Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche et Moyen-Orient, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre
La politique étrangère de la France engage le Gouvernement, au titre de ses prérogatives dans la conduite de la politique de la nation.
Mais c'est le président de la République, investi par les Français, élu par eux au suffrage universel direct, qui, traditionnellement, définit la politique étrangère, la met en œuvre dans tout ce qui relève des relations directes avec les chefs d'État et représente la France sur la scène internationale.
Cela constitue l'inspiration et la nature même de ce qu'on appelle traditionnellement le domaine réservé, mais qui, en réalité, en tout cas dans notre exercice, est pratiqué en coresponsabilité.
Si nous sommes là ce soir pour débattre de la politique étrangère du pays, c'est parce que nous avons assisté ces dernières années, à la fois en spectateurs et en tant que partie prenante, à un immense basculement du monde. Ce basculement du monde est parfaitement caractérisé et nous l'avons analysé comme tel dès le jour où il s'est produit.
Le 24 février 2022, lorsque l'armée de M. Poutine a franchi la frontière ukrainienne, le monde de l'après-guerre a changé de face, il a perdu les repères autour desquels il s'était construit.
Depuis 1945, même s'il y a eu des manquements nombreux, nous vivions avec l'idée – certains diront l'illusion – que c'était le droit qui constituait à la fois le principe des relations internationales et la protection de tous, en premier lieu des plus faibles. Telle est la fonction du droit depuis qu'il a été codifié pour la première fois, il y a trente-neuf siècles, dans le code établi par Hammourabi, roi de Babylone, et dont le prologue énonce le principe suivant : "Pour empêcher le puissant d'opprimer le faible, j'instituerai dans la contrée le droit et la justice".
Cela a été le cas à la fin de la seconde – peut-être faudrait-il dire la deuxième – guerre mondiale, dans les grandes zones du monde. Ce droit était fondé sur l'intangibilité des frontières, le respect des droits fondamentaux des personnes, l'égalité des nations, petites et grandes, principes gravés dans la Charte des Nations unies, dont nous célébrons le quatre-vingtième anniversaire.
Lorsque Vladimir Poutine a massé son armée près de l'Ukraine, alors même qu'un certain nombre d'intervenants dans le débat public prétendaient qu'il n'y avait pas de risque, lorsque cette armée a franchi la frontière, nous sommes entrés dans un nouveau monde.
M. Aurélien Saintoul
Extraordinaire ! Et ce qui se passe en Israël, c'est la faute de la Russie ?
M. François Bayrou, premier ministre
Ce monde, il faut le nommer. Il est celui de la primauté de la force. Il se caractérise par la même désinvolture et le même mépris à l'égard de toutes les formes du droit qu'avaient affichés les puissances armées dans les années 1930 et 1940.
Nous sentions bien – pour certains d'entre nous, nous l'avions dit dès le premier jour – qu'il y aurait un effet de contagion et que ce séisme dont l'épicentre était à Kharkiv, en Ukraine, provoquerait un tsunami qui se répandrait sur la planète entière. Cela n'a pas tardé : la Russie a fait naître autour d'elle et animé un axe maléfique qui compte la Corée du Nord et la république islamique d'Iran, les uns armant les autres, les autres protégeant leurs intérêts les plus discutables, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies. Il suffit de regarder la provenance du déluge de bombes, de missiles et de drones que la Russie envoie sur l'Ukraine pour dessiner la géographie de ce mouvement de contestation profonde du droit, au bénéfice de la violence.
Ce tsunami s'est rapidement étendu. Nous sont parvenues de Chine des affirmations qui désignaient Taïwan comme cible. Les bruits de bottes se sont multipliés : le 47e président des États-Unis les a fait résonner au Groenland et au Mexique, le président du Venezuela au Guyana ; ces bruits se sont, en plusieurs endroits, amplifiés jusqu'à l'affrontement, comme entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, avec l'offensive du Haut-Karabakh en septembre 2023.
Mme Alma Dufour
Armé par qui, l'Azerbaïdjan ?
Mme Mathilde Panot
Armé par Israël !
M. François Bayrou, premier ministre
Tout cela, jusqu'au 7 octobre 2023. Ce matin-là, un deuxième épicentre est apparu. Au milieu de la musique et de la danse à Réïm, au début d'une journée qui devait être normale et même gaie dans les kibboutz de Kfar Aza, de Nir Oz et de Be'eri, s'est perpétré le plus grand pogrom que le monde ait connu depuis la Shoah : 1 200 victimes, tant de jeunes débordant de vie, des femmes qui portaient des enfants à naître, des nouveau-nés à qui la vie était promise. Parmi ces victimes se trouvaient 49 de nos compatriotes ; 14 autres ont été blessés et 8 enlevés. Un de ces otages est mort peu après, dans des conditions de détention abominables.
Mme Alma Dufour
Et les Gazaouis ?
M. François Bayrou, premier ministre
Le coupable de ces actes sauvages, le Hamas, ne s'est pas rendu responsable d'un simple incident de frontière, mais d'un acte terroriste délibérément choisi pour obtenir un but politique très clair : rendre la haine inexpiable, rendre à jamais impossible toute réconciliation entre Israël et ses voisins, entre Israël et la Palestine, entre Israël et Gaza, entre Israël et le monde arabe. Son but était de faire disparaître l'espoir qu'avaient fait naître les accords d'Abraham.
