Interview de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée, chargée du commerce, de l'artisanat, des PME et de l'économie sociale et solidaire, à Sud Radio le 7 juillet 2025, sur la proposition de loi visant à réduire la pollution engendrée par la fast fashion et la taxe sur les petits colis en provenance de Chine.

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Intervenant(s) : 
  • Véronique Louwagie - Ministre déléguée, chargée du commerce, de l'artisanat, des PME et de l'économie sociale et solidaire

Média : Sud Radio

Texte intégral

BENJAMIN GLAISE
Il est 8h32 sur Sud Radio. C'est l'événement du jour, les Trophées du commerce rendent leur verdict ce soir. Ce concours national qui vise à récompenser les commerçants qui innovent, qui s'engagent, ceux qui réussissent à dynamiser ou à redynamiser nos centres villes et nos villages dans un contexte difficile, on va en parler, notamment dû à la concurrence avec les géants du numérique. Sud Radio aux côtés des commerçants et c'est tout naturel si nous sommes partenaires des Trophées du commerce. Avec nous ce matin, Véronique LOUWAGIE, ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des PME et de l'Economie sociale et solidaire. Véronique LOUWAGIE, bonjour.

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Bonjour.

BENJAMIN GLAISE
Et merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio. Vous serez présente ce soir pour la cérémonie, pour la remise des prix. Et puis avec nous également Alain DI CRESCENZO, bonjour.

ALAIN DI CRESCENZO 
Bonjour.

BENJAMIN GLAISE
Et bienvenue sur Sud Radio, vous êtes le président de CCI France, à la tête du réseau des 121 Chambres de commerce et d'industrie du pays. Vous êtes à l'origine de ces Trophées du commerce. Je reviens vers vous dans un instant, mais d'abord un mot avec vous madame la Ministre, situation des commerces en France, leur nombre qui a chuté, 4% entre 2015 et 2020. Est-ce qu'on a réussi ces dernières années à inverser la tendance ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Écoutez, le nombre de commerces a baissé, mais les superficies ont augmenté. Donc il faut aussi mettre en avant ce qui est important. Effectivement, il y a une concurrence difficile qui s'établit, notamment avec l'e-commerce. Mais nous avons des commerçants qui innovent, qui prennent en compte l'ensemble des transformations qui sont demandées. Je pense à tout ce qui concerne les modifications de mode de consommation des consommateurs, également tous les défis numériques, les défis en matière d'environnement qui sont devant nous. Et nous avons des commerçants qui sont innovants, qui sont créatifs, qui sont passionnés. Il est très important de les soutenir, de les accompagner, parce qu'effectivement, ils sont le cœur battant de notre économie locale, de nos territoires, les structures. Ces commerces…

BENJAMIN GLAISE
C'est la vitalité même de nos territoires, de l'ensemble de nos territoires.

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Oui. Vous avez raison, cela structure nos villes, c'est un lien social important. Et derrière, ce sont des emplois. Le commerce au total, c'est 3,4 millions de salariés, commerce de détail et commerce de gros. Donc effectivement, il y a des modifications, il y a des transitions qui s'opèrent. Mais je remarque que les commerçants se saisissent de ces opportunités. Ils sont créatifs, ils sont inventifs. Et en tout cas, nous sommes là pour les accompagner. Il y a différentes dispositions. Au niveau de l'État, je pense à tout ce qui concerne le soutien au commerce rural, où l'État vient de remettre 4 millions d'Euros pour soutenir des initiatives, financer. Ce sont 900 000 Français qui ont pu bénéficier de ce dispositif. Je pense également au dispositif manager de commerce, manager de centre-ville. Ce sont 110 territoires qui vont pouvoir profiter de ce dispositif. Et puis nous travaillons sur un certain nombre de sujets. Je pense à tout ce qui concerne la reprise des entreprises, et notamment la reprise des commerces. C'est un enjeu.

BENJAMIN GLAISE
On y reviendrait effectivement, c'est un enjeu très important pour l'ensemble de nos commerces.

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Tout à fait.

BENJAMIN GLAISE
Ça veut dire que malgré le contexte, malgré cette guerre tarifaire avec les États-Unis et la Chine, malgré cette concurrence accrue de la part des plateformes de e-commerce, notamment asiatiques, vous restez tout de même optimiste aujourd'hui, madame la Ministre.

