Interview de M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, à BFM TV le 3 novembre 2025, concernant la lutte contre la fast Fashion, la taxe sur les petits colis, le budget pour 2026, le pacte Dutreil et l'interdiction des découverts bancaires.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
8h29, et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Roland LESCURE,

ROLAND LESCURE
Bonjour,

APOLLINE DE MALHERBE
Merci de répondre à mes questions ce matin et tenter de nous éclairer parce que vous êtes le ministre de l'économie. Mais je ne suis pas sûr que vous assumiez tout-à-fait le budget qui est en train de se dessiner sous vos yeux à l'Assemblée nationale. Vous parlez même de sorcellerie fiscale pour les nouvelles taxes de ces derniers jours. On va voir avec vous, au fond, ce qui reste ou ce qui saute dans les taxes qui viennent d'être adoptées par les députés. Réponse ce matin sur RMC et BFM TV. Mais d'abord, je voudrais vous interroger sur ces abominables poupées sexuelles comme on dit, vendues par SHEIN notamment, ou par ALIEXPRESS, des poupées ignobles pour adultes, officiellement à l'effigie ultra réaliste de petite fille, des poupées clairement pédopornographiques. Jusqu'à 4 h du matin cette nuit, elles étaient encore en vente sur les sites de ces plateformes. Qu'est-ce qu'on fait ?

ROLAND LESCURE
Bon, d'abord, on peut tous vouloir lutter contre la fast Fashion. Donc, ces plateformes qui vendent, tous les jours, des collections différentes à des prix qui défient toute concurrence. On est contre, on commence à lutter contre. On a mis en place une taxe sur les petits colis, mais là, on a dépassé les bornes. Vous l'avez dit, ces objets horribles y sont illégaux. Merci à Serge PAPIN, mon collègue, d'avoir dénoncé ça très vite grâce…

APOLLINE DE MALHERBE
Le ministre du commerce.

ROLAND LESCURE
Le ministre du commerce et de la consommation. Mais grâce à des enquêteurs de la répression des fraudes qui ont identifié ces produits. Et donc, on a dénoncé ça, on a fait un signalement au procureur, donc, il y aura une enquête judiciaire. On a aussi saisi l'ARCOM parce que c'est une plateforme numérique régulée par l'ARCOM. Et je vais être très clair là-dessus, si ces comportements sont répétés, nous serons en droit et je le demanderai, qu'on interdise l'accès de la plateforme SHEIN au marché français, c'est dans la loi, cette loi, nous l'avons votée.

APOLLINE DE MALHERBE
Interdire l'accès à SHEIN en France.

ROLAND LESCURE
Pour des actes terroristes, pour le trafic de stupéfiants et pour des objets pédopornographiques, le Gouvernement est en droit de demander l'interdiction de l'accès au marché français.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pardon, dans la première partie de votre phrase, si j'ai bien entendu, vous avez dit « Si cela se répétait », mais qu'est-ce qu'on attend ? À partir de combien de fois vous jugez que ça n'est plus acceptable ? Et jusqu'à quand vous considérez que finalement c'est OK ?

ROLAND LESCURE
Non, d'abord ce n'est pas Ok. Donc, il y aura une enquête judiciaire qui devra identifier les raisons pour lesquelles ce genre de produit s'est trouvé sur cette plateforme. Mais la loi est très claire, si on a des comportements répétés ou si les objets en question ne sont pas retirés dans les 24 heures, le Gouvernement peut le demander.

APOLLINE DE MALHERBE
Au moment où l'on parle, Roland LESCURE, les objets ont été officiellement retirés de la plateforme version française, mais absolument pas des autres plateformes auxquelles on a accès dès qu'on se met sur une voie parallèle d'internet. Donc, elles sont encore là.

ROLAND LESCURE
Alors, vous savez qu'on peut contourner la loi française par ce qu'on appelle des VPN. Ça, la France n'a pas les moyens de lutter contre ça, à ce stade. Mais il faut quand même reconnaître qu'on a voté une loi, elle est extrêmement ferme et on l'appliquera.

APOLLINE DE MALHERBE
On l'appliquera si c'est répété, dites-vous. Je voudrais vous signaler également les réactions d'autres commerçants. Je pense à Dominique SCHELCHER, le patron des magasins U. Il le dit sur les réseaux sociaux cette nuit. « J'espère que la découverte des poupées à caractère pédopornographique sur le site SHEIN par la DGCCRF va conduire à la fermeture en bonne et due forme du site par les autorités au plus vite. » Pourquoi vous ne le faites pas tout de suite ? Vous en avez les moyens.

