Texte intégral
Monsieur le président [de la Banque mondiale],
Mesdames et Messieurs les ministres [du Bénin, du Cameroun, des Comores, de la République du Congo, d'Éthiopie, du Maroc, d'Espagne et du Togo],
Monsieur le secrétaire général [de l'OCDE],
Mesdames et Messieurs les délégués [représentants des pays créanciers et emprunteurs, des institutions financières internationales, du secteur privé et de la société civile (chercheurs et Organisations non gouvernementales)],
Chers collègues,
Chers amis,
1. Introduction et remerciements pour les travaux
Je suis ravi de vous recevoir ici dans ce grand ministère de l'Economie et des Finances, et d'ainsi clore cette réunion du Forum de Paris consacrée à " l'amélioration des mécanismes de prévention et de résolution des crises de la dette ".
Je remercie chaleureusement le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, pour avoir fait cette étape en France avant de rejoindre en Espagne mon homologue et ami Carlos Cuerpo.
Je vous remercie également, cher Carlos, pour votre participation à ce Forum de la dette à quelques jours de la quatrième conférence de l'ONU sur le financement du développement durable, à Séville.
Je remercie enfin la présidence sud-africaine du G20 pour son soutien dans l'organisation de cette douzième édition du Forum de Paris [cher Duncan Pieterse – le DG Trésor sud-africain].
2. Importance du Club de Paris et du multilatéralisme
J'accorde une grande importance à cette journée de réflexion annuelle sur la dette souveraine, qui rassemble emprunteurs, chercheurs, associations et créanciers, que je salue, – publics ou privés, issus du Club de Paris, du G20 ou d'autres enceintes. Cet événement incarne le multilatéralisme que nous défendons tous, comme en témoigne votre présence nombreuse.
Le thème de ce Forum le rappelle : gouverner, ce n'est pas seulement réagir, c'est anticiper. Comme l'a parfaitement souligné Kristalina Georgieva, il est bien plus coûteux de restructurer une dette que de prévenir un défaut. Or, le Club agit activement, en amont des restructurations, grâce à ses échanges réguliers avec le FMI et la Banque mondiale, ainsi qu'avec des chercheurs et think-tanks.
3. L'enjeu majeur d'une réponse efficace à la dette
La dette représente un enjeu majeur pour tous les pays souverains, peu importe leur taille ou leur économie.
• Les économies les plus développées sont, elles aussi, confrontées à des conditions de financement moins favorables. Nous devons agir pour garantir la soutenabilité de la dette. Je m'y emploie personnellement pour la France, en réduisant le déficit public, en menant des réformes structurelles pour libérer la croissance, et en assurant la qualité de nos dépenses publiques.
• Les pays en développement rencontrent des défis similaires, redoublés par une mobilisation plus faible des ressources internes et un accès inégal aux marchés.
Leur financement dépend aussi davantage du contexte global : le resserrement de l'appétit pour le risque ou les chocs successifs [Covid, guerre en Ukraine, tensions géopolitiques] ont particulièrement affecté ces économies.
Le FMI et la Banque mondiale jugent une crise systémique imminente peu probable, mais le risque s'aggraverait en cas de nouveaux chocs ou d'échec des consolidations budgétaires.
Notre responsabilité est aujourd'hui de répondre efficacement, au cas par cas, aux vulnérabilités des pays en développement, pour qu'aucune difficulté conjoncturelle ne devienne structurelle.
4. Sur la base de ce constat, je veux partager avec vous deux réflexions :
I. Préservons et consolidons le cadre actuel
Même s'il est perfectible, le cadre actuel de restructuration des dettes souveraines fonctionne, et s'améliore. Le Club de Paris, avec les créanciers du G20, a instauré le « Cadre commun », une plateforme qui permet des restructurations réussies (Zambie, Ghana, Éthiopie). L'accord avec le Sri Lanka, co-piloté par l'Inde, le Japon et la France, représente également une réussite, avec des échanges utiles avec la Chine.
Les principes historiques du Club de Paris se diffusent largement depuis des décennies :
• La coordination, clé pour des restructurations efficaces et pérennes ;
• La restructuration au cas par cas, pour favoriser l'adhésion des créanciers à l'effort nécessaire ;
• Et le rôle du FMI et de la Banque mondiale comme tiers neutres, essentiel pour établir l'effort requis.
Des efforts restent à faire mais les progrès pour rendre les processus plus rapides et transparents sont là, avec une restructuration de l'Éthiopie plus rapide que celle du Ghana, elle-même plus rapide que celle de la Zambie. Nous devons poursuivre dans cette voie.
Gardons-nous toutefois de refonder complètement le système : aucun consensus n'existe en ce sens, et un cadre rigide compliquerait l'accès au financement des pays en difficulté.
II. Déployons un agenda positif pour répondre aux attentes légitimes des pays emprunteurs.
Dans la perspective de la conférence de Séville, il nous faut apporter des solutions concrètes aux pays emprunteurs, mieux expliquer les mécanismes existants et favoriser l'écoute.
Pour les pays dont la dette reste soutenable, nous prônons l'approche dite " trois piliers " du FMI et de la Banque mondiale, qui doit leur permettre de franchir le mur de refinancement.
Cela suppose un engagement partagé : réformes côté emprunteurs (notamment sur les ressources domestiques), financements supplémentaires des bailleurs, et implication des créanciers privés. Je salue notamment l'utilisation d'outils de rehaussement de crédit par les banques de développement pour faciliter le refinancement privé dans ces cas.
• Nous poursuivons des améliorations concrètes du Cadre commun : clarification des étapes, fixation de délais indicatifs, transparence sur l'effort des créanciers publics, échanges accrus d'informations. Nous voulons aussi renforcer le cadre d'analyse de la soutenabilité pour mieux intégrer les chocs climatiques et les dépenses d'adaptation. Et nous restons ouverts à l'élargissement du Cadre commun aux pays à revenu intermédiaire.
• À l'ONU, nous avons proposé d'instaurer un dialogue régulier entre créanciers publics et pays emprunteurs ; il figure dans le texte de Séville. La France et l'UE le soutiennent, et restent opposées à des processus intergouvernementaux parallèles qui affaibliraient les dispositifs existants.
• Enfin, nous soutenons le renforcement des capacités et le partage d'expériences pour prévenir le surendettement. À ce titre, nous accueillerons demain, ici-même, la quinzième réunion du fonds fiduciaire pour la gestion de la dette de la Banque mondiale.
Conclusion
Au-delà des enjeux de 2025, rappelons les principes durables portés par le Club de Paris et le G20 : promouvoir des politiques de prêt soutenables et assurer une transparence renforcée des données des emprunteurs comme des créanciers. La déclaration de Séville les réaffirme clairement, et je m'en réjouis.
Soyez assurés du plein soutien du Club de Paris, au côté de vos équipes, cher Ajay, et du FMI, pour aider les pays emprunteurs et favoriser le dialogue avec les créanciers privés.
Je vous souhaite un bon retour dans vos pays et institutions respectives, avec je l'espère de nouvelles perspectives, de nouveaux contacts et de nouvelles idées au service de la soutenabilité des dettes souveraines et donc d'un environnement financier international plus stable.
Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 27 juin 2025