M. Aurélien Saintoul
La France ne les a pas signés, ce n'est pas la position de la France !
M. François Bayrou, premier ministre
Ces accords liaient déjà Israël à des puissances du monde musulman – les Émirats arabes unis, le Maroc, le Soudan et Bahreïn – et on pouvait espérer qu'à force de dialogue et de travail, ils incluraient même le pays qui garde les lieux les plus saints de l'Islam, l'Arabie Saoudite. Cette tentative de paix, ouverte, patiente et réaliste, voilà la cible réelle des attaques du 7 octobre !
Après, il y a eu le 8 octobre.
M. Aurélien Saintoul
Certes !
M. François Bayrou, premier ministre
Qui a immédiatement profité de ce crime pour semer plus de haine et de guerre encore ? Dès le 8 octobre, ceux qui forment ce que la république islamique d'Iran appelle l'axe de la résistance ont décidé d'exploiter cette faiblesse soudaine d'Israël pour se lancer à l'assaut de l'ennemi désigné : le Hezbollah au Liban, les milices armées chiites en Syrie et en Irak, les houtistes au Yémen et dans le golfe persique ont pris le relais du Hamas en Palestine.
Les répliques du séisme ont continué ainsi jusqu'en avril 2024, quand Israël a engagé l'acte suivant d'un conflit qui, en réalité, dure depuis des décennies. À Damas, où la république islamique d'Iran n'a jamais interrompu sa présence, Israël a frappé plusieurs de ceux qui actionnent leurs auxiliaires dans la région, des haut gradés de l'armée et des gardiens de la révolution. En septembre, Israël a décimé l'encadrement du Hezbollah au moyen de bipeurs et de talkies-walkies piégés. Enfin, ces derniers jours, un an et demi après le 7 octobre, cette guerre a connu un épisode décisif avec la campagne intensive de frappes menées par Israël contre le programme nucléaire et balistique iranien.
M. Aurélien Saintoul
C'est Netanyahou !
Mme Mathilde Panot
Pas un mot pour les Palestiniens !
M. François Bayrou, premier ministre
Tout cela forme un continuum. À quoi cet enchaînement mènera-t-il, pour la région et le monde ? Nul ne peut le dire.
M. Aurélien Saintoul
Quinze minutes et toujours pas un mot pour les Palestiniens !
M. François Bayrou, premier ministre
Il y a une vérité que nous ne pouvons pas nous dissimuler : la république islamique d'Iran constitue un défi stratégique et sécuritaire pour la région. Mais elle l'est également pour nous – la France et l'Europe.
Car la république islamique d'Iran est sur le point d'obtenir l'arme nucléaire. Jamais le programme nucléaire iranien n'a été aussi avancé qu'aujourd'hui, sans aucune justification civile crédible.
Mme Mathilde Panot
Propagande de guerre !
M. François Bayrou, premier ministre
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a affirmé qu'elle n'était plus en mesure de garantir le caractère pacifique de ce programme. Et pour cause, la république islamique d'Iran enrichit l'uranium à des niveaux que ne justifie pas une simple production d'électricité. À ceux qui voudraient l'ignorer, le combustible pour une centrale électronucléaire est de l'uranium enrichi à hauteur de 5 % à 7 %. En violation de ses engagements et de ses obligations internationales, la république islamique d'Iran enrichit son uranium à 60 % et en a accumulé 409 kilogrammes.
Mme Alma Dufour
Qui est sorti de l'accord en premier ?
M. François Bayrou, premier ministre
Une fois réenrichi à 90 % et passé de l'état gazeux à l'état métallique, ce stock permettrait de produire près de dix bombes atomiques.
M. Jean-Paul Lecoq
Neuf ! Il faut toujours qu'il en rajoute.
M. François Bayrou, premier ministre
Méthodiquement, cet État a construit toutes les briques de l'arme nucléaire. Personne ne peut le nier. Grâce à son programme de missiles balistiques, dont le stock est estimé à plus de 2 000 unités, elle est susceptible de transporter cette bombe et de viser Israël. La république islamique d'Iran ne cache pas le but de cette opération. Elle appelle depuis un demi-siècle à ce que l'État d'Israël "soit rayé de la carte". Elle a affiché son soutien aux massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre.
Nous devons toujours écouter les dictateurs. Une grande partie du malheur du monde est venue de l'idée qu'on pouvait passer leurs discours sous silence et ignorer leurs affirmations. On n'a pas écouté Hitler quand, en 1925, il publiait sa haine viscérale du peuple juif. On n'a pas écouté la paranoïa de Staline contre la paysannerie ukrainienne, dans laquelle se lisait déjà l'Holodomor, la grande famine organisée qui fit en Ukraine entre 3 et 5 millions de morts entre 1932 et 1933. On n'a pas écouté Pol Pot, au Cambodge, et sa haine des intellectuels.
Nous aurions dû prêter plus d'attention aux discours du dirigeant de la Russie.
Plusieurs députés LFI-NFP
Et Netanyahou ?
M. François Bayrou, premier ministre
Attendez donc quelques minutes !
