Déclaration de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, sur l'emploi des salariés expérimentés et l'évolution du dialogue social, à l'Assemblée nationale le 3 juillet 2025.

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Circonstance : Intervention après engagement de la procédure accélérée du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social adopté par le Sénat.

Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social (nos 1526, 1617).

La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi
Le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui répond à un objectif simple : assurer la transposition législative fidèle et complète de cinq accords conclus entre les partenaires sociaux entre novembre 2024 et juin 2025.

Les trois premiers accords ont été signés le 14 novembre 2024, dans la sérénité et le compromis, et n'ont pas fait grand bruit. Ils portent pourtant – ainsi que ce projet de loi qui en découle – sur des sujets importants pour les salariés et les entreprises de notre pays : l'assurance chômage, l'emploi des travailleurs expérimentés – dits seniors – et le dialogue social.

À l'automne dernier, avec le premier ministre Michel Barnier que je salue, nous étions convaincus de la nécessité de relancer le dialogue social. Nous pensions qu'il y avait matière à accord, au vu des tentatives qui, au cours de la dernière période, n'avaient pas pu aboutir. Nous avons donc demandé aux partenaires sociaux de se remettre autour de la table. Nous leur avons garanti qu'en cas de succès, les accords seraient transposés, soit par voie réglementaire, soit dans la loi.

Après quelques semaines de négociation, le 14 novembre 2024, un triple accord est donc venu valider la pertinence de cette initiative : les partenaires sociaux ont signé très largement deux accords nationaux interprofessionnels (ANI), l'un sur l'emploi des travailleurs expérimentés, l'autre sur le dialogue social, ainsi qu'une nouvelle convention d'assurance chômage. À ces trois accords de novembre 2024 est venue s'ajouter la négociation paritaire sur le bonus-malus du 27 mai 2025, en vue d'adapter les modalités du dispositif de modulation du taux de contribution d'assurance chômage en fonction du nombre de ruptures de contrats de travail dans certains secteurs d'activité. Enfin, le 25 juin dernier, un ANI sur les transitions et reconversions professionnelles a été conclu. Attendu tant par les organisations syndicales que patronales, il répond à la demande que j'avais adressée en avril aux partenaires sociaux d'examiner les moyens de simplifier ces dispositifs. Ce projet de loi a été conçu, dès l'origine, pour intégrer les conclusions de cette récente négociation et la rendre rapidement opérationnelle.

Au total, ce projet de loi tire donc les conséquences législatives de cinq accords, dont trois ANI et deux négociations paritaires. Cinq accords conclus en neuf mois, c'est beaucoup ! Il faut se féliciter de la vitalité du dialogue social et du sens des responsabilités des partenaires sociaux, que je salue.
Je tiens à souligner aussi la très large représentativité de ces accords. Notre paysage syndical est complexe et fragmenté, mais l'ANI de novembre 2024 sur l'emploi des seniors comme celui de juin 2025 sur les transitions et les reconversions ont été signés par les trois organisations patronales et par quatre des cinq organisations syndicales.

Je tiens enfin à remercier les équipes de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et de la direction générale du travail (DGT), qui jouent le rôle discret et difficile d'accompagnement et de facilitation des négociations.

Une fois les accords conclus, nous avons veillé à ce que le projet de loi traduise fidèlement la volonté et les intentions des partenaires sociaux. Au cours des derniers mois et des derniers jours, de nombreux échanges ont permis de les associer pleinement à son élaboration, qu'ils aient ou non signé les accords, ce que je tiens à souligner. Cette méthode a été appliquée tant pour les accords de novembre que, tout récemment, pour l'ANI du 25 juin dernier.

S'agissant de ce dernier accord relatif aux transitions et reconversions, le gouvernement exprime un léger désaccord, non sur les outils proposés mais sur la question de la gouvernance. En effet, l'accord ne nous paraît pas conforme aux exigences actuelles de simplification, qui nous commandent de ne pas créer de nouvelles instances, dans un paysage de la formation professionnelle déjà complexe.

Il revient désormais au Parlement d'assurer la transposition législative des mesures contenues dans ces cinq accords et qui ont besoin de la loi pour exister. Comme moi, vous connaissez cet exercice particulier. Ensemble, nous avons su mener à bien la transposition de l'accord national interprofessionnel relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. S'agissant du texte qui vous est soumis, j'ai veillé à ce que les rapporteurs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, soient pleinement associés à sa rédaction Le mois dernier, le Sénat l'a voté à une large majorité, sans aucun vote contre. Il y a quelques jours, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale l'a également adopté, à l'issue d'un débat serein. Aujourd'hui, dans cet hémicycle, nous pouvons faire œuvre utile, avec pour objectif une adoption définitive avant la fin de la session extraordinaire, afin que les nouveaux outils soient opérationnels et disponibles pour nos entreprises et leurs salariés dès la rentrée.

