Calédonie s'enflammait : des nuits d'émeutes, onze morts, des milliards d'euros de destruction. Et un an après, la situation semble à nouveau bloquée, non seulement entre les différents protagonistes, mais aussi entre les différentes sensibilités du Gouvernement, voire même entre vous et Emmanuel MACRON. On n'y comprend plus rien. Votre projet est-il partagé avec le Président de la République ? Honnêtement, d'abord, rien n'est réglé. Au moment où on se parle, rien n'est réglé.
MANUEL VALLS
Le risque, ce n'est pas l'explosion du Gouvernement. Le risque, c'est l'explosion sociale, économique et de violences, de nouveau, en Nouvelle-Calédonie, s'il n'y a pas un accord. Et je veux le dire très clairement, le Président de la République, le Premier ministre, et pour ce qui me concerne, sommes alignés, vraiment solides, qu'il faut un accord politique pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Parce que sinon, il y a en effet des risques d'implosion économique et sociale. Pourquoi ? Parce que sans stabilité dans la durée, il est très difficile d'investir dans l'économie calédonienne. Il est très difficile d'investir dans le nickel, qui est la richesse, qui est le minerai, qui est une véritable richesse en Nouvelle-Calédonie et qui représente des intérêts stratégiques pour le territoire, pour la France et pour l'Europe. C'est un matériau qui est recherché.
APOLLINE DE MALHERBE
Le temps presse. Déjà, qu'on donne quand même le timing. Il y a des élections qui sont censées se tenir avant la fin 2025. Est-ce qu'au moment où on se parle, vous vous dites : "C'est possible, elles seront tenues" ?
MANUEL VALLS
Elles doivent avoir lieu à la fin de cette année 2025 s'il n'y a pas un accord. Et donc, elles auraient lieu sans accord, sans modification du corps électoral, et elles porteraient essentiellement sur la situation actuelle. C'est un processus démocratique. Mais s'il y a un accord, en revanche, il y a toujours la possibilité de les reporter de quelques mois.
APOLLINE DE MALHERBE
Dans ces cas-là, de les reporter de quelques mois.
MANUEL VALLS
Oui, parce qu'il faudrait à ce moment-là, s'il y avait un accord, je sais que c'est compliqué, mais il faudrait une révision constitutionnelle, institutionnelle, et consulter les Calédoniens sur l'accord.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, mais c'est important de prendre le temps. On sent bien qu'il s'y joue des choses très importantes.
MANUEL VALLS
Mais Apolline DE MALHERBE, vous l'avez rappelé, il y a un an, il y a eu 14 morts, des centaines de blessés, plus de 2 milliards de destructions de bâtiments publics et d'entreprises. L'État, le Gouvernement, crée, au fond, les conditions d'un véritable plan Marshall pour la Nouvelle-Calédonie. Tous les ans, l'État met 1,7 milliard pour la Nouvelle-Calédonie : retraite, salaire des profs, soutien aux entreprises. Depuis, on a mis 1,3 milliard supplémentaire. 600 millions pour soutenir les entreprises, pour reconstruire les bâtiments. 350 millions pour la filière nickel. 300 ou 400 millions pour le déploiement des forces de sécurité. 3 milliards en 2024, si je fais l'addition. 3 milliards en 2025. Ce sont des chiffres vertigineux. Ça représente 30 % du produit intérieur brut de la Calédonie. 1 000 euros par mois et par Calédonien. Donc, la priorité est de soutenir l'économie qui est aujourd'hui à terre et d'éviter une implosion sociale, parce qu'à cela, je dois rajouter des gens qui ne mangent pas à leur faim, des centaines de SDF à Nouméa, des gens qui ne sont pas logés. Des décisions qui ont été prises par la province sud, qui ont aggravé la situation des Kanaks, notamment. Deux-tiers des lits d'hôpitaux fermés dans le Nord. Une situation en matière de santé extrêmement précaire. Ce sont des compétences de la Nouvelle-Calédonie.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qu'est-ce qui a bloqué ? Si la situation est si grave, qu'est-ce qui a bloqué ? Qu'est-ce qui fait que, finalement, Emmanuel MACRON l'a donc annoncé, il demande aux différents protagonistes de venir, il les invite à venir à Paris reprendre le dialogue ? Ça veut donc dire que le dialogue que vous, vous aviez fait avec eux là-bas a échoué ?