M. le président
La situation globale est suffisamment préoccupante pour que nous en débattions sereinement.
Mme Mathilde Panot
Cela fait vingt minutes qu'il parle et il n'a pas encore eu un mot pour Gaza ! (Protestations sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Philippe Gosselin
Laissez le premier ministre s'exprimer ! Un peu de dignité !
M. François Bayrou, premier ministre
Madame Panot, c'est votre groupe qui a exigé ce débat. Quand je m'exprime à la tribune, je remplis mon rôle de chef du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Six ans après être parvenu au pouvoir, le dirigeant russe a engagé sa révision de l'histoire, en commençant par qualifier la chute de l'URSS de "plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle". Il a ensuite contesté l'ordre international dans un grand discours à Munich en 2007. Puis, ce furent l'invasion de la Géorgie en 2008, de la Crimée et du Donbass en 2014. Nous aurions tous vu, si nous l'avions voulu, où les points de cette ligne interrompue conduisaient : à l'Ukraine.
Mme Danielle Brulebois
Exactement !
M. François Bayrou, premier ministre
De la même manière, les déclarations de la figure centrale de la république islamique d'Iran qualifiant Israël, dès 2009, de "tumeur cancéreuse", déclarant en 2014 que la seule solution aux problèmes de la région, si ce n'est du monde, était "l'anéantissement de l'État d'Israël", où conduisent-elles, sinon à l'usage de l'arme nucléaire contre l'ennemi désigné ?
De tels discours, de telles entreprises, sont des facteurs de profonds déséquilibres, alors que tout ce dont la région a besoin, et tout ce que la France cherche à y favoriser, est l'équilibre fondé sur le droit.
M. Jean-Paul Lecoq
Ça se saurait !
Mme Alma Dufour
Pourquoi y exporte-t-on des armes alors ?
M. François Bayrou, premier ministre
Le développement du programme nucléaire iranien est une menace existentielle pour l'État d'Israël. Nous aussi, Européens, sommes menacés, car les missiles balistiques de l'Iran ont une portée suffisante pour atteindre le sud-est de l'Europe et une partie de l'Hexagone.
La France salue comme une première étape le cessez-le-feu, certes fragile, annoncé hier entre Israël et l'Iran, qui a permis de mettre fin à un cycle de violences dont les conséquences seraient catastrophiques ; elle appelle l'ensemble des parties à le respecter.
Dans le contexte actuel, notre première préoccupation reste la sécurité de nos agents et de nos ressortissants dans la région. À commencer par les deux otages français, Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis plus de trois ans dans la prison d'Evin, au nord de Téhéran, dans des conditions indignes.
Mme Alma Dufour
Ils n'y sont plus ! On a perdu leur trace depuis les bombardements !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous mobilisons tous les moyens pour obtenir leur libération immédiate. La France compte 985 ressortissants en Iran, dont 373 ont exprimé leur souhait de quitter le pays. En Israël, où vit une importante communauté française, 1 500 personnes sont en demande de retour, dont 200 avec un caractère d'urgence. Des moyens civils et militaires, aériens et maritimes sont déployés, d'autres en cours de déploiement. Ils ont permis à plus d'un millier de Français de quitter l'Iran et Israël, comme vous l'avez annoncé, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je remercie l'ensemble des services de l'État en France et dans la région pour leur entière mobilisation en soutien à nos ressortissants.
Face au retour des empires qui déchirent le paysage mondial, face au retour des volontés dominatrices et de la violence désinhibée, que dit la politique étrangère de la France ? Comment la France applique-t-elle, aujourd'hui, les principes qui la guident depuis 1945 ?
Je commence par le front le plus brûlant : le soutien permanent à l'Ukraine, sans faille, sur tous les aspects, et aussi profondément que possible, pour soutenir la résistance de ce pays martyrisé à Vladimir Poutine. Dans ce soutien que nous assurons avec plusieurs de nos partenaires, la France conserve une orientation particulière : mettre en garde, infatigablement, contre la lassitude de l'Occident, empêcher qu'elle s'insinue parmi les peuples, les états-majors et les gouvernements. Il ne faudra jamais laisser l'Ukraine, qui est une part de nous-mêmes, succomber à cause de notre découragement.
La deuxième application de nos principes est la solidarité envers Israël. La France s'honore d'avoir été l'un des premiers pays du monde à reconnaître l'État d'Israël. Nous n'oublions pas les liens personnels, culturels, scientifiques qui ont uni notre pays à Israël et à son peuple. La France réaffirme que, face au pogrom, la première des solidarités est de ne pas oublier les victimes, à commencer par les victimes françaises, de ne pas oublier les otages, ceux qui sont morts en détention et ceux qui sont encore retenus, qu'ils soient israéliens ou d'une autre nationalité. Il ne faut pas oublier non plus qui a armé le détonateur, qui est le premier responsable de l'horreur et de ses suites.
