Texte intégral
Bonjour Mesdames et Messieurs,
Je voulais vous dire quelques mots à l'issue de ce septième sommet de la Communauté politique européenne et après le Conseil informel que nous avons tenu hier. Je suis très heureux de voir cette Communauté politique européenne qui avance, qui se structure. Je le disais, c'est le septième sommet. Les sommets à venir sont planifiés, il y a maintenant un secrétariat permanent et on a pu consolider une série d'initiatives qui sont le fruit de cette Communauté politique européenne, et au fond dont le premier objectif, c'est de protéger les Européennes et les Européens et donc aussi les Françaises et les Français, en particulier dans des sociétés où, on le voit bien, ça a été au cœur de nos discussions pendant ces deux jours, la menace est de plus en plus hybride. Nous sommes dans un monde de confrontation et la résilience de nos sociétés, leur capacité à résister aux attaques cyber, aux fausses informations, à toute forme de trafic qui peut participer de la conflictualité contemporaine, est très importante.
Ces dernières années, nous avons pu, dans le cadre de la Communauté politique européenne, d'abord structurer des coopérations en matière de lutte contre les attaques cyber. On a créé des centres communs dans les Balkans, des initiatives communes, une réserve — au sens de la mobilisation des compétences — entre Européens. Nous avons structuré cela et nous avons désormais passé le hub que nous avions créé dans les Balkans au statut de hub international, avec des moyens qui permettent de lutter contre les attaques cyber. Nous avons également défini des méthodes communes de coopération entre membres de la Communauté politique européenne pour lutter contre les ingérences étrangères et la désinformation.
Nous avons lancé aujourd'hui, en coprésidence avec la présidente du Conseil italien, Madame Meloni, une initiative de coopération en matière de lutte contre les trafics de drogue. Nous voyons bien qu'il est nécessaire d'agir au niveau de l'Europe tout entière, du Caucase aux Balkans en passant jusqu'au Nord de l'Europe, pour éradiquer véritablement ces trafics de drogue, à la fois parce que ce sont des sujets organisationnels, des navires et autres qui y participent, ensuite parce qu'il y a une innovation permanente sur le plan technologique de ceux qui utilisent ces filières, et enfin parce qu'il y a une innovation aussi en termes de molécules. Nous avons donc pris plusieurs initiatives très concrètes, y compris à l'égard des transporteurs ou des ports européens, qui assureront le suivi du lancement de cette coalition. Voilà pour vous parler de la Communauté politique européenne, de ce qu'elle produit de manière concrète.
Évidemment, le premier sujet qui a été au cœur de nos échanges, hier comme aujourd'hui, est l'Ukraine. Nous avons réaffirmé — et nous avons pu le faire aussi dans un format plus restreint avec le président Zelensky — notre soutien à l'Ukraine, notre volonté de continuer à apporter un soutien concret en matière de défense sol-air, en matière de drones, et aussi en matière de missiles de longue portée, à un moment où, vous l'avez vu la semaine dernière, les États-Unis d'Amérique se rapprochent de notre position et affichent un soutien beaucoup plus clair à l'Ukraine et une confiance envers l'armée ukrainienne et ses forces de résistance.
Nous avons aussi collectivement travaillé à donner de la visibilité financière à l'Ukraine à travers les propositions faites par la Commission, et ce projet aboutira dans trois semaines. Dans le même cadre, afin d'obtenir la paix — car c'est notre objectif — nous voulons accroître la pression sur la Russie pour la convaincre de revenir à la table des négociations. C'est le sens du 19? paquet de sanctions pris par la Commission. C'est aussi le sens d'une étape supplémentaire que nous franchissons dans la lutte contre la flotte fantôme.
