Texte intégral
SÉBASTIEN KREBS
8 h 40 sur RMC et sur RMC Story. L'invité ce matin d'Apolline Matin, c'est vous Marie BARSACQ, ministre des Sports. Rebonjour et bienvenue. Merci d'être avec nous. On va parler de l'héritage des Jeux. Un an après, est-il sacrifié sur l'autel des économies budgétaires ? Et peut-on encore aboutir à cette nation sportive qui était l'objectif ? On en parle dans un instant. D'abord, on va commencer par les bonnes nouvelles. On a vécu un dimanche de rêve, il y a quelques jours avec nos champions en natation, en cyclisme, en volley, les Français qui brillent. Est-ce que vous y voyez toujours un effet des Jeux un an après ? Est-ce que le boost de Paris 2024 est toujours là ?
MARIE BARSACQ
Oui, tout à fait. Je crois que c'est déjà le premier héritage puisque vous en parliez à l'instant. C'est la performance de nos sportifs. C'est vraiment le fruit de toute cette stratégie qui avait été construite pour performer à l'occasion des Jeux de Paris 2024 et qui se poursuit. Donc, c'est le programme Ambition Bleue qui avait mené toutes les fédérations à avoir un programme dédié, un accompagnement sur la très haute performance pour que nos athlètes performent et sortent des places de classement pour être sur les plus hautes marches des podiums.
SÉBASTIEN KREBS
Ça veut dire que quand on investit, ça paye ?
MARIE BARSACQ
C'est tout à fait ça puisque vous avez raison, ce plan Ambition Bleue a été l'objet d'investissements particuliers. Et je tiens à le souligner parce que c'est aussi l'héritage, un accompagnement financier qui s'est poursuivi en 2025, donc cette année, puisqu'il y a six millions d'euros qui ont été mis en place dédiés à ce programme. Et puis un plan également pour la recherche et l'innovation qui avait fait ses preuves pour préparer les Jeux de 2024. C'était un plan de recherche et d'innovation de vingt millions d'euros. Et un nouveau plan vient d'être annoncé le mois dernier avec le ministre de la Recherche pour de nouveau vingt millions d'euros pour 2030, pour là aussi continuer à innover, chercher pour doter nos sportifs des meilleurs moyens pour performer.
SÉBASTIEN KREBS
Alors vous dites les meilleurs moyens, sauf que les investissements des sports, ils en prennent un coup à l'heure des économies budgétaires. Le Premier ministre François BAYROU a annoncé le gel de toutes les dépenses de l'État. Mais pour vous, ce n'est même pas un gel, c'est un grignotage. On parle de 18 % de moins pour le budget des Sports l'année prochaine. Vous en avez la confirmation ce matin ?
MARIE BARSACQ
Écoutez, je me suis largement exprimée sur le sujet du budget. Aujourd'hui, ce n'est pas une copie définitive. On est toujours en train de discuter. Ce qui est important, en tout cas, c'est de montrer justement que la France est un pays où la place du sport bouge. Le sport prend de plus en plus de place. Dans le cœur des Français, on l'a vu cet été, puisque les audiences de toutes ces compétitions comme l'an dernier sont très fortes. Donc, c'est une très bonne nouvelle. Et puis, il y a une envie de sport chez les Français. Les Français font beaucoup plus de sport qu'avant. On l'a vu avec une augmentation des pratiquants dans les clubs, des pratiquants tout court aussi…
SÉBASTIEN KREBS
Justement, est-ce que ce n'est pas le sport amateur qui va trinquer avec cette baisse budgétaire ?
