Texte intégral
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,
Madame la secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les directrices, les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
"La force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens." Ainsi écrivait Thucydide dans La Guerre du Péloponnèse. Ces mots résonnent avec force, à l'heure où nous assistons au retour du tragique dans l'histoire.
Et oui, face à la brutalité du monde, nous devons opposer les armes de l'esprit. Ce qui nous permettra de défendre les intérêts de notre pays, nos intérêts, de défendre notre vision de l'Homme et du monde dans les temps qui viennent, c'est au fond notre force intérieure.
Notre force intérieure, elle dépend de notre force militaire, bien sûr, pour dissuader les menaces. Elle dépend également de notre force économique, pour n'avoir pas à dépendre des autres. Mais elle dépend aussi et surtout de notre force morale. Or la force morale d'un pays comme la France réside dans l'engagement de l'ensemble de ses citoyens.
C'est pourquoi j'ai souhaité que ce ministère - qui est sans doute, des quatre ministères régaliens, le moins connus de tous - puisse se tourner résolument vers les Français. Dans un moment où ce qui se passe au-delà de nos frontières n'a jamais eu autant d'impact sur nos vies quotidiennes, et dans un moment où les Françaises et les Français souhaitent avoir les cartes en main. Ils souhaitent n'être pas spectateurs des désordres du monde, mais d'une certaine manière prendre leur part et devenir acteurs. Et cela dans un contexte où j'estime que l'engagement individuel est sans doute le meilleur remède à la maladie de notre temps.
Cette maladie fait que nous vivons dans une société qui semble rouillée par un individualisme grandissant, alors même que nous ressentons tous en nous-mêmes la soif de partager des combats communs, des émotions collectives. Nous l'avons toutes et tous ressenti l'année dernière, lors des cérémonies du 80e anniversaire de la Libération, lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, ou encore lors de la réouverture de Notre-Dame de Paris.
Cet engagement est l'une des voies de notre épanouissement collectif et de notre émancipation. Il est possible aussi, à partir d'aujourd'hui, au service de l'action internationale de la France. Parce que la diplomatie ne se joue pas seulement dans les ambassades et les instances internationales. Elle se joue aussi dans les territoires, les écoles, les entreprises, les universités, dans les médias, sur les réseaux sociaux et dans les imaginaires, partout où la France est regardée, respectée et attendue.
C'est pourquoi la France a besoin de cet engagement. La France a besoin d'une mobilisation générale qui requiert l'énergie de toutes les bonnes volontés. Oui, la France doit faire appel à l'ensemble de ses forces morales, intellectuelles et citoyennes pour tenir son rang et défendre ses valeurs : le primat du droit sur la force, la coopération plutôt que la confrontation et, finalement, la paix.
C'est la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui. Nous apportons une nouvelle pierre à notre édifice diplomatique et républicain. Nous lançons la réserve diplomatique.
Chaque citoyen âgé d'au moins 18 ans, français ou européen, pourra rejoindre cette réserve civique si il ou elle adhère à une Charte et à un principe cardinal : l'intérêt général.
C'était un engagement du Président de la République, pris ici même au Quai d'Orsay, lorsqu'il est venu clôturer les Etats généraux de la diplomatie, le 16 mars 2023.
Aujourd'hui, nous y sommes. Et nos ambitions sont élevées - elles sont à la hauteur de notre réseau diplomatique, qui avec 163 ambassades, 208 consulats généraux, est le troisième au monde. Notre diplomatie doit être présente partout jusqu'au dernier kilomètre qui nous sépare parfois de nos compatriotes les plus éloignés.
Chers futurs réservistes, j'ai donné un mandat clair à toutes les ambassadrices et tous les ambassadeurs : faire en sorte que partout, la France soit perçue pour ce qu'elle est : un partenaire privilégié, qui respecte la souveraineté de ses partenaires, qui défend le droit international et qui privilégie la coopération pour la résolution des enjeux mondiaux. Désormais, cette mission est aussi la vôtre.
La réserve diplomatique s'appuie sur le volontariat, qui donne à tous ceux qui s'engagent un devoir d'exemplarité. Je suis convaincu que c'est par l'exemple qu'on défend le mieux nos valeurs, qu'on enclenche une action collective, qu'on crée un sentiment durable d'appartenance.
La réserve diplomatique sera un creuset de talents variés. Elle permettra de faire vivre en acte le principe de fraternité, ce si beau principe qui ne doit pas simplement fermer le ban du triptyque républicain, mais s'incarner jour après jour.
Il existe déjà des centaines de personnes qui mettent à disposition de ce ministère leurs compétences et leur temps. Vous connaissez les volontaires et les coopérants, mais beaucoup d'autres sont disséminés, peu connus et parfois mal recensés. Aujourd'hui, sous l'égide de l'Académie diplomatique et consulaire, nous allons structurer et animer ce vivier de bonnes volontés pour le faire grandir et être en mesure d'aller partout au contact des Français.
Le déploiement de la réserve se fera en deux temps.
