Texte intégral
HÉLÈNE FILY
Un mois de compétition, seize nations engagées et 375 000 billets vendus. Cette Coupe du monde de rugby féminin qui s'ouvre, ce soir, en Angleterre, déjà des records et la France espère que ça va lui porter chance. Bonjour Gaëlle MIGNOT,
GAËLLE MIGNOT, SÉLECTIONNEUR DE L’ÉQUIPE DE FRANCE FÉMININE DE RUGBY
Bonjour,
HÉLÈNE FILY
Merci d'entrer en ligne avec nous, vous êtes la sélectionneuse et co-entraîneuse de cette équipe de France qui entrera en lice demain, ce sera face à l'Italie. Est-ce que déjà, vous êtes surprise par l'engouement suscité par la compétition ? C'est quand même trois fois plus de billets vendus qu'à la dernière Coupe du Monde.
GAËLLE MIGNOT
Non mais je crois que le rugby féminin, il monte d'année en année, je crois que c'est sûr qu'on s'atteint à une Coupe du Monde différente de la dernière qu'on a pu vivre. Ici en plus en Angleterre, je crois que les Anglais font bien les choses, on le sent là, nous déjà ça monte, il y a beaucoup de d'engouement et on sait que voilà, cet événement va être un événement que personne n'a connu encore.
HÉLÈNE FILY
Est-ce que vous vous dites on revient de loin, vous qui avez connu l'époque où les joueuses de rugby disputaient des matchs dans des stades bien peu remplis ?
GAËLLE MIGNOT
Ben c'est surtout que je suis très contente de voir l'évolution, je crois que c'est ce qu'on souhaite, c'est ce qu'on veut et je crois qu'au fur et à mesure, d'année en année ça augmente, le public nous suit, les médias, je crois que c'est chouette pour les filles. Moi j'ai connu d'autres choses mais je suis ravie qu'elles connaissent ça aujourd'hui.
HÉLÈNE FILY
La ministre des sports est également en ligne avec nous, Marie BARSACQ, bonjour,
MARIE BARSACQ
Bonjour,
HÉLÈNE FILY
Et bienvenue. Alors vous, on vous a souvent présenté comme une fan de rugby lors de votre nomination au Gouvernement, j'imagine que vous n'allez pas dire le contraire ce matin. Comment vous expliquez justement ce succès populaire de la Coupe du Monde ? Est-ce qu'il y a eu un effet J.O. ?
MARIE BARSACQ
Oui, certainement. En tout cas, le rugby féminin depuis les J.O. connaît un fort engouement et puis la Coupe du Monde, c'est vraiment toujours un événement majeur qui permet de faire connaître les équipes nationales, donc, c'est le cas pour l'équipe de France, je crois que la Fédération Française de Rugby s'est donné de grands objectifs sur cette compétition et donc du coup, ça a permis de faire connaître les joueuses, de parler beaucoup du tournoi des Six nations qui a précédé la Coupe du Monde. On se souvient du dernier match qui s'est joué sur le fil entre la France et l'Angleterre, donc, il y a eu de la dramaturgie dans ce tournoi Destination, donc évidemment ça fait monter l'ambiance et l'enjeu autour de la Coupe du Monde qui va se jouer dès ce soir.
HÉLÈNE FILY
Avec les matchs des Bleus qui seront diffusés sur TF1, pour celui de demain sur France Télévisions aussi tout au long de ce mois qui commence, une finale qui va se jouer à Twickenham qui est le temple du rugby anglais, ça veut dire, Marie BARSACQ, qu'on monte encore là en puissance ?
MARIE BARSACQ
Oui, alors le match est déjà sold out, c'est déjà maintenant le record, le dernier record a été détenu justement par match de rugby à 7 pendant les Jeux, donc là maintenant, ce sera la finale de Twickenham qui est sold out avec évidemment un engouement local très fort.
HÉLÈNE FILY
Oui, c'est plus de 80 000 places quand même dans ce stade.
MARIE BARSACQ
82 000 places, exactement, donc c'est inédit et c'est très bien parce que ça va vraiment permettre de médiatiser très fortement cette compétition. Il va vraisemblablement y avoir aussi un gros niveau de jeu sur cette finale et c'est ce qu'on attend en fait, et je crois que cette Coupe du Monde, elle montre aussi que toutes les équipes ont investi auprès de leurs joueuses pour qu'elles performent et vraisemblablement le niveau de jeu va être bien supérieur à la précédente et c'est heureux parce que c'est ce qu'on attend aussi des matchs très disputés et de haut niveau.
HÉLÈNE FILY
En attendant, avant de parler du niveau de jeu, parlons encore un mot de la médiatisation, Gaëlle MIGNOT, est-ce que ça vous met la pression ? Ou est-ce qu'au contraire vous êtes heureuse de vous dire : "Voilà on va faire beaucoup d'efforts mais il y aura beaucoup de monde pour nous regarder ?"
