Texte intégral
Q - On va partir à New York. Nous sommes en direct avec le ministre français des affaires étrangères. Bonsoir Jean-Noël Barrot. Merci d'être avec nous. Tout d'abord, une première question, une première réaction officielle de la France à cette annonce du Premier ministre britannique qui envisage donc une reconnaissance d'un État palestinien.
R - Le Royaume-Uni se joint à l'élan créé par la France, par la décision capitale du Président de la République. Et ce faisant, il contribue à enrayer un cycle infini de violence, à recréer les possibilités d'une paix durable. C'est ce que nous cherchions à provoquer. Nous sommes très satisfaits d'avoir obtenu ce résultat.
Q - Jean-Noël Barrot, une question de Thierry Arnaud, éditorialiste international BFM TV.
Q - Bonsoir, Monsieur le Ministre. Vous avez expliqué que vous attendiez de cette conférence, qui se déroule depuis deux jours à New York, non seulement un élan diplomatique, mais également des résultats concrets. Quels résultats concrets pouvez-vous nous annoncer ce soir ?
R - Nous avons atteint et dépassé les objectifs que nous nous étions fixés. D'abord parce que, je viens de le dire, nous avons créé un élan avec la décision qui vient d'être annoncée par le Royaume-Uni d'envisager la reconnaissance de l'État de Palestine, et d'autres pays emboîtent le pas. Et d'autre part, parce que nous avons obtenu de la part des pays arabes, pour la première fois, des engagements très forts : la dénonciation des crimes du Hamas, l'appel à son désarmement, à son exclusion de toute forme de participation à l'avenir de Gaza et de la Palestine mais aussi leur aspiration à établir des relations normales avec Israël et de s'insérer aux côtés d'Israël et du futur État de Palestine dans une organisation régionale. Bref, nous avons sauvé une perspective politique, la perspective des deux États, qui était en danger de mort.
Q - Mais une conférence, Monsieur le Ministre, sans les Etats-Unis, sans Israël, ça sert à quoi ?
R - Les États-Unis mènent actuellement des efforts que nous saluons et que nous soutenons pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza et la libération de tous les otages du Hamas. Mais il est illusoire de penser pouvoir obtenir un cessez-le-feu durable sans que ne soient dessinés les contours de l'après-guerre à Gaza, sans que ne soit dessiné un horizon politique. Et c'est ce à quoi cette conférence historique aura contribué : créer les conditions d'un avenir, d'une solution politique pour l'après-guerre à Gaza. Par ailleurs, les États-Unis, lors du premier mandat de Donald Trump, avaient, avec les accords d'Abraham, commencé à créer les conditions d'une organisation régionale pacifique. Avec les engagements qui ont été pris par la France, par le Royaume-Uni, par d'autres pays, par les pays arabes, l'Arabie saoudite au premier rang, nous créons les conditions pour que les États-Unis, le moment venu, puissent réamorcer cette logique des accords d'Abraham. Mais en attendant qu'ils le fassent, l'inaction n'était pas une option.
Q - Les largages d'aliments, de médicaments et de biens de première nécessité ont repris dans le ciel de la bande de Gaza depuis quelques jours maintenant. La France, vous l'avez annoncé, va y participer à son tour. Deux questions à ce sujet. Quand, combien, comment, d'abord, sur ces largages ? Et puis, toutes les ONG sont d'accord pour dire que, évidemment, c'est très largement suffisant d'approvisionner la bande de Gaza par les airs. Quand espérez-vous concrètement une véritable ouverture des points terrestres et une véritable reprise, à l'échelle nécessaire, des livraisons de ces biens alimentaires, de ces médicaments, de ces biens de première nécessité dans la bande de Gaza ?