MARIE BARSACQ
Écoutez, pour l'instant, on n'en est pas là. On est en train de trouver justement le bon équilibre pour pouvoir accompagner cette envie des Français de faire du sport. On va pouvoir aussi s'appuyer sur l'héritage des Jeux, puisqu'on a de nouveaux équipements sportifs qui sont sortis de terre avec les deux plans 5 000 équipements sportifs de proximité. Le dernier est en train de se finaliser en 2026. Et puis, on va aussi, avec Élisabeth BORNE, on est très mobilisés là-dessus, ouvrir tous les établissements scolaires qui ont un terrain de sport dans leur enceinte, des collèges et des lycées, pour les clubs, le soir et le week-end. Il y a 28 000 équipements sportifs. 500 000 sont ouverts aujourd'hui aux associations sportives. C'est largement insuffisant, alors qu'on a besoin de créneaux pour les clubs, pour qu'ils accueillent ces nouveaux pratiquants. Donc, vous voyez qu'on a aussi des solutions qui sont à notre portée et qui ne coûtent pas d'argent.
SÉBASTIEN KREBS
Marie BARSACQ, le Premier ministre François BAYROU doit envoyer cette semaine ce qu'on appelle les lettres plafond qui fixent le cadre de chaque ministère et donc qui confirment le niveau d'économie à réaliser. Est-ce que vous avez reçu la vôtre ?
MARIE BARSACQ
Pas encore, mais on a encore discuté. Affaire à suivre, mais comme je vous le disais, ce n'est pas une fin en soi. Le débat parlementaire aura lieu à la rentrée…
SÉBASTIEN KREBS
Vous me dites qu'il y a encore des discussions avec Matignon sur le budget des Sports. Ce chiffre de 18 % de moins, il n'est toujours pas définitif ce matin ?
MARIE BARSACQ
Mais comme pour aucun ministère, ce sont des discussions qui sont en cours. En tout cas, rien n'est définitif tant que le budget n'est pas adopté par l'Assemblée nationale. Ce qui est important pour le sport, c'est qu'on a un rendez-vous le 14 septembre. Vous le savez, le président de la République avait voulu que l'on célèbre tous les ans la parade des athlètes de Paris 2024, mais surtout d'installer une fête nationale comme la fête de la musique le 14 septembre pour le sport. Et ça, pour le secteur, c'est évidemment très important de montrer la place que doit jouer le sport dans notre société et qu'il joue déjà. Et donc, du coup, vous verrez que partout en France, le 14 septembre, c'est un dimanche, nous allons avoir beaucoup d'initiations sportives gratuites pour tous les Français. Évidemment, des clubs qui vont largement promouvoir leurs disciplines pour recruter de nouveaux licenciés. Et puis à Paris, un événement assez massif au cœur de la capitale, je ne vous en dis pas plus, mais avec beaucoup de disciplines sportives, un peu comme on a pu connaître avec les journées olympiques organisées du temps de Paris 2024.
SÉBASTIEN KREBS
Alors justement, les inscriptions dans les clubs sportifs, elles ont été boostées d'ailleurs après les Jeux l'année dernière. Il y avait le passeport qui aidait les familles modestes à inscrire leurs enfants dans les clubs. Ce passeport, il a été raboté cette année et les enfants de 6 à 13 ans sont désormais exclus. Est-ce qu'avec la baisse des budgets, ce passeport va pouvoir continuer d'exister l'année prochaine, en 2026 ?
MARIE BARSACQ
Alors le passeport est effectivement un outil important puisqu'il permet aux familles qui touchent l'allocation de rentrée scolaire d'avoir un chèque. Donc c'était cinquante euros à l'origine. En cours d'année, du fait du ralentissement de la croissance, j'ai dû prendre cette décision à contre-cœur de relever les bénéficiaires du passeport à l'âge de quatorze ans et plus et à partir de six ans pour les enfants en situation de handicap. Pour autant, quatorze ans, c'est vraiment la période où il y a un décrochage massif puisque c'est vraiment là où il y a deux fois moins de pratiquants et notamment chez les filles, c'est vertigineux la chute. Et on a rehaussé le chèque puisqu'il est de 70 euros. Maintenant, je prépare, comme vous le savez, le budget 2026 avec un objectif de revenir à l'âge de six ans pour l'année prochaine puisqu'on a besoin d'encourager la pratique sportive dès le plus jeune âge pour donner le goût du sport dès le plus jeune âge.
SÉBASTIEN KREBS
Vous souhaitez revenir à l'âge de six ans dès 2026 ?