ROLAND LESCURE
Parce qu'on respecte la loi.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais eux ne la respectent pas.

ROLAND LESCURE
Effectivement, s'ils ne la respectent pas de manière répétée, on fermera.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne comprends pas le côté répété. C'est ça que j'ai du mal à comprendre.

ROLAND LESCURE
Ce qui se passe dans la loi, c'est que si vous avez un objet illicite, illégal sur votre plateforme, vous avez 24 heures pour le retirer. Si ce que vous dites est vrai, si les objets sont encore là aujourd'hui, la loi s'appliquera.

APOLLINE DE MALHERBE
ALIEXPRESS les a retirés à 4h du matin, c'est une information RMC.

ROLAND LESCURE
En tout cas, les réactions très fortes de mon collègue Serge PAPIN, de la répression des fautes, de la justice, fait qu'ils agissent.

APOLLINE DE MALHERBE
Un dernier mot aussi sur SHEIN. Au-delà, effectivement, comme vous le disiez, on a dépassé les bornes, si je me souviens l'expression que vous avez utilisée, mais SHEIN a déjà fait parler. Et régulièrement, SHEIN apparaît comme une menace pour le marché français. Vous savez, mercredi, le magasin emblématique du coeur de Paris, le BHV, lance une opération en partenariat avec SHEIN. Est-ce que vous appelez le BHV à prendre davantage de responsabilités ?

ROLAND LESCURE
En tout cas, moi je suis passé rue de Rivoli ce week-end. Et j'ai vu les oriflammes de SHEIN tout au long de la devanture.

APOLLINE DE MALHERBE
Et des affiches avec le patron du BHV qui pose aux côtés du patron de SHEIN, avec marqué l'affiche que nous n'aurions jamais dû faire. Sous-entendu, c'est de la provoque.

ROLAND LESCURE
Mais bien sûr que c'est de la provoque. Donc nous, on répond à la provoque par la loi. Si les objets vendus par SHEIN, que ce soit d'ailleurs dans des magasins ou sur des plateformes, sont illégaux, et ce n'est pas seulement évidemment un sujet de la pédagogie pornographique, qui est très grave, mais aussi des objets qui ne correspondent pas, par exemple, aux normes de santé françaises, on agira. Donc, on répond à la provocation par la loi.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il n'y a pas l'impression d'avoir toujours un train de retard, et qu'ils ont, eux, un train d'avance ? Vous parliez de la question de la taxe sur les petits colis, ça fait partie de ce qui est discuté en ce moment, même dans le budget, donc on y vient. J'entendais le rapporteur du budget, qui lui est LR, qui disait : " Mais on va mettre une taxe de 2 euros, croyez-vous que ça va vraiment changer les choses ? " Il proposait une taxe de 50 euros par colis. Quelque chose de franc, net, massif.

ROLAND LESCURE
On fait deux choses. Un, les 2 euros, ça va permettre de financer des inspecteurs qui vont vérifier tous ces colis, et ça va rajouter, je dirais, un grain de sable dans la machine. Mais deux, on agit au niveau européen pour que les taxes soient plus élevées. Et pourquoi on le fait au niveau européen ? Parce que si vous mettez 50 euros à Roissy, les colis arriveront par Bruxelles, ou par Munich, ou par Milan. Donc l'objet, c'est effectivement de dire qu'en Europe, quand on vend des produits qui sont sans doute produits selon des normes inacceptables, et à des prix défiants de toute concurrence, on paye pour ça. En attendant, en France, c'est le premier pays au monde à le faire, on va avoir une taxe sur ces petits colis qui va permettre de financer des inspecteurs qui vont vérifier tout ça.

APOLLINE DE MALHERBE
Et pendant ce temps-là, en effet, les producteurs français, eux, respectent scrupuleusement les normes et s'y attendent de le faire, et le voient aussi là-dedans comme une terrible concurrence. Je voudrais quand même vous faire la liste de ce qui a été voté ces derniers jours. Retour de l'ISF avec l'impôt sur la fortune improductive, taxe sur les multinationales, hausse de la taxe sur le rachat d'actions, prolongation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, taxe sur les holdings, taxe sur les bénéfices des grandes entreprises, doublement de la taxe sur les GAFAM. Vous assumez tout ça ?

