Texte intégral
SEBASTIEN KREBS
Notre invité ce matin : François-NOËL BUFFET. Bonjour.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour.
SEBASTIEN KREBS
Vous êtes ministre auprès du ministre de l'Intérieur, auprès de Bruno RETAILLEAU. On va parler du permis de conduire ce matin. Puisque vous venez de nous dévoiler votre plan pour réduire les délais à l'examen. D'abord, un mot de ce qui s'est passé à Marseille. On en parlait dans le journal. C'était lundi soir. Des policiers assaillis après un refus d'obtempérer. Ils poursuivaient un jeune à scooter sans casque, en plein rodéo urbain. Ils se sont fait percuter par un autre véhicule. La voiture a fait un tonneau. Les images ont été filmées par un riverain. Elles circulent sur les réseaux sociaux. Et des jeunes sont alors arrivés pour jeter des projectiles sur ce véhicule de police. Ça s'est passé dans la cité La Busserine. Qu'est-ce que ces images nous disent du climat qui règne dans ces quartiers ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ces images nous disent et traduisent l'extrême violence dont sont l'objet l'ensemble des forces de l'ordre, les forces de sécurité intérieure, que ce soient les policiers, bien sûr, ou les gendarmes, y compris, d'ailleurs, nos policiers municipaux. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on renforcera, au mois de septembre, leur pouvoir. Mais ils sont la cible permanente. C'est-à-dire que l'autorité n'est plus respectée, l'autorité de la police, l'autorité de la justice, l'autorité des adultes, dans ce monde d'aujourd'hui. Et que l'extrême violence est là.
SEBASTIEN KREBS
Quelques premiers réflexes. Une voiture de police, accident dans le quartier. Le premier réflexe, c'est la caillasser. C'est une haine qui dépasse tout.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est une haine qui dépasse tout. C'est : " Il n'y a plus de limites ". C'est nos limites, en réalité. Et y compris, d'ailleurs, de porter atteinte physiquement à la vie de nos policiers. Donc, cette extrême violence, évidemment, elle doit être combattue. Il n'y a pas de doute de ce point de vue-là, mais elle est toujours présente. Et c'est ça le drame de notre société. Elle est très marquée par l'exemple que vous venez de nous donner, et qu'on a vu, depuis lundi, sur tous les réseaux, malheureusement, elle existe ailleurs. On sait aussi que tout ça est lié, ce n'est peut-être pas le cas particulier, mais est lié à une présence très forte du narcotrafic, des stupéfiants, partout. Les enjeux d'argent sont considérables. Et ces enjeux-là, ils nous amènent à des comportements d'extrême violence, parce que les enjeux financiers sont très forts. Ce n'est pas que ça.
SEBASTIEN KREBS
On est à deux pas, en l'occurrence, ici, à deux pas d'un point de deal. Je précise qu'il y a deux policiers qui ont été blessés dans cet accident. Heureusement sans...
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
A qui il faut apporter notre soutien le plus total, d'ailleurs. Les procédures sont en cours.
SEBASTIEN KREBS
François-Noël BUFFET, on parle donc de ce permis de conduire. Les auto-écoles alertaient depuis des mois d'une crise sans précédent. Pour elles, il faut, aujourd'hui, 6 à 9 mois, parfois, pour avoir une date pour passer son permis. Vous venez, donc, ce matin sur RMC nous annoncer votre plan. Qu'allez-vous faire ? Allez-vous recruter de nouveaux inspecteurs pour réduire ces délais ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui. D'abord, un constat. Le premier constat, c'est qu'il y a un peu plus de 1 800 000 de nos compatriotes qui passent le permis de conduire. Enfin, l'aspect pratique. Sinon, ils sont plus de 2 millions pour le code de la route. Que les délais d'attente entre le passage, le moment où l'on réussit l'examen théorique et l'examen pratique est considérable. En 2024, on est à plus de 80 jours d'attente. Mais je dis bien ça : en moyenne, en moyenne. Ce qui veut dire que dans certains territoires, c'est trois ou quatre mois. Ça peut être parfois plus ou ça peut être moins, mais en moyenne. C'est déjà beaucoup plus important que les années précédentes. Et que, de surcroît, l'autre élément de constat, c'est que nous avons un taux de réussite qui est assez bas, en fait. Simplement 52 % de ceux qui passent le permis de conduire…
SEBASTIEN KREBS
Il y a plus de 40 % d'échec, si on le dit dans l'autre chance.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
40 % d'échec. Ce n'est absolument pas normal. Donc, face à cette situation, quand même, qui concerne surtout les plus jeunes d'entre nous, il faut prendre des mesures d'urgence. C'est pour ça qu'on a un plan en deux temps. Mesures d'urgence : immédiatement, on ouvre 80 000 heures ou 80 000 places d'examen. Ça correspond, si vous voulez donner un chiffre, à un mois de plus, possible, dans l'année, pour passer un permis de conduire ; pour donner une référence. C'est l'embauche de plus de 106 inspecteurs qui viendront... Enfin l'embauche. En tous les cas, le recrutement de plus de 106 inspecteurs plus la mobilisation d'agents détachés qui sont en retraite, plus la création de dix postes supplémentaires pour l'année prochaine.
