Déclarations à la presse de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur un Français disparu en Iran, le conflits à Gaza et en Ukraine et les droits de douane américains, à Rennes le 7 juillet 2025.

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Circonstance : Déplacement à Rennes

Texte intégral

Je suis aujourd'hui à Rennes pour marquer ma conviction que les affaires étrangères sont les affaires de tous et pour resserrer plus encore les liens entre les Françaises et les Français et leur diplomatie. Cela m'a conduit à avoir ce matin des échanges avec la filière agroalimentaire, la filière des industries de défense, qui sont très exposées aux marchés internationaux. Cela m'a conduit ensuite à échanger avec les élus bretons impliqués dans la coopération décentralisée, c'est-à-dire l'action internationale des collectivités. Et je viens d'avoir un échange avec des représentants de la société civile, de tous secteurs, de tous horizons, sur la manière dont les Françaises et les Français peuvent être acteurs et non pas spectateurs de l'action internationale de notre pays.

Q - Cela veut dire que vous êtes venu prendre le pouls des régions, tout au long de cette tournée ?

R - Je suis venu mettre les cartes en main des Français, dans un moment où jamais ce qui se passe au-delà de nos frontières n'a eu autant d'impact sur nos vies quotidiennes, et dans un moment où les Français ne veulent pas être spectateurs mais où ils veulent être acteurs. Et ils peuvent l'être, de plein de façons différentes, en s'engageant dans des actions à dimension internationale, que ce soit au sein de leurs collectivités, de leur commune, puisqu'avec les projets de jumelage, de partenariat, de nombreuses opportunités s'offrent à eux, ou plus simplement aux côtés du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, puisque j'ai lancé la semaine dernière le premier contingent de la réserve diplomatique.

Q - Monsieur le Ministre, un jeune cycliste français a été porté disparu en Iran. Est-ce qu'il a été arrêté ou est-ce qu'il a été victime d'un accident ? Est-ce que vous en savez davantage ?

R - Notre ambassade sur place est pleinement saisie du sujet, et quant aux parents de ce jeune homme, ils sont en contact constant avec le centre de crise et de soutien du ministère des affaires étrangères.

Q - Est-ce que c'était dangereux ? Est-ce que c'était risqué d'aller là-bas en Iran ?

Q - Je ne veux pas répéter ici les consignes de sécurité qui sont données sur le site "Conseils aux Voyageurs", mais j'invite tous nos compatriotes, au moment d'ailleurs où certains d'entre eux vont partir à l'étranger, peut-être pour des vacances, de toujours consulter ce site, qui donne l'avis du ministère des affaires étrangères sur l'opportunité de se déplacer dans les pays concernés.

Q - On sait ce qu'il faisait là-bas, ce jeune cycliste ?

R - Ecoutez, je vous ai répondu. L'ambassade est pleinement saisie de ce sujet sur place. Elle est mobilisée. Et quant à ses parents, ils sont en contact continu, constant avec le centre de crise et de soutien du ministère des affaires étrangères.

Q - Vous avez un contact avec le cycliste ? Est-ce que vous avez un contact avec lui ?

R - L'ambassade est pleinement mobilisée, saisie de ce sujet, sur place. Les parents de ce jeune homme sont au contact constant et continu du ministère des affaires étrangères.

Q - Pour parler d'un autre dossier, notamment la rencontre Trump-Netanyahou, est-ce qu'on est en approche, aujourd'hui, vous pensez, d'une trêve à Gaza ?

R - Je le souhaite. On ne peut plus attendre, et il me semble que les conditions sont désormais réunies pour qu'on puisse enfin aboutir à un cessez-le-feu immédiat, à la libération de tous les otages du Hamas, qui doit être désarmé, et à l'accès sans entrave, massif, de l'aide humanitaire à Gaza, où les populations civiles palestiniennes sont en souffrance.

Q - Monsieur le Ministre, vous avez rencontré jeudi dernier l'émissaire américain Tom Barrack. Est-ce que la France, qui est un acteur historique au Liban, approuve sa feuille de route pour le Liban, retrait Israéliens ou désarmement du Hezbollah ou simultanément ?

Deuxième question, quels sont les sujets qui ont été abordés sur la Syrie ?

R - Nous avons eu un très bon échange avec Tom Barrack, qui est envoyé par le président des États-Unis sur le sujet du Liban et de la Syrie, deux pays qui sont au coeur des préoccupations diplomatiques de la France dans la région. Et je le dis ici, en Bretagne, en sachant que Jean-Yves Le Drian est de retour de mission au Liban, où nous continuons d'épauler les autorités pour nous assurer que cet espoir qui est né du cessez-le-feu au mois de novembre, de l'élection du président de la République au mois de janvier, de la nomination du gouvernement, se traduira par une stabilisation et la souveraineté de ce pays. Quant à la Syrie, où se jouent tant de nos intérêts et de nos intérêts de sécurité, nous continuons à entretenir un dialogue exigeant avec les autorités pour qu'elles ne laissent aucune place au terrorisme, pour qu'il n'y ait aucune impunité sur les crimes commis, pour que toutes les composantes de la société syrienne puissent trouver leur place dans l'avenir de ce pays.