ROLAND LESCURE
Écoutez, en tout cas, ce que je peux vous dire, ça fait trois semaines qu'on a déposé ce budget, moi, j'ai parlé d'une course de haies, on a passé les trois premières, il en reste sept. Le Premier ministre, quand il a choisi de ne pas faire à peine à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, il a mis tout le monde devant ses responsabilités. Ça veut dire que toute la liste que vous venez de faire, si elles sont votées, elles risquent de se retrouver in fine dans le texte. Je dis, elles risquent, parce qu'après l'Assemblée, on passera au Sénat, ensuite, il y aura ce qu'on appelle une commission mixte paritaire qui permettra d'assembler les deux, ensuite on retournera à l'Assemblée. Donc, on est à la troisième haie, il en reste sept. Mais, moi j'ai parlé de sorcellerie fiscale, vous le savez, je considère qu'il y a un certain nombre de choses qui ont été votées, qui sont inopérantes. Je vais vous donner un exemple très concret. On essaye d'exporter notre problème. On dit, on va taxer les multinationales dans le monde entier qui font des affaires en France. On va à l'encontre de 125 conventions fiscales qu'on a signées avec 125 pays différents. En gros, on taxe deux fois les entreprises, y compris les entreprises françaises, qui gagnent de l'argent ailleurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, ça saute.

ROLAND LESCURE
Bah, écoutez.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça saute comment ? Vous en avez les moyens de faire sauter ça ?

ROLAND LESCURE
Bien sûr, d'abord le Sénat, ensuite la CMP, moi, mon job c'est d'expliquer l'effet pervers de cette taxe. Pourquoi ? Parce que si cette taxe s'applique demain, c'est le contribuable français qui la perdra, devra rembourser.

APOLLINE DE MALHERBE
Là pour l'instant, vous dites : " Attention, c'est une folie, c'est une sorcellerie ". Si à la fin, ça passe tous ces filtres que vous dites, tous ces sauts de haies les uns après les autres, vous allez quand même l'assumer, ce budget, vous ferez quoi ? Vous serez bien obligés de le faire appliquer ?

ROLAND LESCURE
Moi, je ne rentre pas dans un film sans savoir la fin, en me disant : " Je vais écrire à la fin avant que le film ait eu lieu ". C'est important. Le fait, écoutez, l'année dernière, il y avait un 49.3. On votait tout ce qu'on voulait, on savait que le papa ou la maman gouvernement allait passer derrière pour balayer tout ça. Ça n'existe plus. Donc, ça veut dire que quand on a des choses qui, de mon point de vue…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc là, vous laissez les enfants jouer et vous n'avez plus les moyens de jouer.

ROLAND LESCURE
Justement, ce ne sont pas, ce ne sont plus des enfants. On est face à nos responsabilités. On n'est pas dans une cour d'école, on est à l'Assemblée nationale. Chaque vote compte. Et j'allais dire, heureusement, on s'est suffisamment plaint de la déresponsabilisation du Parlement pour qu'aujourd'hui, chacun joue ses responsabilités. Après, juste un point important quand même. Le Premier ministre l'a dit vendredi, on est prêts à prendre des dépenses supplémentaires. L'année blanche sur les retraites, l'année blanche sur les minima sociaux. Donc face à ces dépenses, il va falloir des recettes. Devant chaque plus, il faudra un moins. Il faut que ces recettes…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire qu'au moment où on se parle, vous avez renoncé à ce gel des minima sociaux, par exemple.

ROLAND LESCURE
Le Premier ministre a annoncé, vendredi, qu'il était prêt à le faire. Là encore, c'est le débat parlementaire.

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, c'est là-dessus que vous allez probablement lâcher du lest.

ROLAND LESCURE
Mais il faut une majorité. Surtout…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas l'impression d'avoir déjà beaucoup lâché de lest, quand même ?

ROLAND LESCURE
On a lâché pas mal de choses. J'espère que celles et ceux qui le demandaient vont l'admettre. Parce qu'on a tendance, parfois, à lire les uns les autres en se disant…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, et qui continuent à manger le menton. J'ai reçu ici même Olivier FAURE vendredi matin qui, clairement, continue à faire monter les enchères.