SEBASTIEN KREBS
Oui. Parce qu'en fait, ces 108 postes dont vous parlez, ce ne sont pas des postes supplémentaires, ce sont des postes qui étaient vacants.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Qui sont en cours de recrutement, effectivement.
SEBASTIEN KREBS
Qui sont en cours de recrutement.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Et dont certains, dont 49, pour être très précis, seront opérationnels dès la fin du mois de septembre prochain.
SEBASTIEN KREBS
Il y a 1 200 inspecteurs aujourd'hui.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est ça. 1 208 exactement.
SEBASTIEN KREBS
Les auto-écoles estiment qu'il en faudrait 200 supplémentaires. On n'y sera pas.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
On n'y sera pas tout de suite. Mais l'urgence fait que... On les aura, en réalité, en pratique, puisque entre les 108 qui sont en formation d'ici la fin de l'année que l'on aura, on rajoutera la mobilisation de 170 supplémentaires, qui seront des gens qui sont à la retraite ou qui sont détachés.
SEBASTIEN KREBS
Des retraités, des inspecteurs à la retraite vont revenir ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bien sûr, bien sûr. Qu'on va faire revenir pour les circonstances de la cause. C'est bien normal. Et puis on rajoutera, dans les formations, dix de plus en 2026. Donc on a vraiment besoin... C'est un choc qui est donné d'ici la fin de l'année pour essayer de résorber ce flux et réduire ces délais qui sont beaucoup trop longs.
SEBASTIEN KREBS
Est-ce que vous êtes en capacité, ce matin, de prendre l'engagement d'un délai ? Vous disiez : " Le délai médian est à 80 jours ". De combien on est en capacité de le réduire ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Pour être très honnête, on ne prend pas d'engagements sur le délai. Ce que l'on sait, c'est que lorsque le dispositif sera totalement opérationnel, on sera en capacité de pouvoir proposer à nos candidats de passer la partie pratique dans un délai raisonnable, qui peut être le délai du mois, par exemple. Mais je m'engage sans avoir de vérification scientifique. Mais l'objectif, c'est de résorber ce temps qui est beaucoup trop long, qui est nocif, et qui, en réalité, nuit à la formation. Il ne faut pas perdre de vue qu'entre nous, on a son code, pour être direct. Et le moment où on passe l'examen, déjà le délai est trop long. Mais si en plus, on le rate et qu'il faut encore attendre, ça veut dire…
SEBASTIEN KREBS
Le délai est encore plus long la deuxième fois.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Le délai est encore plus long. La capacité de réussite est encore plus longue, plus difficile, parce qu'il faut pratiquer. Donc, il faut nécessairement pouvoir reprendre des cours, et donc, des heures. L'objectif, c'est évidemment que le coût du permis de conduire reste constant. Les choses sont claires. Et puis, le deuxième aspect sur lequel je voudrais insister, c'est le fait que, sur le fond, on ne peut pas se satisfaire de 42% d'échecs. Donc, nous allons lancer, dès le mois de septembre, une réflexion plus approfondie sur le permis de conduire, les conditions de son enseignement : quelles règles pouvons-nous faire évoluer pour obtenir des résultats qui sont beaucoup plus favorables que ces simples 52%. C'est satisfaisant, mais... Ce n'est pas satisfaisant, c'est insuffisant.