D'abord, un premier contingent de réservistes sera constitué. Dès aujourd'hui, un grand nombre d'entre vous ont vocation à le rejoindre. Je pense d'abord à nos collègues du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en activité ou retraités, qui veulent donner de leur temps.
Je pense aussi aux salariés et anciens salariés des opérateurs de l'Etat, qu'il s'agisse de l'Agence française de développement, l'Institut français, Business France ou Campus France, l'Institut de recherche pour le développement ou encore France Média Monde.
Il y a ensuite tous ceux avec lesquels nous entretenons un lien privilégié : consuls honoraires, conseillères et conseillers des Français de l'étranger, volontaires du service civique ayant servi à l'étranger, alumni de l'Académie diplomatique d'été, auditeurs du cycle du Collège des hautes études de l'Académie diplomatique.
Je pense enfin à tous les partenaires académiques, nombreux, dont les expertises font écho à nos missions. Encore hier, nous avons acté le rapprochement avec l'Académie de défense de l'Ecole militaire.
À vous tous qui composez ce premier cercle, je veux dire que vous êtes les bienvenus au sein de la réserve diplomatique. Nous avons besoin de vous, de votre connaissance intime du ministère et de votre engagement. Vos candidatures vont nous permettre de composer le premier contingent de la réserve diplomatique. À ce jour, vous êtes près de 200 à avoir manifesté votre intérêt. Je souhaite que ce contingent soit porté à 1 000 réservistes d'ici la fin de l'année.
Dans un deuxième temps, je souhaite que nous élargissions la réserve diplomatique à d'autres publics avec lesquels nous n'avons pas encore de lien juridique. Il faudra pour cela qu'un texte soit examiné et adopté au Parlement, mais je sais que certains parlementaires ont pris des initiatives qui, dès la semaine prochaine, permettront d'enclencher ce processus. La réserve diplomatique participera ainsi pleinement à notre stratégie nationale d'influence et associera pleinement les parlementaires.
Mesdames et Messieurs, les bonnes volontés se manifestent partout, en France comme à l'étranger. Certaines ont déjà trouvé à se réaliser. Je pense tout d'abord à tous nos compatriotes bénévoles engagés auprès des communautés françaises. Partout dans le monde, nos consulats s'appuient sur des relais pour assurer la sécurité de nos ressortissants. On les appelle les "chefs d'îlots" et je veux les remercier pour leur engagement, qui n'est plus à démontrer. Dans toutes les crises, sanitaires ou sécuritaires, ce sont eux qui permettent, par leur engagement, la protection, la bonne information et l'organisation de nos compatriotes. Je remercie ces centaines de Françaises et de Français qui acceptent d'assumer cette responsabilité bénévole, qui s'apparente de fait à un rôle de réserviste.
Nous proposerons aussi de devenir réserviste aux plusieurs milliers de jeunes qui, chaque année, se lancent dans l'aventure du volontariat international, que ce soit en entreprise ou en administration. Mais aussi dans le volontariat de solidarité internationale, dédié à l'action humanitaire et à la coopération. Notre réserve ouvrira ses bras à tous ceux qui le souhaitent, ils connaissent bien le fonctionnement de nos postes pour les avoir longuement fréquentés.
Je n'oublie pas tous les bénévoles qui oeuvrent au sein des associations de Français de l'étranger. Ils jouent un rôle clé dans l'installation et l'information de nos compatriotes.
Nous serons aussi heureux d'accueillir les experts techniques internationaux, les professeurs de relations internationales, les membres de think tanks, de cercles de réflexion, dont beaucoup interagissent déjà avec nous.
Et puis bien sûr les dirigeants d'entreprises internationales, qui jouent un rôle essentiel au service de notre diplomatie économique.
Une fois constituée, la réserve diplomatique concourra donc à l'accomplissement des trois grandes missions du ministère de l'Europe et des affaires étrangères : le service public et la protection des Français à l'étranger ; la défense des intérêts de notre pays dans toutes les instances : bilatérales, européennes, multilatérales ; et puis porter la voix de la France partout dans le monde.
Les tâches confiées à nos réservistes s'inscriront dans ces trois grandes missions. Et voici déjà quelques exemples : apporter un renfort téléphonique au centre de crise et de soutien. Au cours de la guerre entre Israël et l'Iran, le centre de crise a répondu à 12 000 appels en 12 jours. Et 1 000 ressortissants français ont pu bénéficier de notre assistance pour rentrer en France. Dans de telles situations, l'assistance téléphonique est essentielle et elle nécessite de très nombreux volontaires.
Autre exemple, les grands événements internationaux, qu'il s'agisse de la Conférence des Nations unies sur l'Océan en 2025 ou encore des Jeux olympiques et paralympiques de l'année dernière, la France organise régulièrement des événements d'envergure mondiale. Ils nécessitent un important renfort logistique et protocolaire.
