Texte intégral
AGATHE LAMBRET
Bonjour Laurent NUNEZ,
LAURENT NUNEZ
Bonjour,
AGATHE LAMBRET
Vous faites partie de ceux qui ont accepté de monter à bord du nouveau Gouvernement en cette période de crise et pas à n'importe quelle place. Vous êtes numéro deux de l'équipe, ministre de l'Intérieur, un domaine qui vous est familier. Vous étiez notamment préfet de police de Paris et depuis trois ans, vous êtes spécialiste des questions de terrorisme. Vous allez nous dire quelles sont vos priorités, comment vous comptez laisser votre empreinte à Beauvau. Mais d'abord hier, en tant que numéro deux, vous avez lu la déclaration de politique générale du Premier ministre au Sénat, discours que Sébastien LECORNU prononçait au même moment à l'Assemblée. Les mots qu'il a prononcés font que votre bail sera peut-être un peu plus long que prévu. On écoute le Premier ministre.
SEBASTIEN LECORNU, PREMIER MINISTRE
Je proposerai au Parlement dès cet automne, que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu'à l'élection présidentielle.
AGATHE LAMBRET
Vous appartenez à un Gouvernement qui a mis à l'époque des millions de personnes dans la rue pour faire adopter cette réforme au forceps, réforme qui était censée être l'alpha et l'oméga du Macronisme. Et aujourd'hui, vous la suspendez. C'était du vent, tout ça ?
LAURENT NUNEZ
Non, ce n'est pas du vent. Il faut voir la situation actuelle dans notre pays où il y a une instabilité qui est assez forte. Il y a surtout une crise parlementaire. Il n'y a pas de majorité absolue. Il y a des difficultés fortes. Et ce qui a été annoncé par le Premier ministre, évidemment, c'est un geste. C'est un geste de responsabilité surtout, qui renvoie évidemment à l'Assemblée nationale, notamment. Donc, la responsabilité de lancer une discussion sur le débat budgétaire. Il faut à tout prix qu'on ait un budget avant la fin de l'année. C'est extrêmement important pour la stabilité de notre pays.
AGATHE LAMBRET
Oui, parce que le Premier ministre avait dit : " Quel mauvais signal ce serait d'envoyer aux marchés qui viennent de dégrader ".
LAURENT NUNEZ
Absolument. Le projet de budget pour 2026 ainsi que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été déposé. Il a été discuté, hier, en Conseil des ministres, adopté en Conseil des ministres. La discussion parlementaire va pouvoir se lancer. Voilà, il y a un geste fort qui a été fait par le Premier ministre de suspendre la réforme des retraites à l'endroit où elle en était, et ce jusqu'en janvier 2028. C'est un geste d'apaisement. Mais voilà, il fallait sortir de cette crise parlementaire. Et surtout responsabiliser le Parlement. C'est-à-dire que le Premier ministre l'a dit clairement. Maintenant, on est dans un régime qui est presque parlementaire. Il y a beaucoup de choses qui vont se passer au Parlement.
AGATHE LAMBRET
Vous appelez les parlementaires à prendre leurs responsabilités.
LAURENT NUNEZ
Mais bien sûr. Le Gouvernement va faire un certain nombre de propositions. Il y aura des débats, comme l'a dit le Premier ministre.
PAUL LARROUTUROU
Vous parlez de gestes d'apaisement.
LAURENT NUNEZ
Ils vous débattront et vous voterez.
PAUL LARROUTUROU
Vous parlez de gestes…
LAURENT NUNEZ
C'est important que la machine parlementaire soit relancée, qu'il puisse y avoir des débats où les oppositions pourront s'exprimer, où la recherche de compromis sera vraiment la priorité.
PAUL LARROUTUROU
Pour vous, ce n'est pas un grand écart idéologique. C'est un geste d'apaisement. Mais est-ce que vous ne faites pas ça aussi parce que les socialistes vous ont totalement mis un couteau sous la gorge et ont menacé de faire chuter le Gouvernement si vous ne le faisiez pas ?
LAURENT NUNEZ
Je crois qu'il faut voir les choses peut-être de manière aussi différente. Le fait qu'il n'y ait pas de discussion sur le budget provoquerait une instabilité qui coûterait très cher à notre pays. Et le coût de la suspension de la réforme des retraites, qui a d'ailleurs été donné par le Premier ministre, hier, dans sa déclaration de politique générale, que j'ai lue effectivement au Sénat, ce coût serait sans commune mesure avec ce que serait le coût pour notre pays d'avoir un budget qui ne soit pas adopté.