MARIE BARSACQ
Oui.
SÉBASTIEN KREBS
Vous nous le dites ce matin sur RMC. Alors justement, on va parler des plus jeunes. C'est une autre politique à destination des enfants, l'apprentissage de la natation. Cet été est très meurtrier sur nos plages, le nombre de noyades est en très fortes et hautes, plus 45 %, 700 noyades depuis le 1er juin, 193 décès. Et cette semaine, de grands nageurs vous ont interpellés, ont interpellé le Gouvernement : Alain BERNARD, Florent MANAUDOU, qui appellent à un plan piscine. Dans les quartiers les plus pauvres, un enfant sur deux entrant en sixième ne sait pas nager. Pourtant, ça fait des années que c'est une priorité. On n'arrive toujours pas à apprendre à nager à tous les enfants ?
MARIE BARSACQ
Alors, c'est vrai que c'est un enjeu majeur, l'apprentissage de la natation. C'est une politique qui est portée par l'Éducation nationale, puisque ça ne fait pas partie des savoirs fondamentaux. Le ministère des Sports prend toute sa part, puisque nous, on a mis en place le dispositif avec l'Éducation nationale d'apprentissage de la natation, savoir nager pour les 6-12 ans et aisance aquatique pour les petits de 4 à 6 ans. C'est 700 000 enfants par an qui apprennent à nager quand même à travers ce dispositif dans le temps scolaire. Donc, là où vous avez raison, c'est qu'il y a un enjeu pour certaines écoles d'avoir accès pas trop loin d'une piscine. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans le cadre de l'héritage des Jeux de Paris 2024, on avait mis un accent très fort pour léguer des bassins, des piscines à la Seine-Saint-Denis, puisque c'est un territoire qui connaissait cette situation, qui ne pouvait pas emmener les enfants dans une piscine pour leur apprendre à nager. Donc, avec les 18 bassins qui ont été laissés en héritage pour la Seine-Saint-Denis, on voit que la ville de Seine-Denis, par exemple, a dépassé la moyenne nationale du nombre de bassins par habitant. Donc là, c'est l'héritage des Jeux pour la Seine-Saint-Denis. Maintenant, pour toute la France, dans le cadre du plan d'équipement que j'évoquais tout à l'heure, 5 000 équipements de proximité, pour les années 2025 et 2026, on a mis une priorité pour les piscines et notamment pour donner dans les territoires carencés là où on en manque.
SÉBASTIEN KREBS
Oui, parce que le sujet, ce sont effectivement les bassins qui sont vieillissants, Alain BERNARD et Florent MANADOU, qui pointent le fait que les piscines françaises ont une moyenne d'âge de 40 ans et que souvent les collectivités n'ont plus les moyens de les entretenir. Ce sont des gouffres énergétiques, ces piscines.
MARIE BARSACQ
Oui, alors on les encourage avec les fonds comme le Fonds Vert, par exemple, pour aller chercher des subventions pour mener à bien ces rénovations. Et puis, on a un sujet d'équilibre territorial, c'est-à-dire là où il n'y a carrément pas de piscines, c'est pas qu'elles sont vêtues, c'est que ça n'a pas. Il faut absolument qu'on trouve les budgets et donc, avec mobilisation de l'ensemble des acteurs pour aller construire un équipement. Aujourd'hui, on est aussi en capacité, parce qu'heureusement tout évolue, de construire des équipements qui sont moins onéreux, moins grandioses et mirobolants aussi. Il y a un esprit de responsabilité chez chacun. La Fédération Française de Natation, typiquement, propose des modèles de piscines qui sont beaucoup plus respectueux à la fois de l'environnement, mais aussi des dépenses. Donc, on travaille sur ces schémas-là parce qu'on a besoin d'avoir une équité territoriale. Vous avez raison de le souligner, les athlètes sont évidemment légitimes à le dire pour donner accès à tous les enfants à l'apprentissage de la natation.