MANUEL VALLS
Il a en partie échoué, mais le dialogue est toujours là. Le fil n'est pas rompu entre les formations politiques sur place, entre les non-indépendantistes et les indépendantistes, évidemment avec moi, qui a la charge de ce dossier. J'ai répondu encore à des questions au Gouvernement, il y a trois jours, à l'Assemblée nationale, des deux Députés. Il y a un député loyaliste, non-indépendantiste, Nicolas METZDORF, Emmanuel TJIBAOU, indépendantiste, qui siège aussi à l'Assemblée nationale. Donc, nous cherchons toujours la voie du compromis. Il n'y a pas, au fond, d'autres solutions que d'essayer de trouver une solution entre l'aspiration à la pleine souveraineté, l'indépendance, et l'aspiration à rester dans la République. Ces deux aspirations sont légitimes. Mais il faut essayer de trouver une voie, comme Michel ROCARD en 1988, comme Lionel JOSPIN en 1998, l'ont fait. Il ne faut pas sortir, au fond, de cette idée-là. Et puis, je rajoute deux éléments, sans vouloir compliquer ou complexifier le problème.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, c'est déjà bien complexe, mais allez-y, allez-y.
MANUEL VALLS
Il faut sortir du processus de décolonisation. La Nouvelle-Calédonie, avec l'Algérie, était la seule colonie de peuplement pénitentiaire. Et ce processus de décolonisation, il n'est pas terminé. Et puis, il y a l'exercice du droit…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, sortir du processus de décolonisation ? Ça veut dire quoi ? Ça veut dire aller jusqu'au bout ? Ça veut dire qu'il faut penser les plaies ? Il y a encore des plaies ouvertes ?
MANUEL VALLS
Bien sûr qu'il y a des plaies ouvertes, bien sûr que l'histoire est toujours béante, mais il y avait un très beau projet. Il est toujours là, même s'il a été mis à mal, fracturé, il y a un an, vous le rappeliez, qui est de créer, au fond, les conditions d'une citoyenneté, d'un peuple calédonien, où les Kanaks, ceux qui sont les descendants des Bagnards, ceux qui sont arrivés après 1853, c'est-à-dire, l'année de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, puissent se retrouver. C'est un projet qui reste toujours profondément d'actualité.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est ce que vous appelez, vous, la souveraineté avec la France ?
MANUEL VALLS
Bien sûr.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que, semble-t-il, et c'est vraiment un scénario politique, les deux Députés les plus anti-indépendantistes, dirons-nous, Nicolas METZDORF, vous en parliez à l'instant, qui est député Renaissance, l'ancienne secrétaire d'État Sonia BACKES, ont, semble-t-il, demandé à Emmanuel MACRON de reprendre la main. Ça s'est même manifesté par des images postées sur Twitter par Nicolas METZDORF, qui dit carrément, comme si vous n'existiez pas : "J'ai demandé au chef de l'État de prendre la main sur ce dossier calédonien." Et c'est accompagné, ce message, d'une photo qui le montre, lui, à l'Élysée, la semaine dernière, une main posée sur l'épaule du Président de la République. Et juste après, l'Élysée a effectivement annoncé que le Président de la République inviterait les différents membres de la discussion à l'Élysée. Vous ne vous êtes pas dit : "Je suis en train de me faire complètement avoir" ?
MANUEL VALLS
Mais si je n'avais pas en charge ce dossier, si je n'avais pas la confiance du Premier ministre, si je ne travaille pas avec le Président de la République, puisque sur les questions de souveraineté et d'institution, et s'il faut, par ailleurs, organiser une réforme constitutionnelle, c'est le Président de la République qui en a l'initiative. Puis, je ne serai pas devant vous. Je ne continuerai pas à m'expliquer…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous auriez démissionné ?
MANUEL VALLS
Je ne serai pas devant vous. J'ai en charge, bien sûr, l'ensemble des dossiers ultramarins, la reconstruction de Mayotte, avec un projet de loi qui arrive, la lutte contre la vie chère qui concerne tous les territoires ultramarins, et nous préparons un texte de loi qui passera au Conseil des ministres début juillet. Il y a la lutte contre le narcotrafic aux Antilles, en Guyane. Je vais en Guyane dans 15 jours. Je vais en Polynésie dans un mois. Donc, j'ai la charge d'une mission passionnante qui est l'avenir des Outre-mer et le lien entre ces Outre-mer qui s'est énormément dégradé et l'Hexagone, et Paris. Donc, il faut reconstruire un lien de confiance. Et il y a évidemment le dossier calédonien, que je connais bien et dont j'ai la charge. Je crois qu'un accord est toujours possible et je me bats avec une grande énergie, avec discrétion, pas besoin de propos d'estrade, et surtout avec l'idée de préparer l'avenir. Vous savez, je suis inquiet, parce que j'entends des discours, notamment à la droite de l'échiquier politique, qui me rappellent les vieux discours de Bernard PONS, alors, ça, c'est la préhistoire, ou de Charles PASQUA. Charles PASQUA, dans les années 80, avait dit : "La défense de Bastia commence à Nouméa." Tous ses discours des années 80 se sont terminés avec le drame d'Ouvéa, en mai 1988, qui a obligé Michel ROCARD, à l'époque, à reconstruire ce lien.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que le risque d'un embrasement est toujours là ?