AGATHE LAMBRET
Vous êtes dit plutôt suspendre que de risquer la chute du gouvernement. Écoutez Olivier FAURE, le patron du PS, hier soir. Il est satisfait que vous l'ayez écouté.
OLIVIER FAURE, PREMIER SECRETAIRE DU PARTI SOCIALISTE
Je souhaite effectivement que nous puissions avancer. Et donc, nous ne censurerons pas dès la discussion politique générale, le Premier ministre.
AGATHE LAMBRET
Est-ce que vous respirez ce matin, Laurent NUNEZ ? Est-ce que vous espérez que le Premier ministre déjouera, demain, les deux motions de censure qu'il devra affronter ?
LAURENT NUNEZ
Non. Moi, je ne respire pas absolument. Je n'étais pas particulièrement inquiet. On y reviendra. Moi, je suis un homme qui n'est mu que par l'intérêt général. Donc, j'ai occupé ces fonctions parce qu'il y a des difficultés importantes dans notre pays. Et c'est pour ça que j'ai accepté le portefeuille de l'intérieur. Mais on y reviendra. Mais attention, cette discussion parlementaire qui va s'ouvrir, le Premier ministre l'a dit, c'est aussi une discussion de responsabilité. Il y a aussi un objectif qui a été rappelé par le Premier ministre. C'est de maintenir quand même notre déficit pour 2026, donc à 5 du PIB quand même. Et donc, il faudra de toute façon compenser le coût de la réforme des retraites par des économies dont il faudra débattre. Donc, il y a une discussion qui va s'engager.
AGATHE LAMBRET
Et vous pensez qu'ils vont y arriver, à se mettre d'accord, les parlementaires ? Elle peut aboutir, cette discussion ? Sans 49-3 ?
LAURENT NUNEZ
Mais bien sûr. Il faut trouver des compromis. Et vous avez raison de rappeler que le Premier ministre, il y a un autre acte fort qu'il a posé. C'est de ne pas utiliser l'article 49-3 de notre Constitution, ce qui est aussi un geste fort. Voilà, on est dans une période compliquée où il faut qu'on trouve des compromis. C'est ce qu'on va s'attacher à faire.
PAUL LARROUTUROU
Votre métier, c'est d'analyser les risques. Là, ça va se jouer demain à 24 toutes petites voix. À quel pourcentage vous évaluez la possibilité que ça passe ? Vous qui évaluez les risques de la journée.
LAURENT NUNEZ
Moi, je ne me prononce pas. Mon métier, c'est effectivement d'analyser les risques. C'est même ma fonction politique maintenant comme ministre de l'Intérieur, mais pas forcément ceux de cette nature-là.
PAUL LARROUTUROU
Est-ce que c'est la dernière étape ?
LAURENT NUNEZ
C'est la dernière étape qui concerne la protection de nos concitoyens.
PAUL LARROUTUROU
Est-ce que c'est la dernière étape avant la dissolution ?
LAURENT NUNEZ
La dissolution, le pouvoir de dissolution appartient au président de la République.
PAUL LARROUTUROU
Oui, mais c'est vous qui organisez les élections en tant que ministre de l'Intérieur. Si c'est le cas, est-ce que vous, vous êtes prêts ? Est-ce que c'est prêt si le président de la République se met au temps de dissolution ?
LAURENT NUNEZ
Le ministère de l'Intérieur, par principe, est toujours prêt pour organiser l'élection, pour gérer les crises. Ce sont des femmes et des hommes formidables qui sont au service de ce ministère. On est toujours prêts. La question politique... C'est le président qui décide. Moi, je n'ai pas à me prononcer là-dessus. Mais la question politique, vous imaginez bien, évidemment se posera. Évidemment se posera. Évidemment se posera, celle de la dissolution. Non, mais je vous réponds très clairement.
PAUL LARROUTUROU
Oui. Vous vous préparez en tant que ministre de l'Intérieur à cette option ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, un, c'est une décision du président de la République. Deux, le ministère de l'Intérieur a toujours su démontrer qu'il est capable de se préparer très vite à n'importe quel phénomène, gérer une crise de sécurité civile, gérer une crise de sécurité et organiser des élections. Oui, on sait faire. Oui, bien sûr.
