Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à RFI le 5 août 2025, sur la nécessité d'un traité mondial contre la pollution plastique.

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Intervenant(s) : 
  • Agnès Pannier-Runacher - Ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

JOURNALISTE
Les discussions, donc, reprennent aujourd'hui, 5 août à Genève pour aboutir peut-être à la fin au tout premier traité mondial contre la pollution plastique, un fléau international. Pour en parler, Guillaume OUATTARA, vous êtes en ligne ce matin avec la ministre française de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, Agnès PANNIER-RUNACHER.

GUILLAUME OUATTARA
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER,

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Guillaume OUATTARA,

GUILLAUME OUATTARA
460 millions de tonnes de plastique produit chaque année, dont 90% ne seront jamais recyclés. Un camion poubelle de plastique déversé dans l'océan chaque minute. 100 000 tonnes de plastique qui s'éparpillent chaque année dans la nature en France. Il y a urgence à agir. Ma première question, elle est simple, pourquoi n'y a-t-il pas déjà un traité mondial sur le sujet ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que beaucoup de pays freinent cette initiative et la France a été à la pointe du combat pour imposer ces discussions et pour les poursuivre, pour obtenir un traité qui soit ambitieux. C'est tout le sens de la déclaration que nous avons fait à Nice, où j'ai réuni 95 pays autour de moi. 95 pays, donc 96 avec la France, qui demandent un traité plastique qui ne porte pas seulement sur le recyclage, mais également sur la réduction de la production, parce que la production va tripler d'ici 2060 si nous ne faisons rien. Et si la production de plastique triple, nous serons totalement submergés par les déchets plastiques et ça ne sert à rien de parler de recyclage si on ne sait pas maîtriser la partie production.

GUILLAUME OUATTARA
Justement, qu'est-ce qui bloque le plus selon vous ? Est-ce que c'est le poids des lobbies industriels, ils sont très nombreux à Genève encore, ou est-ce que c'est les pays pétroliers qui ne veulent pas fermer le robinet de la production de plastique neuf ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On sait que dans les salles de négociation, les pays producteurs sont effectivement très réticents à aller jusqu'au bout de la négociation et utilisent beaucoup d'arguments fallacieux, donc, c'est clairement au niveau des pays que ça bloque. Mais nous avons, aujourd'hui, une majorité de pays qui sont autour de nous pour porter cette vision ambitieuse et nous avons la possibilité, si ces discussions sont difficiles à Genève, d'aller peut-être au vote lors d'une prochaine échéance et de faire entendre la voix de la majorité des pays, parce que ce qu'il y a derrière cette pollution plastique, c'est des enjeux de santé majeurs pour les hommes. On sait qu'aujourd'hui, on trouve des microplastiques dans les organes humains, dans le cerveau, dans le foie, dans d'autres organes humains. On n'a pas totalement en tête ce que pourrait être l'impact sur la santé. On a quelques pistes qui sont très inquiétantes, notamment en termes de maladies dégénératives, de type Alzheimer précoce, ce genre de choses. Et puis, c'est un enjeu sur nos écosystèmes, le bon état de nos écosystèmes, puisque ce qu'on trouve dans le corps humain, on le trouve aussi dans toute la chaîne alimentaire, dans les poissons, dans les animaux. Et évidemment, c'est très grave pour notre environnement.

GUILLAUME OUATTARA
Agnès PANNIER-RUNACHER, la France se pose en leader dans ce combat contre le plastique. Pourtant, dans le pays, seuls 26% de plastiques sont recyclés. On paye 1,6 milliard de pénalités à l'Union Européenne. Il faut de progrès. Pourquoi on est si en retard ?
AGNES PANNIER-RUNACHER

C'est un enjeu aussi qui m'a amené à porter un plan pour réduire la pollution plastique en France et augmenter le recyclage. Mais il faut partir vraiment de la production. Et la France l'a fait. C'est-à-dire que, avant de recycler, il faut abandonner tous les usages inutiles dont on peut se passer. On sait sur les plastiques à usage unique, par exemple, la France a divisé par quatre l'utilisation de sachets plastiques sans que sa croissance n'ait à en souffrir. Et ce type de réflexe de diminuer notre consommation de plastique sur les usages dont on n'a pas besoin pour ensuite effectivement mettre en place des vraies chaînes de récupération, collecte, réemploi et recyclage est très important.

