Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à RMC Info le 25 juillet 2025, sur l'annonce par le président de la République de la reconnaissance de l'État palestinien, la pétition des opposants à la loi Duplomb, la vie politique et MaPrimeRénov'.

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Média : RMC Info

Texte intégral

MATTHIEU BELLIARD
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Matthieu BELLIARD.

MATTHIEU BELLIARD
Soyez là, bienvenue. Vous êtes la ministre de la Transition écologique. On a beaucoup de sujets à évoquer ensemble. Mais d'abord, une réaction à l'annonce d'hier soir. La France va reconnaître la Palestine au mois de septembre prochain. C'est ce que dit Emmanuel MACRON. Vous dites quoi ? Il était temps ? Est-ce que ça change vraiment quelque chose ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dis qu'il avait dit qu'il le ferait, et il le fait. Donc, on est parfaitement dans cette volonté de la France d'être un acteur d'une solution. Il faut d'abord un cessez-le-feu. Il faut rechercher la paix et il faut une solution durable. Et effectivement, nous prenons nos responsabilités face à une situation où les Gazaouis sont dans une situation dramatique. Et je le redis : ça n'enlève rien à la condamnation des atrocités qui ont été commises le 7 octobre.

MATTHIEU BELLIARD
Oui, mais vous entendez Israël qui dit ce matin que c'est un crime au terrorisme.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça n'enlève rien à la condamnation des atrocités du 7 octobre. Ça n'enlève rien à la condamnation du Hamas, que nous avons toujours faite. Et ça n'enlève rien au fait que nous reconnaissions le droit à Israël de se défendre, lorsque ce pays est attaqué. Et au fond, ce que nous disons, c'est que les populations ne peuvent pas être prises en otage par cette situation dramatique. C'est une situation complexe. Nous prenons nos responsabilités et nous agissons continuellement par la voie diplomatique pour arriver à trouver les voies d'un cessez-le-feu, les voies de la paix et les voies d'une solution durable. Et notre position constante sur une solution durable, c'est une solution à deux États. Jean-Yves LE DRIAN le dit déjà lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères, et nous continuons à porter cette vision.

MATTHIEU BELLIARD
Aujourd'hui, la pétition qui rassemble les opposants à la loi Duplomb pourrait atteindre les 2 millions de signatures dans le week-end, certainement. C'est indéniable, c'est un immense succès contre cette loi qui permet le retour de pesticides, jusqu'alors interdits. Personnellement, Agnès PANNIER-RUNACHER, est-ce que vous vous réjouissez du succès de cette pétition ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je le redis, puisque c'est la position constante que j'ai parlée, et quand j'étais en charge de l'agriculture et aujourd'hui, quand je suis en charge de la transition écologique, à titre personnel, je suis contre la réintroduction de ce pesticide, puisqu'on parle en réalité...

MATTHIEU BELLIARD
Vous avez varié en position là-dessus.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je n'ai jamais varié.

MATTHIEU BELLIARD
Ce n'est pas vous qui lanciez une évaluation de la faisabilité de la réintroduction de la molécule, avec Marc FELIN ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, alors, absolument pas. Absolument pas. J'ai toujours été constamment contre la réintroduction de cette... Et je me suis d'ailleurs battue pour trouver des solutions alternatives. C'est moi qui ai donné une dérogation. 500 hectares, ça n'avait jamais été fait en France, sur une alternative de bio-contrôle qui s'appelle Agriotor, qui n'est pas aussi efficace que l'acétamipride, mais qui permet quand même de réduire la présence de la jaunisse sur la betterave, puisque c'est ce sur quoi on lutte. Pour revenir à la pétition, pour être très simple, moi, j'ai été contre cette réintroduction. Le Gouvernement a d'ailleurs déposé un amendement de suppression de cet article qui réintroduisait l'acétamipride, il faut le dire aussi, hein. Le Gouvernement avait une position ferme sur le sujet. Nous avons été battus. Et donc, nous avons négocié. Et donc, nous avons négocié. Derrière…

MATTHIEU BELLIARD
Est-ce qu'Emmanuel MACRON doit renoncer à promulguer la loi devant ce succès populaire de la pétition ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un fait politique, cette pétition. Il y a plus de signataires de cette pétition, et je rappelle que c'est une pétition qu'on signe en donnant ses coordonnées d'identité, hein. Il faut se…

MATTHIEU BELLIARD
C'est une pétition officielle qui, à partir de 500 000 signatures, engage l'Assemblée à organiser un débat. Au-delà de la pétition, vous avez 400 chefs cuisiniers et acteurs de…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour aller sur la pétition, ce sont des citoyens adultes qui doivent communiquer leur carte d'identité pour signer. Donc, c'est une pétition sérieuse qui rassemble plus de personnes que la candidate présidentielle aux dernières élections présidentielles. Donc, c'est un fait politique. Et il faut l'entendre. Moi, je souhaite qu'on organise un débat, mais je souhaite aussi qu'on organise un débat qui soit réellement basé sur la science. Ces dernières semaines, on a tout raconté. On a raconté n'importe quoi sur ce qu'il y avait dans cette loi Duplomb. Cette loi Duplomb, ce n'est pas une loi qui va sauver l'agriculture française, d'un côté, caricature de ceux qui la soutiennent, ou qui va effondrer la biodiversité, de l'autre, caricature de ceux qui sont contre. Et moi, je veux vraiment manifester mon soutien aux Députés, parce que les députés qui ont voté contre la loi Duplomb sont aujourd'hui attaqués dans leur permanence. Et les Députés qui ont voté pour la loi Duplomb sont aujourd'hui attaqués dans leur permanence.