MANUEL VALLS
Le risque d'un embrasement est toujours là, surtout s'il y a les responsables politiques nationaux, hexagonaux, qui utilisent la Nouvelle-Calédonie à des fins intérieures.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que l'indépendance est une option ?
MANUEL VALLS
L'indépendance sèche, l'indépendance sans un lien avec la France, n'aurait aucun sens. Et par ailleurs…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi une indépendance avec un lien ? C'est une demi-indépendance, c'est quoi ?
MANUEL VALLS
Mais ce n'est pas ce que je propose. Et puis, les Calédoniens ont voté par trois fois. Ils ont dit non à l'indépendance. Mais il est vrai que le troisième référendum a été boycotté massivement par les Kanaks, par les indépendantistes. Et de toute façon, l'accord de Nouméa prévoyait que même en cas de trois non, au travers ces référendums, on continuerait la discussion. L'histoire ne s'arrête pas, parce qu'il y a un autre droit qui est le droit à l'autodétermination. Donc, ce sont tout ça des notions compliquées. C'est à 17 000 kilomètres de Paris. Mais la Nouvelle-Calédonie pèse beaucoup dans l'inconscient, dans l'histoire, dans la conscience française. Donc, mon travail, ma mission, c'est de trouver la meilleure solution politique. Et l'idée d'une souveraineté avec la France, vous savez, la Nouvelle-Calédonie a beaucoup d'autonomie, exerce déjà beaucoup de compétences, notamment en matière économique, sociale, sécurité sociale, et de santé.
APOLLINE DE MALHERBE
Marine LE PEN y était la semaine dernière. Elle laisse entendre qu'au fond, votre plan, c'était plutôt d'aller vers une forme d'indépendance.
MANUEL VALLS
Non, c'est une souveraineté. Vous savez, on est dans un monde dangereux, déséquilibré, dans le Pacifique. On y voit l'affrontement entre la Chine et les États-Unis. Le Président de la République, encore il y a quelques jours, à Singapour, rappelait quelle était sa stratégie Indo-Pacifique. La Nouvelle-Calédonie, à travers notre présence militaire, à travers le nickel qui est un minerai stratégique, à travers la présence tout simplement de la France dans ce territoire, dans cet espace du Pacifique, avec Wallis et Futuna et la Polynésie française, joue un rôle dans ce monde-là. Personne ne veut l'abandon de la France, mais veut exercer, évidemment, à 17 000 kilomètres, des compétences qui sont mieux exercées, évidemment, sur place.
APOLLINE DE MALHERBE
L'invitation a donc été lancée pour un dialogue avant l'été. Est-ce que le rendez-vous est pris ?
MANUEL VALLS
Nous sommes en train de le préparer, mais s'il doit y avoir un rendez-vous, bon, il faut qu'il soit bien organisé et bien préparé. Et puis il faut qu'il y ait les bases d'un accord. Les bases de cet accord existent, mais à condition que ça se fasse discrètement et avec une bonne volonté, surtout avec toujours cette idée, attention, s'il n'y a pas un accord, si les mots qu'on prononce sont des mots incendiaires, alors à ce moment-là, on peut aller au drame. Et ma responsabilité, c'est d'éviter le drame.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le pensez toujours qu'Emmanuel MACRON a mis à terre 36 années de dialogue et de progrès, qu'il a torpillé l'entêtement par un entêtement imbécile, irresponsable et criminel, ces accords, et que c'est un président de la République mal entouré et mal conseillé ?
MANUEL VALLS
Ce sont des déclarations que j'ai faites au mois de septembre.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce sont des déclarations que vous avez faites avant d'être ministre.
MANUEL VALLS
Absolument. Donc je vois que vous cherchez la crise dans les ménages. Mais j'ai été nommé par Emmanuel MACRON sur proposition de François BAYROU à la fin de l'année, en toute connaissance des déclarations que j'avais faites. Chacun sait, le président de la République comme François BAYROU, que je ne suis pas venu au Gouvernement et notamment sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie pour refaire ce qui a été fait il y a un an.