Nous avons un devoir envers les partenaires sociaux, qui ont négocié et conclu ces accords dans un esprit de responsabilité. Nous avons également un devoir envers les salariés, qui attendent des outils plus efficaces pour soutenir la continuité de leurs parcours professionnels, et envers les entreprises, qui ont besoin de lisibilité et de leviers pour développer les compétences utiles à leur activité.

Venons-en au fond du texte. Sept des dix articles du projet de loi portent sur l'emploi des travailleurs expérimentés. Il s'agit d'un de nos points faibles : seulement 61 % des plus de 55 ans sont en emploi, et moins de 40 % des plus de 59 ans. La situation s'améliore néanmoins : depuis vingt-cinq ans, le taux d'emploi des 55-64 ans a progressé d'un point par an. Le taux d'emploi des 55-59 ans dépasse désormais d'un point la moyenne européenne. En revanche, après 60 ans, il décroche, atteignant seulement 38 % en France, contre 61 % en Allemagne et 70 % en Suède.

La fin de carrière demeure donc, à juste titre, une source d'inquiétude pour de nombreux salariés. Cette situation n'est pas satisfaisante. Chacun doit pouvoir se projeter dans la vie, à tout âge. Collectivement, le sous-emploi des plus de 50 ans constitue une injustice, un gâchis humain et économique que nous ne pouvons plus accepter, ni nous permettre.

Pour éclairer le Parlement, je rappelle que les changements législatifs dont vous êtes saisis aujourd'hui s'inscrivent dans un plan plus large, fondé sur le triptyque suivant : changer le regard porté sur les travailleurs de plus de 50 ans, en luttant contre les préjugés et les idées reçues ; changer les pratiques des employeurs, des opérateurs publics de l'emploi et des institutions ; changer la loi – c'est l'objet du projet de loi que vous examinez aujourd'hui.

Concrètement, les deux premiers articles du projet de loi visent à renforcer le dialogue social, en obligeant les branches et les entreprises de plus de 300 salariés à mener tous les quatre ans des négociations spécifiques sur ce thème. En effet, il est essentiel que le dialogue social, à tous les niveaux, se saisisse des questions du maintien en emploi des 50 ans et plus, de la gestion de la deuxième partie et de la fin de carrière, de la transmission des compétences et du recrutement des salariés expérimentés.

Pour apporter les bonnes réponses à la question de la fin de carrière, employeurs et salariés doivent s'y préparer en amont. L'un des enseignements majeurs tirés de l'expérience des pays d'Europe du Nord – qui ont en la matière une longueur d'avance sur nous – est clair : pour travailler plus longtemps, il faut anticiper. Il faut prendre les bonnes décisions avant qu'il ne soit trop tard, avant l'exposition prolongée à l'usure professionnelle ou aux métiers pénibles, avant qu'un départ pour inaptitude ou invalidité ne s'impose.

En complément de cette négociation collective, l'article 3 crée, au niveau individuel, un nouvel entretien professionnel organisé dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière. Ce dispositif intégré a vocation à faire de ces rendez-vous de mi-carrière un moment clé pour aborder les enjeux de santé au travail – en particulier la prévention de l'usure professionnelle – mais aussi l'ensemble des questions relatives aux compétences et aux qualifications, aux besoins de formation, aux mobilités ou aux reconversions.

L'article 4 apporte une réponse opérationnelle aux difficultés de recrutement identifiées par les partenaires sociaux.

Il faut aussi évoquer le chômage des personnes de plus de 50 ans. Celles-ci représentent 19 % de l'ensemble des chômeurs, mais 35 % des chômeurs de longue durée, parmi lesquels elles sont surreprésentées. Leur durée moyenne d'inscription à France Travail est de 582 jours. C'est pourquoi nous proposons l'expérimentation pour cinq ans d'un nouveau contrat de valorisation de l'expérience – le CVE – destiné aux demandeurs d'emploi de 60 ans et plus.