SEBASTIEN KREBS
Alors justement, Christophe nous a appelé au 3216, auditeur RMC depuis la Saône-et-Loire. Bonjour Christophe,
CHRISTOPHE, AUDITEUR
Oui bonjour, bonjour monsieur le ministre,
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour,
SEBASTIEN KREBS
Vous aviez une proposition à faire au ministre, en tout cas, une idée à lui soumettre, allez-y.
CHRISTOPHE
Oui voilà donc, nous, on est en pleine campagne. Le problème, c'est celui que vous avez soulevé, on n'a pas de place pour le permis de conduire. Mais moi, je mettais en avant la conduite accompagnée. Et nous, on a une fille qui a 18 ans et qui a fait trois ans de conduite accompagnée et finalement, au bout de trois ans, ils savent conduire. Et moi, pourquoi pas faire un permis provisoire ? Parce qu'à la rentrée, elle se retrouve en BTS à 20 kilomètres de la maison. Pas de moyen de transport parce qu'on n'est pas desservie par les bus. Une alternance et de la difficile de trouver des alternances. On trouve une alternance à sept huit kilomètres. Pourquoi pas un permis provisoire en attendant d'avoir une date pour ces jeunes-là qui ont déjà une formation et une conduite de plus de trois ans de façon à pouvoir se déplacer dans un rayon restreint, pas aller se balader à l'autre bout de la France.
SEBASTIEN KREBS
Monsieur le ministre va vous répondre. Un permis provisoire en attendant d'avoir une place à l'examen, c'est possible ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ce qui est possible en tous les cas, c'est qu'il faut favoriser la conduite accompagnée dès l'âge de 17 ans et le plus tôt possible et même avant. Parce que qu'est-ce qu'on constate dans les statistiques ? C'est que 75% des candidats qui se présentent après avoir été dans le processus de conduite accompagnée, réussissent le permis. Donc, c'est une voie qui fait gagner, beaucoup moins d'échec. Ça, c'est très important. Il faut savoir aussi, j'ai oublié de le dire, que la situation que nous avons connue, je répondrai à la question de l'auditeur, de l'intervenant, la situation que nous avons connue. Elle tient aussi au fait que nous avons anticipé, autorisé la possibilité d'un permis de conduire à partir de 17 ans et ça a occasionné une augmentation de 8,5.
SEBASTIEN KREBS
Est-ce que c'était une si bonne idée d'ouvrir à 17 ans. Quand on sait que les délais étaient déjà problématiques, ça n'a fait que les rallonger, s'étendre encore plus le système ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Alors, c'est une très bonne idée en ce sens qu'on a eu un effet extrêmement positif de candidat. Ça, de ce point de vue-là, c'est positif. Quand on a 18 ans, on passe le bac, il y a d'autres sujets, il y a d'autres pas, on a d'autres projets. Mais à 17, on a eu un effet très important. Maintenant, c'est la capacité à faire passer qui n'était pas suffisante. On va le rattraper maintenant. Après, c'est sûr, la proposition qui est faite, tout est possible. On peut regarder comment les choses peuvent évoluer. En tous les cas, ça nécessitera, dans l'étude, que l'on va lancer au mois de septembre, de regarder cette hypothèse-là. Il ne faut pas fermer la porte. Je pense que une des règles, me semble-t-il, dans la réflexion qu'on peut avoir, c'est de faire quasiment du cas par cas.
SEBASTIEN KREBS
Il faut changer la façon dont on juge les élèves. C'est ça aussi à long terme que vous voulez mettre, ce que vous voulez mettre en réflexion ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il y a un point qui est invariable, c'est la qualité de l'enseignement et l'exigence de l'enseignement. Ça, on ne reculera jamais là-dessus, il s'agit de sécurité. En revanche, on peut parfaitement imaginer une piste sur laquelle l'éducateur, le formateur dise : " Là, je pense que la personne n'est pas en capacité de passer le permis pratique parce qu'elle aura un risque trop important, elle ne l'aura pas ". Là, par contre, ça a été très rapide. La personne peut passer le permis très vite. Il faut pouvoir adapter et moduler tout ça. Oui, ça je crois à titre personnel, que c'est nécessaire.
