Interview de Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée, chargée du tourisme, à RMC Info le 8 août 2025, concernant la censure partielle de la loi Duplomb par le Conseil constitutionnel, le tourisme face aux conditions climatiques, le bilan touristique, la restauration traditionnelle, les plateformes de réservation de chambres d'hôtel sur internet et la taxation du transport aérien.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RMC Info

Texte intégral

SEBASTIEN KREBS
Vous êtes sur RMC et RMC Story, la ministre du tourisme et l'invitée de RMC ce matin, bonjour Nathalie DELATTRE.

NATHALIE DELATTRE
Bonjour,

SEBASTIEN KREBS
Merci d'être avec nous en direct. Quelle saison pour les professionnels, quel avenir aussi à l'heure du changement climatique et des épisodes de canicule à répétition ? D'abord une question d'actualité après cette décision du Conseil constitutionnel de censurer partiellement la loi Duplomb. Que dites-vous aux agriculteurs ce matin ? Sages décisions, principes de précaution ou condamnations à mort de nos filières ?

NATHALIE DELATTRE
Tout d'abord, je voudrais avoir une pensée pour les habitants et les touristes de l'Aude. D'adresser mon soutien aux pompiers et aux élus locaux qui sont mobilisés depuis plusieurs jours. C'est, par solidarité aussi, une évacuée des incendies de 2022 qui vous parle. Alors sur la loi Duplomb, un respect total par rapport à la décision du Conseil constitutionnel. Je pense qu'il est urgent que nous puissions remettre les institutions, les agriculteurs autour de la table. Parce qu'effectivement, nous avons des problématiques depuis des années de changement climatique et de résilience de la filière. Il faut que ce travail se déroule dans des conditions d'apaisement. Et donc, que ma collègue Annie GENNEVARD puisse réunir au plus vite l'ensemble de la collègue.

SEBASTIEN KREBS
C'est ce qu'elle va faire ? Il va y avoir des réunions pour penser l'avenir sans ces pesticides ?

NATHALIE DELATTRE
Écoutez, je la laisserai vous dérouler effectivement ce qu'elle pense pouvoir faire.

SEBASTIEN KREBS
Vous ne jugez pas que cette décision est politique ? Comme Marine LE PEN ou Laurent WAUQUIEZ qui estiment que c'est de l'ingérence dans les affaires politiques.

NATHALIE DELATTRE
Vous savez, je suis juriste de formation. Ce que je constate, c'est qu'il y a effectivement un prononcé en droit sur la forme. Il faut donc, pour cela que les parlementaires, mais aussi les acteurs, puissent encore une fois se remettre autour de la table.

SEBASTIEN KREBS
On en revient Madame DELATTRE, à la situation dans l'Aude. Vous rendiez hommage aux pompiers. On entendait tout à l'heure le témoignage de ce restaurateur dont le restaurant n'a pas brûlé, mais qui s'inquiétait de l'avenir de la saison touristique et qui appelait les touristes à venir pour que le tourisme puisse reprendre très vite dans ces régions. Il y a une inquiétude sur place. Que va faire le gouvernement pour accompagner les professionnels touchés ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, le Premier ministre s'est déplacé. Il a dit qu'effectivement, il déclencherait très rapidement les catastrophes naturelles pour que les assurances puissent abonder déjà dans les premiers renversements. Et puis ensuite, nous accompagnerons, comme nous le faisons d'habitude, les acteurs du tourisme avec, sur place, notre État décentralisé, les préfets. Et nous serons bien évidemment au rendez-vous et solidaires de ces acteurs du tourisme sur une saison qui a bien commencé, malgré tout, plus généralement en France.

SEBASTIEN KREBS
Alors, on va revenir sur les chiffres après, simplement sur les incendies, sur les épisodes aussi de canicule dont on voit qu'ils reviennent ce week-end. Est-ce que ces évolutions du climat amènent à repenser notre façon d'organiser le tourisme ?

NATHALIE DELATTRE
Bien sûr, bien sûr que le secteur touristique en est conscient depuis pas mal d'années qu'il se transforme, non pas par contrainte, mais parce qu'il faut assurer sa durabilité aussi et sa compétitivité. Donc, depuis plusieurs années, nous avons déjà signé des conventions sur la gestion de l'eau et la sobriété hydrique. Vous le constatez quand vous allez dans plusieurs établissements, mais aussi sur la gestion de l'énergie et sur la décarbonation. Donc, c'est une filière qui est en pleine mutation pour justement essayer de trouver à s'adapter par rapport à ces nouvelles conditions climatiques.