La situation actuelle est déséquilibrée : un salarié peut faire valoir son droit à la retraite quand il atteint le taux plein, mais l'employeur, lui, ne peut se séparer de son employé à ce moment-là, si celui-ci souhaite poursuivre son activité. Ce manque de visibilité est un obstacle à l'embauche, régulièrement souligné par les entreprises. On parle beaucoup du maintien dans l'emploi – c'est l'objet des articles précédents – mais nous devons aussi créer les conditions pour que l'embauche d'un salarié de 60 ans et plus devienne banale et normale.

Ce nouveau contrat permet de sécuriser l'employeur, en lui donnant la garantie que s'il le souhaite, le salarié partira à la retraite dès lors qu'il aura atteint l'âge légal de départ à taux plein. Par ailleurs, l'employeur bénéficiera d'une exonération de cotisations sur les indemnités de mise à la retraite. Cet avantage est substantiel à l'échelle microéconomique. À titre de comparaison, le montant total des cotisations sur les indemnités de départ en retraite versées aux 57-64 ans s'élève aujourd'hui à 62 millions d'euros. De plus, le CVE n'a pas vocation à devenir la norme : le coût de cette exonération sera donc raisonnable.

Les articles 5, 6 et 7 visent à faciliter les aménagements de fin de carrière. Dans des pays comme la Suède et le Danemark, où le taux d'emploi des plus de 60 ans est élevé, le recours au temps partiel est bien plus répandu. Il constitue une réponse adaptée car il permet de sortir de notre logique trop binaire qui oppose un emploi à temps plein à une retraite à temps plein.

L'article 5 tend donc à faciliter les aménagements de fin de carrière, en obligeant les entreprises à motiver précisément les refus qu'elles sont en droit d'opposer aux demandes de passage à temps partiel.

L'article 6 permet à l'employeur d'un salarié qui décide de réduire son temps de travail de lui verser, de manière anticipée, tout ou partie de l'indemnité de départ à la retraite afin de compenser partiellement la rémunération perdue par le salarié.

L'article 7 clarifie les règles relatives à la mise à la retraite d'office, pour les rendre pleinement applicables aux salariés bénéficiant d'un cumul emploi-retraite et qui ont été recrutés après avoir atteint l'âge de la retraite à taux plein.

Pour être tout à fait complète, je précise que ce projet de loi n'aborde pas la retraite progressive à 60 ans, pourtant prévue dans l'ANI relatif à l'emploi des travailleurs expérimentés. Son application relève en effet du décret. Ce dispositif entrera en vigueur le 1er septembre 2025.

Pour l'instant, la retraite progressive n'est pas assez mobilisée : seules 0,5 % des personnes éligibles y ont recours chaque année, alors que cette proportion s'élève à 70 % en Suède ou aux Pays-Bas. L'ouverture de ce dispositif à 60 ans vise le même objectif que les dispositions que nous examinons : favoriser l'aménagement des fins de carrière en sortant de la logique binaire selon laquelle une personne est soit à 100 % en activité, soit à 100 % à la retraite. Il existe un spectre de solutions en fonction des aspirations des salariés et des employeurs. Le développement de la retraite progressive doit permettre aux salariés qui le souhaitent de réduire leur temps de travail en commençant à percevoir une partie de leur pension, tout en continuant à cotiser à taux plein.

Si les sept premiers articles concernent l'emploi des salariés expérimentés, l'article 8 traite d'une question très différente, mais essentielle : la qualité et la continuité du dialogue social, objet du second ANI conclu le 14 novembre 2024. Les partenaires sociaux se sont très largement accordés pour supprimer la limitation à trois du nombre de mandats successifs que peuvent effectuer les membres élus des comités sociaux et économiques (CSE) ; nous y reviendrons lors de l'examen de l'article.

L'article 9 traite de l'assurance chômage. Pour l'essentiel, la nouvelle convention Unedic qui a fait l'objet d'un accord en novembre a été agréée et est entrée en vigueur par décret le 20 décembre 2024. Au total, parvenue à son régime de croisière, cette nouvelle convention produira 1,5 milliard d'euros d'économies par an ; je le rappelle à l'intention de ceux qui accusent hâtivement les partenaires sociaux d'être incapables de faire des choix difficiles. Ils en sont capables tant lors des négociations que dans leur gestion, comme le prouve l'excédent des comptes de l'assurance chômage.