AGATHE LAMBRET
On va parler de vos priorités tout de suite. Mais juste une question. On était habitués à votre devoir de réserve, vous qui êtes haut fonctionnaire, qui étiez préfet de police de Paris. Qu'est-ce que cela vous fait, vous qui avez été secrétaire d'État aussi dans le Gouvernement d'Édouard PHILIPPE, quand vous entendez l'ancien Premier ministre appeler à la démission du président et à une présidentielle anticipée ? Qu'est-ce que vous vous dites ?
LAURENT NUNEZ
Moi, je n'ai pas spécialement de commentaires à faire sur cet appel. Enfin voilà, le président est libre de prendre cette décision. Je crois que ce n'est absolument pas souhaitable. Ce n'est pas souhaitable du tout. Moi, évidemment, je ne partage pas cette position. Je vous le dis très solennellement. C'est l'assurance de la fragilisation de nos institutions pour l'avenir. Ça veut dire que dès qu'il y a une difficulté par la suite, après 2027, il y aura d'autres président, dès qu'il y aura une difficulté, ça veut dire qu'il faut le président démissionne, non, ce n'est pas acceptable. Ca fragilise même les mandats électifs d'une manière générale. Ca peut, un jour, affecter un maire, il est contesté, forcément, il faut qu'il démissionne, non ce n'est pas acceptable es personnes sont élues pour une durée. Donc il faut aller évidemment en bout.
PAUL LARROUTUROU
Mais vous qui êtes très proche de lui depuis des années, est-ce que vous comprenez l'exaspération qu'il peut susciter au sein de ses propres amis, mais même auprès des Français ? Vous comprenez ce sentiment très profond dans toutes les études d'opinion, dans la rue ? Vous, en tant que ministre de l'Intérieur, vous l'avez… Enfin, Préfet, puis aujourd'hui ministre, vous le sentez. Vous comprenez ce sentiment des Français ?
LAURENT NUNEZ
Je comprends que quand on traverse des périodes qui sont compliquées, la période qu'on traverse est compliquée, il y a effectivement un rejet de la classe politique, mais d'une manière générale. Vous savez, je crois que... Il n'y a pas que le président de la République. Il faut voir ce qu'on entend dire sur les parlementaires, sur les sénateurs. On demande à ce qu'ils gagnent moins. On trouve qu'ils gagnent trop. Voilà. Donc, je crois qu'il y a un rejet un peu général de la classe politique. Il faut qu'on réhabilite le politique et qu'on montre... Et c'est ce qu'a voulu faire Sébastien LECORNU avec son Gouvernement, qu'on montre aussi... Là, je parle évidemment pour le Gouvernement, que ce sont aussi des femmes et des hommes qui sont au travail, qui savent aussi s'affranchir des considérations partisanes. Et la force de ce Gouvernement qui a été constitué par Sébastien LECORNU, le Gouvernement LECORNU 2, c'est que nous sommes tous des femmes et des hommes au travail, qui sont aussi pour partie déconnectés quand même des débats partisans qui vont avoir lieu à l'approche de l'élection présidentielle.
AGATHE LAMBRET
Alors on va parler de vous et de vos priorités. Vous avez déjà effectué un premier déplacement, hier, dans les Yvelines. Vous avez rencontré des gendarmes, des policiers, des pompiers. Un déplacement pour commencer à décliner votre feuille de route. Deux priorités, dites-vous. La première, c'est la lutte contre le narcotrafic. Eh bien justement, écoutez ces deux commerçants à Bagnoles-sur-Seize, dans le Gard, une commune où des dealers ont écrit, d'ailleurs, aux habitants pour s'excuser des désagréments causés par leur trafic. Ils étaient interrogés par Marc BERTRAND.
INTERVENANTE
Bien sûr qu'il y a une cohabitation qui s'est faite. En effet, il y a un circuit de drogue. Donc, il y a de l'argent. Et ces gens-là, quelque part, ils vont chez nous. Il ne faut pas se leurrer. Ils nous font vivre.
