Texte intégral
JOURNALISTE
Le Grand entretien, ce matin. C'est Serge PAPIN qui est avec nous, ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d'achat. Merci d'être sur le plateau de la matinale de l'économie.
SERGE PAPIN
Bonjour.
JOURNALISTE
On va parler politique, déjà, avec ces discussions à l'Assemblée, sur le budget 2026. Deuxième semaine de discussion. Que pensez-vous de ces discussions, sur la forme et sur les avancées ?
SERGE PAPIN
Alors, ce budget, c'est un budget de compromis. C'est un budget de compromis qui vise à la stabilité, parce qu'on a besoin de stabilité. Je vais rappeler quand même deux ou trois chiffres qui peuvent quand même rassurer. On est à un atterrissage qui va être tenu, ça fait trois ans que ça ne nous était pas arrivé, à 5,40, sur le budget. Donc, atterrissage. Le budget, c'est aussi une projection. Donc, le budget qui est débattu là, il vise 4,70 l'année prochaine. Donc, là, on amorce une vraie décrue, qui peut rassurer tout le monde, y compris ceux qui nous observent. Et ce qui est intéressant, moi, ça m'a tout de suite rassuré quand j'ai eu les premières discussions avant de m'engager, puisque la trajectoire, c'est d'arriver à 3% en 2029. Ce n'est pas si loin en 2029. Pourquoi 3% ? C'est parce que c'est à ce moment-là où on ne creuse plus la dette. Donc, on va sur cette trajectoire. Et si on arrive à passer le cap de ce budget de compromis et qu'on va vers cette stabilité, ça va tout changer. Parce qu'à ce moment-là, on ne va pas être vu de la même manière. On pourrait même imaginer que l'argent, le taux auquel la France emprunte, ce qui est quand même le gros sujet pour financer sa dette, va diminuer. Ce qui permettrait de renvoyer aux entreprises aussi, par conséquent, un taux moins important, où ils vont emprunter. Vous savez ce qui se passe actuellement ? Tout le monde a les larmes aux pieds. Les entreprises, comme il y a cette instabilité, on n'investit plus, on n'embauche plus. Moi, j'ai vu toutes les parties prenantes, là, depuis 12 jours que je suis à mon ministère. Donc, j'ai rencontré tous les représentants des PME, et cetera, qui me disent : " Ben, nous, on attend ". Et les consommateurs, ils épargnent. Donc, on est dans une situation de blocage. Donc, la stabilité va débloquer. C'est ça qui est intéressant.
JOURNALISTE
Plusieurs mesures vous tiennent à coeur. Il est question du pacte Dutreil. Vous voulez qu'il soit maintenu, ce pacte, sur la transmission des entreprises familiales. 500 000 entreprises vont faire l'objet d'une transmission dans la prochaine décennie. Ce chiffre-là, il est indiscutable. Mais il y a eu des abus jusqu'ici sur le pacte Dutreil. La Cour des comptes parle d'un coût de 5 milliards, l'an dernier. Près de deux-tiers de son montant bénéficie à 1% des donataires et héritiers. Ça veut dire que l'objectif a été détourné et le mette en danger ?
SERGE PAPIN
Il n'est pas... Alors, d'abord, les 5 milliards qui sortent de la Cour des comptes, ça dit quoi ? D'abord, ce n'est pas un coût, parce que vous avez utilisé le mot " coût ". Moi, je ne compte pas pareil. C'est un manque à gagner. Hein, on est d'accord ? Parce que c'est une diminution de la taxe qui facilite les transmissions. 5 milliards, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on est à un pic de transmission. Vous l'avez dit, 500 000 entreprises vont se transmettre dans les dix ans. Le pacte Dutreil, c'est un pacte, je pèse mes mots, hein, c'est un pacte avec la France. C'est notre souveraineté économique qui en dépend. C'est tout le modèle des entreprises familiales. Donc, c'est très important, ce n'est pas un cadeau fiscal qui est fait. Alors, s'il y a quelques abus, il faut les regarder. Je sais qu'il y en a. Et c'est ce que propose aujourd'hui le budget, dans ses amendements, que les biens somptuaires ne fassent pas partie de ce pacte Dutreil. Ça, c'est bien. Mais pour le reste, ce n'est pas un cadeau fiscal, c'est notre souveraineté qui est en jeu. Donc, ça, c'est très important. Moi, je vais me battre pour que le pacte Dutreil soit pérennisé. Il va l'être. Je suis assez serein de ce côté-là. Et je vais plus loin. Je voulais proposer, donc, là, c'est un petit débat avec mes collègues de Bercy, un pacte Dutreil salarié. Je vais vous dire pourquoi ? Parce que les TPE, souvent, c'est le patron et un salarié. Et les gens de ma génération, dans les TPE, ils transmettent. Et souvent, celui qui est intéressé par la continuité, c'est le salarié.
JOURNALISTE
Donc, on transmettrait à son salarié ?
SERGE PAPIN
On pourrait, pour les TPE, notamment, imaginer d'avoir un Dutreil adapté aux salariés, qui permettrait, parce que vous savez qu'il y a beaucoup de TPE, quand le fondateur, souvent, qui est le fondateur, il arrête, l'entreprise s'arrête. Et ça, c'est quelque chose qui est assez simple. Le salarié, j'en connais plein qui ont envie de continuer, mais il faut aussi leur faciliter l'accès. Voilà. Donc, ça, c'est un scoop. Alors, attendez. On n'est pas abouti, c'est un projet. J'aimerais bien pour les TPE, parce que les TPE font partie de mon ministère. Et donc…
JOURNALISTE
C'est une proposition, le pacte Dutreil salarié ?
