Texte intégral
Madame la ministre déléguée,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Monsieur le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris,
Madame la Présidente de la Cour administrative d'appel de Paris,
Mon Général, gouverneur militaire de Paris,
Madame la rectrice de la région académique d'Ile-de-France, rectrice de l'Académie de Paris,
Monsieur le secrétaire général de la Présidence de la République,
Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale,
Monsieur le directeur général de la police nationale,
Mesdames et messieurs les directeurs nationaux,
Monsieur le chef de l'inspection générale de la police nationale,
Monsieur le président du tribunal administratif de Paris,
Monsieur le président du tribunal judiciaire de Paris,
Madame la Procureure de la République de Paris,
Mesdames et messieurs les préfets,
Monsieur l'adjoint à la maire de Paris,
Monsieur le vice-président du Conseil régional d'Ile-de-France,
Mesdames et messieurs les maires,
Messieurs les généraux,
Mesdames et monsieur les présidents de juridictions,
Monsieur le procureur national antiterroriste,
Mesdames et messieurs les procureurs,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs les représentants des autorités religieuses,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations syndicales et associatives,
Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités,
Monsieur le préfet de police,
C'est peu dire qu'aujourd'hui est un jour particulier, sinon inédit. Car de façon tout à fait singulière, l'installation du préfet de police par son ministre de l'intérieur ressemble en tout point, cet après-midi, à une passation de pouvoir. Instant extraordinaire pour vous qui prenez la tête de l'une des plus éminentes institutions de notre République ; instant singulier pour moi qui lui fais mes derniers au revoir.
Les honneurs de la République, le poids des responsabilités, le vertige de la mission, la fierté aussi… Ce qui très probablement se joue en vous en ce moment-même, j'ai la faiblesse de croire que je fais mieux que l'imaginer : je l'ai vécu. C'était le 21 juillet 2022, lendemain de ma nomination par le Président de la République. C'était le point de départ de 1 179 jours d'une rare intensité ; c'était le début de l'engagement d'une vie.
Si les ministres de l'intérieur ont toujours observé de près ce qu'il se passe à la Préfecture de police tant elle occupe une place centrale dans l'organisation de nos institutions, et un rôle incontournable dans le dispositif de sécurité intérieure de notre pays, je ne le serai que davantage. Monsieur le préfet de police, il va sans dire – je crois – que, depuis la Place Beauvau, je garderai un oeil particulièrement attentif sur cette maison qui fut la mienne pendant ces plus de trois dernières années, et déjà même entre 2012 et 2015, comme numéro 2.
Sans doute, cela fera de moi un ministre de l'intérieur à la fois plus soucieux et plus exigeant à l'égard de la Préfecture de police, et à l'endroit de celui à qui je la confie.
La sécurité des habitants de Paris et de sa petite couronne deviendra votre obsession de chaque instant. Depuis 2022, la délinquance, si structurellement élevée en agglomération parisienne, a commencé à céder du terrain, petit à petit, mois après mois, semestre après semestre, à la force de persévérance et de détermination. Ces résultats encourageants mais dont on ne peut se satisfaire, je vous demande de les confirmer, je vous demande même de les conforter.
Dans cette bataille contre la délinquance, la lutte contre les trafics de stupéfiants représente peut-être le jeu décisif. Il se mène, et peut se gagner, en exploitant tous les outils à notre disposition, en veillant toujours à respecter l'autorité des parquets avec lesquels tout se construit : réunissez les CROSS, faites < place nette =, mobilisez la force d'investigation conjointe de la PP que j'ai créée, et appropriez-vous pleinement les nouveaux moyens que la loi de lutte contre le narcotrafic vous offre. Pilonnez les points de deal tout en démantelant les filières. Ne laissez pas, enfin, le fléau du crack reprendre les droits qu'il avait perdus sur le campement de Forceval, ce matin d'octobre 2022.