Une proposition des partenaires sociaux, formulée dans l'accord du 14 novembre, n'a pas pu être intégrée dans le décret, faute de base législative. Il s'agit de la mesure qui améliore les droits des primo-entrants en abaissant de six à cinq mois la durée de travail nécessaire pour s'inscrire pour la première fois à l'assurance chômage. Elle vise à mieux sécuriser la situation de ces demandeurs d'emploi particulièrement fragiles, composés à 65 % de publics jeunes ; elle se justifie pleinement, eu égard à la remontée du taux de chômage des jeunes. L'article 9 du projet de loi tend à donner une base législative à cette mesure, et à permettre son intégration à la convention d'assurance chômage.

Depuis le mois de novembre, les choses ont évolué. Fin mai, les partenaires sociaux ont signé un accord visant à réviser certains paramètres du mécanisme de bonus-malus créé en 2019, afin de réduire le recours aux contrats courts dans sept secteurs économiques particulièrement concernés. Un amendement du rapporteur Nicolas Turquois – je l'en remercie –, portant article additionnel après l'article 9, permettra d'intégrer au texte une partie des résultats, probants, de la négociation paritaire conclue le 27 mai. Il s'agit de recentrer le dispositif de bonus-malus en excluant notamment de son champ les fins de contrats pour inaptitude ou pour faute lourde. Adopter l'amendement est nécessaire pour tenir compte de cette évolution ; le reste de la transposition relève d'un agrément par décret.

Enfin, l'article 10 vise à inscrire dans le texte les résultats de la négociation interprofessionnelle relative aux transitions et reconversions professionnelles qui s'est conclue le 25 juin. Ces dispositions s'intègrent parfaitement dans notre stratégie en faveur de l'emploi des personnes de 50 ans et plus et sont cohérentes avec l'accord sur l'emploi des seniors.

Nous – les partenaires sociaux, le gouvernement et les parlementaires – posons, l'une après l'autre, les briques qui favorisent le maintien dans l'emploi des personnes de 50 ans et plus et qui leur permettent d'être recrutées comme n'importe quel salarié. Ces dispositions sont d'autant plus importantes que les fondamentaux de notre économie se transforment progressivement et qu'il nous faut accompagner les salariés, les entreprises et les territoires touchés par des restructurations pour assurer aux travailleurs une meilleure continuité professionnelle et salariale.

Ces outils doivent permettre à un salarié licencié en raison d'une restructuration économique de rebondir près de chez lui, dans une autre entreprise ou un autre secteur de son bassin de vie et de travail. Nous en avons vraiment besoin : en un an, le nombre d'inscriptions à France Travail liées à ce type de licenciements a augmenté de 11 %. Ces outils doivent aussi fournir des solutions à des entreprises qui sont en bonne santé et qui ne détruisent pas d'emplois, mais qui souhaitent permettre à un salarié subissant l'usure professionnelle de changer de métier, soit au sein de la même structure, soit en rejoignant une entreprise du même territoire. En la matière, il était absolument urgent de changer de braquet ; toutes les organisations syndicales et patronales le demandaient.

L'ANI du 25 juin permet trois avancées majeures.

Premièrement, il crée un dispositif unique de reconversion à la main de l'entreprise, pour remplacer les myriades de solutions existantes. Cet outil unique, appelé période de reconversion, permet aussi bien de reconvertir des salariés pour leur donner les compétences nécessaires au projet de transformation de l'entreprise – c'est la reconversion interne – que de les former pour qu'ils occupent un emploi dans une autre entreprise – c'est la reconversion externe. Dans ce dernier cas, l'enjeu consiste à passer d'une entreprise à une autre sans passer par la case France Travail. En cela, l'accord renforce la sécurisation des parcours de reconversion et de formation des salariés.

Deuxièmement, les partenaires sociaux proposent d'orienter davantage vers des métiers en tension les projets de transition professionnelle des salariés, de mieux cibler les publics et de réduire la durée de formation pour la rendre plus opérationnelle et plus pratique.

Troisièmement, la modification de l'entretien professionnel, qui aura désormais lieu tous les quatre ans, améliorera le suivi des compétences et du parcours professionnel du salarié. Nous proposons de transposer directement toutes ces dispositions dans la loi par l'adoption d'amendements que le gouvernement a déposés hier.

Depuis neuf mois, en tant que ministre d'abord dans le gouvernement Barnier, puis dans le gouvernement Bayrou, je me suis attachée à revitaliser le dialogue social. La démocratie sociale est bien vivante dans les entreprises, dans les branches, mais aussi au niveau national et interprofessionnel, comme le montrent les cinq textes que nous transposerons aujourd'hui. Je salue l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux et leur sens du compromis, grâce auquel la démocratie sociale renforce la démocratie politique que vous représentez. Le Parlement doit maintenant jouer son rôle spécifique. Il s'agit pour le législateur d'être à la fois loyal et précis, pour assurer la bonne transposition des accords, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation générale. Voilà la tâche qui nous incombe aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur les bancs des commissions. – Mme Stella Dupont applaudit également.)