INTERVENANT
C'est effarant. C'est-à-dire que l'ordre social n'est plus garanti par la République française mais par un groupe de criminels. Je suis en colère contre les pouvoirs publics, mais je suis, d'une certaine façon, en colère contre moi-même, puisque j'en vis.
AGATHE LAMBRET
Ces sons sont assez édifiants, notamment la première commerçante. Les gens, parfois, s'y habituent, alors que ça fait des années qu'on nous parle de grands plans pour le narcotrafic. C'était tout aussi la priorité de Gérald DARMANIN, l'un de vos prédécesseurs. Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus, Laurent NUNEZ ?
LAURENT NUNEZ
D'abord, vous dire que cette situation, évidemment, elle est totalement inacceptable. Moi, je ne l'accepte pas comme ministre de l'Intérieur. Donc, c'est l'emprise, sur certains territoires, des narcotrafiquants qui, effectivement, peuvent faire régner une espèce d'ordre social qui n'est pas celui de la République. Donc, évidemment, ça n'est pas acceptable. Et c'est bien pour cela que nous avons déployé depuis maintenant plusieurs années des dispositifs de lutte contre les trafiquants qui visent à démanteler, en profondeur, les réseaux, les démanteler judiciairement en profondeur. On a en 2019 revu l'office OFAST, l'office de lutte contre la drogue. Il y a eu un texte qui a été adopté par Bruno RETAILLEAU pour disposer d'outils juridiques, d'outils budgétaires, d'outils en matière de renseignements pour lutter contre les narcotrafiquants. Et chaque année, le nombre de trafiquants mis en cause augmente. Les résultats que nous avons en matière de lutte contre les trafiquants, ils sont exceptionnels. Et il faut poursuivre ce combat. Et on ne lâchera pas, évidemment, les habitants qui vivent ces désagréments liés au trafic à Bagnole-sur-Seize comme ailleurs sur le territoire. Quand on voit, évidemment, j'en fais une priorité absolument.
PAUL LARROUTUROU
Quand on voit quand même Marseille, Le Havre, Grenoble, Toulouse, les règlements de compte qui se multiplient, est-ce que la France n'est pas totalement submergée par la drogue ? Est-ce que vous êtes sûrs qu'on est en train de gagner cette guerre ?
LAURENT NUNEZ
La guerre n'est pas gagnée, mais on gagne des batailles. Voilà. La guerre n'est pas gagnée, mais on gagne des batailles.
PAUL LARROUTUROU
Quelle bataille vous avez gagné ?
LAURENT NUNEZ
Et le risque, c'est celui de la submersion. Vous avez raison. Le risque, ce sont d'avoir des quartiers qui sont en coupe réglée, ce n'est pas acceptable. D'avoir peut-être un développement d'une forme de corruption aussi, des trafiquants qui vont essayer de s'obtenir les faveurs d'un certain nombre de gens publics, voire des policiers. Donc, il y a un risque, évidemment, qui est énorme. Mais il faut mener toues ces batailles. Il faut arrêter de dire que… Il y a quelques mois, quand on a compris comment les choses fonctionnaient… Moi, ça fait 18 ans que, j'ai dit ici et tout-à-l'heure, que j'étais Préfet de police pendant 3 ans, mais que ça fait 18 ans que moi, je travaille sur la sécurité, tous domaines confondus, le renseignement, la lutte antiterroriste, la lutte contre le trafic des stupéfiants. Nous n'avons cessé d'armer notre appareil de lutte contre le trafic des stupéfiants.
AGATHE LAMBRET
Mais qu'est-ce que vous pouvez faire de plus ? Parce que malgré cette action, les crimes sont en hausse, le trafic est en hausse.
LAURENT NUNEZ
Il faut poursuivre cette action. Il faut la décloisonner encore plus. Il faut échanger de l'information encore plus. Et surtout, frapper à la tête les réseaux. C'est-à-dire…
PAUL LARROUTUROU
Pas les petits, les grands.
LAURENT NUNEZ
Les petits et les grands. Vous savez, les petits sont ceux qui embêtent le plus les habitants, notamment des quartiers.
PAUL LARROUTUROU
Les dealers, les getters.
