Texte intégral
Merci beaucoup à toutes et à tous d'être là, je salue les chefs d'État et de gouvernement, Altesse royale, l'ensemble des parlementaires, des ministres et élus qui sont présents dans cette salle. Évidemment aussi les fondations et l'ensemble des investisseurs, des ONG, des académiques, des scientifiques ; à toutes et tous, merci beaucoup.
Je ne vais pas être long, je vais essayer de synthétiser ce que j'ai compris, pour qu'on agisse de manière utile collectivement et vous dire comment je vois la situation. Mon sentiment, c'est qu'on est à peu près au pire moment, parce que j'ai compris que la science avait établi – je me réfère aux travaux de l'IPES, qu'on était à un nexus. Ils ont très bien travaillé ça dans leurs travaux. Ils disent, au fond, on a une crise qui est cinq crises en même temps : biodiversité, eau, alimentation, santé, changement climatique.
Ces cinq crises se nourrissent, elles créent de la complexité entre elles, et on ne peut pas régler l'une sans les autres. Notre sujet, les océans, est au milieu de ces cinq crises. Et après, l'IPES a fait vraiment un très bon travail avec 70 options de réponses. On est à un moment de grande complexité, de multicrise. Et pas de chance, si on est à peu près lucides, on est à un moment où la science internationale, qui dépend quand même beaucoup des financements américains, retrait de ces financements, où on a beaucoup de gens qui sont en train de remettre en cause le multilatéralisme et ses agences, où on a aujourd'hui une remise en cause aussi de la priorité dans le débat public donné au climat et à tous ces sujets, y compris d'ailleurs en France, il faut être lucide. On dit que ce n'est plus la priorité, passé, il n'y a rien à voir. On s'en occupera, on gérera crise après crise, au fond. Énorme erreur.
Il y a, si je puis dire, du management disruption, parce qu'on est dans un monde où on a, justement, beaucoup de guerres, et en fait, le grand risque, c'est qu'on soit tous avalés par les symptômes de ces multi-crises. Parce que tout ce que je suis en train d'évoquer, ça crée de la crise plurielle internationale. On a tous été arrêtés par une pandémie qui était, et c'était il y a très longtemps, on y était encore il y a 4 ans, qui était la conséquence de cette multicrise que j'évoquais. Le continent africain est plein de multicrises qui sont liées à des problèmes cumulés d'eau, de gestion d'environnement et autres.
Alors même qu'on a de plus en plus de complexités et une urgence à gérer ce nexus, les cinq problèmes liés entre eux, on a un ordre international qui est en train de se disloquer, pas assez d'argent, pas assez de coopération, et au fond trop de monde occupé à faire autre chose. Et rien que pour ça, ce que vous avez fait cette semaine dernière, ce qu'on est en train de faire, est très important, parce qu'on se refocalise sur ce qui est clé.
Ce qui est clé, c'est de remettre du multilatéralisme et de le faire avec le GIEC, l'IPES, avec les grandes agences, dont l'UNESCO, qui permet sur le plan scientifique de coordonner et donc, au fond, de mettre autour de Nations unies les agences scientifiques, les acteurs du multilatéralisme qui ont permis de bâtir à travers le temps cela, parce que c'est plus nécessaire que jamais, et c'est d'avoir une approche, comme on dit, multi-stakeholder. C'est exactement ce que vous avez fait là. C'est de se dire, on a besoin, face à des sujets complexes, d'avoir les scientifiques, le monde de la finance et de l'économie, les acteurs gouvernementaux, ce sera à partir de demain, tous les acteurs locaux, les villes, les régions, les gouvernements, etc. Et la société civile, les organisations non gouvernementales, les étudiants, nos jeunes, parce que tout ça, ça produit de la compréhension commune et de l'action commune. On ne doit rien laisser de côté.
Au fond, face à cette espèce d'incohérence qu'on est en train de vivre, comment traiter ce nexus : eau, alimentation, santé, changement climatique, biodiversité ? D'abord, en continuant de financer une science libre et ouverte. Et donc, je veux remercier le compte-rendu qui a été fait. Moi, j'ai essayé de suivre, de bien comprendre. Et je veux vous dire ici qu'on va continuer. On est arrivés par le bateau de l'IFREMER, Thalassa, et on était avec beaucoup de collègues. Je veux vous dire qu'on va se mobiliser, toute la communauté internationale, pour continuer d'avoir une science libre, ouverte, indépendante, qui puisse justement nous permettre de continuer à comprendre. Pour ça, j'ai noté quand même dans vos travaux, dans ceux de l'IPES et de plusieurs acteurs, les priorités, on a besoin de continuer à comprendre les grands fonds marins, Et donc merci à ceux qui sont prêts à nous aider pour le faire dans notre Polynésie chérie et dans tant d'autres territoires.