(…)

Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je constate sur vos bancs un attachement réel à la démocratie sociale, à faire vivre ce que les partenaires sociaux, dans un esprit de responsabilité, ont été en mesure de négocier. Je voudrais répondre à MM. Sansu et Castellani au sujet de la transposition de l'ANI du 25 juin en faveur des transitions et reconversions professionnelles : plutôt que d'attendre un autre projet de loi, nous avons préféré utiliser la fenêtre de tir constituée par l'examen de celui-ci afin de transposer rapidement ces outils opérationnels dont nos salariés ont besoin, notamment en cas de reconversion due à une restructuration économique ou à l'exposition à l'usure. Ce choix a été fait en bonne intelligence avec les partenaires sociaux ainsi que les rapporteurs du texte au Sénat et à l'Assemblée nationale.

Utiliser cette fenêtre, encore une fois, nous permet de transposer l'ANI dès à présent – sous réserve, naturellement, du vote de cette assemblée – afin de disposer dès septembre de ces outils, qui faciliteront les reconversions. C'est une question de pragmatisme, et c'est pourquoi, lors de l'élaboration de cette transposition, nous avons travaillé quasiment en temps réel avec les partenaires sociaux, de manière à nous assurer que ce qu'ils avaient achevé de négocier le 25 juin se retrouvait dans les dispositions qui vous seront soumises.

Monsieur Ménagé, je suis tout à fait d'accord avec vous pour affirmer qu'il ne faut absolument pas opposer le taux d'activité des jeunes à celui des seniors. Ce fut l'une des grandes erreurs de la France, dans les années 1970, que de penser qu'il importait de sortir les plus de 50 ans du marché du travail pour faire de la place aux jeunes ; résultat, à la fois le taux d'activité de ces derniers et celui des plus de 55 ans sont bas par rapport à ceux des pays d'Europe du Nord, auxquels je fais souvent référence, ou de l'Allemagne, qui tous réussissent sur les deux fronts. Avec le Comité national pour l'emploi, avec Mme Borne – en la matière, l'éducation nationale et nous devons travailler main dans la main –, nous remettrons à plat début juillet la stratégie touchant l'insertion professionnelle des jeunes. Il n'en sortira pas nécessairement un texte législatif ; pour autant, j'aimerais vraiment pouvoir m'appuyer – je le dis devant son président – sur les recommandations de la commission des affaires sociales, avoir un débat, un échange, avec vous.

Madame Godard, merci de votre intervention : je fais effectivement partie de ceux qui ne veulent pas opposer travail et emploi. Au contraire, c'est en parlant du premier que l'on peut favoriser le second – par les conditions de travail, la santé au travail, les compétences. Sur ce dernier point, nous sommes réellement en retard : notre taux de formation des plus de 55 ans est quasiment inférieur de moitié à celui de la Suède, ce dernier restant supérieur même au taux français de formation – je parle bien sûr de formation professionnelle continue – des 20 à 50 ans ! Il y a donc un chantier immense en matière d'acquisition de connaissances tout au long de la vie. Cela passe, vous l'avez dit, par l'anticipation : côté entreprise ou côté salarié, ce n'est pas lorsque celui-ci atteint 55 ans que l'on se réveille pour traiter ces sujets.

Peut-être pourrons-nous aller plus loin dans les mois ou les années qui viennent, mais nous aurons déjà cette obligation de négocier au niveau de la branche, de l'entreprise, cet entretien à mi-carrière qui offre une vue transversale sur les compétences et la santé. Je vous remercie également d'avoir cité l'Anact, belle institution qui travaille énormément et a fourni, sur un certain nombre de sujets, des contributions très concrètes. À l'intention de ceux qui pourraient penser que nous instrumentalisons la démocratie sociale, je suis ministre du travail depuis septembre : depuis septembre, nous avons eu cinq accords, que vous êtes aujourd'hui invités à transposer, la plupart signés par quatre organisations équivalant à 75 % de la représentativité syndicale. À bas bruit, sans éclat, on peut vraiment avancer au bénéfice des travailleurs de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur les bancs des commissions. – Mme Stella Dupont applaudit également.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 9 juillet 2025