Texte intégral
Q - Nous accueillons le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Bonsoir, Monsieur le Ministre.
R - Bonsoir.
Q - 250.000 ressortissants [français] vivent en Israël. Combien ont demandé à être rapatriés en France ?
R - Ce sont plusieurs centaines qui souhaitent quitter Israël. C'est la raison pour laquelle nous leur avons permis de le faire avec un premier vol qui est arrivé hier soir, vous l'avez dit ; un deuxième qui est parti cet après-midi à 18h de la Jordanie ; un troisième mercredi, qui sera au départ d'Amman, c'est-à-dire de la Jordanie, puisque l'espace aérien israélien est fermé. Et en parallèle, après le Conseil de sécurité et de défense que le Président de la République a convoqué, nous avons décidé de mobiliser des avions militaires pour pouvoir effectuer des rotations entre Tel Aviv et Chypre pour prendre en charge nos compatriotes qui sont les plus fragiles. Le premier vol partira demain à 9h depuis Tel Aviv vers Chypre.
Q - Deux de nos compatriotes sont, eux, dans les geôles iraniennes, dans la prison d'Evin, qui a été bombardée aujourd'hui par l'armée israélienne. La porte a notamment été détruite, on a vu cette image. Est-ce que vous avez des informations, des nouvelles de Cécile Kohler et de Jacques Paris ? Sa famille vous demande d'agir au plus vite pour les faire libérer.
R - Dès que j'ai eu l'information de cette frappe sur la prison d'Evin, j'ai immédiatement appelé le ministre des affaires étrangères iranien pour lui demander des nouvelles de nos deux compatriotes. Selon les informations qu'il m'a données, ils seraient sains et saufs. Je lui ai demandé leur libération immédiate, dans l'intérêt de nos deux compatriotes et dans l'intérêt de l'Iran.
Q - Et qu'a-t-il répondu ?
R - Qu'il allait tenter de trouver un moyen de le faire. Je vais continuer à le presser, comme nous le faisons depuis des mois et des années.
Q - On a vu ce soir que l'Iran avait tiré des missiles vers une base américaine du Qatar. Est-ce que ça y est, on y est dans cette escalade, dans cette extension régionale du conflit ?
R - C'est une escalade dangereuse, dans laquelle d'ailleurs l'Iran porte une lourde responsabilité. C'est un engrenage de violence qui place la région devant le risque d'un embrasement généralisé, qui aurait d'ailleurs des répercussions très graves, jusque chez nous. C'est pourquoi nous appelons à la retenue, à l'arrêt des frappes de toute part et au retour à la négociation.
Q - Il y a eu des frappes américaines ce week-end. Le chancelier allemand les valide : "Il n'y a aucune raison de critiquer les frappes américaines", a-t-il dit. Est-ce que vous êtes raccord avec lui ?
R - Le Président de la République l'a dit tout à l'heure : c'est un fait, il n'y a pas de légalité à ces frappes. La France refuse absolument et depuis longtemps que l'Iran puisse accéder à l'arme nucléaire. Les frappes détruisent, elles peuvent retarder, mais en aucun cas elles peuvent empêcher que ces capacités nucléaires puissent être reconstruites un jour. C'est donc par la négociation que nous parviendrons durablement à écarter cette menace existentielle - pour Israël, pour la région et pour nous-mêmes - du nucléaire iranien.
Q - Mais vous les condamnez ou pas, les frappes américaines ?
R - Nous ne les avons ni soutenues....
Q - Ni condamnées...
R - Nous n'avons pas participé à ces frappes. Nous n'étions pas informés au préalable. Et je vous l'ai dit, elles n'ont pas de légalité.
Q - Et s'ils recommencent ? Si les Américains frappent de nouveau les sites nucléaires iraniens, est-ce que vous les condamnerez ?
R - Je vous l'ai dit, nous appelons à l'arrêt des frappes, au retour à la négociation, parce que seule la négociation nous prémunira durablement contre les risques existentiels soulevés par le nucléaire iranien. Nous l'avons démontré il y a dix ans, lorsque la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont négocié un accord qui a permis de réduire à la portion congrue ce programme nucléaire iranien. C'est le même esprit qui nous anime aujourd'hui.
Q - Mais c'est fini, on ne respecte plus le droit international ? C'est terminé ? Et on ne condamne pas quand les Américains ne le font pas ?
R - Je crois que le droit international reste absolument valide. Et je suis convaincu que la seule manière de sortir de cette crise, de nous prémunir contre la menace, de protéger nos intérêts dans la région, ainsi que nos partenaires, c'est de retourner à la négociation, comme nous l'avons fait il y a dix ans, avec des résultats qui étaient à la hauteur de nos attentes.
Q - Vous dialoguez avec les Iraniens ?
R - Je vous l'ai dit, j'étais tout à l'heure au téléphone avec le ministre iranien pour traiter du cas de Cécile Kohler et de Jacques Paris, dont la sécurité nous préoccupe. J'étais à Genève vendredi dernier, face à lui, avec à mes côtés le ministre allemand et le ministre britannique, justement pour faire avancer une voie de sortie par la négociation et par la diplomatie à cette crise.
Q - Et est-ce que vous dialoguez avec les Américains ? Est-ce qu'Emmanuel Macron a eu au téléphone Donald Trump depuis les accusations lancées par le président américain, qui étaient un peu violentes vis-à-vis de la France ?
R - Bien sûr. Et moi-même, je m'entretiens très régulièrement avec mon homologue américain comme avec mon homologue israélien, puisque sur ce sujet du nucléaire iranien, la France est considérée comme un interlocuteur constant, compétent, disposant d'une expertise très particulière et donc susceptible de contribuer de manière décisive à la résolution de cette crise.
Q - Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, d'être venu sur notre plateau.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juin 2025