LAURENT NUNEZ
Et puis évidemment, les grands réseaux. Et ça, ça passe évidemment par les mesures, notamment celles qui figurent dans le cadre de la loi sur le trafic qui a été adoptée par Bruno RETAILLEAU. Évidemment, il y a un certain nombre de mesures importantes. Ça passe aussi par le renforcement de la coopération internationale. Mais on ne va pas lâcher le terrain. Moi, c'est une de mes priorités. Ce sont des sujets que je connais. Je vous le dis, par coeur. Ce sont des sujets que je connais par coeur. Et il faut qu'on continue à travailler à démanteler les réseaux. C'est ça. Mais attention. Démanteler un réseau... Très souvent, quand vous démantelez un réseau, le point de vente est connu et d'autres équipes s'y installent. Donc, il faut démanteler un réseau en profondeur, en judiciaire, faire tomber le réseau et puis ensuite être présent. C'est-à-dire avoir une présence des forces de sécurité intérieure…
AGATHE LAMBRET
Pour empêcher la reconstruction.
LAURENT NUNEZ
...Sur la voie publique pour empêcher qu'elle se réinstalle. Je vais vous donner un exemple. Soyons concrets. À l'île Saint-Denis, non loin du village olympique, on avait un trafic de stups qui s'était installé, qui a été démantelé dans le cadre des opérations que nous avons menées dans le cadre de la préparation des Jeux. Ça prouve, d'ailleurs, qu'on peut réussir. Demandez au maire de l'île Saint-Denis tout ce qui a été fait. Demandez au maire de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, tout ce qui a été fait en matière de lutte contre le trafic. On débarrasse les habitants des réseaux de trafic en-dessus.
PAUL LARROUTUROU
Ils ne sont pas revenus ?
LAURENT NUNEZ
Il y a encore beaucoup de travail, mais il ne faut pas oublier de mettre l'accent sur ce qui a été fait et qui est positif. À l'île Saint-Denis, il n'y a pas très longtemps, le réseau s'est réinstallé l'été dernier. Et de nouveau, il a été démantelé. De nouveau, nous sommes allés au front. Donc, voilà, mon job, c'est d'être ministre de l'Intérieur, de diriger les policiers, les gendarmes, tous ceux qui luttent contre le trafic de stupéfiants, en lien avec d'autres ministères, puisque les douanes jouent un rôle extrêmement important. J'en ai déjà parlé avec la ministre Amélie DE MONTCHALIN. Mon job, c'est de démanteler ces réseaux. C'est une guerre qui est difficile, qui sera longue, compliquée, mais nous gagnons des batailles.
AGATHE LAMBRET
On continue d'en parler dans un instant. Vos autres priorités, notamment la sécurité du quotidien, on va vous demander ce que vous faites également en matière d'immigration. Mais d'abord, il est 8h47 et c'est l'Info en une minute avec Manon LOMBART-BRUNEL.
(…)
AGATHE LAMBRET
Avec Laurent NUNEZ, ministre de l'Intérieur numéro 2 du Gouvernement. Que faites-vous en matière d'immigration ? Paul, c'est le sujet maintenant.
PAUL LARROUTUROU
Et avant de vous poser ma question, monsieur le ministre de l'Intérieur, on part à l'Assemblée en écoutant un extrait d'un discours de Laurent WAUQUIEZ hier après-midi.
EXTRAIT D'UN DISCOURS DE LAURENT WAUQUIEZ, PRESIDENT DU GROUPE DROITE REPUBLICAINE A L'ASSEMBLEE NATIONALE
Il faut évidemment s'attaquer à l'ultra-violence et à l'immigration hors de contrôle. En face de chaque infraction une sanction. Sur ces sujets prioritaires, monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez à vos côtés.
PAUL LARROUTUROU
Bruno RETAILLEAU a donc quitté le Gouvernement. D'ailleurs vous l'avez remplacé, mais il se rend à vos côtés contre l'ultra-violence, dit-il. Vous en avez parlé dans de multiples interviews. Mais aujourd'hui, ce matin sur France Info, comment vous analysez le niveau d'ultra-violence et qu'est-ce que vous allez faire exactement contre ce phénomène ?