SEBASTIEN KREBS
François-Noël BUFFET, les deux autres questions à évoquer avec vous. D'abord, ce sujet sur lequel on attend votre réaction ce matin, une polémique est en train de monter sur l'accueil en France d'une étudiante gazaouie qui a été exfiltré par les services français de Gaza, qui devait a été accueillie en France pour étudier à Sciences Po Lille. On a même entendu son témoignage il y a quelques jours sur RMC. Sauf que depuis, on a découvert de nouveaux éléments qui avaient aussi échappé aux autorités françaises, le fait qu'elle ait relayé sur ces réseaux sociaux des messages ouvertement antisémites. Son inscription universitaire a été annulée. Hier, le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, a estimé qu'elle n'avait pas sa place sur le territoire français. Que va t il lui arriver? Peut-elle être expulsée de France ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Que va-t-il lui arriver ? D'abord, elle n'est plus inscrite à la faculté, enfin à l'IEP de Lille. Les décisions ont été prises clairement, hier. En interne, on regarde ce qui s'est passé parce que pourquoi on est passé à travers. Il y a quand même une question, il faut y répondre. Le ministre de l'Intérieur et Bruno RETAILLEAU a demandé au procureur de la République de saisir la justice compte tenu des propos tenus par cette femme. Des propos qui sont inacceptables. Nous savons que les actes antisémites sont de plus en plus importants ces dernières années, donc, il faut y mettre fin. Donc, il y aura des poursuites qui seront engagés et, sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien sûr, évidemment.
SEBASTIEN KREBS
Qui avaient procédés ? Quels services procèdent au criblage dans ces cas-là, aux vérifications faite avant d'accueillir quelqu'un sur le territoire ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur assure une partie des contrôles sur les documents. C'est à cheval sur les deux. Mais là, en fait, il y a eu, administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficultés particulières. Sauf que sur les réseaux, on s'en est rendu compte. Donc, on va régler ce problème rapidement. Mais ce type de personnes.
SEBASTIEN KREBS
Poursuites judiciaires mais pas d'expulsion ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Si, ça viendra après une procédure de droit, il faut la poursuite pour constater l'infraction et ensuite le renvoi, bien évidemment.
SEBASTIEN KREBS
François-Noël BUFFET, une question sur la Corse. Le projet de révision constitutionnelle a été présenté en Conseil des ministres pour accorder un nouveau statut d'autonomie à l'île. Bruno RETAILLEAU, votre collègue a fait part de son désaccord en plein Conseil des ministres, vous êtes sur sa ligne ? Cette réforme vous paraît inacceptable ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Nous avons dit très précisément, mais sans polémique aucune, que ce texte, le projet lui-même avait un intérêt, mais qu'il y avait un avis du Conseil d'État qui avait émis quelques réserves et au-delà des réserves, quelques propositions. Et que nous souhaitons que, dans le cadre du débat parlementaire qui va s'ouvrir maintenant, on puisse continuer d'avancer et d'évoluer…
SEBASTIEN KREBS
Notamment sur le pouvoir législatif.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui parce qu'on ne sait pas exclure, et ça, c'est un invariant pour nous, que le Parlement soit mis en dehors du processus.
SEBASTIEN KREBS
Mais ça n'est pas problématique qu'il y ait plusieurs lignes au Gouvernement. On peut rester au gouvernement quand on n'est pas d'accord avec la ligne qui a été donnée par François BAYROU, le Premier ministre ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Ce n'est pas de cette nature-là. Pour être très franc, il y a un point de divergence, disons les choses telles qu'elles sont, mais on espère que c'est dans la discussion que les choses avancent dans le cadre du processus parlementaire. Je rappelle que le Sénat, depuis longtemps, et le président du Sénat l'a fait savoir, ne veut pas que le Parlement soit mis en dehors du processus. Je crois qu'il a raison et qu'il y a un chemin pour aboutir entre le souhait de nos compatriotes corses et la volonté de la République.
SEBASTIEN KREBS
Je précise à nos auditeurs que vous, comme Bruno RETAILLEAU, vous êtes issu du parti Les Républicains qui contrôlent le Sénat et qui donc est décidé à s'opposer, en tout cas en l'état, à ce projet de révision constitutionnelle. Merci, François-Noël BUFFET, d'être venu, ce matin, sur RMC et RMC Story, il est 8 h 52.
source : Service d'information du Gouvernement, le 1er août 2025