On a besoin de continuer de consolider les données de recherche, les séries longues et l'indépendance de ces données. C'est le grand sujet vraiment qu'il nous faut tous traiter au moment où il y a des retraits de financement, la NOA ou autre, c'est qu'on peut perdre des données qui ont été accumulées. Et donc là, on doit faire un gros travail au niveau...
La France, elle est prête à se mobiliser, à prendre le leadership, mais on a besoin de financements européens et du monde entier pour aller dans ce sens. Avec ces données, on a évidemment besoin des infrastructures de recherche qui sont en particulier les capacités d'observations spatiales, mais aussi les capacités nouvelles qu'on va créer pour analyser la colonne d'eau. Alors, on a des initiatives formidables, Tara est là, on a SeaOrbiter, on a le Polar Pod qu'on veut lancer, mais plus largement, on va multiplier les capacités pour comprendre justement et analyser la colonne d'eau jusqu'au plus profond des fonds marins. Et c'est pourquoi la mission Neptune est si importante, et je parle sous le contrôle des sachants, mais c'est celle qui va être un peu, qui va nous permettre de consolider toutes ces initiatives.
Et donc, banco, nous, on est prêts, on avance, je veux que la France prenne ses responsabilités, mais il nous faut agréger toutes les bonnes volontés publiques, privées, les financements européens, internationaux, mais on ne doit rien lâcher. Rien lâcher sur les grands fonds marins, colonnes d'eau, données, capacités d'observation.
Il y a aussi un point qui est très important, c'est le lien entre, justement, la compréhension des océans et la recherche biologique et génétique marine. Là-dessus, il y a quand même un continent d'innovation sur lequel je veux qu'on continue à investir. Et puis on a aussi les méthodologies. Je ne veux pas oublier les sciences humaines et sociales, parce que si on veut réussir le changement, il faut comprendre le fonctionnement des sociétés, l'acceptation, et donc on a besoin aussi d'agréger derrière ce programme scientifique des océans la capacité à avoir des méthodologies, à organiser le changement, à avoir justement cette méthodologie qu'ont très bien mise en place les chercheurs, éviter, réduire, compenser, qui suppose de convaincre les gens de bouger. On en reparlera, je pense, dans ces prochains jours.
Quand on parle de nos pêcheurs, on veut, dans certains endroits, qu'ils n'aillent plus pêcher, par exemple dans les fonds marins, etc. Ça ne marche pas si on le fait dans des conférences comme ça tout seul. Il faut les concerter, les associer avec les scientifiques, et puis il faut leur donner la capacité d'avoir d'autres débouchés. Ça m'a été présenté il y a quelques semaines. C'est le cas formidable de Paimpol, par exemple. Je suis un peu chauvin, c'est en France, mais il y a des tas de cas.
La Polynésie a fait un travail formidable avec ses pêcheurs, avec, justement, nos populations. Les peuples autochtones, les peuples indigènes ont une connaissance, un savoir-faire. Quand on marie la connaissance, le respect des peuples autochtones, des peuples indigènes, la science, le respect de chacun, et ça, c'est les sciences humaines et sociales, on arrive à tout faire bouger. Donc, vous voyez, il y a ces priorités scientifiques, mission Neptune, et puis tout ce que je viens d'évoquer, qui est absolument clé, sur lequel on doit mettre du financement, mais ça doit être la base de notre action aujourd'hui comme demain. Pas de bonne action si elle ne repose pas sur la science.
Vous avez parfaitement résumé les conclusions du Blue Finance and Economic Forum qui s'est tenu à Monaco, on a besoin de mobiliser tout le monde. Je félicite à la fois le financement multilatéral, le financement privé qui s'est mis en place. On a des premiers fonds qui arrivent, des philanthropes. Franchement, merci. Plusieurs sont ici autour de la table. Vous faites un travail formidable. Vous êtes extrêmement vocaux et passionnés, et ça inspire, je dirais, tout le monde. On doit continuer de consolider. Au fond, on a ce que les philanthropes ont fait en avance de phase, ce que les fondations sont en train de consolider. Plusieurs sont dans cette salle. Elles sont méditerranéennes, elles sont américaines, elles sont asiatiques. Puisque aujourd'hui, les agences de financement et les grands Asset manager sont en train de commencer à faire, Et donc, il faut qu'on ait un suivi chaque année. Le prince Albert II, je le remercie, a accepté de faire un suivi. Et donc, il y aura une nouvelle conférence l'année prochaine qui fera le suivi des annonces d'aujourd'hui.