Q - Concernant les droits de douane avec Trump, vous avez dit tout à l'heure que vous espérez qu'une annonce ne tomberait pas pendant votre discours avec l'assemblée. Est-ce que vous avez l'impression que la France est prête, en cas d'annonce de Donald Trump sur ce sujet ?

R - Nous soutenons la négociation qui est menée par la Commission européenne. Nous voulons un accord équilibré. Nous ne voulons pas d'un accord asymétrique qui nous placerait dans une position de vassalité. Mais ni les États-Unis, ni l'Europe n'ayant intérêt à une guerre commerciale, à des droits de douane qui sont l'équivalent d'un impôt sur les classes moyennes, j'ai bon espoir que nous puissions aboutir à un accord qui préserve les intérêts de chacun.

Q - Quelle pourrait être la riposte de la France en cas de droits de douane très lourds ?

R - C'est la Commission européenne qui a la responsabilité de cette négociation. Et c'est pourquoi nous la soutenons pour aboutir au meilleur des accords possible.

Q - Vous avez parlé tout à l'heure d'un nouveau train de sanctions contre la Russie menée conjointement avec les Américains. C'est pour cette semaine ? Est-ce que vous pouvez préciser ?

R - Nous voulons que Vladimir Poutine consente enfin à un cessez-le-feu. Puisque nous constatons que depuis que le président Trump a proposé un cessez-le-feu de 30 jours, permettant que débute des négociations menant à la paix, proposition que l'Ukraine a acceptée, proposition que nous soutenons, que les Européens soutiennent, les frappes de la Russie sur l'Ukraine ont été multipliées par cinq. Ça ne peut plus durer, cela doit cesser. Pour y parvenir, en coordination avec les efforts menés par des sénateurs américains, l'Europe s'apprête à prendre, sur des propositions françaises, les sanctions les plus lourdes que nous ayons prises depuis trois ans qui viennent directement assécher les ressources qui permettent à Vladimir Poutine de poursuivre sa guerre ; enfin si l'on peut dire, puisque Vladimir Poutine ne progresse plus sur le front et qu'il se contente aujourd'hui de faire pleuvoir des missiles et des drones sur des zones résidentielles, en faisant de très nombreuses victimes civiles. Tout cela doit cesser. Et par des sanctions qui visent les recettes pétrolières mais aussi les acteurs financiers russes ou acteurs financiers dans d'autres pays qui permettent à la Russie de se soustraire à nos sanctions, nous entendons bien le faire plier.

Q - " Nous sommes des alliés des États-Unis ", vous avez dit au journal Le Monde, " mais nous ne sommes pas alignés ", nous défendons nos " intérêts de sécurité ". Quels sont aujourd'hui les intérêts sécuritaires que la France défend et qui sont liés à la crise iranienne ?

R - Nous défendons toujours nos intérêts et c'est bien naturel. S'agissant de l'Iran, nous ne pouvons accepter que l'Iran accède à l'arme nucléaire. C'est la sécurité de nos partenaires dans la région qui est en jeu. C'est la sécurité d'Israël, à laquelle nous sommes indéfectiblement attachés, qui est en jeu. Mais c'est aussi toute l'architecture de sécurité internationale qui repose sur ce traité de non-prolifération, qui serait fragilisé si l'Iran en sortait. Mais nous attendons aussi que l'Iran puisse prendre des engagements sur son programme de missiles, dont certains ont une portée qui pourrait viser, toucher le territoire européen et le territoire national. Et enfin, nous attendons de l'Iran qu'il cesse son soutien aux groupes terroristes qui ont plongé la région, le Proche-Orient, dans le chaos, et que l'Iran mette fin à sa politique d'otages d'État dont nos deux compatriotes, Cécile Kohler et Jacques Paris, sont encore à ce jour les victimes.

Q - Par rapport à la Bretagne, par rapport à l'événement de ce matin, les discussions que vous avez eues avec les professionnels, quelles sont les inquiétudes qui ont été partagées et quelles réponses précises vous avez apportées ?

R - Nous avons eu un très bon échange avec les représentants de l'industrie de la défense, avec Kership, qui conçoit, fabrique des navires, mais aussi avec Glimps, entreprise de cybersécurité, et Unseenlabs, opérateur de satellites. Les témoignages que j'ai reçus vont me permettre de bien articuler la manière dont nos ambassadeurs, dans les pays où ces entreprises exportent, ainsi que les attachés de défense, qui sont des agents du ministère des armées, qui sont placés dans nos ambassades, peuvent accompagner ces entreprises dans le démarchage de clients potentiels. Et quant aux entreprises de l'agroalimentaire, ce que je retiens notamment, c'est qu'un certain nombre de mesures que nous prenons pour protéger les filières de production européennes et assurer notre souveraineté sur ces secteurs peuvent avoir parfois des effets de bord qui affectent d'autres segments, en amont ou en aval de la filière, et qu'il faut prendre en compte, dans la manière dont on calibre ces mesures d'équité, comme le mécanisme d'ajustement carbone à la frontière, la taxe carbone à la frontière, qui nous permet de protéger nos producteurs contre la concurrence illégale, mais qui a des incidents sur d'autres filières. Des témoignages très utiles pour bien calibrer nos dispositifs.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 juillet 2025