Interview de M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, à BFM TV le 27 juin 2025, sur l'intoxication alimentaire à la bactérie Escherichia Coli dans l'Aisne, la canicule et le plan de lutte contre les déserts médicaux.

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Média : BFM TV

Texte intégral

LORÈNE DE SUSBIELLE
7 h 44 sur BFM TV, merci de vous réveiller avec première édition. Notre invité ce matin c'est Yannick NEUDER, ministre de la Santé, également médecin. On a beaucoup de sujets à aborder avec vous ce matin, notamment ces intoxications alimentaires dans l'Ain. 25, 25, c'est un nombre qui fait froid dans le dos, 25 cas d'intoxication alimentaire à la bactérie E. COLI. On sait qu'il y a le pôle santé du parquet de Paris qui s'est saisi de l'enquête. Où en est-on, Monsieur le Ministre ?

YANNICK NEUDER
On en est toujours sur le terrain à une forte mobilisation de l'ensemble des enquêteurs, puisque dès qu'un cas est diagnostiqué, c'est toute la chaîne de contamination qui est remontée. Je me suis rendu, vous le savez, dimanche, notamment auprès des équipes médicales, et puis surtout pour des messages de soutien vis-à-vis de l'ensemble des victimes, et particulièrement mes pensées vont à la petite Élise et à ses parents. Et je crois que les analyses sont en cours, probablement d'origine alimentaire, c'est quasiment certain, d'origine de la viande, donc, ça a mené ces fermetures de boucherie, d'établissement, et puis la bactérie qu'on a là, c'est l'Escherichia Coli. Alors, je rappelle aussi que ce n'est pas une épidémie, que ce n'est pas un virus, que c'est des contaminations alimentaires, que dans un premier temps, les symptômes sont des diarrhées, des diarrhées sanglantes, et puis dans un certain nombre de cas, il y a une complication sur le rein au niveau neurologique, qui a pu conduire à des dialyses, et ça a été tout le sujet de pouvoir dialyser les enfants, puisque huit enfants ont été dialysés.

DAMIEN GOURLET
Il y a dix personnes à l'hôpital en ce moment, donc si je vous suis bien, on ne sait pas encore d'où ça vient. Quand est-ce qu'on saura ?

YANNICK NEUDER
Alors, c'est possiblement cette fin de semaine, donc aujourd'hui, ou sinon lundi, puisqu'en fait, il y a un centre national de référence qui a défini la bactérie, donc, c'est un Escherichia Coli, un type un type particulier, 026, et là on en est dans l'identification exacte de la toxine, et ça, c'est l'Institut Pasteur qui le fait avec des techniques de génomique.

LORÈNE DE SUSBIELLE
On va parler de l'épisode caniculaire. En fait, la France, depuis le 19 juin, est touchée par sa cinquantième vague de chaleur depuis 1947. Aujourd'hui, on attend 37 degrés encore dans le sud. Est-ce que vous vous vous préparez au scénario du pire pour cet été ? Un scénario, le scénario 2003 ?

YANNICK NEUDER
Alors, je crois que, bien entendu, ce n'est pas mon rôle d'annoncer le pire, mais c'est mon rôle de s'y préparer, donc c'est bien toute la mobilisation, l'anticipation, donc en mobilisant tous les acteurs de la chaîne, tout d'abord en rappelant les éléments importants, notamment aux populations les plus vulnérables, notamment les enfants, les personnes âgées, de pouvoir mettre des chapeaux, des crèmes, de s'isoler, de s'hydrater, de rappeler, mais je n'avais pas besoin de le faire, mais je l'ai quand même fait par précaution, sur l'ensemble des élus locaux, de réactiver leur liste de personnes vulnérables, aller vers les personnes âgées, isolées, handicapées.

DAMIEN GOURLET
Dans les hôpitaux, il y a des soignants qui, du coup, sont rappelés ?