LAURENT NUNEZ
L'ultra-violence, ça veut dire plusieurs choses. C'est une réalité d'abord, je ne le nie pas. L'ultra-violence, c'est une réalité, c'est-à-dire qu'il y a de plus en plus de jeunes qui règlent leurs différends de manière violente et qui n'hésitent d'ailleurs plus maintenant à s'en prendre très directement à des policiers, y compris physiquement. Et résoudre ces problématiques, je crois qu'il faut maintenant que la réponse pénale soit durcie. Le garde des Sceaux le sait, s'y atèle. Bruno RETAILLEAU avait travaillé sur ce sujet, notamment quand il y a l'usage de mortiers contre des forces de l'ordre, quand il y a des rodéos, il faut qu'on ait une sanction, des sanctions qui soient plus lourdes.
AGATHE LAMBRET
Et en matière d'immigration ?
LAURENT NUNEZ
Il m'a d'ailleurs laissé un certain nombre de mesures, auxquelles d'ailleurs comme préfet de politique j'avais participé, mais qui visent à durcir les sanctions pour ce type de violence.
AGATHE LAMBRET
Durcir les sanctions face à l'ultra-violence, et l'immigration alors ? Parce que Bruno RETAILLEAU en avait fait une priorité. Pour vous ça n'est pas une priorité ?
LAURENT NUNEZ
Évidemment que c'est une priorité, c'est-à-dire la régulation et le contrôle de l'immigration irrégulière est une priorité. Il faut continuer à démanteler les filières, il faut continuer à renforcer comme nous le faisons.
AGATHE LAMBRET
Est-ce qu'il y a trop d'immigration en France, Laurent NUNEZ ?
LAURENT NUNEZ
Il y a en tout cas une immigration illégale qu'il faut absolument contrôler au risque de nuire… Au bout d'un moment, ça risque de nuire à l'intégration de l'ensemble de nos compatriotes qui sont étrangers et réguliers sur le territoire national.
AGATHE LAMBRET
Est-ce qu'il y a trop d'immigration ? François BAYROU, ancien Premier ministre, avait parlé de submersion migratoire.
LAURENT NUNEZ
Il y a trop d'immigration illégale. Attention aux mots qu'on utilise. Je serais un ministre de l'Intérieur qui serait intransigeant contre tous ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République. Intransigeant, intransigeant, quel qu'il soit. Mais attention parfois aux mots qu'on emploie, ils ont un sens.
PAUL LARROUTUROU
Vous ne parliez pas de submersion par exemple ?
LAURENT NUNEZ
Oui, il y a une immigration illégale qu'il faut absolument réguler, contre laquelle il faut continuer à lutter, qui pose beaucoup de difficultés, y compris en termes de délinquance, je ne le nie pas. C'est quelque chose que j'ai constaté dans tous mes postes, où on a un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière qui commettent des délits parmi les plus violents. C'est d'ailleurs pour ça que c'est une priorité dans les reconductions que nous menons. Et ça restera évidemment ma priorité, de reconduire en priorité les étrangers qui sont en situation irrégulière et qui sont les plus dangereux. On va évidemment poursuivre cette action.
AGATHE LAMBRET
Vous dites attention aux mots. Vous ne parlez pas de submersion migratoire. Vous dites qu'il y a trop d'immigration illégale, mais pas trop d'immigration en général. Est-ce que vous voulez apaiser après un mandat de Bruno RETAILLEAU qui a été marqué par les tensions notamment avec l'Algérie ?
LAURENT NUNEZ
Absolument pas. Bruno RETAILLEAU a fait un travail formidable en matière de lutte contre l'immigration illégale. Je vais évidemment le poursuivre. Et en matière aussi, tout est lié, en matière de régularisation. Les régularisations à titre de l'admission exceptionnelle au séjour ont baissé. Il n'y aura absolument pas de remise en cause des règles qui ont été fixées. Mais moi je suis aussi un homme de concorde et de dialogue.
AGATHE LAMBRET
Ça c'est votre style.
LAURENT NUNEZ
Évidemment c'est mon style concorde, le dialogue. Il faut que tout le monde respecte les valeurs de la République. Mais il ne faut pas non plus qu'on donne l'impression que quelque part l'altérité et l'autre nous posent un problème. Ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est le respect des valeurs de la République. Oui il y a un problème d'immigration illégale important. Il y a des entrées importantes notamment de migrants. Il faut qu'on progresse à la fois dans le démantèlement de filières. Et c'est ce que nous faisons. Le nombre de filières démantelées d'immigration illégale - c'est de la traite des êtres humains, ni plus ni moins - continue d'augmenter. Il faut qu'on le poursuive de manière ferme et régulière. Évidemment c'est ce que nous allons faire.