GUILLAUME OUATTARA
Pas de traité, vaut mieux qu'un traité au rabais. C'est ce qu'on a pu entendre lors des négociations ratées de Busan. On parle des négociations de la dernière chance à Genève. Vous restez dans cette idée ? Ça sera soit un traité à maxima, soit rien du tout ? Agnès PANNIER-RUNACHER, est-ce que vous nous entendez ? Je crois qu'on a un petit problème de ligne, madame la ministre. Est-ce que vous êtes avec nous ? Est-ce que vous nous entendez sur RFI ? J'ai l'impression que malheureusement la ligne est coupée parce qu'on parlait évidemment de ces enjeux de transition écologique, de ces enjeux de plastique avec ce Sommet qui se tient à Genève. Un Sommet présenté comme le Sommet de la dernière chance. La ministre qui est en train de nous parler de la vision de la France parce que c'est très intéressant. Deux visions sont en train de s'opposer. Il y a d'un côté des pays qui veulent continuer produire du plastique et qui disent que tout se joue sur le recyclage. Ce sont notamment les pays pétroliers. Et puis de l'autre, il y a des pays comme la France qui veulent réduire ses positions et ses productions de plastiques. Et c'est la position qui était en train de défendre la ministre. La ministre qui admettait il y a quelques minutes, et ça aussi c'est intéressant et notable, le fait que la France est un mauvais élève puisque la France a des difficultés de recyclage. Est-ce qu'on a retrouvé la ministre Agnès PANNIER-RUNACHER ? C'est ce qu'on est en train de faire pour pouvoir continuer cette interview. Et ces chiffres qui sont toujours marquants. Madame la ministre, vous êtes avec nous, je crois, à nouveau ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait, je suis désolée.

GUILLAUME OUATTARA
Non mais pas de souci, il y a eu un problème de ligne. Je vous posais la question suivante. Pas de traité vaut mieux qu'un traité au rabais. C'est ce qu'on a pu entendre lors des négociations ratées de Busan. Est-ce que vous maintenez cette décision ? Est-ce qu'il faut, selon vous, un traité à maxima ou pas de traité du tout ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut un traité qui couvre l'enjeu de la pollution, de la production de plastique. Si on ne couvre pas la production de plastique, finalement, on ne couvrira que les conséquences de la pollution plastique et on courra toujours derrière cette pollution. Donc pas de traité qui concerne la production de plastique. Il vaut mieux ne pas avoir de traité qu'un traité qui ne parle pas de la production plastique. Ensuite, il faut savoir mettre à bord le maximum de pays, notamment les pays producteurs de plastique, pour qu'ils aient un intérêt à jouer avec les pays qui sont soucieux de la pollution, c'est-à-dire leur montrer que transformer les chaînes de production plastique, utiliser d'autres matériaux, on pense au bambou, par exemple, dont la Chine est un des leaders, c'est aussi une façon de réduire la pollution plastique sans forcément avoir un impact sur l'emploi qu'ils ont aujourd'hui dans ces filières-là.

GUILLAUME OUATTARA
Agnès PANNIER-RENACHER, on a dans le monde un traité sur la non-prolifération nucléaire qui est en vigueur depuis plus de 50 ans. Il a fallu deux ans pour le mettre en place, mais on n'arrive toujours pas à avoir quelque chose de contraignant pour limiter la pollution plastique. Les explosions nucléaires, elles font plus peur que la pollution ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Surtout le traité sur la non-prolifération est lié à tout un agenda de négociation qui s'était déroulé après la Deuxième Guerre mondiale, dans un contexte où l'enjeu était de maintenir une paix durable dans le monde, et on le voit aujourd'hui dans les tensions géopolitiques. Ce traité-là ou cet enjeu de non-prolifération fait face aussi à des défis, je pense notamment à l'Iran. La pollution plastique est un enjeu qui est plus récent et dont on prend à peine aujourd'hui la mesure. On a longtemps cru que la pollution plastique était un enjeu de de gros morceaux de plastique que l'on voyait parfois dans la mer, et on a parlé du sixième continent. On est en train de s'apercevoir que l'essentiel de la pollution plastique, ce sont les microplastiques, ce sont les nanoplastiques. On est en train de s'apercevoir qu'on les retrouve dans le corps humain et qu'ils sont parfaitement invisibles dans tous nos écosystèmes, les fleuves, les sols, la mer. Et donc c'est cette dimension-là qui s'impose à nous, sur laquelle les scientifiques nous alertent très fortement aujourd'hui, qui explique que j'ai réussi à obtenir que 95 pays soient autour de nous pour réclamer ce traité ambitieux. Mais cette prise de conscience est récente, et la science nous apporte des éléments de manière assez récente sur les risques de cette pollution.

GUILLAUME OUATTARA
En un mot madame la ministre, parce qu'il nous reste très peu de secondes, vous êtes confiante, oui ou non, en un mot ?

GUILLAUME OUATTARA
Non, je ne suis pas confiante, parce que beaucoup de pays producteurs ne souhaitent pas voir ce traité.

GUILLAUME OUATTARA
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RENACHER. Vous aurez résumé le fond de votre pensée, ministre de la Transition écologique en France. Merci et bon courage pour ces négociations


source : Service d'information du Gouvernement, le 6 août 2025