C'est fondamental. Et donc, on ne va pas lâcher ce qui a été lancé.
Et derrière, je veux aussi qu'on bâtisse, à travers les projets pilotes qu'on a mis en place, justement ces crédits biodiversité et toute cette méthode nouvelle. Au fond, ce qu'on veut faire sur la biodiversité et les océans, c'est ce qu'on a historiquement fait sur le carbone. Mais il faut bien le dire, sur le carbone, on a eu parfois une méthodologie qui s'est un peu relâchée. Et donc là, il y a un travail formidable qui a été fait par Madame Goulard et Madame Amelia Fawcett, à la demande du roi Charles et de votre serviteur, qui est d'avoir ces crédits biodiversité. Et on a mis des projets pilotes en Polynésie, au Kenya, aux Philippines, etc. Andrew en a financé d'ailleurs plusieurs, et qui permettent d'attirer justement les financements privés et de les valoriser, et de permettre d'inciter des grands financeurs.
Et ce faisant, dans la dynamique internationale qu'on veut avoir, qu'est-ce qu'on veut faire ? On veut inciter ceux qui ont des activités qui ne sont pas bonnes pour le carbone et la biodiversité à financer ces activités qui sont bonnes. S'il y a une bonne méthodologie, on va accélérer la transition. On ne passera pas du jour au lendemain à un monde qui pollue et qui est mauvais pour la biodiversité, à un monde qui est bon et qui la protège et qui la restaure. Par contre, si on a les bons systèmes de mesure et d'incitation, on y arrivera. Ça, c'est sur le pilier économie finance. Il est fondamental, et je remercie tous ces acteurs.
3) Vous l'avez très bien montré, Christian, M. le Maire, on a besoin de mobiliser l'action locale. Vous êtes le dernier kilomètre, le dernier mètre. Et vous êtes exactement les acteurs qui organisent, pour moi, les 4 pointes du carré magique, qui est d'éviter, réduire, compenser et adapter, malheureusement, parce que beaucoup de ces territoires ont déjà à vivre avec les conséquences de la montée des eaux, du réchauffement, les conséquences de l'acidification des eaux et donc de la perte de leur récif corallien, de l'érosion du trait de côte, de la fragilisation des habitats. Et donc c'est au niveau le plus local qu'on arrive à éviter les émissions, les mauvaises pratiques qui bousculent la biodiversité, qu'on arrive à convaincre, à changer les pratiques pour les réduire quand on n'arrive pas à éviter tout de suite, que quand on n'arrive pas à les réduire assez, on peut avoir les bonnes stratégies pour les compenser, et donc restaurer, compenser, et puis malheureusement aussi qu'on mette en place les dynamiques pour adapter. Ce carré magique, il se construit par l'action locale. Et donc les gouvernements vont s'engager demain, mais je voulais dire l'importance de ces acteurs.
Et puis enfin, il y a tout le travail des organisations non gouvernementales, des jeunes, de la prise de conscience, des actions citoyennes. Vous le rappeliez tout à l'heure, Madame la députée, et merci de la mobilisation qui a été conduite, qui est la stratégie du colibri adaptée à nos océans : rien ne doit être laissé à part. Et chaque petite action, c'est une transformation des consciences, et ça permet de retrouver ces équilibres. Et donc c'est ça, ce que vous avez fait, ce qu'on est en train de faire. C'est, au fond, de se dire, par rapport à ce paradoxe qu'on vit, on a une multicrises à 5 dimensions, et c'est en train de se désagréger. On remobilise, on remet du financement, on remet de l'engagement. Et je voudrais conclure par une chose. Il y a 3 ans, on était à Lisbonne, c'était l'UNOC 2.
1) BBNJ, le fameux accord pour protéger la haute mer, qui est quand même juste les deux tiers des océans du globe, on n'avait pas fini cette négociation, elle durait depuis 15 ans.
2) On nous disait : Vous n'arriverez pas à mobiliser les gens pour vraiment protéger 30 % de nos aires marines. C'est sympathique, vous êtes à quelques-uns avec le Costa Rica et d'autres, on s'en souvient, mais bon, allez, continuez, vous n'y arriverez pas. Et puis, on nous disait également sur les grands fonds marins : c'est sympa, vous êtes quelques-uns. Il n'y avait pas un gouvernement qui avait vraiment pris une option. On écoute les ONG et les scientifiques, mais enfin, c'est quand même sympa, on va d'abord aller forer parce qu'on va sans doute trouver des nodules, des choses qui sont très bonnes, et surtout de la valeur et de l'activité économique.