PAUL LARROUTUROU
Vous êtes aussi très proche du Président de la République quasiment depuis une décennie. C'est à vous qu'il parle notamment des questions de terrorisme. On a appris hier que l'enquête sur l'assassinat d'un chrétien irakien à Lyon en septembre avait été confiée au pôle antiterroriste. Quel est ce matin l'état de la menace terroriste en France ?
LAURENT NUNEZ
L'état de la menace terroriste est toujours à très haut niveau. Il n'a pas changé. L'état du niveau de la menace n'a pas changé. On a toujours cette propagande de l'Etat islamique, de Daesh, qui continue à circuler sur un certain nombre de réseaux, qui sont toujours identifiés, qu'on arrive à fermer très rapidement. Maintenant il y a beaucoup de progrès qui ont été faits. Mais ça reste cette menace endogène, d'individus qui sont présents sur le territoire national et qui peuvent passer à l'action. On croit moins aux menaces projetées évidemment, mais on reste évidemment très attentifs.
PAUL LARROUTUROU
Qu'est-ce que vous appelez les menaces projetées, pour ceux qui ne connaissent pas l'expression ?
LAURENT NUNEZ
Ce sont des individus qui viendraient de l'extérieur pour commettre des attentats en France. C'est ce qui s'était passé avec le Bataclan, les terrasses et le Stade de France. Mais il faut saluer aussi tout ce qui a été fait depuis 2017. Vous me projetez dans la décennie passée, moi je m'y projette en 2017. Tout a été modifié en matière de lutte contre le terrorisme. Le Président de la République a impulsé une réforme extrêmement importante des services, qui font qu'on travaille ensemble, qu'on a renforcé les coopérations internationales, les échanges d'informations, les moyens humains, les techniques de renseignement, et ce qui font qu'aujourd'hui on est mieux armés. Mais la menace est toujours là et le risque zéro n'existe pas en matière.
AGATHE LAMBRET
Votre deuxième priorité au-delà de la lutte contre le narcotrafic, vous l'avez dit, c'est la sécurité au quotidien. Est-ce que c'est le rôle du premier flic de France de s'occuper des faits divers du quotidien ?
LAURENT NUNEZ
La sécurité du quotidien, c'est tout ce qui touche nos concitoyens. Ce sont les vols violences, les cambriolages, les atteintes aux biens, les vols de véhicules, qui ont baissé. Les atteintes aux biens ont baissé.
AGATHE LAMBRET
Ils ont baissé, mais ce n'est pas le sentiment qu'ont les Français, surtout quand ils voient des images d'ultra-violence, des home-jacking notamment, des cambriolages avec des personnes chez eux. Comment vous l'expliquez ? Ça a baissé ou c'est plus violent, ou… ?
LAURENT NUNEZ
La délinquance baisse, mais elle reste structurellement élevée. Forcément, les gens ont ce sentiment d'insécurité et c'est bien naturel. Quand je vous dis qu'elle baisse, ça veut dire que les services de police et de gendarmerie travaillent, ils font baisser cette délinquance, mais elle reste élevée, ça reste notre préoccupation, notamment pour les violences aux personnes qui, elles, augmentent. Les vols violences, les atteintes physiques, les coups et blessures volontaires. La sécurité du quotidien, c'est tout cela. Une partie d'ailleurs est très liée au narcotrafic. Une partie des vols violences, des cambriolages, peuvent être liés au narcotrafic, des équipes qui commettent des vols pour se financer, pour rembourser une dette…
AGATHE LAMBRET
Qu'est-ce que vous faites pour lutter contre cette violence du quotidien ?
LAURENT NUNEZ
Ça passe par une présence de voie publique, renforcée. Il y a un certain nombre de plans qui ont été lancés, notamment les plans de restauration de la sécurité du quotidien, où on identifie des points chauds, des points sensibles, des endroits où il y a plus de délinquance, et ça passe par un déploiement policier, en zone police, en zone gendarmerie, partout. On déploie des forces de l'ordre pour lutter contre cette délinquance du quotidien, qui est celle qui est la plus visible.
