Interview de M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur, à CNews / Europe 1 le 22 octobre 2025, sur les conditions de détention de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, les violences contre les policiers, le cambriolage au musée du Louvre, l'immigration clandestine et les relations avec l'Algérie.

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Média : CNews

Texte intégral

SONIA MABROUK
La Grande Interview sur CNews et Europe 1. Mon invité est attendu sur les sujets de sécurité des Français, sur les sujets de lutte contre la délinquance, d'immigration et plus largement d'autorité. Bonjour et bienvenue Laurent NUNEZ.

LAURENT NUNEZ
Bonjour.

SONIA MABROUK
Merci d'être avec nous. Vous êtes le ministre de l'Intérieur et justement l'un de vos prédécesseurs à Beauvau et ancien Président de la République, Nicolas SARKOZY, a passé sa première nuit en prison. On a appris que deux policiers de sécurité ont accompagné l'ancien Chef de l'État à la prison de la Santé. Ils seront dans une cellule voisine à Nicolas SARKOZY. Cette protection rapprochée est indispensable eu égard aux risques de sécurité pour l'ancien Président ?

LAURENT NUNEZ
Oui, d'abord je vous confirme cette information. Effectivement, l'ancien Président de la République a un dispositif de protection eu égard à son statut, eu égard évidemment aux menaces qui pèsent sur lui. Et ce dispositif a effectivement été maintenu en détention. C'est une décision du ministre de l'Intérieur. J'ai en charge la sécurité des personnes, des hautes personnalités et évidemment en lien très étroit avec le Garde des Sceaux, puisque tout ça se passe en milieu pénitentiaire. Et donc oui, c'est une décision visant à assurer sa sécurité en plus évidemment, de tout ce qui est mis en oeuvre par l'administration pénitentiaire.

SONIA MABROUK
Et qui vont rester en permanence tout au long de la durée d'incarcération de l'ancien Président à ses côtés, dans des cellules voisines.

LAURENT NUNEZ
Tant que le besoin sera nécessaire, tant que nous le jugerons utile, oui, je vous le confirme.

SONIA MABROUK
Tant que vous jugerez utile, cela veut dire, monsieur le ministre, que c'était prévu de longue date ou alors c'est circonstanciel en fonction de l'évolution de la menace que vous jugez importante sur l'ancien Président ?

LAURENT NUNEZ
Non, le Président de la République est toujours protégé en permanence. C'est évidemment un citoyen comme les autres, mais il y a des menaces un peu plus importantes qui pèsent sur l'ancien Président de la République qui est Nicolas SARKOZY. Et voilà, donc la décision a été prise et donc elle a été appliquée immédiatement. Au même titre, vous avez vu que son transfert vers la santé a été escorté pour éviter qu'il y ait une querelle de motocyclistes, de journalistes qui suivent le cortège. Voilà, donc c'est ce que nous faisons habituellement. Les forces de sécurité intérieure placées sous mon autorité, c'est ce qu'on fait habituellement dans ce genre de circonstances pour un transfert avec une personnalité qui est potentiellement menacée.

SONIA MABROUK
Et c'est inédit évidemment pour un ancien Président de la République incarcéré. Vous avez affirmé, Laurent NUNEZ, comprendre la démarche du garde des Sceaux qui ira rendre visite à Nicolas SARKOZY. Depuis, la déclaration de Gérald DARMANIN a provoqué beaucoup de remous, de crispations, en particulier chez le plus haut magistrat de France, Rémy HEITZ, qui y voit une atteinte potentielle à l'indépendance des magistrats. Est-ce que vous dites toujours comprendre la démarche de Gérald DARMANIN ce matin ?

LAURENT NUNEZ
Oui, je la comprends. Vous savez, moi j'ai toujours été très respectueux tout au long de ma carrière de la séparation des pouvoirs, de l'autorité judiciaire. Je la comprends, il est aussi le patron de l'administration pénitentiaire. Il a eu par ailleurs des relations personnelles avec Nicolas SARKOZY, donc je comprends effectivement sa démarche. Mais il le dit aussi régulièrement, il l'a dit encore hier après-midi à l'Assemblée nationale... Vous savez, les détenus sont parfois visités par des parlementaires, donc il est légitime à s'assurer…

SONIA MABROUK
Là, c'est à la fois le côté personnel et la casquette de garde des Sceaux qui a fait sortir certains magistrats.

LAURENT NUNEZ
Il est légitime à s'assurer que d'aller vérifier, de s'assurer des conditions de détention d'un détenu comme Nicolas SARKOZY. Voilà, il est légitime à le faire, il est garde des Sceaux, il est aussi responsable de l'administration pénitentiaire, et voilà.

SONIA MABROUK
Et sur le symbole, Laurent NUNEZ, que répondez-vous à beaucoup de Français qui affirment qu'un délinquant qui s'en prend à un policier, il a parfois du sursis, qu'un multirécidiviste sous OQTF, parfois, on le retrouve en liberté, mais qu'un ancien Président pour lequel le défaut de preuve à tout le moins peut interroger, il se retrouve incarcéré ? C'est une justice à deux vitesses, selon vous ?

LAURENT NUNEZ
Non, je ne rentrerai pas dans ce débat, il n'y a pas de justice à deux vitesses.

SONIA MABROUK
C'est un débat illégitime ?

