Interview de Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée, chargée du tourisme, à TF1 le 31 juillet 2025, sur le bilan d'étape pour le tourisme en France cet été, la suppression de deux jours fériés, la taxe des billets d'avion et les droits de douane américains.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

CHRISTOPHE BEAUGRAND
07 h 36, l'heure de l'interview en toute franchise, et on reçoit ce matin la ministre déléguée au Tourisme, bonjour Nathalie DELATTRE, soyez la bienvenue. Alors, c'est le dernier jour du mois de juillet, c'est le moment de faire le bilan, on vient de voir ce reportage sur les restaurants. Est-ce que pour résumer, on peut dire, il y a du monde, il y a des touristes, mais ils consomment moins ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, la saison est bonne, nous avons bien démarré, nous consoliderons les chiffres à la fin de la saison. Le mois de juillet n'est que la moitié de la saison. Nous avons déjà conforté les chiffres de janvier, avril, mai qui montrent que nous sommes sur des records. 2024 était déjà un record de touristes étrangers, notamment accueillis, cent millions. Nous avons des réservations supplémentaires, c'est de l'ordre de plus 8% et cet été, nous sommes à peu près sur la même trajectoire.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Mais pourtant, les professionnels, notamment de la restauration, disent : " Les gens viennent moins chez nous ". Et beaucoup de Français disent, en tout cas de Français, j'imagine que c'est pareil à l'international, : " Les restaurants français sont trop chers ".

NATHALIE DELATTRE
Alors, vous savez, c'est le phénomène ? Chaque année, vous avez des restaurateurs qui disent qu'ils sont inquiets. Et puis arrive le mois d'août, qui ne remplace pas le mois de juillet, certes. Mais quand on consolide, on s'aperçoit que la saison a été bonne.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Et donc, vous êtes plus optimiste ?

NATHALIE DELATTRE
J'espère et je suis confiante et optimiste. Même si nous voyons des nouvelles habitudes. La restauration traditionnelle est très concurrencée par le fast-food ou le snacking.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Oui, les pique-niques, ça coûte moins cher, évidemment.

NATHALIE DELATTRE
Et c'est vrai qu'il faut aussi, nous travaillons avec eux sur l'éducation des jeunes, se réapproprier ces temps de déjeuner ou de dîner.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Alors, la problématique, évidemment, tout est lié aux questions de pouvoir d'achat, le pouvoir d'achat notamment pour les Français. Le budget qui se profile risque de ne pas arranger les choses. En tout cas, on nous dit qu'il faut nous serrer la ceinture. Est-ce que le premier budget qui trinque dans ces cas-là, ce n'est pas le budget du tourisme ?

NATHALIE DELATTRE
Alors non, parce que les Français sacralisent, en fait, le temps de repos, de congés. C'est vraiment un moment dont ils ont besoin. Et font effectivement des efforts tout au long de l'année pour épargner et pour pouvoir partir en vacances. Évidemment, ce ne seront pas des vacances multipliées dans le temps.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Elles durent moins longtemps, généralement, c'est ça ?

NATHALIE DELATTRE
À un temps donné, elles durent un peu moins longtemps. Mais les Français ont exprimé cette année l'envie de rester majoritairement en France pour ceux qui passent des vacances. Donc ça aura un mécanisme d'entraînement et un phénomène d'entraînement pour le secteur.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Il y a quand même une inquiétude dans le monde du tourisme parmi les propositions avancées par François BAYROU. C'est donc la suppression de deux jours fériés. Ça veut dire potentiellement moins de week-ends prolongés. Donc les hôteliers se disent : " Ah, mais nous, ça va nous pénaliser ". Est-ce qu'il n'y a pas un risque pour votre secteur du tourisme ?

NATHALIE DELATTRE
Vous savez, il s'est exprimé devant les acteurs du tourisme au comité interministériel qui a eu lieu à Angers le 24 juillet dernier. Pour leur rappeler que chacun devait faire un effort. Nous devons regagner le match de la compétitivité par rapport à l'Europe, par rapport au monde. Donc il faut arriver à ce que nous travaillions plus nombreux et que nous puissions travailler un peu plus.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Ça veut dire moins de week-ends, donc moins de boulot pour les hôteliers.

NATHALIE DELATTRE
Il a proposé à la profession qui a régulé notamment les hôteliers-restauration. Mais le tourisme, ce n'est pas que l'hôtellerie-restauration, c'est beaucoup ce secteur, mais nous avons du tourisme patrimonial, du tourisme sportif, du tourisme bien-être. Bon bref, nous avons plusieurs tourismes, mais il a proposé aux acteurs du tourisme de pouvoir effectivement être acteurs de propositions en la matière et de dire si vous souhaitez choisir les jours. Et la profession a répondu qu'elle préférerait que ce soit des accords d'entreprise entre entreprises et salariés.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
De toute façon, rien n'est fixé, rien n'est acté sur ce budget.

NATHALIE DELATTRE
Mais on voit bien que sur le lundi de Pentecôte, ça n'a pas fonctionné, c'est un jour férié, ce n'est pas un jour majoritairement travaillé. Donc la discussion et la négociation est ouverte.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Dans l'actualité touristique ce matin, il y a aussi le coup de colère de RYANAIR, la compagnie low-cost qui vient de décider de fermer ses liaisons avec trois aéroports régionaux, Bergerac, Brive et Strasbourg, pour protester contre la taxe des billets d'avion qu'ils jugent astronomique. Ça, c'est un mauvais coup pour votre secteur. Ces trois aéroports risquent même la fermeture.