Il y a environ 800 à 1 000 bateaux qui opèrent dans le cadre de cette flotte fantôme, sous pavillons souvent approximatifs, et qui contribuent à l'effort de guerre russe, puisqu'ils financent 35 à 40 % de l'effort de guerre de la Russie. Nous avons pris ces dernières années beaucoup de mesures contre cette flotte fantôme, des sanctions élargies au-delà de l'Europe. C'était d'ailleurs, si vous vous en souvenez, un des acquis de la Communauté politique européenne à Blenheim. Nous avons maintenant décidé d'aller plus loin en mettant en place des politiques d'entrave quand, dans nos eaux, des bateaux suspects participent à ces trafics, afin de réduire la capacité de la Russie à se financer par ce biais et à financer son effort de guerre. Dans les prochains jours, nos chefs d'État-major, en coordination avec l'OTAN, dans le cadre de la coalition des volontaires, se réuniront pour bâtir des actions communes dans les prochaines semaines afin de mettre en œuvre cette politique d'entrave contre la flotte fantôme.
L'autre grand sujet de discussion était évidemment la sécurité des Européens au sens large. Nous en avons parlé hier dans un cadre strictement Union européenne, et nous en avons reparlé aujourd'hui, parce que nous sommes dans un moment de confrontation permanente avec la Russie, qui utilise toute la palette des outils de l'hybridité pour nous déstabiliser : drones, avions entrant dans l'espace aérien, attaques cyber, attaques informationnelles — comme celles que nous avons vécues devant plusieurs mosquées françaises avec de vraies provocations et attaques. Tout cela, c'est la Russie derrière. À cela s'ajoutent évidemment les actes de guerre en Ukraine ou les pratiques hybrides, comme pousser des migrants à la frontière polonaise.
Face à cela, nous avons acté la nécessité d'élever notre seuil de réaction, d'être présents, de nous coordonner très étroitement avec l'Alliance, et de consolider la défense européenne par la solidarité de tous les Européens. Une réponse sera organisée à chaque incursion de drones, et les procédures seront suivies. Nous réaffirmons ainsi notre volonté de préserver l'intégrité de l'espace européen. Au-delà, nous voulons continuer à renforcer l'investissement dans la défense européenne. C'est en ce sens que le programme dit SAFE est extrêmement important : il permet de financer cet effort, d'acquérir davantage de matériel, mais aussi de produire et d'innover. C'est pour cela qu'en Européens, nous souhaitons en faire davantage et nous organiser de manière très structurée. Cela a été le cœur de notre discussion hier après-midi.
Cette Communauté politique européenne a également permis de réaffirmer notre soutien à la Moldavie. Vous vous souvenez : il y a quelques semaines, plusieurs d'entre vous étaient à mes côtés lorsque nous sommes allés soutenir la présidente Maia Sandu, confrontée à des attaques informationnelles et à d'autres formes de pression dans le cadre de son élection. Les pro-européens ont remporté cette élection, mais la pression russe continue de s'exercer. Nous avons donc pu nous réunir pour envisager les prochaines étapes, à la fois de l'élargissement de l'Union européenne à la Moldavie, mais aussi de son soutien face aux attaques informationnelles et aux tentatives de déstabilisation.
Enfin, j'ai pu avoir une série d'échanges bilatéraux à l'occasion de cette Communauté politique européenne, qui ont permis d'avancer sur l'agenda avec plusieurs pays. J'y reviendrai dans le cadre de vos questions.
Je veux conclure en redisant tout le soutien du peuple français et de la France au peuple britannique. En ce jour très symbolique, l'attaque terroriste de Manchester rappelle que notre Europe reste victime de cette folie terroriste et de l'antisémitisme. Je veux redire au Premier ministre Starmer et au peuple britannique tout notre soutien, ainsi qu'à la communauté juive en Grande-Bretagne et partout en Europe, et réaffirmer l'engagement de tous les dirigeants européens dans la lutte contre tous les actes antisémites, évidemment les attaques terroristes, mais aussi toutes les formes que peut prendre cette haine. Je vais maintenant répondre à vos questions.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce pour illustrer votre politique d'entrave que le navire auprès de Saint-Nazaire a été arraisonné ou il y avait-il des preuves ?
Emmanuel MACRON
C'est exactement pour illustrer cette politique. Il y avait des soupçons et il y a donc eu une action de notre marine. Celle-ci a fait face à des comportements inappropriés et extrêmement agressifs à l'égard de notre Frégate et des hélicoptères qui avaient été déployés et qui ont justifié ensuite l'ouverture d'une enquête et donc d'une action judiciaire.