SEBASTIEN KREBS
Vous dites, la saison touristique a bien démarré. Alors, ça dépend un peu des régions, et c'est vrai que dans les régions du Sud, et on en parlait il y a quelques jours, notamment sur la côte d'Azur, les chiffres sont un peu en demi-teinte quand même sur le mois de juillet. Est-ce que vous faites un lien entre ces épisodes de chaleur, ces risques d'incendie, ce contexte général, et une forme de désaffection pour ces régions cette année ?

NATHALIE DELATTRE
Effectivement, quand on reprend les chiffres globaux de la France, on voit qu'on a une augmentation du tourisme, et ça c'est l'effet Jeux Olympiques et Paralympiques qui ont donné envie de France à beaucoup d'étrangers, notamment le Tour de France aussi, qui génère 3 milliards de téléspectateurs par an, ou la réouverture de Notre-Dame. Donc, quand on regarde, on a une dynamique qui est bien meilleure que 2024, qui était déjà une année record. Après, bien sûr que ce n'est pas homogène, c'est assez hétérogène selon les régions. Alors vous savez, il y a aussi un effet de ressenti, parce que je vois, je suis de Nouvelle-Aquitaine et de Bordeaux, quand j'entends les acteurs, et j'ai vu aussi, j'ai eu les mêmes propos, par exemple, de la Corse, quand j'entends les acteurs, ce ressenti est plutôt mitigé. Quand je regarde les chiffres, et quand j'interroge les professionnels, je vois que sur le littoral, sur la côte, il y a plutôt une augmentation des réservations et de la présence. C'est plutôt dans le pays intérieur, où parfois c'est plus compliqué. Ce qui est constaté, c'est plutôt une moindre dépense de la part des touristes. Autant de touristes, mais qui dépensent un peu moins.

SEBASTIEN KREBS
Et du coup, qui frappe, d'où les conséquences, beaucoup sur les restaurateurs, avec des Français qui vont un peu moins au resto qu'avant lorsqu'ils sont en vacances, et qui se détournent aussi.

NATHALIE DELATTRE
Oui, une restauration.

SEBASTIEN KREBS
Pardon, on a beaucoup parlé de l'Espagne ces derniers jours, parce que l'Espagne, elle, a des très bons chiffres, et on voit beaucoup de Français se tourner vers l'Espagne parce que moins cher. Est-ce que la destination France, et notamment la côte d'Azur, est devenue une destination trop chère pour les Français ?

NATHALIE DELATTRE
Et on voit pas mal d'Espagnols revenir en France aussi. Donc, les mouvements sont compensatoires. Je crois que l'Espagne a aussi ses problématiques de canicule, d'incendie. Et quand on regarde, c'est vrai que l'on voit un mouvement vers des zones un peu plus fraîches, de montagnes, la Bretagne ou d'autres.

SEBASTIEN KREBS
Et sur le niveau des prix, notamment dans les restaurants, est-ce qu'il n'y a pas une réflexion, une remise en cause à avoir ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, vous savez, je crois que la restauration traditionnelle connaît quelques problématiques, certainement aussi d'éducation, d'habitude, qui ne sont plus prises de repas familiaux au restaurant. Des prix aussi, puisque quand on regarde, nous avions interrogé les Français, c'est vrai que pour un tiers d'entre eux, ils souhaitent consacrer moins de 500 euros aux vacances. Donc, des choix s'opèrent entre le budget, l'alimentation et les activités, par exemple. Donc, je pense que chacun doit regarder son niveau de prix, effectivement, et l'acceptabilité que peuvent en avoir les consommateurs. Il y a, encore une fois, des Français, il y a aussi des touristes étrangers qui sont prêts, eux, à engager plus d'investissements sur notre secteur touristique.

SEBASTIEN KREBS
Vous êtes favorable à cette proposition du restaurateur Alain FONTAINE, qui était sur RMC cette semaine et qui demandait à faire sauter le plafond des tickets, des titres-restaurants, pour que les clients puissent payer l'entièreté de leur addition avec. Vous soutenez cette proposition ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, vous savez, il y a un chantier, c'est Véronique LOUWAGIE, ma collègue à Bercy, qui travaille sur ces tickets-restaurants, que tout le monde, effectivement, n'a pas, mais c'est un acquis des salariés. Aujourd'hui, la demande qui est faite de la part des consommateurs est plutôt de pouvoir aussi en bénéficier sur la grande distribution. Donc, il y a une grande réflexion qui a été entamée, des tables rondes qui se sont tenues, avec à la fois les restaurateurs, des consommateurs, pour prendre en compte les besoins de chacun. Il est important que nous puissions continuer à avoir un ticket-restaurant pour aider la restauration, c'est évident.