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Oui, je reste optimiste. Certes, c'est difficile, mais il y a des chiffres qui sont devant nous. Nos commerçants sont résilients, en fait. Il y a une certaine forme de résilience, et je pense qu'il faut les accompagner. Il y aura d'autres mesures également. Je pense à tout ce qui concerne le «Made in France» que nous allons promouvoir. Et tous ces dispositifs doivent aussi être travaillés avec les élus locaux. Moi, je crois beaucoup à la synergie entre les élus locaux, parce que les difficultés ne sont pas forcément les mêmes entre une grande métropole, une commune en ruralité, dans des zones urbaines.

BENJAMIN GLAISE
Et les maires sont les mieux placés, sans doute, justement pour faire en sorte qu'on ait cette vitalité du commerce en France.

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Oui, je crois beaucoup à cette association entre les élus locaux, les associations, unions commerciales et les commerçants eux-mêmes. Et ensemble, réussir à, je dirai, trouver les alternatives, trouver les bonnes solutions. Les situations peuvent être différentes au niveau de la circulation, au niveau de tout ce qui concerne le stationnement. Il peut y avoir des soutiens. On voit des collectivités qui, aujourd'hui, d'ailleurs, investissent pour soutenir leur commerce, avec des foncières qui peuvent exister. Je vois dans la région de Normandie, il y a une foncière qui s'est mise en place pour soutenir et venir en aide pour acquérir l'immobilier. Vous voyez donc ce sont ces initiatives, en tout cas, que, demain, je vais lancer également dans le cadre du Conseil national du commerce, avec une charte ville-commerçante, pour effectivement pouvoir répondre à ces enjeux, mais les adapter. Vous voyez, il ne s'agit pas de définir de manière verticale ce que nous, nous pouvons proposer. Il s'agit de faire participer les acteurs pour apporter les bonnes solutions.

BENJAMIN GLAISE
Alain DI CRESCENZO, je rappelle, président de CCI France, qui organise ces Trophées du commerce. Vous partagez l'optimisme ici de la ministre ?

ALAIN DI CRESCENZO 
Je le partage, parce qu'on a des chiffres qui corroborent ce que vient de dire la ministre. C'est qu'en 2023, c'était un peu compliqué. On a eu une petite régression à la fois en chiffre d'affaires et en volume. 2024, donc on a une progression en chiffre d'affaires. Et le premier trimestre 2025 est plutôt positif. Alors ce n'est pas de la grande croissance, c'est entre 0 et 1%. Mais, en tout cas, si vous voulez, c'est de la croissance. Et puis, je confirme, nos commerçants…

BENJAMIN GLAISE
Ça dénote une dynamique, en tout cas.

ALAIN DI CRESCENZO 
C'est une dynamique, ça veut dire qu'ils ne lâchent rien. On parlait de résilience, ils ne lâchent rien. Et puis quand on a la chance d'avoir ce tissu de commerçant qui veut se battre, nous, on est là pour les accompagner, ce qu'on fait au quotidien…

BENJAMIN GLAISE
Avec l'ensemble des Chambres de commerce et d'industrie, cette volonté de promouvoir les innovations, les initiatives qui sont mises en place dans un certain nombre de commerces, un peu partout en France. C'est l'objectif aussi de ces Trophées du commerce. Quel type d'innovation on a, par exemple, parmi les candidats présents sur cette finale ?
ALAIN DI CRESCENZO

Je vous ai écouté ce matin, juste avant mon émission, j'ai écouté la bijouterie Dominique Garcia, je crois que c'est celle-ci. Vous avez vu, c'est la digitalisation, c'est la façon de choisir des fournisseurs, d'avoir des créateurs. Tout ça, c'est une partie de l'innovation. Il y a deux types d'innovation. Vous avez de l'innovation technique ou technologique. Et après, vous avez une autre innovation qui n'est pas assez utilisée dans notre pays, c'est la non-technologique. C'est l'accueil, c'est ma vitrine, c'est comment je communique, etc. Et donc vous apercevez que…

BENJAMIN GLAISE
Ça, ça a toujours été le cas, ça a toujours été un enjeu. Qu'est-ce qui change justement là-dessus sur, je dirai, récemment aujourd'hui ?