Ce soutien au peuple israélien, à son droit à l'existence et à la sécurité, n'enlève rien à notre liberté de parole, rien à nos désaccords avec la politique du gouvernement israélien, en particulier en ce qui concerne le sort terrible des civils à Gaza. Depuis la rupture du cessez-le-feu, les combats se sont intensifiés, et le nombre de victimes dépasse désormais les 50 000 personnes, dont une majorité de civils. La situation humanitaire y est inacceptable. Le blocage de l'aide alimentaire, le fait que les secours et les conditions sanitaires ne puissent pas être mis en place pour le peuple de Gaza, la République française ne peut en aucune manière l'accepter. La France continuera à soutenir les efforts en cours afin d'obtenir un cessez-le-feu à Gaza.
Mme Stéphanie Rist
Eh oui !
M. François Bayrou, premier ministre
Afin de rendre possible un règlement politique du conflit israélo-palestinien, la France prône une solution à deux États,…
M. Olivier Faure
Reconnaissez l'État palestinien alors !
M. François Bayrou, premier ministre
… en sachant qu'elle repose sur des conditions : des garanties données aux deux peuples, et en particulier des garanties de sécurité données par l'ensemble des acteurs à Israël, et la possibilité donnée au peuple palestinien de disposer de l'État auquel il a droit et auquel il aspire légitimement.
Face à ce monde désormais régi par la force, quel est le double devoir de la politique étrangère française ? Le premier axe est une nécessité, une urgence, qui correspond à une détermination et à une conviction profondes : nous devons construire la puissance européenne. À l'heure du retour des impérialismes, si nous voulons continuer à défendre le droit et la justice, nous devons aussi comprendre que la justice sans la force est impuissante. La France, si elle veut exister, doit construire sa puissance ; il en va de même pour l'Europe. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
Construire la puissance européenne, c'est non seulement s'intéresser aux moyens, c'est surtout forger la volonté européenne d'organiser sa défense et de bâtir son autonomie stratégique. C'est aussi faire de l'Europe une puissance capable de résister sur les fronts économique, financier, commercial et industriel, ce qui exige qu'elle soit soumise à des règles également respectées par les autres puissances. Cela exige aussi que nous unissions nos efforts. Ensemble, nous pouvons aller plus haut, plus loin. C'est notre seule sauvegarde.
Il y a quelques années, dans une campagne présidentielle, j'avais évoqué le fait que 27 pays – 18 à l'époque – qui construisent chacun leur bâtiment à un étage, cela fait 27 bâtiments à un étage, mais que si nous unissons nos efforts, cela fait un bâtiment à 27 étages.
M. Aurélien Saintoul
Quel pédagogue !
M. François Bayrou, premier ministre
Je me tiens à votre disposition pour vous apprendre l'arithmétique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
Il y a par exemple des domaines militaires dans lesquels c'est ensemble que nous devons construire. Nous devons notamment soutenir l'industrie européenne de défense et exiger une préférence européenne en matière d'acquisition d'armement. Nous ne pourrons assurer notre autonomie stratégique si nous ne sommes pas à même de nous équiper nous-mêmes, en Européens.
M. Philippe Gosselin
Eh oui !
M. François Bayrou, premier ministre
Or, l'année dernière, les Européens ont acheté environ 79 % de leur équipement militaire hors de l'Union européenne, dont 63 % aux États-Unis. Nous devons renverser ces logiques d'approvisionnement. De premières étapes ont été franchies au niveau européen, avec l'adoption par le Parlement européen d'un programme européen de l'industrie de défense.
M. Jean-Paul Lecoq
C'est bien le moment de faire de la pub… quelle indécence !
M. François Bayrou, premier ministre
La situation nous oblige à conclure qu'en Europe, il n'y a que le président de la République qui défende constamment et inlassablement une telle volonté pour le projet européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et Dem.) Dans son discours de la Sorbonne de 2017, il affirmait déjà la nécessité de bâtir une Europe forte, dotée d'une autonomie stratégique en matière de défense. Il appelait alors tous les dirigeants européens, tous les parlementaires à retrouver l'ambition de bâtir une "Europe souveraine, unie, démocratique". Je me souviens très bien avec quel scepticisme ce discours avait été accueilli. Nous voyons aujourd'hui exactement ce qu'il en est. Seule l'Europe peut assurer une souveraineté réelle, c'est-à-dire notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos intérêts, y compris nos intérêts moraux.
Le deuxième axe tient au rôle singulier de la France. La construction de l'Union européenne et la participation de notre pays à cette construction ne retirent rien au rôle singulier qui est le nôtre dans l'histoire des nations : porter un message affirmant l'importance de la loi et la nécessité du dialogue.
Dans le cas du programme nucléaire iranien, la France a joué depuis le début un rôle de premier plan, notamment lors des négociations de l'accord de Vienne, en 2015, qu'elle a contribué à renforcer. Ce programme nucléaire a reculé, par le passé, grâce à la diplomatie française. Je rappelle que c'est Donald Trump qui a décidé de sortir de l'accord en 2018 ; la France l'a regretté et a déployé tous les efforts pour faire revenir les États-Unis et inciter l'Iran à se conformer à ses engagements.
M. Jean-Paul Lecoq
C'est là que tout a commencé ! Merci Donald Trump !
M. François Bayrou, premier ministre
Pour garantir à long terme que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire et pour que le régime mondial de non-prolifération devienne enfin efficace, un accord robuste, vérifiable et durable est indispensable.