Parmi les autres exemples : les groupes de travail et de réflexion qui font bénéficier le ministère d'un regard extérieur ; la présentation des missions du ministère à des publics qui en sont éloignés, aux lycéens et étudiants, notamment ; la présentation de ces mêmes missions dans les médias ou sur les réseaux sociaux ; ou l'accompagnement des jeunes pour les aider à s'orienter et à affiner un projet professionnel tourné vers l'international.
Je voudrais insister sur un dernier exemple : nous aider à faire entendre la voix de la France à l'étranger via une "réserve numérique" au sein de cette réserve diplomatique, qui fera bénéficier nos postes de son expertise en matière de communication stratégique sur les réseaux sociaux. Elle pourra les aider à bâtir de nouvelles campagnes de communication, car les pratiques évoluent vite et vous êtes nombreux à pouvoir nous aider par votre créativité et votre savoir-faire. Les attaques dans le champ informationnel visent particulièrement la France. Alors, que vous soyez un redoutable fact-checker ou un citoyen agile sur les réseaux sociaux, qui aime simplement s'engager dans le débat public, rejoignez-nous et vous ferez oeuvre utile. Nous aurons besoin de vos compétences, de votre humour, de votre ingéniosité pour gagner le combat des perceptions.
Voilà quelques exemples de missions déjà identifiées. Ces missions pourront être effectuées sur le territoire national, à Paris, à Nantes ou auprès des conseillers diplomatiques en région, en Outre-mer évidemment, et bien sûr dans nos ambassades et consulats à travers le monde, dès lors qu'un besoin sera identifié.
Dès lundi, je demanderai aux ambassadrices et aux ambassadeurs de cartographier précisément leurs besoins pour pouvoir établir d'ici à la fin de l'année, lorsque la loi aura été votée, un catalogue de missions à pourvoir.
J'invite celles et ceux qui le souhaitent à s'engager dès aujourd'hui dans une première mission qui nous tient particulièrement à coeur : La Fabrique de la diplomatie, un événement que nous organiserons les 5 et 6 septembre 2025 à la Sorbonne Nouvelle. Nous appelons 300 réservistes à nous rejoindre à cette occasion pour nous aider à faire naître des vocations diplomatiques, en accueillant les milliers de visiteurs attendus, en accompagnant nos nombreux intervenants, en nous aidant sur la communication numérique autour de l'événement. Et qui sait, vous trouverez peut-être, vous aussi, votre vocation à l'occasion de ce grand forum des métiers de la diplomatie.
Nous lançons également un appel pour des missions de mentorat. Nous recherchons une centaine de mentors pour accompagner les participants de l'Académie diplomatique d'été. Je vous invite à postuler et rassurez-vous, il n'y a pas d'âge pour devenir mentor.
Une autre échéance arrive à grands pas, c'est la présidence française du G7, du 14 au 16 juin 2026. Venez nous aider à organiser ce rendez-vous diplomatique majeur. Nous aurons besoin de vous pour accueillir les délégations des sept plus grandes puissances du monde, et nous lancerons bientôt des missions de conseils préparatoires, pour lesquelles nous aurons besoin du soutien des experts.
En dehors des Sommets diplomatiques, le Quai d'Orsay mène tout au long de l'année des campagnes de communication numérique. Nous cherchons des volontaires pour nous aider à monter en puissance, former nos équipes à l'utilisation de certains outils. Je l'ai dit, votre expertise sera précieuse.
Alors, à vous tous qui êtes passionnés de relations internationales et qui avez envie, à coeur, de vous engager pour servir la France, n'hésitez plus !
Vous pouvez nous faire part de votre intérêt en vous signalant à l'adresse reserve.diplomatique@diplomatie.gouv.fr.
D'ici quelques minutes, des jeunes de l'Académie diplomatique feront circuler, avec des tablettes, des QR codes, les moyens pour vous permettre de vous inscrire directement.
Vous l'aurez compris, ma conviction c'est que chacun a le pouvoir d'agir, de s'engager, de faire la différence. Saisissez-le. C'est le meilleur antidote à la fatalité et au renoncement.
Oui, la France a une voix à porter dans le monde.
Oui, nous devons continuer à défendre les valeurs de fraternité et d'humanité qui sont plus que jamais mises à mal.
Nous sommes une grande puissance qui a surmonté les guerres et trouvé les chemins de la paix. Il y a 75 ans, par les mots de Robert Schuman, nous avons donné vie à l'idéal européen et, contre tous les esprits défaitistes, nous avons fait l'Union européenne.
Je ne crois pas au déclin de l'Europe ni au déclin de la France.
Je crois en la force de la volonté, en la capacité des nations, quand elles se tiennent debout, de reprendre leur destin en main.
Je crois à la victoire finale des démocraties, comme le disait Raymond Aron, mais à condition qu'elles le veuillent.
Si vous êtes ici, c'est que vous aussi, vous le voulez.
Alors ne vous résignez pas : engagez-vous ! Rejoignez-nous !
Plus que jamais, la voix de la France doit être portée par tous ceux qui croient en elle.
Alors je compte sur vous pour que vive la diplomatie, et que vive la réserve diplomatique.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juillet 2025