YANNICK NEUDER
Alors, l'idée, ça sera naturellement de pouvoir avoir une mobilisation des soignants, de la sécurité civile, du SDIS, des SAMU, de permettre aussi que les soignants prennent leur congé, parce que c'est aussi, il faut penser à nos soignants qui sont fortement sollicités, mais de pouvoir s'organiser au lieu, donc c'est vraiment d'anticiper, de communiquer, de s'organiser pour éviter, effectivement, les près de 15 000 décès en 2003. Je rappelle que c'était quand même 3 700 décès l'an passé.

LORÈNE DE SUSBIELLE
On va parler aussi des déserts médicaux, parce que vous avez présenté votre plan de lutte contre les déserts médicaux, c'était le 25 avril dernier. Dans ce plan, vous avez parlé du concept des deux jours de solidarité, et aujourd'hui, vous avez publié une cartographie avec 151 intercommunalités prioritaires pour l'accès aux soins. Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ce matin ?

YANNICK NEUDER
Alors, déjà, c'est de dire qu'avec cette carte, on ne règle pas les déserts médicaux, puisque c'est 87 % du territoire national. Par contre, on a fait un travail qui est pour la première fois réalisé avec les préfets, les Agences régionales de santé, les élus locaux, et également les professionnels de santé, pour identifier les secteurs particulièrement désertiques. Ça tient compte du nombre de patients, du nombre de soignants, des affections longue durée, de la gravité des patients, du nombre de kilomètres par rapport à un premier centre de soins, et de pouvoir identifier et de provoquer sur ces territoires-là une solidarité collective, un engagement collectif au 1er septembre pour, dans ces 151 intercommunalités, permettre d'avoir du soin qui se met en place dès septembre. Donc c'est une première étape, c'est pour justement arrêter de subir, et on touche à peu près ces deux millions de patients qui sont concernés.

DAMIEN GOURLET
Le volontariat va suffire ?

YANNICK NEUDER
En tout cas, dans cette première phase, c'est fidèle aux engagements que nous avions pris lors du pacte et dans les décisions, c'est d'être fortement incitatif. On a beaucoup de médecins, médecins solidaires, c'est fortement engagé dans ces situations-là. Donc on va inciter les médecins. Après, il faut roder aussi le système, trouver les lieux, ces maisons médicales, ces bureaux qui sont disponibles pour accueillir les patients. Mais l'idée, c'est de ne plus être spectateur, mais de commencer jour après jour à faire ce projeté médical vers des zones qui sont particulièrement sous-denses. Et puis les autres mesures, puisqu'il y aura 3 700 docteurs juniors, des médecins nouveaux, mais qui arriveront qu'en novembre 2026. Donc ces cartes permettent aussi de travailler les lieux où vont pouvoir s'installer ces 3 700 docteurs qui seront des médecins nouveaux chaque année, et puis d'augmenter la formation initiale, puisque vous savez que j'ai supprimé le 18 juin dernier le numerus, qui était un examen très restrictif pour l'entrée des études en médecine, et puis de récupérer les étudiants français qui sont partis à l'étranger, en Roumanie, en Espagne. Donc, c'est plus de 20% de médecins d'ici 2027, soit près de 50 000 médecins.

JOURNALISTE
Je voulais revenir sur le principe de solidarité. Le texte prévoit qu'il y aurait des volontaires qui pourraient se faire remplacer. Où trouver ces remplaçants et pourquoi ne pas envoyer les remplaçants directement ?

YANNICK NEUDER
Alors c'est une bonne question. Les remplaçants, ils existent déjà. En fait, on a à peu près 40 % de médecins qui sont remplaçants, qui ne sont pas installés par choix, par mode de vie, l'instabilité professionnelle du conjoint. Donc l'idée, c'est aussi de redéfinir le rôle du médecin de demain. Le médecin peut avoir un assistant médical, il peut avoir un remplaçant alors qu'il est en exercice pour que lui-même puisse aller dans une nouvelle zone. L'idée, c'est de, autour du médecin qui est un peu seul, c'est de pouvoir agréger des internes, des docteurs juniors, des infirmiers en pratique avancée, des remplaçants pour augmenter sur un cabinet médical, un seul médecin isolé, plusieurs professionnels de santé qui ont travaillé en collaboration pour pouvoir prendre plus de patients.


Source : D+Service d'information du Gouvernement, le 8 juillet 2025