R - Nous organiserons à partir de vendredi, en lien étroit avec les autorités jordaniennes, quatre vols emportant 10 tonnes de vivres chacun dans la bande de Gaza. Comme vous l'avez dit, la voie aérienne est utile, mais elle n'est pas suffisante. Je rappelle que 52 tonnes de frais humanitaires français sont aujourd'hui bloqués à El-Arish, à quelques kilomètres de la bande de Gaza. Il est donc indispensable que les autorités israéliennes consentent enfin à réouvrir les accès terrestres à la bande de Gaza de manière suffisamment significative pour alléger les souffrances atroces des populations civiles sur place. C'est dans cet esprit que l'Union européenne s'est réunie aujourd'hui à Bruxelles pour envisager des mesures restrictives à l'encontre du gouvernement d'Israël tant que ce dernier n'aura pas répondu aux exigences qui ont été exprimées depuis des mois maintenant par l'Union européenne : l'ouverture des accès de l'aide humanitaire, le versement des 2 milliards d'euros qui sont dus par le gouvernement israélien à l'Autorité palestinienne, l'abandon des projets funestes de colonisation, en particulier le projet E1 qui menace de couper en deux la Cisjordanie et donc de porter un coup fatal à l'existence sur le plan territorial du futur État de Palestine.
Q - Une question d'actualité, Monsieur le Ministre, concernant l'accord commercial avec les États-Unis. Vous allez recevoir demain à Bercy, avec votre collègue, ministre de l'économie, les filières concernées. Qu'est-ce que vous pouvez faire concrètement après cet accord qui est intervenu dimanche, entre l'Union européenne et le président américain ?
R - Je l'ai dit à mes interlocuteurs américains, ici à New York, les droits de douane sont un impôt sur les classes moyennes, et notamment les classes moyennes américaines. Et l'unilatéralisme en matière commerciale nous appauvrira de part et d'autre de l'Atlantique. S'agissant des discussions qui ont lieu, elles devront être réajustées pour tenir compte évidemment de l'excédent considérable du commerce entre les États-Unis et l'Europe en matière de services numériques ou de services financiers. Il faudra parvenir à un accord qui puisse être équilibré.
Q - À l'occasion de son voyage en Écosse, le président américain Donald Trump a annoncé qu'il raccourcissait de 10 à 12 jours à partir d'aujourd'hui l'ultimatum lancé à la Russie, c'est-à-dire la date à partir de laquelle s'appliqueront à la Russie et aux pays qui lui achètent du pétrole une série de sanctions et de tarifs douaniers de 100%. Est-ce que vous vous réjouissez de cette évolution de la position américaine ? et dans l'hypothèse que tout le monde considère comme acquise qu'il n'y aura pas d'accord de paix d'ici là, êtes-vous confiant dans le fait que ces sanctions seront mises à exécution et qu'elles auront un effet positif sur la suite de ce conflit ?
R - Je salue la position prise par le président Trump. Je ne suis pas surpris puisqu'il suffit de se pencher sur ce qui s'est passé en Ukraine la nuit dernière encore avec un déluge de fer, de feu, qui a fait plusieurs dizaines de morts en Ukraine, pour s'apercevoir que Vladimir Poutine n'a aucune intention de cesser le feu, aucune intention de négocier une paix durable en Ukraine. Il faut donc l'y contraindre. C'est ce que nous avons décidé de faire il y a deux semaines au niveau européen, en adoptant le paquet de sanctions le plus lourd depuis 2022, qui pour la première fois s'attache à asphyxier les ressources pétrolières bénéficiant à la Russie en provenance de pays tiers. Je souhaite que le président Trump puisse, dans 12 jours, constatant que Vladimir Poutine poursuit sa guerre meurtrière et coloniale en Ukraine, emboîter le pas de l'Union européenne et appliquer à son tour des sanctions massives, seules susceptibles d'alourdir suffisamment le coût de la guerre pour Vladimir Poutine afin qu'il change de position et qu'il consente enfin à un cessez-le-feu.
Q - Merci beaucoup Jean-Noël Barrot d'être intervenu en direct depuis New York sur BFM TV, alors que se referme ce sommet à l'ONU sur une solution à deux États pour le Proche-Orient.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2025