LAURENT NUNEZ
Je comprends qu'on ne comprenne pas. Je ne ferai pas de comparaison, mais je comprends évidemment qu'on ne comprenne pas que les individus qui s'en prennent physiquement à un policier puissent être libérés. C'est quand même une circonstance aggravante quand les faits sont établis, il faut le dire, et je trouve ça évidemment tout à fait anormal. Je suis le premier à le faire en tant que premier défenseur des policiers et des gendarmes. Je suis le premier, évidemment, à m'offusquer de ce genre de situation. Mais on est parfois confronté à des mineurs qui vont être placés sous contrôle judiciaire... Vous savez, moi, je ne critique jamais les décisions de justice.

SONIA MABROUK
Oui, avec des aménagements… Il ne s'agit pas de critiquer, il s'agit d'un sentiment aujourd'hui, d'une réalité pour des Français qui voient un ancien Président, quelles que soient les convictions qu'ils ont, et d'autres malfrats et criminels dehors.

LAURENT NUNEZ
Je crois que nos concitoyens ne comprennent plus quand on s'en prend physiquement à un policier, ils ne comprennent pas qu'on n'est pas une sanction très lourde, et je crois qu'il faut que les textes soient durcis, et c'est bien l'intention du garde des Sceaux, il aura évidemment tout mon soutien, et nous-mêmes nous faisons un certain nombre de... Le ministre de l'Intérieur fait un certain nombre de propositions pour durcir un certain nombre de sanctions sur certains types de délinquances.

SONIA MABROUK
Ce que l'on aimerait voir derrière les barreaux, Laurent NUNEZ, ce sont les malfrats qui ont volé les bijoux du Louvre, qui ont arraché et volé une partie de notre patrimoine, inestimable, mais estimé malgré tout à 88 millions d'Euros, sans compter évidemment le coût historique et patrimonial. Est-ce que vous avez davantage d'éléments ce matin sur le profil des malfrats, et est-ce que vous êtes toujours aussi confiants sur leur potentielle arrestation ?

LAURENT NUNEZ
Moi, en tant qu'ancien préfet de police en charge d'un des services d'enquête de cette affaire, j'ai toute confiance dans leur capacité à retrouver les auteurs.

SONIA MABROUK
Malgré les jours qui passent ?

LAURENT NUNEZ
Malgré les jours qui passent. Après, évidemment, l'inquiétude, ce sont les bijoux. C'est le butin aussi qu'on cherche à retrouver. Il y a une enquête qui est lancée sous l'autorité de madame la Procureure de la République de Paris. Il y a plus d'une centaine d'enquêteurs, de la brigade de répression du banditisme.

SONIA MABROUK
Des indices sur les profils ? Des preuves recueillies ?

LAURENT NUNEZ
De l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels. Tout est mis en oeuvre pour retrouver tout cela. Je ne ferai aucun commentaire sur l'enquête.

SONIA MABROUK
Elle progresse, monsieur le ministre ?

LAURENT NUNEZ
Elle progresse. Madame la Procureure de la République l'a dit dans ses communications. Il y a un certain nombre de traces et indices ont été relevés. Elle progresse.

SONIA MABROUK
Qui mènent vers des pistes circonstanciées ?

LAURENT NUNEZ
Je ne peux pas vous en dire plus. Vraiment, je ne vous en dis pas plus, je reste extrêmement prudent. Mais j'ai toute confiance, ça c'est sûr, dans le fait que nous retrouverons les auteurs.

SONIA MABROUK
Vous en dites plus, par contre, sur le système de sécurité d'alarme. Vous avez affirmé que les alarmes avaient été déclenchées normalement, que les forces de l'ordre ont été immédiatement prévenues, et qu'en trois minutes, les effectifs étaient présents. La ministre de la Culture, Rachida DATI, affirme aussi que la sécurité du Louvre a fonctionné. Donc, pas de défaillance, pas de responsabilité, pas de faillite ?

LAURENT NUNEZ
Le système d'alerte a parfaitement fonctionné. Dès que la fenêtre a été attaquée, elle s'est mise en place. Les policiers ont été prévenus. Trois minutes après, ils étaient sur place. Il y avait tout un système qui, lui, n'a pas été mis en défaut, il a fonctionné. Après, le fait est arrivé. Je ne vais pas vous dire que c'est un succès. Non. Il y a eu ce vol par effraction…

SONIA MABROUK
Est-ce une faillite ?

LAURENT NUNEZ
Avec un butin inestimable, une valeur inestimable. Évidemment, on l'a chiffré en millions d'Euros, mais pour la valeur patrimoniale, c'est inestimable. Voilà. En tout cas, les systèmes de protection ont fonctionné. En plus, les systèmes d'alarme ont fonctionné. Il y a eu l'intervention des policiers. Puis, on est dans une zone qui est parmi les plus touristiques de Paris. C'est une zone où, habituellement, il y a tout le temps énormément de policiers.

SONIA MABROUK
Vous comprenez que, quand même, on a l'impression que tout le monde se défausse. Qui va assumer sa responsabilité ? Est-ce que vous avez failli, comme l'a dit d'ailleurs Gérald DARMANIN ? Est-ce qu'il y a eu une faillite collective ?

LAURENT NUNEZ
Je ne reprendrai pas ce terme.

SONIA MABROUK
Il a eu tort de le dire ainsi ? Ce n'est pas une faillite ?

LAURENT NUNEZ
Gérald DARMANIN n'a pas eu tort de dire qu'il y avait une faillite. A partir du moment où… C'est un échec, voilà. Donc, il y a eu un cambriolage au Louvre où ont été dérobés parmi les bijoux les plus précieux de la France. Donc, évidemment, c'est un échec. Je ne peux pas vous dire autre chose.