ROLAND LESCURE
Écoutez, ne pensez pas à des histoires de paris, d'enchères ou de jeux de poker. C'est un débat parlementaire dans lequel, quand vous avez une victoire, parce qu'un budget de compromis, au fond, il n'appartient à personne et chacun devra faire des concessions. Quand vous avez une victoire, il faut le reconnaître quand même. La suspension de la réforme des retraites, c'est une victoire. La surtaxe…

APOLLINE DE MALHERBE
Là, vous vous adressez au PS. Vous leur dites " Soyez raisonnable ".

ROLAND LESCURE
Non, mais je pense qu'ils sont raisonnables, aujourd'hui, par rapport à ceux qui souhaitent le chaos, la dissolution et j'en passe. On a une majorité de parlementaires aujourd'hui de la droite républicaine aux socialistes, voire même, j'espère, les communistes et les écologistes qui sont responsables au sens où ils souhaitent faire voter un budget. La suspension de la réforme des retraites... Vous savez, moi, j'ai déposé un amendement. Le ministre de l'Économie qui dépose un amendement pour rajouter 2 milliards d'impôts sur les sociétés.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez rajouté ces 2 milliards sur cette contribution exceptionnelle qui devait ne rapporter que 4 et qui, finalement, en rapportera 6. Vous avez, vous-même, en quelque sorte, alourdi cette taxe-là.

ROLAND LESCURE
Vous pensez que je l'ai fait de gaieté de coeur ?

APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'avez fait comme un signal pour le PS.

ROLAND LESCURE
Je l'ai fait parce que c'est le prix du compromis.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ensuite, vous avez, vendredi, ce que les socialistes disent en s'en réjouissant, c'est un retour de l'ISF, cet impôt sur la fortune improductive. Est-ce que ça, vous le gardez ou est-ce que c'est pour vous une ligne rouge ?

ROLAND LESCURE
Moi, je pense que dans le budget final, il faudra un geste, ce qu'on appelle de justice fiscale. La justice fiscale, c'est ni le matraquage ni l'usine à gaz. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il y a, à ce stade, dans le budget, déjà 3 ou 4 mesures différentes sur le haut patrimoine. Il y a ce qu'on appelle la contribution différentielle sur le revenu. Il y a, vous l'avez dit, un nouvel ISF dit improductif sur les actifs, dit improductif. Il y a une taxe sur les holdings. En commission, on a voté une hausse de la CSG sur le patrimoine. Essayons de simplifier tout ça. Évitons les usines à gaz. Je pense que la justice sociale, fiscale, les deux d'ailleurs, il y a une demande réelle de la part de nos concitoyens.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais donc, vous gardez laquelle ? Vous les gardez toutes ? Vous en gardez deux ? Vous en gardez trois ?

ROLAND LESCURE
Je suis désolé, mais c'est le Parlement qui décidera. Nous, on va éclairer à la fois sur ce que ça rapporte sur les effets potentiellement pervers de telle ou telle taxe. On va éclairer le Parlement. C'est le Parlement qui décidera.

APOLLINE DE MALHERBE
Sébastien LECORNU dit : " On peut chuter à tout moment ". Mais est-ce que pour éviter à tout prix la chute, vous n'êtes pas en train d'accepter un budget qui est exactement contraire à vos convictions ?

ROLAND LESCURE
Non. Parce que la majorité de l'Assemblée nationale qui peut être amenée à voter ce budget, ce n'est pas les 66 députés ou 67 députés socialistes. C'est plus de 289 députés qui vont du Parti socialiste, voire même écologiste ou communiste aux députés de la droite républicaine. Les députés du Bloc central, ceux avec qui j'ai siégé pendant sept ans, vous pensez qu'ils sont heureux de tout ce qu'on vote ? Non. Donc eux aussi, ils ont leurs limites. Il faut qu'on arrive à converger vers un budget qui, au fond, ne satisfera personne, vraiment, mais permettra de se dire : " Bon, ça fait mal mais on a trouvé un compromis. Il faudra que tout le monde fasse des efforts ".

APOLLINE DE MALHERBE
Le pacte DUTREIL, qui est ce véhicule en quelque sorte qui permet de transmettre les entreprises, il est aussi dans le viseur. Est-ce que vous dites oui à des abus ?