PAUL LARROUTUROU
Dans une heure, monsieur NUNEZ, un rapport très attendu de l'IGPN, la police des polices, sera publié. Il sera question des narcotrafiquants dont vous parliez, avec des moyens absolument illimités. Ces narcotrafiquants tentent d'infiltrer la police, la justice. Dans les prisons, on connaît, certaines fois, leur impunité, leur réseau. Mais là, on parle de corruption. Est-ce que vous savez, parce que j'imagine que vous en avez déjà des échos, de ce rapport qui n'est pas encore public ? Est-ce que ce phénomène est en hausse, et quels sont vos chiffres ?
LAURENT NUNEZ
Il y a effectivement une conférence de presse, aujourd'hui, du chef de l'Inspection Générale de la Police Nationale, qui va faire le rapport, donner un rapport. Je crois que ça n'avait pas été fait ces dernières années, me semble-t-il. En tout cas, c'est une très bonne initiative. L'Inspection Générale de la Police Nationale est chargée d'un certain nombre d'enquêtes judiciaires sur des enquêtes ouvertes à l'encontre des policiers. Donc, vous verrez qu'il y en a quand même très peu, rapportées au nombre d'interventions.
PAUL LARROUTUROU
Mais il y en a quand même !
LAURENT NUNEZ
Oui, je veux aussi rappeler qu'on a 6 700 agressions physiques de policiers en 2024, ce qui est énorme, très important, dont un peu moins de 1 300 avec des individus armés.
PAUL LARROUTUROU
Et nous en parlons, aujourd'hui, sur France Info. Ma question, elle est vraiment sur la corruption.
LAURENT NUNEZ
Vous verrez qu'effectivement, ce qu'on appelle, dans notre jargon, les atteintes à la probité, augmentent. Vous verrez qu'elles augmentent. Et c'est une de nos préoccupations, justement, dans la lutte contre le narcotrafic. On veut éviter évidemment que ce narcotrafic gangrène notre société. Et oui, on constate qu'il y a une augmentation. C'est un phénomène marginal, mais il y a une augmentation de policiers ou de gendarmes ou d'autres fonctionnaires qui peuvent être sollicités par des trafiquants pour fournir un certain nombre d'informations. Ça peut être des consultations de fichiers. On voit que ça augmente et qu'il faut être intraitable contre le narcotrafic.
AGATHE LAMBRET
Laurent NUNEZ, c'est le moment de la question : " Qui a retrouvé sur les réseaux sociaux de France Info ". Aujourd'hui, la question qui hante avec vous, parce que vous avez été préfet de police de Paris, vous avez été coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Vous devez y connaître un rayon en matière de noirceur humaine. Quel est l'événement ou l'anecdote qui vous a le plus marqué dans votre carrière ? Est-ce que vous pouvez nous en raconter ?
LAURENT NUNEZ
Moi, comme tous ceux qui m'entourent, l'événement qui est le plus marquant, ce sont les attentats terroristes, évidemment. Ce sont les attentats terroristes quand ils sont commis, puisqu'on les vit toujours, là je parle en tant qu'ancien professionnel de la lutte anti-terrorisme, comme des échecs, évidemment.
PAUL LARROUTUROU
Vous en voulez dans ces cas-là ?
LAURENT NUNEZ
Il y a une forme de, je ne vais pas dire de culpabilisation, ce n'est pas le mot, mais psychologiquement, on peut être affecté, oui, on peut être affecté. Mais c'est le cas de celui que j'étais, un chef de service de police. C'est le cas des ministres de l'Intérieur aussi, qui le vivent comme cela. Et puis, c'est le cas des policiers et des gendarmes, oui, évidemment. Mais en même temps, il faut dépasser ce cap. Le nombre d'attentats qu'on a déjoué montre que maintenant on est extrêmement performant, évidemment.
AGATHE LAMBRET
Vous gardez quand même foi dans l'âme humaine ? Il y a un peu de lumière, parfois ?
LAURENT NUNEZ
Personnellement, oui, j'ai beaucoup, vous savez, je suis un humaniste. Je crois beaucoup en l'homme, avec tout ce qu'il a de bon et de moins bon, mais je crois beaucoup, beaucoup en l'homme.
AGATHE LAMBRET
Merci beaucoup, Laurent NUNEZ.
LAURENT NUNEZ
Je garde beaucoup de foi dans la mission.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 octobre 2025