SONIA MABROUK
Mais il faut qu'il y ait des responsables. Sans demander des têtes symboliques, des responsabilités…

LAURENT NUNEZ
On est en train de regarder. On s'est réunis avec Rachida DATI. On s'est vus sur place. On s'est réunis le lendemain. On a regardé si les systèmes d'alarme avaient fonctionné, ce qui avait dysfonctionné. On était en train de regarder si les caméras que nous avons sont en nombre suffisant. Donc, on est en train de regarder tout ça. Elle-même a lancé une enquête administrative. Le fait que c'est un échec, de toute façon donc, ça ne doit pas arriver. Les dispositifs qu'on déploie sont toujours mis en place pour que ça n'arrive pas. Il y a à la fois, évidemment, la sécurité des musées, mais d'une manière générale, qui est interpellée. Et puis, il y a l'intervention des forces de l'ordre.

SONIA MABROUK
Le joyau de notre pays, le Louvre.

LAURENT NUNEZ
Et puis, il y a l'intervention des forces de l'ordre sur la voie publique aussi. L'espace public, ce sont les forces de sécurité intérieure, évidemment. Mais en tout cas, on va y travailler. D'ailleurs, il faut travailler sur l'ensemble des musées.

SONIA MABROUK
Mais rassurez-nous, monsieur le ministre, c'est quand même fait sur l'ensemble des musées. J'ai vu que vous avez demandé une sorte de liste ou d'inventaire sur les biens les plus importants dans notre pays. J'imagine que cette liste a déjà été faite.

LAURENT NUNEZ
Non, ce n'est pas exactement ce qu'on a demandé avec Rachida DATI. Ce qu'on a demandé, c'est de bien... On a demandé au préfet de bien s'assurer que les relations qu'il y a avec chaque directeur d'établissement de musée sont bien en place, ce qui est le cas. Ça fait des années qu'on y travaille, que les relations sont bien en place, que les chaînes d'alerte fonctionnent bien, qu'on nous signale bien quand il y a des expositions temporaires avec des biens de valeur, quitte à ce que les forces de sécurité intérieure puissent un certain temps se déployer quand il y a des biens d'une telle valeur. Voilà, c'est ce qu'on a demandé. Ce travail, il a été lancé il y a plusieurs années. Maintenant sécuriser des musées, ça prend du temps. Il y a des investissements à faire. C'est extrêmement lourd. Et vous savez, pour le Louvre, moi-même comme préfet de police, sur les trois ans et demi où j'ai été préfet de police, j'ai signé plusieurs audits, mais ça ne se fait pas d'un coup de claquement de doigt. Voilà, il y a des investissements qui se font sur la durée et c'est bien ce qui était lancé sur le Louvre.

SONIA MABROUK
Malgré l'alerte de la Cour des comptes sur la vulnérabilité de ce musée. Plus largement, en tout cas, monsieur le ministre de l'Intérieur, on poursuit notre entretien sur CNews et Europe 1 dans le cadre de la lutte contre l'insécurité. Vous êtes attendu sur l'insécurité des Français du quotidien, la lutte contre le narcotrafic, le grand banditisme. On va interroger vos priorités, mais tout d'abord, il y a un principe pour comprendre la philosophie que vous portez à Beauvau. Est-ce que pour vous, le lien est avéré entre immigration et délinquance ?

LAURENT NUNEZ
Non, c'est une question qu'on me pose souvent. Moi, je suis très transparent sur les chiffres. Je ne les ai jamais cachés dans l'ensemble des postes que j'ai occupés. Il y a effectivement un pourcentage d'étrangers qui peuvent être mis en cause dans la délinquance. J'avais donné d'ailleurs sur votre antenne, je crois, quand j'étais préfet de police, le chiffre dans l'agglomération parisienne…

SONIA MABROUK
36% étaient mis en cause dans l'agglomération parisienne…

LAURENT NUNEZ
36%, à un moment où on disait que c'était 50%.

SONIA MABROUK
Donc, le lien est établi pour vous ?

LAURENT NUNEZ
Moi, je suis ministre de l'Intérieur, je suis le patron des forces de sécurité intérieure.

SONIA MABROUK
Ça ne m'a pas échappé.

LAURENT NUNEZ
Et je lutte contre des délinquants.

SONIA MABROUK
Oui, mais est-ce que le lien est établi pour vous ?

LAURENT NUNEZ
Moi, je n'établis pas de lien, je lutte contre des délinquants d'une manière générale. Vous savez, hier, j'étais interrogé par un parlementaire à la Commission des lois qui me demandait ce lien. Je veux bien donner des chiffres, il n'y a aucune difficulté là-dessus, mais faire ce lien systématiquement, je ne le fais pas.

SONIA MABROUK
Pourtant, monsieur le ministre, poser un diagnostic, c'est permettre de résoudre des problèmes.

LAURENT NUNEZ
De la même façon que j'ai refusé de cautionner les propos qui étaient tenus par un député de La France Insoumise qui considérait que les forces de l'ordre, les forces de sécurité intérieure dont j'ai la responsabilité, procédaient à des contrôles d'identité au faciès. Ça, je refuse de dire qu'ils ont fait des contrôles auprès de personnes racisées.

SONIA MABROUK
Et vous le répétez ce matin. En mars dernier, le garde des Sceaux, encore lui, Gérald DARMANIN, a affirmé, je cite : " Il serait idiot de ne pas dire qu'il y a une part importante de la délinquance qui vient de personnes immigrées ". Ça vous choque ?

LAURENT NUNEZ
Il a raison.

SONIA MABROUK
Donc il y a un lien ?

LAURENT NUNEZ
Il a raison de le dire. Attention, une chose importante que je veux dire.