MATTHIEU BELLIARD
J'entends bien, mais ils ont la charge de la loi, les Députés. Et aujourd'hui... Non, mais je l'ai dit, parce que vous avez évoqué un truc qu'il faut souligner.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais cette violence... Pardon Matthieu BELLIARD. Cette violence, elle est inacceptable.

MATTHIEU BELLIARD
Et condamnable.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut accepter le compromis et la discussion. Et il faut que ce compromis se fasse sur des faits réels, sur de la science réelle. Ce n'est pas tout blanc et pas tout noir.

MATTHIEU BELLIARD
Ce n'est pas tout blanc, pas tout noir. Cela dit, Annie GENEVARD, je retiens qu'avec Malice, vous avez souligné qu'il y a plus de signataires à la pétition que de voix qui se sont portées sur Valérie PECRESSE à la dernière présidentielle. Annie GENEVARD, qui vient des LR, justement, ministre de l'Agriculture, dit que la loi sera promulguée de toute façon. Dans votre camp, on a entendu qu'on allait solliciter l'ANSES. L'ANSES qui a déjà répondu à deux reprises sur la question de l'acétamipride, et qui avance aussi avec l'INRAE, des alternatives. On a des solutions alternatives, on a des réponses de la science. Est-ce qu'il faut renoncer à promulguer cette loi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, encore une fois, les institutions sont ce qu'elles sont. C'est-à-dire que nous n'avons pas le droit de renoncer à promulguer cette loi. C'est un vote qui... Moi, je le regrette ce vote.

MATTHIEU BELLIARD
Le Président de la République peut la remettre en débat à l'Assemblée, en délibération ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais face à une Assemblée qui a choisi de voter dans cette direction-là. C'est-à-dire que vous reprenez les mêmes et ça recommence. Nous attendons la décision du Conseil constitutionnel. Ça, c'est très clair. La décision du Conseil constitutionnel, puisque certains disent que cette loi serait inconstitutionnelle. Moi, je pense que le Conseil constitutionnel, je n'ai pas à me mettre à sa place, mais je pense qu'il pourrait avoir des réserves d'interprétation. Expliquer, justement, toutes les limites qui ont été mises à cette réintroduction. Comment il faut les interpréter, pour s'assurer que ce soit des limites très restrictives. C'est une voie possible. Et puis, ensuite, la deuxième voie ; moi, j'appelle de mes voeux qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale. Que ce débat soit effectivement, vous mentionnez, les travaux de l'ANSES éclairés par l'ANSES. Qu'on arrête d'opposer, d'un côté, l'effondrement de l'agriculture. Ce n'est pas vrai. Les rendements de la betterave, l'année dernière, étaient plutôt bons. Et de l'autre côté, qu'on oppose en disant qu'on soit froid, clinique, avec les vrais faits scientifiques. Et qu'on soit capable de trouver des compromis.

MATTHIEU BELLIARD
A suivre donc avec le Conseil constitutionnel au mois d'août.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les Français attendent, de notre part, de trouver des compromis qui soient entre la biodiversité, leur santé et la capacité des agriculteurs à produire.

MATTHIEU BELLIARD
En parlant de compromis et de tête froide, Agnès PANNIER-RUNACHER, c'est comment l'ambiance au Conseil des ministres, mercredi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il n'y avait pas besoin de climatisation.

MATTHIEU BELLIARD
On va se dire les choses franchement, et aller dans le sujet politique les deux pieds dedans… Quand il dénonce l'impuissance du macronisme qui ne survivrait pas à 2027, est-ce que Bruno RETAILLEAU a encore sa place au Gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça, c'est au Premier ministre et au Président de la République de le décider. Moi, ce que je vais dire avec beaucoup de solennité, je ne m'attendais pas à être d'accord sur tout avec Bruno RETAILLEAU. C'est la démocratie. Il vient d'un parti qui est différent du bien, et c'est naturel de ne pas être d'accord sur tout. Mais ça fait sept ans que je suis dans des gouvernements différents, et ça fait sept ans que j'arrive à trouver, avec Les Républicains, avec les Socialistes, avec les Communistes, des voies de passage, des accords sur des textes, de manière un petit peu taquine aussi, typiquement. Au Sénat, nous avions réussi à embarquer les Républicains sur la loi d'accélération des énergies renouvelables, et cette loi avait été à quasi-unanimité au Sénat.