SEBASTIEN KREBS
Et donc, pourquoi ne pas augmenter le plafond, où on en reste à ses 25 euros ?

NATHALIE DELATTRE
Vous savez, c'est un ticket qui est, pour partie, payé par le salarié, pour partie aidé par le chef d'entreprise. Donc, on peut toujours essayer d'aller plus haut, mais il semblait que la discussion ne tournait pas par rapport au prix haut, mais effectivement sur la façon dont il pouvait être réparti.

SEBASTIEN KREBS
Nathalie DELATTE, les hôteliers ont déclaré la guerre cette semaine aux plateformes de réservation sur internet, notamment BOOKING, accusé d'abuser de sa position dominante pour imposer des conditions très strictes et des commissions très élevées. Une action est engagée en justice à l'échelle européenne par 10 000 hôteliers, est-ce que vous les soutenez ?

NATHALIE DELATTRE
Oui bien sûr, j'ai rencontré mon homologue européen, qui est commissaire au tourisme, commissaire grec, pour lui rappeler cette volonté d'arriver à trouver une solution avec BOOKING, mais de toute manière qui aura une solution réglementaire, parce que BOOKING a son siège social qui est situé à Amsterdam, et cette action en justice concerne l'ensemble des pays européens, pour arriver à faire en sorte que BOOKING respecte notre droit européen, et ne soit pas dans une position, ça s'appelle un abus de position dominante, par rapport à nos hôteliers français qui ont besoin de cette plateforme, qui deviennent très dépendants de cette plateforme, mais qui sont soumis à des règles complètement déséquilibrées, vous le disiez, il y a des commissions excessives, des fois jusqu'à 25 % du prix de la chambre, et puis, des interdictions de ne pas pouvoir sur le site propre de l'hôtel, pratiquer d'autres tarifs, même au téléphone, quand vous essayez de réserver directement, les hôteliers ne se permettent pas à cause de la pression de BOOKING, de pratiquer des prix différents.

SEBASTIEN KREBS
Donc, il va falloir durcir la réglementation, c'est ce que vous nous dites, juste un dernier mot Nathalie DELAS.

NATHALIE DELATTRE
La réglementation est durcie, puisqu'ils auront l'obligation de rentrer dans les clous à partir du 1er janvier 2026, mais on avait envie que ça se fasse un peu avant.

SEBASTIEN KREBS
Un dernier mot Nathalie DELATTRE, sur la compagnie RYANAIR, qui a décidé de suspendre un certain nombre de ses dessertes en France pour l'hiver prochain, 25 lignes supprimées, avec un impact sur des aéroports régionaux, Strasbourg, Brève, Bergerac notamment. La compagnie RYANAIR qui dénonce des taxes trop élevées en France, c'est la taxe sur les billets d'avion qui a triplé cette année. Est-ce que, à vous aussi, cette taxe vous paraît trop élevée ? Les aéroports français demandent, est-ce qu'elle redescende ? Est-ce que vous allez revenir dessus dans le prochain budget ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, en tout cas, c'est une demande conjointe que nous faisons avec mon collègue au transport, Philippe TABAROT. Alors moi, je ne suis pas pour la suppression de la taxe, mais nous avions effectivement une augmentation, et je souhaiterais que nous en revenions au même plafond que 2024, parce que, nous voyons, ce sont des territoires qui sont enclavés, qui vont devoir faire face à cette absence de RYANAIR. RYANAIR qui est pourtant une société qui se porte bien, et c'est vrai qu'avec Philippe TABAROT…

SEBASTIEN KREBS
Est-ce que c'est une forme de chantage de la part de RYANAIR ?

NATHALIE DELATTRE
Écoutez, de toute manière, je pense qu'en ce qui concerne RYANAIR, ils en profitent pour optimiser, évidemment, leurs lignes, et je ne trouve pas ça correct par rapport aux dessertes. Vous savez, moi, j'ai vécu à Bordeaux le départ de RYANAIR, et on voit véritablement l'impact négatif sur le territoire. Malheureusement, cette taxe qui est de 7,40 euros en moyenne par billet allait… Effectivement, ça fait 15 euros sur un low cost, et encore une fois, avec Philippe TABAROT, nous soutenons…

SEBASTIEN KREBS
Et vous demandez à ce qu'elle redescende à son niveau précédent qui était à 2,63 euros au lieu de 7 euros, c'était le niveau précédent. Merci d'être venu ce matin en direct sur RMC, Nathalie DELATTRE, ministre en charge du tourisme. Il est 8 h 53.


source : Service d'information du Gouvernement, le 11 août 2025