SONIA MABROUK
Pourquoi tant de précaution au rapport ?

LAURENT NUNEZ
Nous avons des étrangers en situation irrégulière qui commettent un certain nombre de délits, et c'est bien pour cela que nous priorisons… C'est Gérald DARMANIN, qui à l'époque, comme le ministre de l'Intérieur l'avait demandé, évidemment Bruno RETAILLEAU a poursuivi cette politique, avait demandé que nous placions en priorité en centre de rétention administrative, et que nous priorisions dans les reconduites ceux de ces étrangers en situation irrégulière qui étaient les plus dangereux. Ça, je ne le nie pas. Et nous menons des actions déterminées auprès des pays d'origine de ces personnes pour pouvoir les reconduire.

SONIA MABROUK
On va en parler évidemment, notamment l'Algérie. Je vous pose la question, c'est pour connaître aussi votre manière d'appréhender ce sujet, qui est un sujet important et éminemment régalien. Par exemple, vous ne reprenez pas le terme de submersion migratoire. Là encore, je vous pose la question tout simplement et de manière transparente. François BAYROU avait parlé de submersion migratoire. Vous, monsieur le ministre, comment vous qualifiez ce niveau d'immigration dans notre pays ? Sachant, ça ce sont les chiffres de l'INSEE, je pense qu'ils sont difficilement contestables, que la France a enregistré un record d'immigration avec 434 000 nouvelles arrivées en seulement un an. Comment vous qualifiez un tel niveau dans le pays ?

LAURENT NUNEZ
Il y a un défi migratoire évident. Il y a un défi migratoire, il y a le contexte climatique, les crises économiques, il y a une augmentation significative des migrations, et donc c'est un défi pour nous. Il faut qu'on travaille avec l'Europe, mieux contrôler nos frontières et qu'on soit plus efficace sur le territoire national, comme on l'est, vous savez…

SONIA MABROUK
J'entends mais ma question, c'est, est-ce que c'est une immigration massive ? Est-ce qu'elle est trop importante ? Est-ce qu'elle est maintenant inacceptable ?

LAURENT NUNEZ
C'est un défi migratoire qui se traduit par une augmentation significative des migrations.

SONIA MABROUK
Vous ne voulez pas la confirmer.

LAURENT NUNEZ
Je vous le confirme, il y a un vrai défi, et il faut qu'on y réponde, et voilà, il faut y travailler. Vous savez, en 2024, on a interpellé 150 000 étrangers en situation irrégulière sur le territoire national.

SONIA MABROUK
On va en parler. Mais votre prédécesseur Bruno RETAILLEAU estime que cette immigration - ce sont ses mots - massive, n'est pas une chance pour la France. Il a tort ?

LAURENT NUNEZ
Dans les conditions actuelles, a-t-il dit. Je tiens à le préciser, c'est toujours ce qu'il a dit. Évidemment, dans les conditions actuelles, il faut qu'on lutte contre l'immigration illégale et c'est ce que nous faisons.

SONIA MABROUK
Il a raison de le dire ainsi ?

LAURENT NUNEZ
Dans les conditions actuelles, oui, mais enfin... Attention quand on convoque des mots de cette nature.

SONIA MABROUK
Mais attention à qui ? Je pose une question…

LAURENT NUNEZ
Je vais vous répondre très clairement. Chaque fois qu'on parle de ces débats, c'est toujours... Chaque fois qu'on parle de ces questions, c'est toujours pour dire, à côté, il y a un laxisme, les pouvoirs publics ne font rien, c'est faux.

SONIA MABROUK
Est-ce notre sujet ce matin ?

LAURENT NUNEZ
On a des dispositifs de contrôle frontière qui ont été renforcés, on interpelle énormément d'étrangers en situation irrégulière et on reconduit énormément d'étrangers…

SONIA MABROUK
Mais ma question c'est est-ce qu'il y a une immigration massive aujourd'hui qui pose un souci à la France ou pas, monsieur le ministre ?

LAURENT NUNEZ
Je vais vous dire pourquoi il y a des mots que je n'emploie pas. Parce que, systématiquement, quand on va sur ces débats, c'est pour, en même temps, pointer la carence des pouvoirs publics. Et moi, comme ministre de l'Intérieur, je le refuse, parce que je sais le travail formidable que font les femmes et les hommes que je dirige sur ces sujets, et d'autres…

SONIA MABROUK
Mais pardonnez-moi, ce n'est pas ni les forces de sécurité... C'est le ministre de l'Intérieur que j'interroge.

LAURENT NUNEZ
C'est le ministre de l'Intérieur qui vous parle.

SONIA MABROUK
C'est aussi de votre responsabilité de donner une réponse politique.

LAURENT NUNEZ
Mais la réponse politique, celle que je vous donne, nous travaillons de manière, mais vraiment prioritaire, sur le démantèlement de filières, le contrôle des frontières, l'interpellation des étrangers en situation irrégulière. Il faut que vos téléspectateurs sachent – monsieur RETAILLEAU le disait, monsieur DARMANIN le disait - en Europe, nous sommes le pays qui reconduit le plus de personnes. Il ne faut pas l'oublier.

SONIA MABROUK
On va en parler... C'est très bien.

LAURENT NUNEZ
Sur les six premiers mois de l'année, c'est environ 30 000 personnes qui ont été reconduites en Europe. Nous, nous sommes déjà à 7 500 devant l'Allemagne.

SONIA MABROUK
L'entrée, c'est 500 000 entrées par an. C'est l'équivalent d'une ville.

