Texte intégral
ANTOINE COMTE
Bonjour Marc FERRACCI.
MARC FERRACCI
Bonjour.
ANTOINE COMTE
Merci d'être avec nous ce matin sur France Info TV. Première question, François BAYROU s'est exprimé à nouveau hier soir et il semble vouloir tendre la main aux oppositions. Il dit qu'il veut les recevoir à partir de lundi à Matignon, les chefs de groupes parlementaires et les présidents de partis. Est-ce que vous y croyez encore, vous ? Est-ce qu'il y a une marge de négociation sachant qu'on est à 11 jours du vote de confiance qui est donc programmé le 8 septembre ? Est-ce que vous y croyez ou vous vous dites ça y est moi je fais mes cartons c'est terminé là ?
MARC FERRACCI
Oui, il faut y croire évidemment. Il faut y croire. Moi, mon état d'esprit c'est de ne jamais rien lâcher. On est, vous l'avez dit, à 11 jours d'un vote important, un vote de responsabilité. Ce qu'a souhaité faire le Premier ministre c'est de clarifier la situation. Clarifier la situation ça veut dire être lucide sur l'état de nos finances publiques, sur l'état de la dette et engager la responsabilité du Gouvernement. C'est ce que dit la Constitution, ce fameux article 49 qu'on mobilise. Il prévoit d'engager la responsabilité du Gouvernement et donc on aura, le 8 septembre, un vote de responsabilité. La question est simple, ça n'est pas de décider des mesures qui sont celles du budget ; c'est de savoir si l'on veut agir, si l'on doit agir. Je pense que de ce point de vue il y a effectivement 11 jours pour convaincre. Moi, j'espère que nous réussirons à convaincre.
ANTOINE COMTE
Est-ce qu'il ne fait pas un petit peu tout à l'envers, François BAYROU ? Il avait le temps, finalement, de rencontrer les chefs de parti, les principaux opposants. Il décide finalement de les rencontrer seulement la semaine prochaine - il reste 11 jours, on l'a dit - alors qu'il aurait pu très bien négocier, en effet évoquer les mesures jusqu'à finalement que le budget soit mis à l'examen à l'Assemblée nationale comme ça se passe habituellement. Pourquoi il inverse finalement les choses et pourquoi il s'accorde si peu de temps ?
MARC FERRACCI
On a le temps de discuter…
ANTOINE COMTE
11 jours, ce n'est pas beaucoup.
MARC FERRACCI
Non pas des mesures, encore une fois j'insiste, mais du constat.
ANTOINE COMTE
Mais les oppositions jouent là-dessus.
MARC FERRACCI
On a 11 jours pour discuter du constat pour savoir si indépendamment de ce que l'on souhaite pour le budget, est-ce qu'on fait peser les efforts sur tel ou tel acteur économique ? Est-ce qu'on engage telle ou telle mesure ? Ça, c'est le sujet qui se posera après, c'est-à-dire dans les semaines et les mois qui vont venir. On a besoin d'avoir un budget à la fin de l'année, c'est-à-dire au 31 décembre. Mais d'ici là, on a d'abord besoin de se mettre d'accord sur le constat. Pour cela on a le temps, je pense qu'on a véritablement le temps de discuter. Et ensuite les négociations commenceront sur les mesures comme elles le font chaque année au moment de la discussion budgétaire. Donc moi, je pense que le Premier ministre a eu raison de mettre ce sujet de la dette au milieu du débat. C'est un combat noble parce que c'est un combat qui engage l'avenir du pays, l'avenir de nos enfants. Aujourd'hui, on a le choix entre le déni de réalité sur ce qu'est la situation du pays et sur ce qu'est la nécessité d'agir et la lucidité. Je pense qu'il ne faut pas être dans le catastrophisme, mais il faut quand même prendre la mesure de ce qui se joue. Moi je ne veux pas, pour mon pays, d'une forme de dépendance, d'une dépendance à nos créanciers, d'une dépendance à ceux qui nous prêtent de l'argent. Cette dépendance pourrait intervenir si on ne fait rien aujourd'hui. L'enjeu c'est de faire des efforts aujourd'hui pour ne pas avoir à subir la situation demain.
ANTOINE COMTE
Marc FERRACCI, vous nous dites que le temps des négociations viendra après, que ce sera dans un second temps et que là, le but c'est de se mettre d'accord sur le constat de l'endettement du pays. Mais on voit bien que dès lundi à Matignon, Marine Le PEN va arriver avec ses revendications sur telle ou telle mesure. Olivier FAURE pour le Parti Socialiste aussi. Est-ce que le temps de la négociation ce n'est pas dès maintenant ? Est-ce que le fait qu'il reste 11 jours, ce n'est pas catastrophique finalement ?