M. Jean-Paul Lecoq
L'adhésion d'Israël au TNP – traité de non-prolifération !
M. François Bayrou, premier ministre
Des engagements clairs et concrets devront être pris par l'Iran pour démontrer à la communauté internationale que Téhéran souhaite s'engager dans cette voie et que des résultats rapides pourront être atteints.
La vocation singulière de la France, c'est aussi de n'oublier aucune des parties du monde avec lesquelles nous avons des liens ineffaçables. Il s'agit de dire à tous, à commencer par nos partenaires européens, que nous ne pouvons pas oublier l'Afrique ni l'Indo-Pacifique : nous avons un devoir à l'égard de ces immenses parties du monde, menacées par les déséquilibres économiques et démographiques. Nous ne pouvons pas laisser ces grandes régions du monde être la proie des puissances extérieures,…
M. Aurélien Saintoul
Et des dictatures ? Ça ne vous pose pas de problème, ça !
M. François Bayrou, premier ministre
… des prédateurs qui viennent s'installer chez eux.
Nous savons à quoi nous assistons : à la mondialisation des problèmes. Le séisme géostratégique qui fait que nous sommes réunis ce soir a aussi des répliques dans le champ commercial, économique et industriel, qui déséquilibrent des États entiers dans le monde. À cette mondialisation des problèmes doit répondre une mondialisation des solutions. Cela ne signifie pas qu'un pays imposera sa solution à tous, mais que ces solutions doivent être le fruit de discussions menées en commun.
Le principe de la France en politique étrangère, c'est l'équilibre : nous ne voulons pas d'un monde dominé par une seule puissance (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), et pas davantage d'un monde déchiré entre deux ou trois puissances ! Nous voulons un monde équilibré, au sein duquel les efforts en faveur de la paix et du développement soient une charge et une responsabilité partagées.
La France est au rendez-vous que l'histoire lui impose ; la situation que nous vivons nous permet de retrouver l'inspiration et de réaffirmer le rôle qui est celui de notre nation depuis quatre-vingts ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
Merci, monsieur le premier ministre.
(…)
M. le président
Je tiens à remercier le Gouvernement, qui a souhaité répondre à l'issue de cette longue discussion, ainsi que les députés qui sont restés pour écouter ces réponses – ils sont peu nombreux mais méritent d'être mentionnés.
La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
À mon tour, et au nom du Gouvernement, je remercie les députés qui ont souhaité rester jusqu'au terme de ce débat. Celui-ci, demandé par un groupe, nous aura permis de rendre compte de la politique que mène le Gouvernement, sous l'autorité du président de la République, dans les différentes crises que traverse le Moyen-Orient depuis plusieurs mois.
Madame Hadizadeh, vous êtes revenue sur le sujet du sommet de l'Otan : nous aurons l'occasion d'en reparler dans les jours et les semaines qui viendront. Je sais le groupe Socialistes atlantiste, attaché à l'Alliance, mais il faut que notre effort de défense reste le nôtre et par définition se construise sur l'analyse des risques, des menaces, de notre vraie capacité militaire, de notre géographie, de la particularité de nos engagements, de notre propre sécurité – de ce que nous voulons pourvoir en sécurité, pour les autres, dans l'Otan, en dehors de l'Otan. Encore une fois, nous y reviendrons ; les efforts consentis par la nation en vue de notre défense ne doivent pas être le résultat d'une injonction, mais bel et bien accomplis parce qu'ils correspondent à l'intérêt de notre diplomatie, à nos intérêts. Nous pourrons certainement nous y retrouver. (Mme Ayda Hadizadeh applaudit.)
Madame Le Grip, vous m'avez posé une question précise concernant le rôle et les activités des différentes forces armées pendant cette crise. Globalement, leur présence a été importante sur le volet maritime, ainsi qu'en lien avec le ministère des affaires étrangères pour l'évacuation de nos ressortissants – vous le savez, l'armée de l'air et de l'espace, à la demande du président de la République et sous son autorité, a déployé des A400M afin de permettre des évacuations relevant, elles, de l'autorité du ministre Barrot. Vous avez en outre rappelé le lourd sacrifice de nos soldats lors de l'attentat contre le poste Drakkar, et par conséquent le rôle délicat, toujours sensible, de la Finul à la frontière entre Israël et le Liban : je crois que le nom n'a pas été prononcé au cours de la soirée…
Mme Mathilde Panot
Si, si !
M. Sébastien Lecornu, ministre
Le mot "Finul" en tant que tel, madame la présidente Panot ? Je ne crois pas. Peu importe : je ne cherchais pas à polémiquer, je rappelais seulement l'importante actualité sur ce point et l'engagement de nos forces dans le cadre d'un mandat qui n'est pas parfait, mais dont nous voyons bien que lorsqu'il n'existe pas, la situation est pire, personne ne trouvant de meilleure idée que ce mandat des Nations unies – mandat qui existe et dont la France tient la plume. Enfin, certaines de nos bases dans la région relèvent d'accords de défense, d'autres servent des opérations en cours, notamment Chammal, volet français d'une opération plus globale, Inherent Resolve.