APOLLINE DE MALHERBE
Fait-il encore preuve d'entêtement imbécile, irresponsable et criminel ?
MANUEL VALLS
Non. Même aujourd'hui, je suis ministre. Et mon rôle, c'est précisément de trouver les bonnes solutions. Et j'ai besoin aussi du président de la République s'il faut une réforme constitutionnelle. Donc nous travaillons ensemble, en dépit de ce que je lis dans la presse ou de ce que déclare telle ou telle personne.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous disiez à l'instant, Manuel VALLS, que vous iriez en Guyane très prochainement, ce projet de prison annoncé par Gérald DARMANIN, avec une part dans cette prison qui était déjà dans les tuyaux, dans cette prison de quartier de très haute sécurité pour les narcotrafiquants les plus dangereux. Est-ce que vous soutenez ce projet et est-ce qu'il a le soutien des élus locaux ?
MANUEL VALLS
L'idée d'une nouvelle prison, oui, elle vient du mouvement social des élus locaux. C'est une décision de François HOLLANDE et Bernard CAZENEUVE, vous vous rendez compte, en 2017, suite à une crise sociale en Guyane. Il fallait une nouvelle prison. Elle est de toute façon prévue. Elle va être lancée. Dans cette prison comme dans toutes les prisons françaises, il y a un espace de haute sécurité pour qu'on nous comprenne bien et notamment pour les narcotrafiquants de la région et pas de l'Hexagone. Mais quand on parle de ces sujets en Guyane, d'abord, il faut évidemment en informer les élus.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça n'a pas vraiment été le cas. L'un des élus, d'ailleurs, l'avait dit à mon micro sur RMC.
MANUEL VALLS
Il faut en informer les élus de manière générale. Et ça vaut pour moi, ça vaut pour Gérald DARMANIN, ça vaut pour tout le monde. Il faut faire toujours très attention aux mots, aux symboles, à ce que cela peut laisser entendre. Évidemment, quand on parle d'une prison en pleine jungle et pour y mettre les trafiquants voire les terroristes, on a l'impression qu'on réinvente, et Gérald DARMANIN s'en est défendu, quelque chose qui est lié au passé, en l'occurrence le bagne. Évidemment, ça n'a absolument rien à voir.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais la forme n'y a pas été mise.
MANUEL VALLS
En Outre-mer, d'une manière générale, la sensibilité sur l'histoire, sur les blessures coloniales que nous évoquions, il faut appréhender ces choses.
APOLLINE DE MALHERBE
Je n'ai pas compris, Manuel VALLS, si vous étiez pour ou pas, qu'on envoie, y compris là-bas, des narcotrafiquants très dangereux qui ne seraient pas originaires de là-bas, qui ne seraient pas arrêtés là-bas.
MANUEL VALLS
Gérald DARMANIN l'a dit, notamment dans un courrier aux élus, ça ne concernera que les narcotrafiquants de la région. Et on n'y envoie pas des terroristes islamistes. Il faut que les choses soient très claires en sachant que la lutte contre le narcotrafic aux Antilles, en Guyane, en Amérique, d'une manière générale, est évidemment une priorité puisque c'est de là-bas que le trafic de drogue s'organise vers les États-Unis d'Amérique et vers l'Europe. Et c'est inconstamment l'une des grandes priorités de mon action, c'est la lutte contre le narcotrafic aux Antilles et en Guyane. Et pour ça, il faut des moyens et il faut aussi, évidemment, des prisons neuves et de haute sécurité.
APOLLINE DE MALHERBE
Manuel VALLS, les émeutes de ce week-end en marge de la victoire du PSG, vous avez vu les premières sanctions qui sont tombées, les premières condamnations. Gérald DARMANIN, lui-même, estime que ce n'est pas à la hauteur, qu'il faut revenir à des peines planchers, supprimer le sursis. Est-ce que vous partagez ?
MANUEL VALLS
Je suis pour une réponse ferme et implacable face à ces violences. J'étais ministre de l'Intérieur et je sais que les Français attendent une réponse pénale qui soit extrêmement dure, extrêmement sévère face à des violences, à des dégradations, aux attaques, évidemment, contre les forces de sécurité. Et je suis aussi favorable à des peines minimales comme l'a proposé François BAYOU, comme l'a proposé le Premier ministre. Après, nous sommes dans un État de droit. Il y a les fondements du droit pénal et vous le savez, la réponse pénale doit être adaptée.
APOLLINE DE MALHERBE
L'individualisation de la peine.