LAURENT NUNEZ
Je vais répondre à votre question sur le pourquoi. Je pose ça sur la table. Voilà ce que nous faisons. Les forces de sécurité intérieure ne sont pas les bras ballants sur ces sujets. Après, convoquer un certain nombre de mots, comme vous venez de…

SONIA MABROUK
Comme je cite l'ancien Premier ministre, monsieur BAYROU.

LAURENT NUNEZ
D'accord, mais vous savez, le Président de la République, le Premier ministre m'a bien dit que les ministres de la société civile étaient aussi des hommes libres. J'ai eu une liberté de parole et j'entends bien l'exercer ce matin devant vous. Quand vous convoquez certains mots, comme la submersion migratoire, l'assimilation... Pardon, mais on est aussi quand même une société qui a été construite sur la diversité. Et je ne veux pas, moi, que ces mots soient blessants, soient brutaux et nous divisent encore plus que nous ne le sommes déjà. Mais ce qui m'empêche, comme ministre de l'Intérieur, d'agir de manière résolue contre l'immigration…

SONIA MABROUK
Je me demande envers qui peuvent être blessants. Là, on va parler d'immigration irrégulière pour des personnes qui arrivent sur notre sol et qui n'ont rien à y faire. Envers qui, c'est blessant ?

LAURENT NUNEZ
Mais ça peut être blessant à l'endroit d'un certain nombre de nos compatriotes qui sont d'origine étrangère ou d'étrangers en situation régulière, qui sont parfaitement intégrés.

SONIA MABROUK
Irrégulière, on ne parle pas de ces personnes-là ?

LAURENT NUNEZ
Je vous parle des réguliers. Ils peuvent se sentir visés par un certain nombre de propos qui sont tenus, c'est pour ça que je refuse de les tenir. Mais ce qui n'empêche pas, et d'ailleurs c'est l'histoire de ma carrière de haut fonctionnaire, une grande fermeté, une grande détermination, lutter contre l'immigration illégale.

SONIA MABROUK
Allons-y, puisque vous voulez être précis sur les chiffres, monsieur le ministre de l'Intérieur. Au sujet de l'immigration illégale, des clandestins, vous avez déclaré, en prenant beaucoup de précautions oratoires, un peu comme ce matin, qu'il y avait entre 200 000 et 300 000 clandestins en France. Est-ce que vous maintenez ce matin cette fourchette ?

LAURENT NUNEZ
Non, j'ai été interrogé dans une émission, c'était sur une autre chaîne, où j'ai refusé d'abord de donner les chiffres parce que je ne voulais pas qu'ils prêtent à débat. D'abord, ce sont des estimations. Par définition, on ne connaît pas le nombre d'étrangers en situation irrégulière.

SONIA MABROUK
Pardonnez-moi, il suffit d'aller voir du côté de l'AME. Si, il y a un faisceau d'indices.

LAURENT NUNEZ
Je vais vous répondre, il y a plusieurs sources.

SONIA MABROUK
Les bénéficiaires de l'AME, c'est 400 000 déjà, l'année dernière. Donc votre fourchette est fausse.

LAURENT NUNEZ
Je vais vous donner... Ce n'est pas le chiffre que j'ai donné.

SONIA MABROUK
Je vous ai réécouté attentivement hier.

LAURENT NUNEZ
J'ai bien précisé à la fin de l'émission que je ne voulais pas donner ce chiffre pour ne pas nourrir de polémiques.

SONIA MABROUK
Vous avez dit 200 000, 300 000 clandestins.

LAURENT NUNEZ
Non, et puis j'ai dit ensuite que je ne voulais pas donner ce chiffre sous-entendant clairement que ça n'était pas le bon. Je vais vous donner les estimations.

SONIA MABROUK
Excusez-moi, j'ai du mal à comprendre. Donc, vous donnez un chiffre qui n'est pas le bon ?

LAURENT NUNEZ
Il y a plusieurs sources. D'ailleurs, mes prédécesseurs ont donné des chiffres qui n'étaient pas les mêmes. Vous l'avez noté également.

SONIA MABROUK
Monsieur DARMANIN a parlé en 2021 de 700 000 clandestins.

LAURENT NUNEZ
C'est exactement ça. Et puis, une autre fois, il a donné une fourchette entre 600 et 900 000. Mon prédécesseur avait parlé d'un demi-million, 500 000.

SONIA MABROUK
On est loin des 200 000.

LAURENT NUNEZ
Si on travaille de manière sérieuse, et nous l'avons fait, je connais évidemment le chiffre. Je le connais.

SONIA MABROUK
Alors donnez-le ce matin.

LAURENT NUNEZ
Si on travaille sur l'aide médicale d'État, et qu'on extrapole, l'estimation d'étrangers en situation irrégulière dans notre pays, elle est de 700 000.

SONIA MABROUK
Oui. Disons 470 000 qui sont bénéficiaires de l'AME. Or, selon la Cour des comptes, tous les bénéficiaires, tous les clandestins ne sont pas bénéficiaires de l'AME. Donc la fourchette est de 700 000.

LAURENT NUNEZ
Absolument. C'est un peu moins d'un sur deux.

SONIA MABROUK
Vous aurez clos une polémique en donnant ce chiffre tout de suite déjà dès hier ou avant-hier.

LAURENT NUNEZ
Non, ce n'est pas le sujet. Je ne voulais pas créer une polémique en donnant un chiffre. Dans mon esprit, les choses sont très claires. Il n'y a pas de difficultés.

SONIA MABROUK
Donc 700 000 clandestins en France.

LAURENT NUNEZ
C'est une estimation.