Journaliste
Après l'arraisonnement de plusieurs navires par les forces israéliennes. Considérez- vous qu'il faille convoquer l'ambassadeur d'Israël à Paris, et considérez-vous que la flottille puisse continuer sa route vers Gaza dans ces conditions ?
Emmanuel MACRON
Nous demandons que toutes les règles soient respectées et que nos compatriotes soient protégés, comme il se doit. Et donc nous suivons de manière extrêmement étroite cette situation avec nos partenaires européens qui sont concernés, en particulier l'Italie et l'Espagne. Nous sommes très attentifs. Nous demandons à ce que tous nos compatriotes qui ont fait ce choix, qui est un choix d'engagement face à une situation que nous avons nous-mêmes dénoncée de la manière la plus officielle, et face à laquelle nous agissons et nous voulons continuer d'agir, que nos compatriotes soient protégés. Et donc nous suivons cela en fonction de l'évolution, nous prendrons les dispositions qui conviennent.
Journaliste
French special forces have boarded a ship which are considered to be linked to the drone incursions in Denmark. Can you share with us a little bit ?
Emmanuel MACRON
I'm very cautious because our services and our justice are still working. But obviously as soon as we will be perfectly sure about the nature of the information, we will be follow up. And our Danish friends and your Prime Minister and your services will be the first one to be informed. I don't exclude it at all. But I cannot, here, attribute very clearly and establish a clear link between these two phenomena. But I want to reiterate my full support after this drones' attacks and this destabilization. And I think we are all in total solidarity. And this is why, by the way, we cooperate for the security of this summit.
Journaliste
Mr. President, are there some steps taken by Azerbaijan and Armenia towards the peace agreement ?
Emmanuel MACRON
I am extremely happy by the agreement signed in Washington. We completely backed this agreement. You know that we always backed international law. I saw this morning Prime Minister Pashinyan and I saw this afternoon president Aliyev and France will accompany this process. And we do hope that after the Paraf, we will have a full-fledged signature with all the different steps toward the total normalization in the region and total normalization with the other neighbours.
Journaliste
Au vu de la crise politique ?
Emmanuel MACRON
Je ne répondrai à aucune question nationale, ça n'aurait aucun sens depuis Copenhague.
Journaliste
Est-ce qu'il y des règles d'engagements à définir pour l'espace aérien européen ?
Emmanuel MACRON
L'OTAN a déjà établi des engagements clairs en ce qui concerne les drones. Et donc là, c'est très clair. Quand un drone n'est pas identifié viole un espace aérien, les pays sont totalement habilités à le neutraliser.
Pour ce qui est des avions, nous connaissons les règles. Elles supposent de se coordonner. Il faut que ces règles soient clairement établies, réétablies et lisibles. Il ne faut pas de surprises. Et il se peut que dans des erreurs, des opérations, il y ait des violations d'espaces aériens momentanés. À ce moment-là, ça se déconflicte avec le pays d'origine et le pays dont c'est l'espace aérien.
Mais lorsqu'il y a une violation établie, il y a des mécanismes d'escorte. Enfin, je ne veux pas ici rentrer dans les détails, mais la visibilité, ligne de déconfliction. En tout cas, la politique est simple, nous ferons respecter nos espaces aériens et nous ne serons jamais, nous, dans l'escalade. Mais ne pas être dans l'escalade ne veut pas dire être faible.
Journaliste
Mr President, you didn't seem very convinced yesterday on the idea that a drone war should be prioritized. The EU has said that it wants to prioritize that and the sort of Eastern flank watch. Do you think the priority should be elsewhere ?
Emmanuel MACRON
No, I think drones and anti-drone systems are top priority in the war in Ukraine and for our own security. The recent events are the perfect illustration of that. At the same time, I think we have to be very clear with our people. There is no Iron Dome for Europe. There is no wall and perfect wall, drone wall, for Europe. We speak about more than 3,000 kilometers border. Do you think it's totally feasible ? The answer is no.
We have to scale up our capacities. We have to innovate. But we need a full-fledged approach, which is a strategic concept. You have to deter your enemy. And deterrence capacities are key, because the best drone wall is to convince your enemy that his interest is not to send any drone to you.