ROLAND LESCURE
Alors, il y a visiblement des abus, il faut les corriger. Mais attention, le pacte DUTREIL c'est ce qui permet de sauver notre capitalisme familial. Des entreprises de taille intermédiaire dans l'agroalimentaire qui sont en Bretagne, dans la Creuse ou en Alsace, aujourd'hui…

APOLLINE DE MALHERBE
Il est menacé, le pacte DUTREIL, vous en êtes conscient ?

ROLAND LESCURE
Il faut le préserver dans l'essentiel qui permet de garder des entreprises familiales en France. Sinon, elles seront bradées, elles seront vendues. Et elles seront très probablement vendues à l'étranger.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais j'ai l'impression, Roland LESCURE, que quand je vous écoute, vous êtes un homme qui avait beaucoup de convictions. Vous vous êtes lancé en politique. Vous avez dit qu'il y avait des choses auxquelles vous croyez. Aujourd'hui, je vous sens observateur d'un spectacle que vous ne maîtrisez pas.

ROLAND LESCURE
Non, je suis acteur mais je dirais qu'on est plutôt dans le nouveau cinéma que dans un scénario hollywoodien écrit dès le début où on sait que le happy ending sera là. Donc je fais partie des acteurs, je suis là pour éclairer les parlementaires sur les risques et sur les avantages de telle ou telle mesure et essayer de faire converger. Mais évidemment, il y a des choses dans le budget qui ne me plairont pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Comment est-ce que vous allez faire ? Est-ce que vous allez en parler avec les uns et les autres ? On a l'impression que chacun apporte sa propre taxe. Allez-vous, à un moment ou à un autre, leur dire : " On se parle tous ensemble et… "

ROLAND LESCURE
Dès aujourd'hui.

APOLLINE DE MALHERBE
Dès aujourd'hui ? C'est-à-dire ?

ROLAND LESCURE
Le premier ministre a annoncé qu'il souhaitait que les ministres reçoivent les groupes parlementaires. Nous avons invité au ministère des Relations avec le Parlement avec Amélie DE MONTCHALIN, Stéphanie RIST et Jean-Pierre FARANDOU, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à discuter de ça.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand ?

ROLAND LESCURE
Cet après-midi, aujourd'hui. Aujourd'hui, au ministère des Relations au Parlement, nous avons invité les présidents de groupes.

APOLLINE DE MALHERBE
Aujourd'hui, vous réunissez les présidents de groupes. Tous ?

ROLAND LESCURE
Ils sont tous invités. On verra s'ils viennent tous parce qu'au fond, le Premier ministre l'a dit, on ne trie pas les parlementaires, ce sont les Français qui le trient. Il y en a, je le répète, qui ne souhaitent pas de deal. Il y en a qui souhaitent un accord. Mais au fond, on va recevoir tout le monde et voir comment on peut avancer dans les jours qui viennent.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc là, tout le monde va se parler ensemble parce qu'on a quand même l'impression que parfois, vous receviez surtout les Socialistes. On a vu que, par exemple, le patron du groupe comme le patron du parti avait été invité à déjeuner en milieu de journée, vendredi à Matignon.

ROLAND LESCURE
Et je pense que Gabriel ATTAL, Paul CHRISTOPHE, Marc FESNEAU l'ont été aussi. Les Ecologistes ont été reçus. Je pense que le Premier ministre reçoit les Communistes aujourd'hui ou demain.
Aujourd'hui, si on ne se parle pas, on n'avancera pas. On ne se parlait pas. On était dans une espèce de solitude qui était balayée par le 49.3 in fine avec l'adulte qui balayait tout ça. C'est terminé maintenant. Donc, on n'est pas d'accord. Surtout, il y a même des trucs sur lesquels on était en désaccord profond. On se parle.

APOLLINE DE MALHERBE
Roland LESCURE, je vais vous interroger aussi sur la question des découverts bancaires. Ça a fait couler beaucoup d'encre. Mais d'abord, encore un point sur cette histoire parce qu'il y a quand même un paradoxe. C'est que dans ce moment où, finalement, se tricote devant vos yeux un budget qui va beaucoup taxer les entreprises. Les entreprises, elles-mêmes, parlent d'une folie fiscale. On apprend que le Président de la République va réunir à nouveau, une sorte de grand raout, pour espérer attirer les investissements étrangers. Une sorte de " Choose France " à nouveau. Est-ce que, franchement, vous pensez que c'est crédible ?