SONIA MABROUK
Oui. Mais je note qu'elle est loin des 200 000, monsieur le ministre.

LAURENT NUNEZ
Il y a une fourchette... La fourchette de 600 000 à 900 000 me paraît assez cohérente, mais le chiffre de 700 000 l'est tout autant. Mais encore une fois, j'insiste. Je ne veux jamais qu'on donne l'impression que nous sommes les bras ballants sur ces sujets. Ce sont des sujets importants, qui sont compliqués, qui font aussi intervenir nos partenaires européens, nos discussions européennes. Mais en tout cas, on est évidemment très offensifs dans la lutte contre l'immigration illégale.

SONIA MABROUK
Alors offensifs, l'êtes-vous avec l'Algérie ? Sur l'Algérie, vous avez affirmé qu'il faudrait, je cite, cette expression, bouger dans les discussions, car nous n'avons plus d'échanges sécuritaires avec eux. En quoi, monsieur le ministre, ce n'est pas une capitulation ?

LAURENT NUNEZ
Non, mais ce n'est pas du tout une capitulation.

SONIA MABROUK
En quoi ce n'est pas une soumission - Pardonnez-moi, je vais terminer ma question - alors que nos compatriotes Boualem SANSAL et le journaliste Christophe GLEIZES sont toujours, aujourd'hui, incarcérés ?

LAURENT NUNEZ
La France est très attentive à la situation de Boualem SANSAL et de celle de Christophe GLEIZES, évidemment. Évidemment que nous sommes très contrariés. C'est un euphémisme par le fait que les Algériens ne reprennent plus les étrangers en situation irrégulière, y compris les plus dangereux. Évidemment que c'est un vrai problème pour nous.

SONIA MABROUK
Et donc il faut apaiser les tensions face à cela ?

LAURENT NUNEZ
On doit la vérité à nos concitoyens. Il faut aussi leur dire, il faut avoir le courage de leur dire : " On est dans un bras de fer avec l'Algérie, évidemment ", mais il faut aussi avoir le courage de leur dire qu'il n'y a plus de relations sécuritaires et c'est un problème pour le ministre de l'Intérieur que je suis en charge des questions de sécurité. C'est un problème. Il n'y a plus d'échange d'informations sur des sujets aussi importants que la lutte antiterroriste, que la criminalité organisée, et dans les deux sens. Voilà ; C'est tout ce que j'ai dit. Évidemment que cette situation se réglera dans un contexte global qui dépasse le seul ministre de l'Intérieur.

SONIA MABROUK
Vous avez dit qu'il faut des relations apaisées. Monsieur le ministre, ça va plus loin que simplement rétablir des relations sécuritaires. Moi, je vous pose la question clairement, et on ne parle pas du peuple algérien, on parle du pouvoir. Ça veut dire, est-ce qu'on continue de soigner les dignitaires algériens, de préserver leurs intérêts familiaux et patrimoniaux en France, de payer la retraite d'une partie des binationaux que l'Algérie ne veut pas payer ?

LAURENT NUNEZ
Je ne me suis jamais prononcé sur ces sujets. Moi, je suis ministre de l'Intérieur, je vous parle du canal sécuritaire. Je mesure le poids de ce que je dis, j'en mesure le poids, j'en suis évidemment conscient, mais il faut que nos concitoyens sachent que c'est une difficulté en termes de sécurité de ne pas avoir d'échange d'informations. Voilà, c'est tout ce que je dis. Et de ce point de vue-là, il faudra un jour ou l'autre que les choses s'arrangent, mais dans le cadre…

SONIA MABROUK
Mais s'arrangent dans quel cadre, monsieur le ministre ?

LAURENT NUNEZ
Dans le cadre du règlement global de la relation avec l'Algérie.

SONIA MABROUK
Mais vous ne voulez pas remettre en cause l'accord dérogatoire de 68, dont d'ailleurs un député macroniste, Charles RODWELL, dit que cette exception migratoire algérienne coûte 2 milliards par an à la France. Ce n'est pas rien, ce n'est pas une paille, pardonnez-moi l'expression, en ce moment. Vous vous dites, il faut quand même aller, évidemment, en rétablissant ces relations sécuritaires, mais vers un apaisement, c'est le mot que vous avez utilisé.

LAURENT NUNEZ
J'ai parlé de relations sécuritaires. J'insiste. Vous ne m'avez pas entendu dire qu'il ne fallait pas remettre en cause l'accord franco-algérien de 1968. Il y a un rapport qui vient d'être rendu public, qui va être examiné.

SONIA MABROUK
Très argumenté, très précis.

LAURENT NUNEZ
Il y a des discussions qui vont avoir lieu. Moi, je vous parle de la raison du lien sécuritaire. J'en reste là, mais c'est important. Et nos concitoyens doivent le savoir.

SONIA MABROUK
Pourquoi on vous interroge, Laurent NUNEZ, ce matin ? Parce que Bruno RETAILLEU, quelles que soient les critiques des uns et des autres, il faut lui reconnaître qu'il avait une ligne claire et cohérente sur ce dossier. Il se souciait quotidiennement du sort de Boualem SANSAL et j'imagine qu'à ce sujet, vous, immédiatement, vous avez pris contact avec sa famille.

LAURENT NUNEZ
Moi, pas encore.

SONIA MABROUK
Avec son comité de soutien.

LAURENT NUNEZ
Mais enfin il a des contacts avec beaucoup de personnes du Gouvernement.

SONIA MABROUK
Vous savez qu'il y a une lettre sans réponse, qui a été adressée au président de la République.