L'ambition est grande, mais vous ne partez pas d'une copie blanche - et vous ne serez pas seul. Dans cette entreprise, vous pourrez vous appuyer sur le plan d'agglomération de restauration de la sécurité du quotidien qui a posé les diagnostics précis et mobilise déjà tous les partenaires locaux qui deviendront vite vos meilleurs alliés, sous la houlette de chacun des préfets de petite couronne. Dans l'agglomération parisienne où les défis sécuritaires sont plus lourds que nulle part ailleurs, le continuum de sécurité n'est pas un concept galvaudé : il est une réalité que nous avons bâtie patiemment ensemble et que je vous demande de cultiver, et qui sera encore confortée par des prérogatives de polices municipales renforcées – je l'espère maintenant très vite.
Mais la lutte contre l'insécurité ne se mène pas seulement sur la voie publique. Elle se poursuit dans le traitement judiciaire de la délinquance, et une rigueur égale dans le travail d'élucidation des infractions mineures comme des affaires les plus complexes. Veillez toujours à ce qu'il n'y ait pas de < petit = et de < grand = judiciaire sinon un seul souci d'efficacité dans la réponse que nous devons aux victimes. A cet égard, la gestion du stock de procédures devra appeler une attention particulière de votre part. C'est également en ce sens que je vous demande de poursuivre le décloisonnement que j'ai entrepris entre les deux directions de la Préfecture de police chargées du judiciaire, la DPJ-PP et la DSPAP, sous l'autorité – bien sûr – des parquets, mais nous aurons l'occasion d'en reparler tant ce sujet me tient à coeur.
A quelques jours de la commémoration des dix ans des attentats de 2015 - et dans cette cour qui ne sait que trop ce que le terrorisme nous a arraché –, je sais que la lutte contre l'hydre islamiste ne cessera jamais d'être votre priorité. Ce combat doit se prolonger dans celui que vous mènerez sans merci contre toutes les atteintes aux principes républicains, qu'elles se réclament d'un projet séparatiste ou de celui qui ne dit pas son nom, l'entrisme islamiste. Après la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, après la lutte contre le séparatisme, cette nouvelle lutte contre l'entrisme islamiste est le troisième volet de ce combat que le Président de la République mène depuis 2017 ; cette troisième bataille – qui n'avait jusque-là jamais été lancée – nous devons la conduire avec la même détermination et la même vigueur que les précédentes.
Monsieur le préfet de police, il vous appartiendra de faire preuve aussi de la plus grande fermeté dans la lutte contre l'immigration irrégulière, en accentuant le travail de démantèlement des filières illégales, en multipliant les éloignements coercitifs et en endossant pleinement votre rôle de coordination zonale dans les placements en rétention administrative. Comme vous le permet la loi du 24 janvier 2024, priorité absolue devra être donnée à la reconduite des étrangers qui menacent l'ordre public et piétinent les fondements de notre République. C'est à cette seule condition, en effet, que la France pourra travailler plus sereinement à l'intégration de ceux qui ont choisi nos valeurs pour patrie.
Vous le savez : la raison d'être originelle de la Préfecture de police, c'est la concentration à Paris des lieux de pouvoirs, des institutions et des symboles de notre République française qui font de sa capitale le terrain favori des manifestations, revendicatives ou non. Le maintien de l'ordre public comme la gestion des grands événements sont le savoir-faire unique et la marque de cette maison. La réussite des Jeux de Paris 2024, unanimement saluée, les a réexposés sous les yeux du monde entier mais les temps institutionnels troublés, le contexte social tendu, l'approche – aussi – des échéances électorales pourraient à nouveau les éprouver. Garantir l'ordre républicain pour défendre la République elle-même. Monsieur le préfet de police, je vous demande de protéger et de garantir les libertés d'expression et de manifestation – consacrées par les textes sommitaux de notre Etat de droit – mais de ne jamais, jamais tolérer la moindre exaction ou violence.