Évidemment, les forces françaises n'ont pas participé aux frappes sur l'Iran : vous le sauriez déjà, au titre de l'article 35 de la Constitution. Néanmoins, nos propres emprises font l'objet de protection et de légitime défense en cas d'attaque ; il faut bien comprendre qu'entre l'Iran et Israël, l'Iran contre Israël, ont été tirés quelque chose comme 400 missiles balistiques et 1 000 drones. Les missiles balistiques ont une trajectoire en cloche, à pratiquement 150 kilomètres d'altitude, et arrivent à Mach 6 ou Mach 7 sur les dispositifs de défense en Israël, souvent des systèmes américains de défense antimissile à haute altitude (THAAD), lesquels réalisent les interceptions. Par définition, il n'y a donc pas de base militaire française qui, sauf défaillance de l'engin ou volonté de la prendre pour cible, puisse être directement mise en danger par un missile balistique.
Ce n'est pas le cas avec les drones tirés par des proxies – les Houthis depuis le Yémen, le Hezbollah il y a quelques mois, car ce n'est plus le cas aujourd'hui – ou directement par l'Iran : volant à plus basse altitude, ils peuvent engager la sécurité des emprises françaises. Je peux vous confirmer que ces derniers jours, pendant les différentes opérations militaires menées contre Israël par la république islamique d'Iran, l'armée française a globalement intercepté moins d'une dizaine de drones, soit par des dispositifs de défense sol-air, soit par nos Rafale lors de missions air-air de patrouille du ciel. C'était l'engagement pris par le président de la République : de facto, pour des raisons de bon sens et de trajectoire de tir, lorsque vous interceptez des drones qui passent non loin de vos propres bases, ce sont autant de drones qui ne termineront pas leur trajectoire et ne trouveront pas leur cible en Israël. Enfin, les forces armées sont engagées sur le territoire national, à la demande du premier ministre et du président de la République, dans l'opération Sentinelle – au salon du Bourget, lors de diverses grandes manifestations –, d'autant plus que la sécurité sur le territoire national, cela en lien avec le ministre Retailleau, a été largement renforcée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs des groupes SOC et DR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Depuis quarante-quatre minutes, nous sommes le 26 juin. Il y a quatre-vingts ans, jour pour jour, la charte des Nations unies était signée à San Francisco. Permettez-moi, comme l'avait fait le premier ministre lors de son discours de politique générale, de citer les mots du préambule de cette charte qui font écho à de nombreux propos tenus ce soir à la tribune : "Nous, peuples des nations unies [sommes] résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande."
Au fond, cette charte se résume en trois principes. Le premier est celui de l'intégrité territoriale : tu ne touches pas à mes frontières, je ne touche pas aux tiennes. Le deuxième principe est celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, soit le droit à l'autodétermination, qui veut que les peuples décident de leur propre gouvernement. Enfin, le troisième principe est celui du primat du droit sur la force. Deux exceptions sont admises à ce principe d'interdiction de l'usage de la force dans le droit international : la légitime défense d'une part, et l'usage de la force lorsqu'il est prescrit par le Conseil de sécurité des Nations unies d'autre part.
Mme Dieynaba Diop
Tout à fait !
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Voilà ce que dit cette charte, qui, il y a quatre-vingts ans, a organisé notre sécurité collective.
Mme Ayda Hadizadeh
Et ça marche !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Alors il est vrai que nous avons tendance, les uns et les autres, à rappeler fréquemment l'importance du respect du droit international.
Mme Mathilde Panot
Il faut agir, aussi !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Or il ne suffit pas d'agiter ou de brandir l'importance du droit international pour qu'il soit appliqué, puisqu'il est de plus en plus régulièrement violé.
M. Jean-Paul Lecoq
Seulement quelques entorses…
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Dès lors, que doit faire la France en tant que nation fondatrice des Nations unies, très attachée en toutes circonstances et depuis quatre-vingts ans au respect du droit international ?
D'abord, il convient de se mobiliser pour réformer les institutions qui sont les garantes du droit international. Ce sujet, malgré sa grande importance, n'a pas été abordé au cours de la présente séance. Rendons les Nations unies et leur Conseil de sécurité plus représentatifs pour que leurs décisions soient plus légitimes et qu'elles soient appliquées.
Comment nous Européens, nous Français pouvons-nous peser dans cette redéfinition institutionnelle ? Le premier ministre l'a rappelé tout à l'heure : en nous donnant les attributs de la puissance. Notre voix ne sera en effet entendue et notre poids dans la redéfinition de ces institutions ne sera effectif que si nous sommes forts.
Mme Mathilde Panot
Reconnaissez l'État de Palestine, alors !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Les débats que nous avons régulièrement sur l'organisation de notre vie économique et sociale peuvent sembler éloignés de ces questions. Ils sont pourtant déterminants dans notre capacité à nous faire entendre sur la scène internationale pour les années et les décennies qui viennent. Pour que les défenseurs du droit international comme la France soient entendus, ils doivent par conséquent être puissants. Et cette puissance prend racine dans une économie robuste et des finances publiques maîtrisées.
Je tiens à présent à tordre le cou à trois idées fausses que j'ai entendues ce soir.
La première a été prononcée par Mme la présidente Panot. Certains avancent que le programme nucléaire en Iran n'aurait qu'une vocation civile.