NATHALIE DELATTRE
Oui. Alors vous savez, moi je m'étais exprimée sur ce sujet quand je me suis déplacée en Martinique et en Guadeloupe, très dépendant des arrivées en avion. Et effectivement, cette taxe est de nature à ralentir le trafic aérien.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Donc il faut la supprimer ?

NATHALIE DELATTRE
Et donc sur le secteur. Je suis aux côtés du ministre Philippe TABAROT pour défendre cette option de supprimer cette taxe. Il n'en reste pas moins que RYANAIR a un plan de suppression depuis un moment et profite parfois de ce type d'effet.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
C'est opportuniste.

NATHALIE DELATTRE
Pour fermer, en tout cas réduire la voilure.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Mais vous estimez un problème avec cette taxe ?

NATHALIE DELATTRE
Il y a un problème avec cette taxe. Elle a été relevée. Même si, mais c'est vrai que sur le low-cost, ça peut se comprendre encore plus. Parce que c'est en moyenne une taxe par voyage, donc par aller, de 7,40 euros.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Et on sait que les marges sont réduites sur le low-cost.

NATHALIE DELATTRE
Sur le low-cost, quand vous faites un aller-retour, quinze euros sur un low-cost…

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Ça fait une grosse différence.

NATHALIE DELATTRE
Ça fait une grosse différence effectivement.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Alors Nathalie DELATTRE, vous étiez hier à Bercy autour du ministre de l'Économie avec plusieurs de vos collègues. Pour évoquer les fameux droits de douane, est-ce que, alors évidemment, il y a l'inquiétude que l'économie française souffre. Je sais que vous suivez de près notamment le secteur viticole. Vous êtes vous-même une ancienne vigneronne. Vous êtes originaire de Bordeaux. Vous entendez ces inquiétudes. Alors est-ce que vous avez des pistes ? Est-ce que le secteur du vin pourrait éviter cette taxe ?

NATHALIE DELATTRE
Écoutez, pour l'instant, ce sont des intentions. Il n'y a pas d'accord signé. C'est bien…

CHRISTOPHE BEAUGRAND
On peut encore négocier ?

NATHALIE DELATTRE
TRUMP peut changer d'avis. Ce n'est pas la première fois qu'il annonce et qu'il se retire. J'espère, parce que tout le monde a appelé le fait d'avoir une prévisibilité. Mais après avoir réussi l'exemption zéro pour zéro, c'est-à-dire zéro taxe du côté des États-Unis, zéro taxe du côté de l'Union européenne sur l'aéronautique, nous forçons énormément nos négociations sur la viticulture et sur les spiritueux, effectivement. Donc nous sommes sur des négociations techniques.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Il n'aurait pas mieux valu négocier directement, finalement, puisque personne ne semble satisfait en France de cet accord arraché par Ursula von der LEYEN.

NATHALIE DELATTRE
Non. Depuis le départ, je pense qu'il faut vraiment que l'on reste dans cette négociation européenne et qu'elle soit consolidée. Pourquoi ? Et ça, nous ne le faisons pas assez savoir… Nous représentons un marché de 447 millions de consommateurs en Europe…

CHRISTOPHE BEAUGRAND
On est plus nombreux que les Américains.

NATHALIE DELATTRE
Alors que les États-Unis, c'est 300 millions de consommateurs.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Visiblement, nous n'étions pas en position de force.

NATHALIE DELATTRE
Effectivement, nous n'avons pas cherché cette position de force. Et c'est ce que nous déplorons en France. Mais nous resterons solidaires parce que si nous devons avoir des mesures de rétorsion, c'est ensemble. La France ne peut rien. Et c'est vrai que cette petite musique qui dit que le Royaume-Uni aurait mieux négocié que nous, évidemment, c'est voulu par les États-Unis, mais non, pas de Frexit, comme effectivement, non, il n'y a pas de meilleure négociation par le Royaume-Uni.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Mais on peut encore essayer de gratter quelque chose, si j'ai bien compris.

NATHALIE DELATTRE
Donc il faut rester solidaire et donc, nous essayons effectivement de pouvoir être dans cette exemption et donc ce zéro pour zéro pour la viticulture et le spiritueux.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Dernière petite question en trente secondes. Une ministre du Tourisme, ça part en vacances ou pas ? Parce que là, c'est fini, il y a eu le dernier Conseil des ministres hier. À priori, beaucoup de vos collègues sont partis aujourd'hui.

NATHALIE DELATTRE
Ça rentre chez soi, à Bordeaux et sur le bassin d'Arcachon. Donc moi, je suis en vacances tout à fait.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Ah oui, ça va, vous avez de la chance. Vous vous en sortez bien.

NATHALIE DELATTRE
Tout à fait, complètement.

CHRISTOPHE BEAUGRAND
Merci beaucoup, Nathalie DELATTRE, d'avoir été avec nous. Dans un instant, le décryptage de l'actu avec Adrien PORTON.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er août 2025