Conseil des ministres du 12 juin 2025. La souveraineté numérique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Éric Lombard - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
  • Clara Chappaz - Ministre déléguée, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique

Auteur(s) moral(aux) : Secrétariat général du Gouvernement

Texte intégral

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, ont présenté une communication sur la souveraineté numérique.

Depuis 2017, le Président de la République porte avec constance l'idée d'une autonomie stratégique européenne. A l'occasion du Comité interministériel de l'innovation en avril dernier, le Premier ministre a également eu l'occasion de rappeler la nécessité de renforcer notre souveraineté technologique, en particulier dans le numérique.

Aussi, la souveraineté numérique est devenue une exigence stratégique. Elle touche à notre capacité à décider librement, à protéger nos données sensibles, à garantir l'indépendance de nos services publics et à préserver la compétitivité de nos entreprises.

1/ La souveraineté numérique de la Nation, enjeux économiques et industriels

Force est de constater que cette souveraineté est aujourd'hui fragilisée. L'Europe dépend massivement de solutions technologiques extra-européennes. Dans le domaine stratégique du cloud qui héberge les données, les logiciels et les technologies comme l'intelligence artificielle (IA), 83 % des dépenses numériques européennes vont à des acteurs étrangers, pour un montant estimé de 264 milliards d'euros chaque année (Cigref, 2025).

Face à cette réalité, les entreprises européennes se trouvent exposées à des risques multiples : perte potentielle d'accès à des technologies critiques, exposition juridique via des législations extraterritoriales, dépendance vis-à-vis d'une poignée de solutions. Elle se retrouvent plus vulnérables aux tensions géopolitiques. Quand le dirigeant d'une grande entreprise française exprime la nécessité de se doter d'une offre de cloud européen, c'est une prise de conscience qu'il faut saluer.

La bataille n'est pas perdue pour autant. Pour regagner en autonomie, la France assume une stratégie claire : mettre l'accent sur les technologies les plus stratégiques et agir collectivement, en mobilisant tous les acteurs nationaux et en agissant au niveau européen. La réponse politique et industrielle est structurée autour de quatre piliers :

* Mesurer pour mieux maîtriser

La création d'un l'Observatoire de la souveraineté numérique en juillet permettra de mesurer précisément nos dépendances technologiques sur les chaînes de valeur, de cartographier les risques et d'évaluer les marges de manœuvre pour éclairer les décisions publiques et privées.

* Ancrer les compétences et les infrastructures

Le numérique repose sur une politique ambitieuse de formation des talents et de partenariats de Recherche & Développement à haute intensité, à l'image de notre investissement dans des pôles d'excellence de l'IA, ou de nos collaborations avec les meilleurs centres de recherche internationaux. En termes d'infrastructures, la France dispose d'atouts considérables, et notamment d'un accès à une énergie abondante, compétitive et décarbonée, qui a permis d'attirer 109 milliards d'euros d'investissements à l'occasion du Sommet sur l'IA. Une attention particulière est par ailleurs portée à la sécurisation des câbles sous-marins et au soutien à la filière des semi-conducteurs, dans le cadre d'une stratégie européenne coordonnée.

* Protéger nos données et garantir une concurrence loyale

La souveraineté numérique n'a de sens que si elle protège réellement nos données sensibles et renforce la liberté de choix des utilisateurs. Le label SecNumCloud, créé et attribué par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) depuis 2016, permet de labéliser une offre française de cloud de confiance, adaptée aux exigences des administrations et des entreprises stratégiques, notamment face aux réglementations extraterritoriales. Il pousse également les grands acteurs internationaux à adapter leurs offres aux exigences européennes. La France plaide pour l'étendre au niveau européen.

* Soutenir et développer notre offre en investissant dans les entreprises technologiques de demain

La souveraineté numérique passe par l'émergence d'une offre crédible, compétitive et de confiance. C'est le sens des milliards d'euros déjà mobilisés via France 2030 pour soutenir les technologies stratégiques (cloud, IA, cybersécurité, quantique) et du dernier appel à projet « Renforcement de l'offre de services Cloud » lancé le 14 avril dernier.

Pour autant, une véritable politique industrielle dans le numérique n'est possible qu'en intégrant une vision européenne des achats aussi bien pour les administrations que pour les entreprises. Environ 20 % seulement de nos achats numériques sont réalisés auprès d'entreprises européennes. Nous avons posé les bases mais nous voulons aller encore plus loin.

- Pour la commande publique, avec la doctrine « cloud au centre » et la certification SecNumCloud, la France a intégré une préférence assumée pour des offres garantissant la souveraineté sur les données. Aussi pour passer à l'échelle, nous plaidons pour une préférence européenne dans les achats publics.

- Pour l'achat privé, le programme « Je choisis la French Tech » a été lancé avec l'objectif de doubler les achats technologiques des grands groupes vers des start-ups d'ici 2027. Ce programme a permis de générer des centaines de millions d'euros d'achats privés vers des solutions françaises. Cette dynamique doit être amplifiée et étendue pour créer un véritable effet de levier.

- Pour les citoyens, une prise de conscience collective est possible là où des alternatives souveraines existent, en matière d'IA, de cybersécurité, de suites logicielles.

Le contexte géopolitique a enclenché une nouvelle dynamique avec nos partenaires, un changement de paradigme à l'échelle de l'Europe. Une initiative franco-allemande se tiendra à la rentrée pour poser les jalons d'une stratégie industrielle et réglementaire commune sur la souveraineté numérique. Ces initiatives aboutiront à des engagements partagés entre États et acteurs économiques.

Notre souveraineté numérique est un formidable levier économique, de résilience et d'innovation. C'est un objectif ambitieux, mais à notre portée, en Européens.