ALAIN DI CRESCENZO 
Ce qui change, c'est l'attention compétitive, la concurrence. Je vous disais qu'on peut être positif, ceci dit qu'on est entre 0 et 1% de croissance, ce n'est pas comme 10% de croissance depuis plusieurs années. 10% de croissance depuis plusieurs années, c'est le commerce en ligne. Donc il y a une véritable compétition. Il y a une compétition, on doit se le dire, entre le commerce de nos centres villes et le commerce de périphérie, il faut se le dire, entre les gros et les petits. Et là-dessus, si vous voulez, ce qu'on essaie de faire, nous, Chambre de commerce et de l'industrie, avec les dispositifs de l'État, c'est faire en sorte que chacun puisse vivre. Parce qu'il ne faut pas oublier la chose suivante, je crois que vous l'avez citée. Donc si vous avez un no commerce land, c'est un no man's land. Assurément. Ça veut dire que le dernier commerce qui quitte votre centre-bourg ou votre village, c'est la vie du village qui meurt. Et donc on a cette problématique…

BENJAMIN GLAISE
C'est ce qu'on a pu observer avec des centres villes désertées où on avait de moins en moins de commerce, des villages aussi où les commerçants devaient fermer boutique. On a l'impression quand même qu'on a une tendance inverse aujourd'hui, avec des commerces qui réinvestissent les villages, avec des commerces qui reviennent dans les centres villes aussi.

ALAIN DI CRESCENZO 
Vous savez, il y a un événement dont on doit tous se souvenir. C'est le Covid. Ça a changé les états d'esprit. Ça a changé la façon de voir les choses, l'envie de faire du commerce de proximité, l'envie de travailler à un circuit court. Et nous, ce qu'on essaie de faire, c'est de rebondir là-dessus. Parce que ce qui arrive une fois, je ne le souhaite pas, pourra arriver. Et donc il faut qu'on capitalise sur la proximité. La proximité, c'est la vie. D'ailleurs, le commerce, c'est la vie. Et ça sera sans doute le grand jingle qu'on pourra voir ce soir.

BENJAMIN GLAISE
Et ben voilà, c'est important aussi de le dire. Tout simplement, l'innovation n'est pas réservée aux grands commerces. L'innovation n'est pas réservée aux grandes villes. On a aussi des commerces qui innovent dans nos villages, dans nos centres-bourgs notamment, vous le disiez aussi.

ALAIN DI CRESCENZO 
Oui, et sur nos marchés aussi, sur nos marchés de plein vent. J'ai vu le parcours du client sur un marché de plein vent. C'est assez innovant. On le voit sur des petits centres commerciaux, en centre-ville des centres-bourgs. Par exemple, chez moi, je l'avais cité, j'ai un petit hôtel-restaurant qui s'appelle la Sainte Germaine qui est à Pibrac, qui fait des petites soirées, tapas, le week-end. Ça fait venir des gens. On voit des matchs de rugby, un peu moins de foule chez moi à Toulouse. Et donc si vous voulez, ça crée de l'ambiance. Et surtout, ça crée le lien social. Vous apercevez que pour nos plus anciens, si vous voulez, le fait de garder ce bar-tabac, ce multiservice que nous avons, ça permet de garder la vie. Ils peuvent venir boire un café. Et donc, tout ça, c'est rassurant. Ça leur fait plaisir. Et surtout, ça les maintient en vie dans nos villes.

BENJAMIN GLAISE
Alain DI CRESCENZO, président de CCI France. Vous restez avec nous, Véronique LOUWAGIE également, ministre chargée du Commerce, de l'Artisanat, des PME et de l'Economie sociale et solidaire. On continue dans un instant de parler de ces Trophées du commerce et de tout un tas d'enjeux qui sont capitaux pour nos commerces. On va parler de transmission, transmission à ses enfants de son commerce. On va parler également, pour le prêt-à-porter, notamment qui connaît une crise sans précédent, de cette proposition de loi contre la fast fashion avec la commission mixte paritaire qui va arriver très rapidement à la rentrée. On va parler de tout cela dans un instant.

(...)

BENJAMIN GLAISE
Les Trophées du commerce avec la remise des différents prix, ce sera ce soir à Bercy. Nous continuons d'en parler avec Véronique LOUWAGIE, ministre chargée du Commerce, de l'Artisanat, des PME et de l'Economie sociale et solidaire. Merci d'être avec nous. Merci également avec Alain DI CRESCENZO, président de CCI France. Avant de parler de politique et des différentes mesures mises en place par le Gouvernement ou prévues par le Gouvernement pour défendre nos commerces, un mot Alain DI CRESCENZO sur la cérémonie, ce soir, ce sera à Bercy. Qu'est-ce qu'on peut attendre de cette cérémonie ?