GAËLLE MIGNOT
Je crois que forcément on s'en sert, je crois que c'est quelque chose que l'on attend depuis un moment que sur lequel les filles apprennent aussi à travailler avec, je crois que c'est ultra important de sentir qu'on est soutenu. Forcément ça montre l'engouement, ça met un petit un petit de pression mais je crois qu'elle est plutôt très positive et je crois que c'est ce que les filles ont besoin donc, on est ravie de ça et on souhaite que de plus en plus ça continue et qu'on soit encore plus suivi.
HÉLÈNE FILY
Alors on va rappeler le palmarès de l'équipe de France de Rugby Féminin, cette fois à la troisième place de la compétition, les Bleus n'ont jamais atteint la finale, est-ce que c'est l'objectif cette année Gaëlle MIGNOT ?
GAËLLE MIGNOT
L'objectif clairement, c'est d'aller dans ce dernier carré, ça c'est une certitude, voilà je crois que les filles travaillent fort, on travaille fort pour cet objectif-là, après, on est tous compétiteurs et compétitrices et c'est surtout de donner la meilleure image possible de la France, voilà d'aller le plus loin possible, on sait qu'aujourd'hui, notre rang est plutôt quatrième et voilà, qu'il va y avoir des équipes devant nous, que le niveau va être très relevé mais je crois qu'on y va avec beaucoup de détermination, d'envie, surtout de bien démarrer la compétition demain, je crois que c'est un des premiers objectifs et après voilà d'aller dans ce dernier carré et de se permettre de rêver d'aller sur la dernière marche.
HÉLÈNE FILY
Parce qu'il y a des équipes très solides en face à vous, il y a l'Angleterre bien sûr, championne d'Europe, la Nouvelle-Zélande, championne du monde en titre, qu'est-ce qui différencie les Bleus, l'équipe de France et l'équipe d'Angleterre par exemple, Gaëlle MIGNOT ?
GAËLLE MIGNOT
Je crois que c'est l'équipe d'Angleterre, forcément c'est une équipe qui est bien rodée, qui travaille ensemble depuis très longtemps, je crois que c'est une équipe qui n'a pas perdu un match depuis la dernière coupe du monde mais en Nouvelle-Zélande où elle perd sur la finale, je crois que voilà c'est un groupe qui a l'habitude de jouer ensemble, qui travaille ensemble au quotidien. Après, je crois qu'on a aussi nos armes qui sont différentes des leurs, je crois qu'il faudra être prête au moment où on devra les rencontrer. Le dernier tournoi montre qu'au fur et à mesure on se rapproche d'elles, donc voilà, je crois que notre objectif c'est surtout de monter en puissance tout au long de cette compétition et on sait que si on veut aller au bout un moment donné on devra croiser leur route donc voilà.
HÉLÈNE FILY
Parce que début août vous avez perdu un match face à l'Angleterre, j'imagine que vous le mettez de côté, vous vous dites : "On n'y pense plus et on se projette sur cette coupe du monde". Marie BARSACQ, qu'est-ce qui manque finalement à la France ? Est-ce que le rugby féminin en France n'a pas tout à fait les mêmes moyens que le rugby néo-zélandais ou anglais ?
MARIE BARSACQ
C'est une question de culture au départ, mais on est en train de travailler, comme le disait Gaëlle, à la structuration du rugby féminin en France. La Fédération s'est donné une forte ambition avec un objectif de licenciés de 100 000 en 2033, donc, ce qui veut dire doubler le nombre de licenciés par rapport à aujourd'hui. Évidemment, l'étape de la Coupe du Monde dès cette année va être décisive, donc, je crois qu'il faut aussi s'inspirer de ce qui marche et ce que fait la Fédération. Elle regarde beaucoup ce que fait l'Angleterre, professionnaliser les clubs, accompagner les clubs dans la professionnalisation, les aider aussi, encore une fois, à médiatiser les initiatives qui ont eu lieu l'année dernière, par exemple avec la Ligue Nationale de Rugby et CANAL +, qui a diffusé en levée de rideau, donc, avant le match de top 14, le match de l'élite 1. Ça, c'est une très bonne chose, parce que ça a donné à voir du coup à des spectateurs de rugby les équipes de l'élite 1, donc, ça va dans le bon sens. On a vu aussi de l'affluence inédite sur un match entre Bordeaux et Clermont-Ferrand, l'année dernière, de l'élite 1, avec 18 000 spectateurs. Donc, il y a aujourd'hui, des chiffres qui montrent que la tendance est là, qu'il y a une envie de rugby. Les spectateurs aussi de rugby féminin sont plus diversifiés que les garçons, donc, il y a un engouement pour un nouveau public. Je crois qu'il y a plus de filles. La Fédération Internationale de Rugby a produit une étude qui montre qu'il y a 43 % de fans de rugby féminin qui sont des femmes. Donc, on voit qu'on a aussi un potentiel important. Tous ces enjeux-là sont bien pris en compte par la Fédération. Maintenant, il faut continuer à y mettre des moyens et ne rien lâcher sur les ambitions.