SÉBASTIEN KREBS
Les athlètes, les comités olympiques aussi qui alertent en disant que le sport est sacrifié, Tony ESTANGUET, Amélie OUDÉA-CASTÉRA, votre prédécesseur au sport, elle aussi dit que le sport ne doit pas être une variable d'ajustement budgétaire. Emmanuel MACRON voulait faire de la France une nation sportive. Est-ce qu'on en a encore les moyens avec ces contraintes budgétaires ? Est-ce qu'on n'est pas en train de renoncer ?
MARIE BARSACQ
Je crois qu'on a vraiment les moyens. D'abord, une nation sportive, c'est une nation où l'on performe au plus haut niveau. On le voit, les athlètes performent et surtout le fait qu'ils performent donne envie aux plus jeunes de pratiquer du sport. L'envie de sport, les augmentations de nombre de licenciés mais aussi de pratiquants, on a plus de 3,5 millions de pratiquants, aujourd'hui, en France depuis 2018. Si vous avez voulu vous intégrer à un semi-marathon ou à un marathon, si vous ne mettez pas votre réveil le matin, vous n'avez plus de place deux heures après l'ouverture. Ce sont des signes très parlants de cette envie de sport. On cherche évidemment des solutions. Tout n'est pas budgétaire. Je vous parlais de la solution de l'ouverture des équipements de proximité. Je n'ai pas parlé pour les piscines, mais il y a aussi des bassins mobiles qui peuvent être implantés et qui ne coûtent pas très cher. La Fédération française de la natation, typiquement, en a acheté et les met à disposition de certaines communes, notamment en Seine-Saint-Denis ou dans des quartiers populaires. C'est le cas aussi à Marseille. Il y a des solutions. Aujourd'hui, tout le monde est très mobilisé sur ce sujet, les collectivités notamment. On a aussi, l'année prochaine, des élections municipales. Le sport doit être au cœur des campagnes pour les municipales, parce que les Français ont envie d'avoir accès au sport de façon pas très onéreuse, mais surtout très variée.
SÉBASTIEN KREBS
Une dernière question, Marie BARSACQ. Je ne sais pas si vous avez goûté l'eau de la Seine. 35 000 baignades depuis début juillet. Ça fonctionne bien. Il y a beaucoup d'attentes et probablement ce week-end, il y aura encore beaucoup de monde. Il va faire chaud à nouveau à Paris. Est-ce que ça pourrait être prolongé au mois de septembre si les conditions météo le permettent ? La mairie semble-t-il y réfléchir. Vous y êtes favorable ?
MARIE BARSACQ
Écoutez, je crois qu'on va laisser la préfecture discuter avec la mairie sur ce sujet et j'en discuterai avec elle à la rentrée. En tout cas, ce qui est certain, c'est que c'est un véritable succès. On a beaucoup d'affluence sur ces sites de baignades. On les avait pensés, vous le savez, en héritage des Jeux de Paris 2024. Ce qui est important de montrer, c'est que c'est une trajectoire. Aujourd'hui, il y en a trois à Paris. Il y en a deux dans la Marne. L'objectif, c'est dans 15 ans, d'en avoir 30 en région Île-de-France. Et pourquoi ? Parce qu'en fait, le changement climatique fait qu'on a besoin d'avoir ces îlots de fraîcheur, de pouvoir se baigner en toute sécurité. Vous citiez tout à l'heure les sujets des noyades. En fait, ces bassins qui sont en milieu naturel, ils sont sécurisés. Il y a des maîtres-nageurs qui surveillent. Il y a même un bassin d'apprentissage dans un des bassins à Paris, vers Beaugrenelle, pour apprendre à nager aux enfants gratuitement. Tout ça, aujourd'hui, est indispensable. Avoir des baignades en milieu naturel, c'est vraiment une très bonne solution. Et donc, on va poursuivre les engagements pour poursuivre le nettoyage de la Seine, de la Marne, et les procédures d'assainissement.
SÉBASTIEN KREBS
30 lieues de baignades, objectif, Marie BARSACQ, ministre des Sports. Merci d'avoir été en direct avec nous ce matin, Marie BARSACQ.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 août 2025