ALAIN DI CRESCENZO 
Ça va être une grande fête. Ça va être la grande fête du commerce. On aura 21 nominés, 7 nommés ce soir, 3 associations de commerçants et 4 commerçants en fonction des différentes catégories. Et donc ça va être la remise des prix et ça va être l'opportunité de célébrer, de célébrer ce commerce, encore une fois, de proximité et de faire en sorte de donner le moral encore plus à nos commerçants, d'avoir envie de se battre. Et je pense qu'il est important de donner des rôles modèles.

BENJAMIN GLAISE
Donnez des exemples aussi. Voilà. C'est ça. Des modèles.

ALAIN DI CRESCENZO 
Parce que si vous voulez, dans les périodes un peu plus difficiles qu'avant, on peut se le dire. Donc on a besoin d'avoir des modèles. On a besoin d'avoir des images. Et ce soir, on va avoir 21 rôles modèles qui seront là, qui vont nous expliquer, qui vont s'exprimer. Et puis il y aura 7 grands lauréats. Et donc tout ça, ça va donner la fête du commerce. Mais encore une fois, ce n'est pas en un coup. Ce n'est pas one shot, comme on dit. Ça sera chaque année. Et puis on a une petite surprise, puisque vous savez qu'on va continuer à travailler ensemble avec 40 portraits, et justement des rôles modèles que nous aurons.

BENJAMIN GLAISE
Chaque matin, sur Sud Radio.

ALAIN DI CRESCENZO 
Chaque matin, sur Sud Radio.

BENJAMIN GLAISE
Plus de 40 portraits de commerçants, effectivement, pour les mettre en avant.

ALAIN DI CRESCENZO 
Voilà. Donc mettre en avant et venir inspirer. On a besoin d'inspiration.

BENJAMIN GLAISE
Et de modèles, d'exemples. Véronique LOUWAGIE, alors on parle notamment, on parlait beaucoup de l'innovation jusqu'à présent. Il y a aussi la question de la transmission qui se pose. C'est un enjeu majeur pour les commerçants. Certains estiment que c'est trop compliqué, aujourd'hui, de transmettre son commerce à son enfant. Il y a beaucoup, on va dire, d'obstacles qui se présentent dans ce cas-là. Que compte faire le Gouvernement pour faciliter et donc favoriser les cessions d'entreprises au sein de la famille ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Alors, vous avez raison. C'est un vrai enjeu. Puisqu'un commerce sur quatre, dans les cinq ans qui viennent, va se trouver confronté à un sujet de transmission. Donc il nous faut préparer. Il nous faut accompagner, soutenir. C'est la raison pour laquelle, cet après-midi, je lance à Bercy, avec le soutien d'Éric LOMBARD et tout l'écosystème, dont les Chambres de commerce et d'industrie, une première réunion pour lancer, établir une stratégie nationale. Il nous faut anticiper. Les cédants doivent pouvoir être identifiés, accompagnés dans les années qui précèdent la cession. Il faut également organiser un appariement entre les cédants et les repreneurs.

BENJAMIN GLAISE
Concrètement, qu'est-ce qu'il faut envisager dans ce cas-là ? Comment le faire, oui ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE 
Écoutez, aujourd'hui, nous avons une difficulté pour identifier, préparer le cédant dans les cinq années qui précèdent la cession. Et on le sait, cela prend du temps, cela mérite d'établir un certain nombre de diagnostics, d'orientations. Il faut éviter également que les cédants refusent finalement d'innover, se privent d'investissements dans les dernières années, parce que ça met la transmission en péril. Donc il nous faut préparer tout ça avec les acteurs. Il y a déjà un certain nombre d'initiatives locales qui existent, mais tout ça n'est pas forcément structuré. Et aujourd'hui, il y a des difficultés puisqu'aujourd'hui, une entreprise sur deux n'est pas reprise. Une entreprise sur deux donc cesse. Il y a des véritables savoir-faire qui existent. C'est un enjeu également à certains niveaux de souveraineté industrielle. Et puis il y a des emplois. Et c'est également, nous en parlions, la vitalité de nos territoires. Parce que ces entreprises, ces commerces, ils participent à structurer la ville, ils participent à établir le lien social. Donc il y a un véritable enjeu. Nous allons donc travailler tous ensemble pour établir cette stratégie nationale, faire des propositions et identifier aussi localement pour que les cédants puissent savoir à qui s'adresser. Parce que quelquefois, il peut y avoir aussi une multitude d'acteurs et tout ça va permettre d'établir, d'éclairer et d'apporter une réponse structurée aux cédants et aux repreneurs.