LAURENT NUNEZ
Il y a une attention très soutenue sur la situation de Boualem SANSAL et de Christophe GLEIZES. Ça, je peux vous le dire, bien évidemment. Bruno RETAILLEAU avait une position qui était la sienne.

SONIA MABROUK
Claire.

LAURENT NUNEZ
Pour l'instant, j'ai la même. Le canal sécuritaire, ce n'est pas rétabli.

SONIA MABROUK
Vous êtes sur la même ligne que monsieur RETAILLEAU ?

LAURENT NUNEZ
Non. Il y a une difficulté à ce que le canal sécuritaire ait été interrompu avec l'Algérie. Voilà, c'est ce que je vous dis. Et je vous le redis ce matin, parce que je le pense et parce qu'il faut que nos concitoyens, encore une fois, le sachent.

SONIA MABROUK
Donc rétablir ce canal sécuritaire, très important, évidemment, dans la lutte contre le terrorisme, notamment. Et en même temps, comment allez-vous peser sur les OQTF si on n'utilise aucun levier de pression par rapport au régime algérien ?

LAURENT NUNEZ
Mais la situation ne peut se débloquer que d'une manière globale.

SONIA MABROUK
Par un coup de baguette magique ?

LAURENT NUNEZ
Mais que d'une manière globale. Il y a la discussion qui continue sur Boualem SANSAL, sur Christophe GLEIZES, évidemment. Et puis, il y a d'autres aspects de la discussion entre la France et l'Algérie, évidemment. Je ne dis pas que demain, on va rouvrir le canal sécuritaire. Je vous dis qu'il faut qu'à un moment, les choses évoluent. On n'a plus de relation sécuritaire, et pour le ministre de l'Intérieur, c'est un problème.

SONIA MABROUK
Mais on a encore les OQTF que l'Algérie, notamment, ne veut pas reprendre.

LAURENT NUNEZ
Il faudra évidemment qu'ils nous les reprennent. On a 40% d'étrangers en situation irrégulière actuellement qui sont des Algériens. Et je vous rappelle, et je vous l'ai dit tout à l'heure, que nous mettons dans les centres de rétention administrative ceux des étrangers qui sont les plus dangereux. Donc il faudra, à un moment ou à un autre, qu'il y ait un bouger là-dessus. Parce qu'il y a un engorgement dans les centres de rétention administrative.

SONIA MABROUK
Mais pour qu'il y ait un bouger, il faut qu'il y ait un levier de pression en amont.

LAURENT NUNEZ
Mais bien sûr.

SONIA MABROUK
Mais quel est-il ?

LAURENT NUNEZ
Il y a une discussion qui s'engage avec mon homologue, entre nous, entre le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, et le président de la République.

SONIA MABROUK
Dont on connaît la position en contradiction avec Bruno RETAILLEAU. Pardonnez-moi, c'est pour comprendre notre ligne par rapport à un sujet essentiel.

LAURENT NUNEZ
Qu'est-ce qu'on a obtenu du bras de fer ?

SONIA MABROUK
Voilà la question. Alors selon vous…

LAURENT NUNEZ
Qu'est-ce qu'on a obtenu du bras de fer ?

SONIA MABROUK
Je ne sais pas, monsieur le ministre. Répondez.

LAURENT NUNEZ
Nous avons toujours…

SONIA MABROUK
L'avons-nous mené, vraiment ?

LAURENT NUNEZ
Les Algériens ne sont pas repris.

SONIA MABROUK
Avons-nous mené ce bras de fer ?

LAURENT NUNEZ
Les Algériens ne sont pas repris, et on n'a plus d'échanges sécuritaires.

SONIA MABROUK
Avons-nous mené ce bras de fer ? Avons-nous utilisé l'un des leviers de pression ?

LAURENT NUNEZ
Oui, c'est en cours. Oui, bien sûr. Non, mais bien sûr. Il y a eu des mesures qui ont été prises sur les visas, des mesures qui ont été prises sur les passeports. Enfin, pardon, oui, il y a eu des mesures qui ont été prises. On ne peut pas le nier.

SONIA MABROUK
On n'a rien contre, évidemment, je le précise, les visas des étudiants algériens, mais ils ont été augmentés, ces visas d'étudiants algériens, pour un signal de fermeté. Il y a plus ferme, on va dire.

LAURENT NUNEZ
Oui, il y a plus ferme. Oui, c'est effectivement un problème. Je vous le concède.

SONIA MABROUK
Restons sur le côté qui nous intéresse, la sécurité des Français. Vous avez été préfet de police, monsieur NUNEZ. Derrière l'acronyme OQTF qui est très utilisé, permettez-moi ce matin de rappeler une réalité qui n'est pas une généralité, et là, je reprends vos propos nuancés, mais derrière cette réalité, elle est bouleversante. Il y a un procès bouleversant, horrible, tragique, c'est le procès de la meurtrière présumée de la petite Lola, une Algérienne sous OQTF, Dahbia BENKIRED, qui n'avait rien à faire sur notre territoire, et permettez-moi de lire ce qu'elle a dit au sujet de son maintien en France. Elle a dit qu'elle voulait rester en France parce qu'elle se sentait libre, libre d'être dans notre pays, donc libre de violer, d'avoir torturé la petite Lola. Qu'attend l'État pour réagir et pour protéger nos enfants ?