SERGE PAPIN
C'est une proposition. Voilà.
JOURNALISTE
C'est retenu, effectivement. On va parler de commerce également, parce que ce qui vous tient à coeur, c'est cetteadapté aux salariés. Vous y êtes favorable. J'ai presque envie de vous demander, est-ce que 2 euros, c'est suffisant ? Parce qu'il s'agit ici de taxer, évidemment, ces colis, mais il s'agit aussi de, peut-être, décourager cette consommation qui est très importante de la part des Français.
SERGE PAPIN
Oui. Alors, moi, j'ai deux sujets. Je voudrais éveiller les consciences et organiser la résistance. Éveiller les consciences. Vous avez raison, ces produits qui viennent directement de Chine, ils ne respectent pas nos normes, ils ne respectent pas nos ambitions écologiques. Et puis, quel modèle on veut demain ? Parce que les plateformes, elles sont en train de se développer à vitesse grand V. Et puis, il y a même, maintenant, quand vous scrollez sur votre portable, avec TikTok, par exemple, ou même ChatGPT, et cetera, ça vous envoie sur un moteur d'achat, sur une plateforme de paiement, c'est catastrophique. Donc, il faut organiser la résistance, parce qu'autrement, qu'est-ce qui va se passer ? C'est un modèle de société. On prend du plaisir à aller dans nos centres-villes, il ne va y avoir plus que des rideaux tirés.
JOURNALISTE
Ce n'est pas un des enjeux des municipales, d'ailleurs.
SERGE PAPIN
C'est un gros enjeu des municipales, puis, j'en profite pour le dire, il y a une mission qui est composée, de la maire de Saint-Quentin, du directeur de la Banque des Territoires et Dominique SCHELCHER, le patron de Coopérative U, qui rendent, la semaine prochaine, les conclusions d'une mission pour redynamiser le commerce de centre-ville. Donc, ça, ça va être notre plan d'action. Mais pour freiner les choses, il faut absolument qu'on mette en place cette taxe. Donc, on est les pilotes en Europe. Deux euros par article, ce n'est pas rien. Et je pense que ce n'est que le début, parce qu'évidemment, quand on regarde, moi, je regarde un petit peu, j'ai demandé à mon administration de regarder ce qui se passait, notamment aux États-Unis. Bon, ils ont, eux, d'une certaine manière, protégé leurs frontières, puisqu'ils ont l'algorithme de TikTok, maintenant, c'est les Américains qui s'en occupent. Ils ont, avec les taxes, fermé les frontières. Donc, l'Europe est une maison ouverte, et singulièrement, en Europe, la France. Donc, il faut qu'on prenne le leadership de l'organisation de la résistance, je pèse mes mots. Et moi, je voudrais que dès 2026, comme un premier pas, on mette en place cette taxe de 2 euros par article. Ce qui n'est pas rien, hein. Puisqu'il y en a qui vous dit : " ce n'est rien 2 euros ". 2 euros par article, sur des articles qui coûtent 4, 5 euros, en moyenne, ça peut être un acte de résistance fort.
JOURNALISTE
Dernier sujet, il nous reste 2 minutes, on va parler des négociations commerciales... cette année, cette fin d'année, jusqu'à mars 2026, les acteurs du secteur, distributeurs industriels, vont négocier à nouveau. ON a entendu dans le journal, tout à l'heure, le rôle, de plus en plus important, des centrales d'achats européennes, qui pose problème. Utilisé, selon certains acteurs, pour contourner la législation européenne. Vous êtes l'ancien patron de système U, vous voyez ça comment ?
SERGE PAPIN
Bah, la législation est en train de changer, semble-t-il. Je n'ai pas tous les tenants et aboutissants, mais ça va renvoyer à la législation des pays. Donc, là, bon, bah, ça va être une discussion à avoir entre ces centrales européennes et la législation qui va naître de l'Europe. Donc, elle est en discussion. Moi, quand même, ce qui m'intéresse, si je peux me permettre, par rapport à ces négociations, c'est le rôle des PME françaises dans ces négociations, parce que ça, c'est important. Puisque là, au niveau de l'Europe, on parle des très grands groupes internationaux, hein, ça concerne une trentaine ou une quarantaine de comptes. Mais moi, je suis responsable aussi de l'ensemble des PME agro, agri, qui, dans les négociations, ont besoin d'une bienveillance. Et je voudrais suggérer que, cette année, elles passent en premier dans les négociations, avant les grands groupes, parce que ce qui leur permettrait de proposer une présence dans les linéaires. Parce que selon moi, si elles passent après, la place est prise. Donc, ça, c'est une chose pratique. Et je pense que de ce côté-là, avoir un consensus. Et puis deuxièmement, il faudrait que ces négociations, elles durent moins longtemps, parce que c'est tellement d'énergie. Donc, j'aurais suggéré, notamment pour les PME, qu'on arrive un peu à diminuer le temps de négociation. Donc, voilà. Je regarde ça, et puis après, on va suivre l'évolution de la législation au niveau de l'Europe.
JOURNALISTE
Merci beaucoup Serge PAPIN d'être venu ce matin dans notre Grand entretien. Ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat, du Tourisme et du Pouvoir d'achat.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2025