BENJAMIN GLAISE
C'est la question de la simplification qu'on attend dans beaucoup de secteurs et notamment dans celui-ci.

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Oui, tout à fait. Vous avez la question de la simplification. Il y a aussi la question de l'accès au financement. Parce que nous savons que dans un certain nombre de cas, l'accès au financement est un frein. Donc, nous devons apporter des réponses. Il y a par exemple… Moi qui suis ministre également de l'Economie sociale et solidaire, je pense à tout ce qui concerne les SCOP qui ne sont pas forcément toujours utilisées. Le cédant n'a pas forcément l'idée que cela pourrait être ses salariés qu'au travers une SCOP, puissent reprendre l'entreprise. Or ces savoir-faire existent en interne. Et aujourd'hui, nous le savons d'ailleurs, beaucoup de Français ont un tempérament entrepreneurial. Donc, il faut aussi peut-être soutenir ces démarches qui concernent les salariés.

BENJAMIN GLAISE
Il y a une petite musique qui revient beaucoup en ce moment, madame la ministre. Ça concerne le pacte DUTREIL, niche fiscale qui permet d'exonérer d'impôts, 75% de la valeur transmise. On parle ici des transmissions d'entreprises familiales. Beaucoup demandent a réformé ce pacte. Est-ce que c'est envisagé de votre côté ou est-ce que c'est hors de question ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Alors, je le dis, j'ai eu l'occasion de l'annoncer à l'événement Impact PME organisé par la CPME il y a 15 jours. Et Éric LOMBARD a eu l'occasion de le redire, le pacte DUTREIL sera préservé. Et moi, je le soutiens de manière très importante parce qu'aujourd'hui, c'est un outil fiscal.

BENJAMIN GLAISE
Donc pas de plafonnement. Certains disent que c'est une mesure assez injuste puisqu'il n'y a pas de plafonnement. Pas de plafonnement prévu ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Écoutez, vous savez, en France, nous avons beaucoup moins d'ETI, donc de grandes entreprises, qu'en Allemagne. Nous savons que pour transformer une entreprise de PME en ETI, il faut 21 ans. Et nous savons qu'à chaque fois qu'il y a une transmission, une transmission qui coûte ; cela prive l'entreprise d'investissement derrière et cela la prive de développement. Donc, il nous faut soutenir tout ce qui peut aller en faveur du développement, de la transmission et du maintien des entreprises. Et derrière, ce sont aussi les maintiens des emplois. Donc, le pacte DUTREIL doit être préservé et il sera préservé, je vous le dis ici. Cela a été annoncé. Et aujourd'hui, nous avons un outil fiscal. Nous n'avons pas beaucoup d'outils fiscaux favorables à la transmission. Celui-ci en est un. Et en tout cas, moi, je le défendrais, je dirais bec et ongles. Et je sais qu'Éric LOMBARD a annoncé qu'il sera préservé. Donc, cela peut rassurer l'ensemble des chefs d'entreprise.

BENJAMIN GLAISE
Venons-en, Véronique LOUWAGIE, à cette proposition de loi contre la mode ultra éphémère. C'est ce qu'on appelle la fast fashion. Au départ, elle devait cibler les plateformes asiatiques de type SHEIN, TEMU, AliExpress. Certains redoutent aujourd'hui que des enseignes françaises soient également frappées. Est-ce que ce sera le cas ? Est-ce qu'avec cette loi, des entreprises françaises devront payer des pénalités financières ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Alors, cette proposition de loi de fast fashion a vocation à, je dirais, s'attaquer à la concurrence déloyale. Nous ne sommes pas défavorables à ce qu'il y ait de la concurrence, d'ailleurs, comme l'a dit Alain Di CRESCENZO. Mais tout ce qui est concurrence déloyale, c'est-à-dire que lorsqu'il y a des pratiques industrielles et commerciales qui ne respectent pas nos règles, cela doit être mis en cause. Et c'est l'objet de cette proposition de loi fast fashion pour s'attaquer aux plateformes asiatiques, il faut le dire. Donc, effectivement, aujourd'hui, il y a un risque suivant la définition du malus que certaines entreprises qui produisent…

BENJAMIN GLAISE
Malus écologique en l'occurrence.