Et puis 3, on continue la pêche illégale, illicite, non enregistrée, qui est, je le rappelle, un poisson sur 5 pêché aujourd'hui dans le monde. Et bien, 3 ans après, parce qu'on s'est mobilisés, parce qu'il y a eu un travail d'arrache-pied pour arriver justement à Nice, au moment où je vous parle, on a bâti une coalition d'acteurs. On est une trentaine de chefs d'État et de gouvernement qui se sont engagés pour dire, nous : moratoire de l'exploitation des grands fonds marins. Non, on n'y va pas. J'avais annoncé ça à Lisbonne. On est déjà une trentaine qui sont venus. On ne va rien lâcher et je veux qu'on arrive à un accord pour toute la planète. Parce que c'est complètement fou, c'est complètement fou d'aller exploiter, d'aller forer un endroit qu'on ne connaît pas. C'est de la folie furieuse. Pourquoi ? Juste, moi, je ne suis pas un grand scientifique, mais j'ai compris parce qu'ils m'ont expliqué. Parce que dans ces endroits qu'on ne connaît pas, il y a des puits de carbone irrécupérables, parce que dans ces endroits qu'on ne connaît pas, il y a une biodiversité qu'on ne mesure pas encore. Et donc on va aller détruire de la biodiversité même pas encore enregistrée, parce qu'on va aller libérer du carbone alors même qu'on ne le réduit pas assez. C'est une folie furieuse. Et donc on recule de 3 cases à chaque fois qu'on fait ça. Donc le cœur de la bataille, c'est mission d'exploration Neptune, mobiliser les financements et moratoires sur l'exploitation. Mais ça, on a déjà fait une avance formidable. On a une trentaine de gens dans le club, on continue. On a réussi, entre Montréal et Kunming, à bâtir justement cette coalition et à dire, maintenant, à passer au niveau international : 30 % d'aires marines protégées. Demain, vous verrez, on va mobiliser encore plus de gouvernements. La France, entre-temps, a fait ses 30 %. Grâce à ce qu'a annoncé Moetai Brotherson et son gouvernement, on dépasse largement, je donnerai les chiffres demain, les 30 %. La Polynésie a fait un travail formidable.
Mais surtout on va aller plus loin dans la très forte protection et on va ainsi pouvoir protéger complètement, en particulier sur des activités qui sont, on le sait, les plus prédatrices pour la biodiversité, pour la stabilisation des fonds marins. On va avoir de la protection forte, et je vous donnerai les chiffres demain, mais on a augmenté. Et là, demain et après-demain, on va encore mobiliser davantage de gouvernements. Et dans les semaines qui viennent, parce que j'ai encore quelques collègues qui m'ont demandé du temps de concertation, on va continuer. Maintenant, c'est inarrêtable. On va y arriver au 30%. Et on ne lâchera rien. Et on les mesure et c'est scientifiquement observé. Et on fait travailler ensemble les scientifiques, les pêcheurs, les peuples autochtones et indigènes dans le respect. Là où c'était bloqué depuis 15 ans, on a signé, il y a quelques mois, BBNJ. Formidable ! Et je vous annoncerai les choses, mais on va, avant la fin de l'année, réussir à ce que ça rentre en vigueur. Et ça, c'est une mobilisation de nous tous et toutes. Et enfin, c'était l'appel, le travail qui a été fait par la FAO, par l'Organisation mondiale du commerce, nous l'avons signé, nous l'avons ratifié, et on est en train d'engager de plus en plus de gouvernements pour justement avoir la transparence, lutter contre la pêche illicite, non enregistrée, non surveillée, avoir la transparence pour protéger nos espaces, nos pêches et nos espèces. Tout ça, c'est pour vous dire, en trois ans, tout le chemin qui a été fait, alors même que c'est très difficile, alors même qu'on a plein de gens qui nous disent, ce n'est plus la priorité. Le travail collectif qu'on a fait pour mobiliser tous les acteurs nous a permis d'avoir des résultats.
Et c'est grâce à vous toutes et tous. Et je sais le boulot que vous faites, vous ne lâchez rien. Je suis avec vous, on ne lâche rien. Et donc cette conférence, elle arrive après des années de mobilisation, sans mauvais jeu de mots, un peu à contre-courant. Mais ce qui paraissait impossible il y a trois ans, on l'a fait durant ces trois ans. Et donc cette troisième conférence va nous permettre de franchir encore des étapes avec la science et sur la base de la science, mais avec les gouvernements, les acteurs locaux, la société civile, le monde privé, les fondations et toutes celles et ceux qui sont prêts à s'engager pour nos océans.
Merci à toutes et tous.
Vive nos océans et bravo pour le travail fait !