MANUEL VALLS
Et l'individualisation de la peine par le juge est au cœur de notre droit pénal.
APOLLINE DE MALHERBE
Comment on fait pour répondre à ces deux injonctions, en quelque sorte ? C'est-à-dire l'individualisation de la peine d'un côté, la peine plancher, peine minimale de l'autre ? C'est compatible, ça ?
MANUEL VALLS
Je crois que c'est compatible en rappelant qu'évidemment, c'est toujours à la fin, même si c'est le législateur qui fait le droit, c'est le juge qui prononce la peine. Et donc il faut être extrêmement attentif, un, à l'État de droit et c'est vrai qu'à chaque fois qu'il y a un incident, chaque fois qu'il y a des émeutes de ce type, essayer de ne pas réinventer en permanence le droit. On ne peut pas sur-réagir et réagir. Je pense que dans le droit actuel, il y a de quoi faire. On l'a vu, il y a eu des peines de prison fermes qui ont été prononcées. S'il faut faire évoluer la loi, notamment pour ces peines minimales, eh bien alors, il faut le faire. On ne peut pas toucher aux sursis. Là, on toucherait évidemment à un fondement du droit.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous trouvez en fait, Manuel VALLS, quand je vous écoute, j'entends à demi-mot qu'on réagit trop à chaque événement.
MANUEL VALLS
Ça m'est arrivé, ça nous est tous arrivé quand on gouverne. Mais je crois qu'avec un peu de recul, un peu de sagesse, un peu d'expérience, même si évidemment, ces violences sont insupportables, il y a un travail de la police et le préfet de police est venu à la fois constater aussi une forme d'échec, en tout cas pour la première nuit d'émeutes, la fête du Paris Saint Germain. Le dimanche s'est bien passé. Mais il faut en effet agir d'abord sur le terrain, appliquer le droit et puis toujours avoir en tête les conséquences des décisions qu'on prend. Parce qu'il faut aussi…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez presque un côté le sage au sein de cette équipe qui regarde l'agitation d'un Gérald DARMANIN et qui lui dit voilà, prend du recul quoi.
MANUEL VALLS
Non, ce n'est pas une question de sagesse, c'est une question en effet d'expérience. Et c'est la même chose pour les mots qu'on utilise. Pour les mots qu'on utilise pour qualifier ceux qui…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez au mot barbare ? Vous ne l'auriez pas utilisé ?
MANUEL VALLS
Moi, j'ai utilisé le mot barbare pour les terroristes. C'est délinquant, cette violence insupportable, notamment encore une fois à ceux qui s'attaquent force de l'ordre doivent trouver une réponse pénale. Mais on enflamme le débat à chaque fois avec des mots. Les barbares, ce sont les terroristes. Donc ça, il faut le dire parce que sinon, quel est le mot qu'on utilise pour les terroristes ? Là, il s'agit de délinquants, violents, qui ne trouvent en rien, évidemment, la moindre indulgence, et vous le savez, y compris à gauche, j'ai été connu et parfois ça m'a été reproché pour mener une action implacable face à la violence parce que la violence, elle s'attaque à la démocratie, à l'État de droit, elle touche les plus fragiles de notre société.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ne pas banaliser.
MANUEL VALLS
Notre société, la République, ont besoin incontestablement d'ordre, d'un ordre républicain. Mais dans ces moments-là, de grandes fragilités démocratiques, ça vaut pour la Nouvelle-Calédonie, ça vaut pour la France, il faut utiliser les bons mots.
APOLLINE DE MALHERBE
Un mot encore, Manuel VALLS, sur la situation à Mayotte. Santé publique France a annoncé le passage officiel de l'archipel en phase épidémique, épidémie de chikungunya. Est-ce que les traitements sont à la hauteur ? Est-ce que la phase de vaccination a été suffisante ?
MANUEL VALLS
Oui. Les vaccins ont été positionnés il y a déjà plusieurs semaines, avec la phase de chikungunya à La Réunion. Les actions de prévention aussi ont été mises en œuvre, dans une situation difficile, après les ravages du cyclone Chido. Mais il y a une grande mobilisation, une grande attention. Et la préfecture et les services de santé sont sur place.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc c'est pour l'instant, au moins…
MANUEL VALLS
C'est maîtrisé, c'est surveillé. J'irai aussi dans quelques semaines, puisque nous présentons ce texte de loi où nous engageons plusieurs milliards d'euros pour reconstruire Mayotte, mais nos compatriotes mahorais ont besoin de la plus grande attention, de la plus grande solidarité, y compris quand il y a une épidémie de ce type.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juin 2025