Mme Mathilde Panot
C'est juste la CIA qui le dit…
M. Jean-Noël Barrot, ministre
C'est simple : nous avons des chiffres de l'AIEA mais aussi de nos propres services de renseignement, qui indiquent – c'était le cas il y a encore quelques jours et il faudra vérifier l'effet des opérations récentes – que l'Iran dispose d'un stock d'uranium enrichi trente fois supérieur et de capacités d'enrichissement dix fois supérieures aux seuils maximaux prévus il y a dix ans.
Mme Mathilde Panot
Ce n'est pas suffisant pour fabriquer une bombe atomique ! (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre
La deuxième idée fausse est celle selon laquelle il suffirait de bombarder le programme nucléaire iranien pour s'en débarrasser. C'est faux.
Mme Mathilde Panot
En tout cas vous n'avez pas condamné ces bombardements !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
On peut le détruire, on peut le retarder, mais on ne peut pas empêcher l'Iran de le reconstituer dans cinq, dix, quinze ou vingt ans, en particulier lorsqu'on sait que ce pays a constitué une expertise et un savoir-faire particuliers au cours des dernières années.
La troisième erreur, que j'ai entendue à plusieurs reprises, consiste à dire que les Européens sont si faibles qu'ils n'ont pas leur mot à dire dans cette affaire. C'est totalement faux ; au contraire, je dirai même que pour encadrer strictement le programme nucléaire iranien, son programme balistique et ses activités de déstabilisation régionale, les Européens détiennent la seule clé possible.
Mme Mathilde Panot
Ah bon ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
En effet, nous détenons la possibilité d'appliquer de nouveau, dès cet été, l'embargo mondial levé il y a dix ans lorsque nous avons signé l'accord sur le nucléaire iranien. Si, dans les deux prochains mois, l'Iran ne nous donne pas de garanties sur son programme nucléaire, ses activités de développement de missiles et de déstabilisation régionale, nous n'hésiterons pas. Par une simple lettre envoyée au siège des Nations unies, nous aurons la possibilité d'appliquer les embargos mondiaux. Ils s'appliqueront à tous, empêchant tout pays du monde de commercer des armes, des équipements nucléaires et des services financiers avec l'Iran s'il veut rester conforme au droit international. Nous disposons donc du levier le plus puissant pour obtenir des concessions de l'Iran.
Mme Mathilde Panot
Et pour Netanyahou ? Il n'a pas été une seule fois mentionné par le Premier ministre.
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Je réponds brièvement aux députés toujours présents en séance, à commencer par vous, madame la présidente Panot.
Quand on défend le droit international et que l'on en dénonce les violations, il faut le faire chaque fois qu'elles se produisent, et pas uniquement quand Israël est en cause. Je vous ai à peine entendue dénoncer les multiples violations du droit international dont l'Iran s'est rendu coupable. De la même manière, quand on défend le droit international, on défend aussi son équilibre institutionnel.
Mme Mathilde Panot
Ce n'est pas votre cas !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Des juridictions internationales existent. La Cour internationale de justice est seule habilitée à juger du crime de génocide. Je sais bien qu'une requête a été formulée par l'Afrique du Sud pour faire condamner l'État d'Israël pour crime de génocide. Or la Cour internationale de justice ne s'est pas prononcée sur ce cas ; vous êtes parlementaire, vous n'êtes pas procureur. Si vous voulez que le droit international soit respecté, alors respectez également l'ordre institutionnel qui en est le garant.
Mme Sandrine Nosbé
C'est inacceptable, ce que vous dites !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Madame Dieynaba Diop, vous êtes revenue sur la reconnaissance de l'État de Palestine. Nous sommes déterminés à le faire, vous le savez, dans un mouvement collectif ayant vocation à rendre possible l'existence de deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité. Le premier ministre l'a rappelé dans son introduction. À cet égard, l'initiative prise par le président de la République avec le prince héritier d'Arabie saoudite, bien que nous ayons dû en reporter l'échéance à trois jours près, a déjà commencé à produire ses effets. Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, a pris des engagements inédits dans une lettre adressée au président de la République : il a pour la première fois condamné l'attentat du 7 octobre pour ce qu'il était, il a annoncé des élections dans l'année et réaffirmé le principe d'un État de Palestine démilitarisé, attaché aux principes de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et aux principes des accords d'Oslo. Je le disais tout à l'heure : il ne suffit pas d'agiter ou de brandir le droit international ; il faut aussi le rendre crédible.
Michèle Tabarot et Sabrina Sebaihi sont parties.
Frédéric Petit, merci pour vos mots sur l'engagement des agents et du centre de crise et de soutien qui a été très mobilisé pour apporter du renfort, ou du moins du soutien, à nos ressortissants. Merci pour vos mots pour les peuples iranien, palestinien et israélien qui pâtissent des décisions prises en leur nom. Merci enfin pour votre engagement au service de la diplomatie des sociétés civiles dont nous avons absolument besoin.
Marie-Agnès Poussier-Winsback est partie, Laurent Mazaury aussi.