MATTHIEU BELLIARD
Ils ont changé d'avis, les LR. Vous avez remarqué ? Bruno RETAILLEAU et quelques cadres des LR justement…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je regrette aujourd'hui, c'est qu'on tombe dans la caricature de position. Caricaturer les enjeux, c'est refuser les affaires. Et quand on dit que le " en même temps " n'est pas une voie, moi je pense au contraire que le " en même temps " c'est justement assumer le débat. C'est assumer le compromis. Non mais c'est très important…

MATTHIEU BELLIARD
Pour aller sur vos sujets, Bruno RETAILLEAU ne pense pas qu'on puisse en même temps développer le nucléaire et le renouvelable, par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Typiquement, opposer le nucléaire et le renouvelable ne nous mène nulle part. On a bien vu que ceux qui ont condamné le nucléaire nous ont mis dans une impasse énergétique. Je suis la ministre qui est allée relancer le nucléaire, qui est allée négocier le nucléaire au niveau européen, qui a eu une grande victoire en matière diplomatique à l'Europe, où pour la première fois depuis 20 ans, on reconnaissait la place du nucléaire pour lutter contre le règlement climatique. Donc on ne peut pas m'accuser d'être anti-nucléaire. Mais je suis désolée, les faits sont têtus. L'Agence Internationale de l'Énergie l'explique clairement. Nous avons aussi besoin de renouvelables, parce que ce qui est devant nous, c'est l'Annapurna de la sortie des énergies fossiles. Sortir des énergies fossiles c'est en plus gagnant économiquement pour un pays qui n'a aucune réserve en énergie fossile, qui n'a ni gaz, ni pétrole. Donc c'est améliorer notre balance commerciale, c'est être maître du prix de nos énergies, là où nous sommes dépendants du prix du gaz et du prix du pétrole, et on l'a vu ces derniers mois, et c'est bon pour l'économie, c'est bon pour l'écologie. Pourquoi on va chercher de vains combats, de vaines polémiques, pour créer ces clashes que ne supportent plus les Français ?

MATTHIEU BELLIARD
Ce sont de vaines polémiques alimentées par Les Républicains en l'occurrence.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les Français ont fait le choix, aux législatives, de ne donner l'autorité à personne. Ce qui veut dire qu'ils nous ont demandé d'être capables de trouver du compromis. Et le " en même temps ", le macronisme, c'est précisément cette capacité à mettre autour de la table des gens de gauche, des gens de droite, et à trouver des compromis. Et je suis désolée, mais c'est beaucoup plus responsable politiquement que de se mettre sur ses ergots, d'employer des mots qui claquent et de caricaturer ce que sont les débats politiques. Nous n'avons pas besoin de ça, nous avons besoin de cohésion nationale. Ce type de comportement est une atteinte à la cohésion nationale de notre pays.

MATTHIEU BELLIARD
Agnès PANNIER-RUNACHER, on a entendu les 44 milliards d'Euros d'économies, d'efforts réclamés par François BAYROU. On parle très souvent, à juste titre, du trou de la dette. On ne parle pas du mur d'investissement qui nous attend, la rénovation thermique, le changement climatique auquel il faut s'adapter, les intempéries, à chaque fois il faut remettre de l'argent au pot. Il n'y a plus d'argent pour le climat quand on est endetté ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, comme vous avez pu le voir dans la maquette budgétaire, le budget de l'écologie continue à progresser. Il progresse très légèrement. On a des besoins énormes, c'est certain, mais le Premier ministre a fait le choix de ne pas sacrifier le budget de l'écologie. Mais je suis très consciente que nous avons besoin de tous faire des économies. Et moi j'ai fait des économies dans tout ce qui était, au fond, notre train de vie. On se serre la ceinture, mais ce que je veux préserver et ce que j'ai pour le moment préservé, c'est toutes les mesures qui permettent aux Françaises et aux Français de pouvoir rénover leur logement, changer de voiture, passer à un autre mode de transport. Je pense que c'est essentiel de porter cette écologie populaire.

MATTHIEU BELLIARD
Vous dites ça, pardon mais MaPrimeRénov' a été suspendue. Le bonus auto a été abaissé…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, c'est faux. MaPrimeRénov' sur les monogestes continue. Elle n'a jamais été suspendue. Je le dis parce que c'est le plus grand nombre de dossiers. Et j'en ai assez, là aussi, qu'on caricature l'action du Gouvernement. MaPrimeRénov' rénovation globale redémarre le 30 septembre. Pourquoi ? Parce que nous avons repéré 5 000 dossiers de fraude et que les Français nous reprocheraient précisément de mal utiliser l'argent avec la fraude.

MATTHIEU BELLIARD
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci à vous.

MATTHIEU BELLIARD
Merci d'avoir répondu à nos questions en direct ce matin sur RMC, la ministre de la Transition écologique en direct avec nous. Il est 8 h 50.


source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2025