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Voilà… de la fast fashion puissent être retenues. Je m'en suis entretenue avec un certain nombre d'acteurs. L'objectif est véritablement de s'attaquer à l'ultra fast fashion. C'est l'objectif, nous allons retravailler avec les acteurs, avec ma collègue Agnès PANNIER-RUNACHER qui a pris en compte aussi cet élément, pour faire en sorte que nos entreprises françaises soient préservées. C'est l'objet, en tout cas, de cette proposition de loi.

BENJAMIN GLAISE
Donc, vous pouvez garantir que ces entreprises françaises, notamment dans le prêt-à-porter, avec cette inquiétude qu'il y a, contexte très compliqué, elles seront préservées ? Pas de pénalité financière dans le cadre de cette loi ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Nous allons travailler ensemble pour une définition qui fasse que ces entreprises soient préservées et qu'on ne s'attaque pas à ces entreprises.

BENJAMIN GLAISE
Vous allez les recevoir d'ailleurs prochainement ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Oui, je les reçois régulièrement. Et c'est bien normal, parce qu'il y a un véritable enjeu en matière de textile. Je rappelle qu'aujourd'hui, 22% des colis de LA POSTE concernent deux plateformes, alors que c'était simplement 5% il y a 5 ans. Donc, il y a un vrai enjeu sur le textile et nous devons faire en sorte que nos fabrications, nos productions françaises européennes, qui respectent les règles, nos commerçants, puissent être protégés. En tout cas, c'est l'enjeu et je suis déterminée à les aider, les soutenir dans ce sens.

BENJAMIN GLAISE
Le PDG de CARREFOUR, Alexandre BOMPARD, qui veut instaurer une taxe à la TRUMP. Il appelle à la création d'une taxe sur les petits colis en provenance de Chine à hauteur de 100% de leur valeur. Est-ce que vous êtes favorable à cela, madame la ministre ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Écoutez, la France a porté, dès le début de l'année 2025, au niveau de la Commission européenne, une demande pour revoir le seuil d'exemption des droits de douane qui existe sur les colis de faible valeur jusqu'à 150 Euros. La Commission européenne a accepté de revoir ce dispositif, qui normalement était prévu jusqu'en 2028, à l'aune de 2026 et a également envisagé d'établir un dispositif de frais de gestion sur ces colis. Donc ça, c'est en cours de travail au niveau de la Commission européenne. Ensuite, ce sujet doit être travaillé au niveau européen, c'est ça qui est important et donc nous devons, ensemble…

BENJAMIN GLAISE
Une taxe de 2 Euros pour chaque petit colis d'une valeur de moins de 150 Euros, c'est suffisant selon vous ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Et déjà, mettre des droits de douane derrière. Moi, je réfléchis également à la mise en place de frais de gestion qui pourraient exister là, au niveau français pour financer les contrôles de régularité et de conformité qui sont opérés par la DGCCRF, puisqu'aujourd'hui ces contrôles sont uniquement financés par, je dirais, les citoyens français, les ménages et les entreprises françaises. Il faut que nous travaillions au niveau européen et effectivement atteindre aussi ces plateformes au travers d'autres procédés, tout ce qui concerne le numérique. Est-ce que ces plateformes respectent bien toutes les règles du DSA ? Voilà, la Commission européenne s'est saisie de ce sujet à l'initiative de la France avec d'autres pays et aujourd'hui la plateforme SHEIN doit répondre à un certain nombre d'injonctions qui ont été formulées par la Commission européenne. Je rappelle par ailleurs que suite à une enquête conduite par la DGCCRF, la plateforme SHEIN a été condamnée la semaine dernière à une amende de 40 millions d'Euros en constatant que sur les offres de réduction de promotion qui étaient proposées, 57% de ces offres n'étaient en fait aucune offre de réduction ni de promotion ; 19% de ces offres proposaient finalement des offres moindres que celles qui étaient annoncées et que 11% qui étaient proposées comme des offres étaient en fait des augmentations de prix. C'est-à-dire que 87% des promotions et des annonces faites par cette plateforme n'en étaient pas. J'alerte les consommateurs d'être relativement prudents vis-à-vis d'un certain nombre d'offres de promotion qui sont effectuées par ces plateformes.