Mme Dieynaba Diop
On dirait la remise des bulletins de fin d'année…
Mme Ayda Hadizadeh
Les bons élèves sont là ! (Sourires.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Monsieur Jean-Paul Lecoq, vous avez rappelé l'importance du traité de non-prolifération qui, à la fin des années 1960, a effectivement évité une course généralisée à l'armement nucléaire. Le ministre des armées en parlerait sans doute encore mieux que moi. Selon ce traité, vous l'avez rappelé, seuls cinq pays ont le droit de posséder l'arme nucléaire ; il stipule qu'ils ont également la responsabilité d'empêcher la propagation des armes nucléaires et de faire profiter les autres pays du monde de leur expertise en matière de nucléaire civil. Il faut protéger le TNP qui sera réexaminé l'année prochaine. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes aussi mobilisés pour traiter de cette question de prolifération dans le cas iranien comme dans d'autres.
Je partage par ailleurs votre avis : rien ne justifie la famine à Gaza. Je partage le théorème que vous avez utilisé en conclusion : il n'y a pas de paix sans la justice.
Éric Ciotti est parti,…
Mme Ayda Hadizadeh
Il est retranché dans son bureau !
Mme Dieynaba Diop
Il s'est enfermé dans son bureau !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
… c'est dommage, parce que je voulais vraiment le féliciter pour son courage : exprimer une telle fascination pour Donald Trump dans cet hémicycle, c'est prendre le risque d'un certain isolement.
Marine Le Pen est partie, elle aussi.
Brigitte Klinkert est présente, pour sa part, qui a rappelé l'importance de l'Europe et de l'autonomie stratégique voulue par le président de la République ; c'est là une victoire idéologique que nous avons obtenue après huit ans d'efforts, mais qui doit désormais se traduire dans les actes. Avec le ministre des armées, nous avons pu le constater au sommet de l'Otan qui s'est tenu ces deux derniers jours. Nous ne sommes pas tout à fait au bout du chemin.
Madame Ayda Hadizadeh, je reprends là aussi votre formule pour le peuple iranien : "Ni la dictature, ni les bombes". Je vous rejoins pour affirmer que le verrouillage du programme nucléaire iranien décidé en 2015 est le seul exemple récent pour lequel nous avons la certitude que la négociation a permis un recul substantiel, vérifiable et mesurable du programme nucléaire iranien.
Quand on examine les données partagées par l'AIEA et les données que nos services de renseignement ont accumulées au fil des années, on voit bien que le retour en arrière du programme nucléaire iranien a tenu jusqu'à ce que les États-Unis se retirent de cet accord. C'est à ce moment-là que l'Iran a fait un autre pari : celui de la course progressive, de la montée vers le seuil comme le disait le premier ministre tout à l'heure, qui nous place aujourd'hui devant la nécessité d'agir.
Mme Ayda Hadizadeh
Oui, c'est la faute de Donald Trump !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Catherine Hervieu est partie mais elle a parlé de l'unité entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, essentielle puisque nous sommes tous les trois signataires de ce traité signé il y a dix ans et donc dépositaires de cette capacité de reproduire l'embargo mondial sur les armes, l'énergie nucléaire et sur la finance.
Charles Sitzenstuhl est parti.
Madame Constance Le Grip, vous avez obtenu des réponses très précises de la part du ministre des armées.
Madame Emmanuelle Hoffman, vous nous avez interrogés sur la manière d'obtenir des garanties fiables. Nous disposons du levier dont je viens de parler : la possibilité, d'ici à cet été, par une simple lettre envoyée aux Nations unies, de réactiver l'embargo. Merci aux négociateurs qui, en 2015, ont prévu cette possibilité d'obtenir des concessions de l'Iran ; encore faut-il que l'Iran revienne à la raison.
Mme Mathilde Panot
Il n'y a donc rien sur Netanyahou, quoi ! Aucune sanction ! C'est hallucinant !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Bruno Fuchs a évoqué le multilatéralisme en affirmant qu'il n'était pas une option mais la condition de notre sécurité collective ; c'est vrai, ça n'est pas une coquetterie. Tout le monde a intérêt à respecter le droit international car, à un moment ou un autre de son histoire, toute nation a besoin de se placer sous sa protection.
Pieyre-Alexandre Anglade, lui, a rappelé qu'aucune idéologie ne mourait sous un tapis de bombes et qu'il était illusoire de penser qu'on pouvait, par la violence, faire avancer la paix.
Mme Mathilde Panot
Et rien sur Netanyahou ? Pas un mot ! Rien sur la reconnaissance de l'État de Palestine ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Il a également rappelé que l'Iran avait soutenu l'effort de guerre russe en Ukraine en livrant des centaines de missiles et des milliers de drones. Il a enfin affirmé que, s'agissant de la France, il n'y avait pas deux poids, deux mesures. Je le confirme : que ce soit vis-à-vis de l'Iran, de Gaza ou de l'Ukraine, les principes d'intégrité territoriale, de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de primat du droit sur la force, inscrits dans la charte des Nations unies, sont les boussoles qui orientent et qui, je l'espère, continueront d'orienter la politique internationale de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
Merci aux ministres pour leurs réponses complètes et merci au premier ministre d'être resté jusqu'au terme de ce débat de qualité, même s'il a commencé sous les inondations. Merci enfin à tous les députés pour leur participation.
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 27 juin 2025