MARC FERRACCI
Le Premier ministre l'a dit hier soir, tout est négociable s'agissant des mesures. On peut s'interroger sur le sujet des jours fériés, on peut s'interroger sur les mesures fiscales, on peut s'interroger sur la dépense publique.
ANTOINE COMTE
Vous soutenez cette mesure des jours fériés ? Parce que certains membres du Gouvernement ne le soutiennent pas, notamment par exemple les LR. La porte-parole du Gouvernement hier disait, pas plus tard qu'hier, Sophie PRIMAS disait : " nous, chez Les Républicains, Bruno RETAILLEAU, sur la suppression des jours fériés, on n'est pas pour. "
MARC FERRACCI
Mais tout est discutable et moi, je dis depuis très longtemps, quand j'étais député, quand j'étais universitaire auparavant, quand j'étais économiste, je dis qu'on a un sujet de volume de travail en France. On a besoin de travailler plus collectivement. Ça veut dire peut-être faire travailler plus ceux qui travaillent, mais ça veut dire surtout - et c'est là que j'insisterai - faire en sorte que nous soyons plus nombreux à travailler. Et ça, ça fait partie des choses qui sont envisageables, la réforme de l'assurance chômage. Mais encore une fois, par exemple, on ne doit pas discuter sur le détail des mesures maintenant. On peut évoquer des pistes, mais ce que je veux dire, c'est que les discussions qui vont avoir lieu lundi, elles aborderont très probablement ce que souhaitent les différents groupes politiques. Mais on a d'abord besoin de se mettre d'accord sur le constat, et le Premier ministre l'a dit, tout est négociable ensuite. Tout est négociable sauf une chose, c'est le volume d'économie que nous devons faire…
ANTOINE COMTE
44 milliards.
MARC FERRACCI
C'est-à-dire l'effort que nous devons consentir pour rétablir nos finances publiques. Si nous en rabattons sur cet effort, évidemment que la démarche n'est plus crédible. Et ce qui menace notre pays, évidemment, c'est une situation qu'ont connue un certain nombre d'autres pays, d'autres pays développés - le Canada, la Suède, la Grèce - encore plus ces dernières années. C'est une situation dans laquelle les efforts sont extrêmement violents. Parce que moi, je ne veux pas pour mon pays d'une situation dans laquelle on est obligé de baisser les pensions de 20 - 40%, dans laquelle on est obligé de licencier les fonctionnaires. Ça, c'est ce que nous souhaitons éviter, et c'est l'enjeu de la discussion qui a lieu aujourd'hui.
ANTOINE COMTE
Alors Marc FERRACCI, hier, ça nous a un petit peu surpris. François BAYROU a indiqué qu'il n'avait pas échangé avec l'ensemble des groupes politiques et l'ensemble des oppositions durant l'été parce qu'ils étaient en vacances. Ce sont les termes du Premier ministre. C'est un peu risible, ça, non, quand même ? Je veux dire, Marine Le PEN a tout de suite d'ailleurs rétorqué qu'elle lui avait adressé une lettre, à François BAYROU, le 25 juillet ; la lettre qui est d'ailleurs publique. Donc, en fait, qui dit vrai dans cette histoire ? Est-ce que vraiment tout le monde est en vacances et ne voulait pas travailler ? Ou est-ce que c'est François BAYROU qui prend un petit peu tout le monde pour des imbéciles, finalement ?
MARC FERRACCI
Je ne pense pas, évidemment, que ce soit le cas. Le mois d'août n'est pas la meilleure période pour discuter de politique publique, pour discuter de ces enjeux-là. Ce que je sais, en revanche, c'est qu'aujourd'hui, la porte est grande ouverte. Elle est grande ouverte pour la discussion. Elle est grande ouverte pour se mettre d'accord sur des constats. Et encore une fois, pas encore pour se mettre d'accord sur des mesures. Ça, ça viendra après. Ça viendra lors du débat budgétaire. Mais je pense que ce que le Premier ministre a souhaité faire, c'est clarifier les choses. C'est mettre chacun devant ses responsabilités. Mettre chacun devant ses responsabilités, c'est d'abord avoir une approche lucide qui ne soit pas un déni de réalité. Il faut quand même regarder le réel en face, qu'il est fait en face.
ANTOINE COMTE
Vu qu'il y a eu urgence sur le budget, comme le répète à longueur de journée François BAYROU, il n'aurait pas fallu en parler même pendant les vacances ? Non, il fallait que tout le monde s'accorde des vacances et reprendre à la rentrée ?