BENJAMIN GLAISE
Alain Di CRESCENZO, je rappelle, vous êtes président de CCI FRANCE. Difficulté en ce moment en termes de contexte, incertitude. C'est le maître mot aujourd'hui pour les commerces avec notamment cette question du budget. On devrait connaître le 15 juillet prochain les grandes lignes, les grandes orientations de ce budget à venir. Cette incertitude, les commerçants s'y habituent ou pas ?

ALAIN DI CRESCENZO
On doit vivre avec l'incertitude, vous savez. Ça me rappelle un peu les taux d'intérêt. On était habitué à des taux d'intérêt qui étaient relativement bas et inexistants. Ça, c'était sur les 15 dernières années. Si vous regardez, il y a 50 ans, c'est tout à fait différent. Je crois qu'il faut vivre à l'incertitude. Ce qu'il faut, si vous voulez, on en parlait, madame la ministre, c'est qu'à un certain moment, il faut bien sûr nous donner un cap de façon à ce qu'on se prépare. Mais je crois qu'il faut être habitué à vivre avec cette incertitude. Regardez, TRUMP, c'est une incertitude. Regardez les conflits géopolitiques aujourd'hui que nous avons, c'est de l'incertitude. Il faut vivre avec. Si quand vous avez de l'incertitude, vous arrêtez de travailler, c'est fini. Donc on doit gérer ce risque d'incertitude. Je vais peut-être revenir, si vous êtes d'accord, sur la transmission reprise et sur les enjeux. Sur la création d'entreprises, on a créé 1 million d'entreprises l'an dernier, c'est 300 000 emplois sur 10 ans. La transmission reprise, c'est 700 000 emplois sur une période de 5 ans. Donc il y a des enjeux qui sont fondamentaux. Revenir peut-être sur le commerce inégal… Parce que c'est ça dont on parle, l'inégalité. Il y a un facteur que je voudrais souligner, c'est le temps. On n'a pas le temps. J'ai bien compris l'Europe, j'ai bien compris ce qu'on veut faire, nous, d'un autre côté, mais sachez que nos commerçants dans cette zone d'incertitude, de difficulté, n'ont pas le temps. Donc il faut agir très vite. Moi, je pense que ce n'est pas un forfait qu'il faut mettre en termes de « pénalités ou taxes », c'est un pourcentage. Et BOMPARD a raison, un pourcentage… Parce que quand vous avez des produits qui coûtent 8 Euros, 2 Euros de plus, ce n'est pas sensible. Vous voyez ce que je veux dire ? Donc si par contre, c'est un pourcentage, je pense qu'on peut retrouver un petit peu plus de marge de manœuvre.

BENJAMIN GLAISE
Véronique LOUWAGIE, une réaction là-dessus, rapidement ?

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Ecoutez, il faut retravailler. Je rappelle que sur la proposition de loi fast fashion, c'est un montant qui la première année serait un malus de 5 Euros, qui augmenterait d'un Euro par an jusqu'à 10 Euros, avec un plafonnement à 50% du produit. Donc déjà, si nous avons les frais de douane, si nous avons des frais de gestion au niveau européen, si nous avons ce malus français, je pense qu'on peut corriger cette concurrence déloyale. Parce que c'est sur cette concurrence déloyale, sur ces différences de pratiques industrielles et commerciales, qu'il faut effectivement intervenir et se battre.

BENJAMIN GLAISE
Merci beaucoup Véronique LOUWAGIE.

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Merci.

BENJAMIN GLAISE
Je rappelle que vous êtes la ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des PME, de l'Economie sociale et solidaire. Merci à vous aussi Alain Di CRESCENZO, président de CCI FRANCE, la CCI qui est à l'origine des trophées du commerce. Les lauréats, dévoilés ce soir, à l'occasion d'une cérémonie à Bercy. On aura l'occasion d'y revenir sur Sud Radio. Sud Radio partenaire de cet événement avec les commerçants qui seront mis à l'honneur tout au long de cet été avec une quarantaine de portraits de commerçants à découvrir jusqu'à la fin du mois d'août. Merci à vous deux et très bonne cérémonie ce soir.

VÉRONIQUE LOUWAGIE
Merci.

ALAIN DI CRESCENZO
Merci. Et vive le commerce !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2025