LAURENT NUNEZ
Mais c'est ce que nous faisons. Alors évidemment, c'est un drame, le meurtre et le viol horrible de la petite Lola. J'étais préfet de police pendant les faits, donc on a vécu ça de très près, l'enquête. C'est évidemment un drame, et c'est pour cela qu'il faut être absolument intraitable dans le traitement des OQTF, et qu'il faut qu'on continue à poursuivre l'exécution effective des OQTF. Là, au moment où je vous parle, par rapport à l'an passé, on est à plus de 22%. L'année dernière, on avait une augmentation significative.

SONIA MABROUK
Une promesse de 100 %, on se souvient du Président.

LAURENT NUNEZ
Oui. Enfin chaque fois qu'on a des OQTF qui sont des individus identifiés comme étant dangereux, ils sont placés en centre de rétention administrative et on fait tout pour les reconduire. Après, il faut avoir dit qu'il fallait les laisser passer. Il y a des contraintes, il y a le délai de rétention qui est une mesure…

SONIA MABROUK
Vous allez mener le combat, si je puis dire, ou l'action de Bruno RETAILLEAU pour prolonger le délai de rétention en CRA ?

LAURENT NUNEZ
Bien sûr. Mais bien sûr, je vais reprendre ce texte. Il a d'ailleurs fait travailler les services, puisqu'il y a eu une censure du Conseil constitutionnel à l'été. Je vais évidemment reprendre cette mesure qui permet de porter le délai de rétention, pour que vos téléspectateurs comprennent bien, jusqu'à 210 jours, c'est-à-dire sept mois. Donc c'est énorme et c'est ce qui nous permettra de garder, certes, en centre de rétention administrative, mais pas sur l'espace public, les individus qui sont les plus dangereux. Evidemment…

SONIA MABROUK
Comprenez Laurent NUNEZ, il ne s'agit pas de tomber dans le populisme ou la démagogie, mais on ne peut pas se retenir en lisant, vraiment, c'est un haut-le-coeur, de se dire, comment l'État n'a pas pu éloigner une telle personne ? Comment ?

LAURENT NUNEZ
C'est ce que nous faisons. Enfin moi, je connais les enquêteurs personnellement qui ont travaillé sur cette affaire. Je peux vous dire qu'ils sont bouleversés, on est tous bouleversés et c'est bien pour cela que nous voulons appliquer ces OQTF et exécuter ces OQTF. C'était extrêmement important. Maintenant, un mot, puisque vous dites, je vais reprendre, moi, je m'inscris dans une continuité comme ministre de l'Intérieur de ce qui s'est fait auparavant.

SONIA MABROUK
Malgré ce que vous avez dit, je n'utiliserai pas le ministère comme une tribune politique, je n'instrumentaliserai pas le ministère de l'Intérieur.

LAURENT NUNEZ
Bien sûr.

SONIA MABROUK
Et vous pensez forcément…

LAURENT NUNEZ
Mais non. Attendez, ne confondez pas le fond et la forme. Moi, je vais m'inscrire dans la... J'ai travaillé pendant un an avec Bruno RETAILLEAU comme préfet de police, c'est un homme pour lequel j'ai beaucoup d'estime. Il a poussé très loin un certain nombre de dossiers, mais comme l'ont fait certains de ses prédécesseurs, comme l'a fait Gérald DARMANIN également, comme l'a fait avant lui Christophe CASTANER aux côtés duquel j'étais.

SONIA MABROUK
En reconnaissant que c'est une autre ligne, Christophe CASTANER.

LAURENT NUNEZ
Voilà.

SONIA MABROUK
C'est une autre ligne.

LAURENT NUNEZ
... moi, j'incarnais une ligne un peu dure à ses côtés, un peu plus dure, certainement plus dure à ses côtés. Donc il y a une continuité dans l'action régalienne que je vais continuer à mener. Je vais reporter les dossiers de Bruno RETAILLEAU, porter ceux de mes prédécesseurs. Et depuis 2017, on a fait beaucoup sur la sécurité. Après, il n'y a pas de rupture de fond, mais…

SONIA MABROUK
Vous revendiquez.

LAURENT NUNEZ
... sur le mot, l'instrumentalisation... D'abord, il y a une rupture de forme. Il y a des mots que je n'utiliserai pas et que j'assume de ne pas utiliser pour la raison que je vous dis.

SONIA MABROUK
Même s'ils vont faire réagir ce matin, vous le savez parfaitement.

LAURENT NUNEZ
Ce qui ne m'empêche pas d'être un homme d'action et d'agir de manière extrêmement concrète. Et deuxièmement, moi, je suis déconnecté de tout projet partisan. Je ne suis pas candidat à l'élection présidentielle, je suis candidat à rien. Et c'est en ce sens où je dis, et j'ai pu dire, qu'il n'y a pas d'instrumentalisation du ministère de l'Intérieur, pour moi, c'est un tremplin. Ce n'est pas du tout un tremplin.

SONIA MABROUK
Vous ne regardez pas tous les matins vers 2027, c'est ce que vous vouliez dire.

LAURENT NUNEZ
Non, c'est ce que je voulais dire. Il n'y a aucun caractère blessant dans ce que je dis. C'est une posture. Et voilà, c'est la posture de celui qui est là pour servir l'intérêt général au service du public, à la demande du président de la République, du Premier ministre. Et c'est ce à quoi je vais m'employer. Sans aucun esprit partisan, dans l'état d'esprit qui a toujours été le mien, de parler à tout le monde, d'être ouvert, d'être un homme de consensus et de dialogue. Mais ce qui ne m'empêche pas d'être extrêmement ferme. Et je le saurais totalement.

SONIA MABROUK
Merci Laurent NUNEZ. Merci pour cette interview ce matin. Je vous souhaite une bonne journée et je vous dis à bientôt.

LAURENT NUNEZ
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2025