HÉLÈNE FILY
Ce n'est pas facile dans un contexte de déficit de coupe budgétaire.
MARIE BARSACQ
C'est sûr, c'est des choix. Je suis bien placée pour savoir que ce n'est pas évident, mais en même temps, c'est nécessaire parce que ça répond à des enjeux de société où on a envie de voir des femmes pratiquer le rugby comme on a envie de voir des femmes pratiquer du foot. On l'a vu avec l'Euro de foot féminin qui s'est terminé au mois de juillet. Il y a des envies pour le sport féminin. Il faut s'y intéresser. Les marques aussi s'y intéressent de plus en plus, notamment au lendemain des Jeux de Paris 2024 où vous l'évoquiez, il y a eu un vrai enjeu et impact sur le sport féminin en général suite aux Jeux de Paris 2024 parce que la médiatisation était au rendez-vous. Donc, il faut faire les choix du sport féminin en France.
HÉLÈNE FILY
Un mot sur les moyens. Gaëlle MIGNOT, est-ce que vous avez préparé cette Coupe du Monde dans des conditions peut-être moins confortables que d'autres équipes ?
GAËLLE MIGNOT
Pour le coup, je pense qu'on a préparé cette Coupe du Monde au même titre que d'autres équipes et peut-être même mieux que certaines autres nations qui rentrent. Je crois qu'il y a 16 nations. Tout le monde n'est peut-être pas logé à la même enseigne mais nous, on a eu vraiment la chance de pouvoir préparer cette Coupe du Monde déjà depuis un petit moment puisque je crois qu'un projet Coupe du Monde, il ne faut pas oublier que c'est un projet, c'est un cycle de trois années pour notre part puisque la dernière avait lieu en 2022. Je crois qu'on a eu la chance de pouvoir avoir les filles assez régulièrement. On a fait le choix de faire trois stages de dix jours, de renvoyer les filles aussi chez elles le 3-4 jours parce que c'est important de trouver un équilibre entre travail et aussi vie personnelle. Là, on part pour une compétition de six semaines donc, voilà c'était important pour nous de hacher un petit peu cette préparation. Je crois que les Anglaises ont été sur le même format. Elles ont commencé un petit peu plus tôt que nous parce que leur championnat a fini un petit peu plus tôt mais voilà, je crois que nous on est content de notre préparation. C'était ce qu'on voulait faire donc, il n'y a pas de souci.
HÉLÈNE FILY
Est-ce que vous vous dites qu'une belle performance en Angleterre permettrait d'enclencher un cercle vertueux, finalement plus de licenciés, plus de médiatisations donc plus d'argent aussi ?
GAËLLE MIGNOT
Oui ça c'est une certitude. Je crois que le rugby féminin à chaque Coupe du Monde, prend un coup d'élan. Je crois que la dernière, quand j'ai commencé je crois en 2014, c'était un des objectifs qu'on s'était donné. La Coupe du Monde en France a mis vraiment un gros coup de projecteur sur la pratique et sur la médiatisation. Ça a déjà fait passer un cap et chaque Coupe du Monde fait passer un cap et celle-ci on est persuadé qu'avec tout ce qui est en train de se mettre en place en Angleterre, comme on l'a dit, une finale déjà sold out qui n'est jamais arrivée dans l'histoire du rugby, je crois que là oui, forcément on s'attend à un événement qui peut faire basculer des choses et qui sera très positif. Donc, je crois que les filles ont vraiment aussi à cœur, au-delà de la performance sportive, de montrer vraiment la meilleure image possible d'elle et de la France et de représenter au mieux le pays.
HÉLÈNE FILY
Un dernier mot Marie BARSACQ, une Coupe du Monde de rugby féminin en France, est-ce que ce serait possible ? Est-ce que ce serait une belle consécration ?
MARIE BARSACQ
Oui, écoutez en tout cas, on veut que le souhaiter parce que comme le disait Gaëlle, accueillir une compétition de ce niveau est une vraie locomotive pour la pratique, pour développer la pratique. Et puis en France, nous avons un vrai talon sur l'organisation des événements sportifs, vous le savez. Évidemment les Jeux Olympiques et Paralympiques récemment mais plus largement la Coupe du Monde de rugby en 2023. Et puis, là nous allons encore accueillir des grandes compétitions prochainement. Ce qui veut dire que c'est un objectif qui serait souhaitable et je laisserai les instances du rugby en décider.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 septembre 2025