Journaliste
So is it a waste of time, then ?
Emmanuel MACRON
No, no, no, no. But you have to calibrate and this is the complementarity between all these initiatives. So you need to coordinate the deterrence capacities of the different countries. You have clearly to equip the Europeans in an aggregated approach with ballistic capacities and long-range capacities. It's part of the deterrence as well on the conventional part.
Third, we need early warning systems. It's one of the things which we are missing in the recent operations. And fourth, you need anti-drone capacities and drone capacities. So this is a full-fledged approach. It's not one single concept which will fix this issue. But what is clear is we are in a permanent confrontation. We have more and more hybridity. And the innovation and drones are key players in the war of our times.
Journaliste
Qui va payer pour tout ça ? Est-ce qu'il faut faire une dette commune encore ?
Emmanuel MACRON
Alors, d'abord, les budgets de chaque pays augmentent pour l'effort de guerre. Vous l'avez vu, la France aura doublé en 10 ans son budget de défense. Mais nous sommes tous en train d'augmenter nos budgets, ce sont des responsabilités nationales. Je me félicite qu'on ait une meilleure coordination européenne. Et d'ailleurs, c'est ce que nous avions lancé avec l'Allemagne lors de nos présidences successives, parce que tout ça vient s'inscrire dans la boussole stratégique. Rappelez-vous ce que nous avions coordonné à travers nos deux présidences et qui a défini les grands concepts, les grandes menaces à l'horizon 2030.
Et donc là, on met ensemble des capacités nouvelles d'endettements, qui viennent abonder les achats nationaux, je suis très favorable à ce que nous ayons plus de programmes capacitaires en européen. Et lors des débats que nous aurons sur le budget européen, il est très clair que la défense et la sécurité devront être au cœur de nos nouvelles priorités. On a besoin d'une Europe qui investissent beaucoup plus dans ces capacités communes de défense et dans ces innovations.
Ce que j'ai dit, par exemple, sur les systèmes d'early warning ou de drones, on a des capacités qui existent. Si on veut passer à l'échelle, il faut un budget européen. En matière spatiale, en matière cyber, en matière aussi maritime, qui sont les nouveaux espaces de conflictualité, il faut une politique européenne plus forte. Donc la réponse est oui.
Journaliste
Sur les liquidations des avoirs russes, le principe est acté. Maintenant ce sont les modalités à définir ?
Emmanuel MACRON
Alors, je redis ici de manière très claire : nous respecterons le droit international parce qu'il en va de la crédibilité des Européens et de l'attractivité de l'Europe. Et le Premier ministre belge a totalement raison de rappeler toujours ces règles-là. L'Europe, ce n'est pas un continent où on peut d'un seul coup prendre possession des avoirs d'une banque centrale ou de qui que ce soit. On respecte la loi internationale. Par contre, ces actifs gelés, seront partie de la solution à la fin de cette guerre parce que la Russie aura créé beaucoup de dommages et a créé beaucoup de coûts pour tout le monde.
Ce qui est proposé par la Commission, c'est une innovation, si je puis dire, juridico-financière qui permet de donner de la visibilité à l'Ukraine en respectant le droit international et ses règles et en ayant une garantie ou du budget de l'Union ou des États membres sont des techniques qui sont à discuter. Et donc c'est ces techniques sur lesquelles on va travailler dans les semaines à venir.
Journaliste
The IDF operation that happened yesterday against the Gaza flotilla, can you comment on that ?
Emmanuel MACRON
It joins the question of your colleague. We will be extremely clear that nothing can justify any operations which will be not compliant with international law. And the security of our compatriots and all all the civilians who were on these different boats has to be totally respected. And so we are assessing the situation, we are following very carefully the situation and we will have a coordinated answer with our colleagues from Spain and Italy, if there is any unacceptable behaviour.
Journaliste
Est-ce que cela viole le droit international ?
Emmanuel MACRON
Je ne l'ai pas qualifié parce que nous sommes en train de regarder les faits tous ensemble. Merci beaucoup. Je vais devoir y aller. Merci beaucoup à tous.