MARC FERRACCI
Pardonnez-moi mais le Premier ministre a posé, le 15 juillet dernier, un constat extrêmement clair auquel ont été associés tous les groupes politiques, toutes les oppositions, les parlementaires, les représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat sur ce qu'était la situation. Il a esquissé des pistes qui ne sont que des pistes. J'insiste encore une fois, ça n'est pas un budget qui est sur la table et qui a vocation à être discuté au Parlement. Tout ça a été très transparent. Et j'ajouterais qu'en termes de calendrier, il a fait les choses encore plus tôt que ce qu'on fait d'habitude au moment de l'examen du budget. Il a posé les constats encore plus tôt sur la table parce que la situation est grave et parce qu'elle est urgente.
ANTOINE COMTE
Marc FERRACCI, je voudrais qu'on parle de la suite. Si le 8 septembre, le Gouvernement est renversé et que François BAYROU doit s'en aller, que doit faire le Chef de l'État ? Vous êtes un proche d'Emmanuel MACRON. Est-ce qu'il doit dissoudre l'Assemblée nationale ? Est-ce qu'il doit renommer un nouveau Premier ministre qui lui formera un Gouvernement ? Qu'est-ce qu'il faut faire puisqu'il y a urgence et notamment une urgence budgétaire ?
MARC FERRACCI
Exactement. On a besoin d'un budget à la fin de l'année. Ça, c'est l'élément le plus crucial. On a besoin d'un budget parce que, vous savez, l'instabilité politique et l'absence de budget, on l'a bien vécue. Je faisais partie du Gouvernement de Michel BARNIER, l'année dernière, qui a été censuré. C'est un poison pour notre économie, c'est un poison pour nos industries parce que ce sont des embauches qui ne se font pas, des investissements qui sont suspendus, ce sont des lignes de production qu'on attend avant de les moderniser.
ANTOINE COMTE
Mais Marc FERRACCI, pardon, vous êtes pour ou contre la dissolution ?
MARC FERRACCI
Je vous réponds.
ANTOINE COMTE
Est-ce qu'il faut y venir parce que vous parlez de clarification ?
MARC FERRACCI
Avant de parler de dissolution, il faut se donner cet objectif d'avoir un budget pour la fin de l'année. La dissolution, très sincèrement, je ne suis pas sûr qu'elle apporte une solution aux problèmes que nous vivons. Maintenant, il ne faut jamais l'exclure. Le Président de la République, depuis cet été, a de nouveau la possibilité de dissoudre. Mais je pense que ça n'est pas l'option qui doit être privilégiée, certainement pas parce que les Français, d'abord, n'y sont pas forcément favorables et ensuite parce que je ne suis pas certain que ça clarifierait la situation politique. En revanche, on aura besoin de stabilité quoi qu'il arrive.
ANTOINE COMTE
Donc d'un nouveau Gouvernement. C'est ce que vous nous dites ?
MARC FERRACCI
Je ne me situe pas….
ANTOINE COMTE
Marc FERRACCI, de quel bord politique ? Emmanuel MACRON n'a pas essayé, par exemple, de nommer un Premier ministre issu des rangs de la gauche. Pas forcément du NFP, mais par exemple, un profil comme Bernard CAZENEUVE ou Pierre MOSCOVICI. Vous, ça vous irait ?
MARC FERRACCI
Vous êtes en train de faire le casting de ce qui se passerait après le 8 septembre. Moi, je ne me situe pas, au moment où nous nous parlons, dans l'hypothèse où le Gouvernement tombe le 8 septembre. Vous savez, ça fait quelques années que je suis en politique. J'ai appris quelque chose, c'est que les choses ne se passent jamais comme prévu. La décision de François BAYROU d'appeler à ce vote de responsabilité le 8 septembre, elle n'était pas anticipée. Je le dis très tranquillement. Moi, je n'en étais pas informé. Et donc, on voit qu'il peut y avoir des surprises. Et cette surprise, je pense qu'elle peut aussi se concrétiser le 8 septembre. Donc, moi, je ne vais pas faire le casting d'après ; ça n'a pas de sens. Et d'abord, c'est le Président de la République au premier chef qui a cette responsabilité-là. Ce que je dis, c'est que de toute façon, l'histoire ne s'arrêtera pas le 8 septembre. Nous avons besoin de cette stabilité. Et quand je lis et quand je regarde les reportages que je voyais sur votre antenne il y a encore quelques minutes, on voit qu'il y a de l'inquiétude dans notre pays. Il y a de l'inquiétude chez les chefs d'entreprise. Il y a de l'inquiétude chez les ménages. Il y a des gens qui retirent l'argent de leur plan d'épargne-logement parce qu'ils ne savent pas ce qui va se passer dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. Moi, je veux rompre avec cette instabilité. Et je veux que chacun revienne à la raison. La première des étapes pour revenir à la raison, c'est de se mettre d'accord sur le constat et la nécessité d'agir.
ANTOINE COMTE
Marc FERRACCI, 11 jours pour convaincre. Donc vous y croyez encore ? Merci d'avoir répondu à mes questions ce matin sur France Info TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2025