Je compte enfin sur vous pour défendre cette maison de tout votre poids et faire rempart contre les assauts que ne manquera pas d'essuyer la Préfecture de police, institution incontestable que d'aucuns aiment contester, institution incontournable que certains voudraient parfois contourner. Je vous le dis, pourtant : la Préfecture de police, plus de deux fois séculaires, n'est pas près de perdre ses couleurs car vous protégerez l'héritage de 200 ans d'histoire et d'acquis : exercez pleinement vos attributions municipales à Paris ; défendez l'indispensable police d'agglomération ; investissez vos compétences régionales sur les réseaux de transports ferrés, les plateformes aéroportuaires, et les axes de circulation structurants ; ne négligez pas votre rôle d'animation et de coordination zonale en matière de sécurité publique et de renseignement ; incarnez pleinement votre habit de préfet de zone quand la crise ou l'événement majeur, immanquablement, viendra.
Mais si vous évoquez parfois avec autorité, déléguez avec humilité toujours. Car pour honorer tant de responsabilités, il vous faudra vous appuyer constamment sur les préfets de départements qui restent les plus fins connaisseurs de leur territoire, de leurs contingences et des acteurs locaux. Vous aurez à coeur d'entretenir ce dialogue que j'ai voulu, ces trois dernières années, le plus constant et le plus large possible, avec eux comme avec l'ensemble des acteurs de la sécurité à Paris et en Ile-de-France, au premier rang desquels le Gouverneur militaire de Paris, le commandant de la région de gendarmerie, la direction zonale des CRS, et le coordonnateur de la police nationale pour la grande couronne. Vous apporterez un soin tout particulier à préserver la qualité des échanges entretenus avec la Ville de Paris, ainsi qu'avec l'ensemble des élus locaux.
Monsieur le préfet de police, voilà, à gros traits, les grandes orientations de votre lettre de mission. Vous en avez entendu les lignes directrices mais non exhaustives car à la Préfecture de police, c'est aussi l'actualité qui dicte la mission et, dans la marge de cette feuille de route, vous trouverez le lot de crises, d'urgences et de défis qu'aucun efforts d'anticipation - dont cette maison pourtant passée maître - ne pouvaient prévenir. C'est précisément là que vous mesurerez l'inépuisable capacité de la PP – et celle des femmes et des hommes remarquables qui en font la richesse - à s'adapter, et que vous jaugerez sa résilience hors du commun.
Oui, beaucoup a été fait durant ces plus de trois ans – c'est peu de chose de le dire – et je crois pouvoir affirmer que vous sont confiées aujourd'hui les rênes d'une Préfecture de police en ordre de bonne marche. Il n'y a là rien d'un satisfecit adressé à soi-même puisque – et ce furent mes derniers mots avant de m'en aller : dans cette maison, le préfet de police ne remporte aucune satisfaction personnelle qui ne soit pas une réussite collective.
Le collectif, c'est justement le ciment de cette maison qui tient debout grâce aux 43 000 policiers, personnels administratif, technique et scientifique, sapeurs-pompiers au dévouement incomparable, encadrés par une formidable équipe de direction, directeurs de services actifs et administratifs, commandant de la BSPP, que je veux ici remercier. En vous confiant cet après-midi les clés de cette institution, ce sont eux que je vous confie. Défendez-les lorsqu'ils seront injustement attaqués, et leur vocation difficile lâchement injuriée, car défendre une maison, c'est aussi protéger ses enfants. N'ayez pas peur de les dirigez avec bienveillance : leur sens du devoir en sera décuplé. Osez l'autorité de proximité : à votre commandement, ils répondront toujours par le service, fidèle et dévoué, auquel ils m'ont tant habitué.
Et comme je les ai quittés à la hâte il y a tout juste deux semaines, permettez-moi, Monsieur le préfet de police, de m'adresser une dernière fois à eux pour les remercier de tout ce que nous avons accompli ensemble. Et de tout ce qu'ils réaliseront désormais derrière vous.
Vive la Préfecture de police,
Vive la République,
Et vive la France.
source : https://www.interieur.gouv.fr, le 29 octobre 2025