ROLAND LESCURE
Oui. Vous savez, pendant les travaux budgétaires, la vente continue. On a eu une croissance exceptionnelle au troisième trimestre, robuste, exemplaire. Merci les entreprises qui ont investi. Merci les entreprises qui ont exporté. Merci les consommateurs qui ont consommé. La France continue à croître malgré les vicissitudes de la vie politique. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les incertitudes politiques, on doit les lever. Parce que le risque, évidemment, c'est que cette machine qui tourne, qui tourne mieux qu'en Allemagne, mieux qu'en Italie, mieux qu'en Espagne, elle s'arrête. Donc moi, vraiment, les chefs d'entreprise nous le disent, je le dis, allons jusqu'au vote de ce budget, levons les incertitudes.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez vraiment envie d'aller au vote ?

ROLAND LESCURE
Mais bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas d'entourloupe là-dessus ?

ROLAND LESCURE
Aucune entourloupe. Mais vraiment, je pense que le Premier ministre a pris un risque. Ce risque, j'allais dire, il faut qu'il paie. Il faut qu'ensemble, on montre, comme dans tous les pays du monde, qu'on est capables de s'entendre.

APOLLINE DE MALHERBE
Je fais évidemment référence à la procédure qui donne un nombre de jours maximum pour pouvoir députer de ce budget. Faute de quoi, il serait donc adopté sans vote… enfin, pas adopté, et mis en ordonnance. On aura le temps d'en reparler, mais effectivement, c'est aussi une des musiques qui monte.
Je voudrais vous interroger quand même sur les découverts de la Banque, parce que c'est cette directive européenne qui a été retranscrite. Les banques et LFI, pour une fois, sont ensemble pour vraiment mener une fronde contre cette directive et cette transposition dans le droit européen. Ça va rendre plus difficile l'accès au découvert pour les Français. Est-ce que franchement, vous pensez que ceux qui ont besoin de cette marge peuvent accepter une telle rigueur ?

ROLAND LESCURE
C'est n'importe quoi, Apolline DE MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est n'importe quoi ?

ROLAND LESCURE
Depuis trois jours, c'est fake news après fake news. Merci de me donner l'occasion de clarifier tout ça. Avant ce texte, les découverts n'étaient ni interdits, ni automatiques. Un découvert, ce n'est pas automatique. Vous l'avez dit, un certain nombre de Français en ont besoin. La machine à laver tombe en panne, il faut la remplacer.

APOLLINE DE MALHERBE
L'imprévu, faire face à l'imprévu.

ROLAND LESCURE
Exactement. Et ça, j'allais dire, c'est normal. Ils n'étaient ni interdits, ni automatiques. Après ce texte, ils ne seront ni interdits, ni automatiques. Quand je vois une pétition qui dit non à l'interdiction des découverts bancaires, signée par Manon AUBRY qui a voté ce texte…

APOLLINE DE MALHERBE
Manon AUBRY a voté ce texte au Parlement. La question, c'est que ce n'est pas une interdiction. Mais ça va rendre dans les faits beaucoup plus compliqués. Les banquiers eux-mêmes le disent. Moi, je vois bien que vous ne soyez pas d'accord avec LFI, mais ça m'étonne quand même un peu plus que vous ne soyez pas d'accord avec les banquiers.

ROLAND LESCURE
Je ne suis pas d'accord avec les banquiers non plus. Je vais les rassembler mardi à Bercy avec les associations de consommateurs pour lever tous les doutes. Ce qu'on fait, c'est qu'en fait, l'Europe calque sa réglementation sur la France. En France, on devait déjà faire une étude de crédit au-delà de…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous ne le faisiez qu'une fois.

ROLAND LESCURE
Ce sera une fois aussi. Merci. Deuxième fake news.

APOLLINE DE MALHERBE
… Parce que les banques disent qu'on va devoir faire ça tous les mois.

ROLAND LESCURE
Mais bien sûr que non. Donc deuxième fake news. Première fake news : les découverts…

APOLLINE DE MALHERBE
Peut-être que vous aviez mal rédigé peut-être le texte aussi, non ?

ROLAND LESCURE
Ah non, il a été mal lu. Et évidemment, quand un texte, à mon avis, assez clair, est mal lu, c'est qu'il y a sans doute un peu de mauvaise foi au passage. Les découverts ne sont pas interdits. Les découverts seront autorisés une fois pour toutes, que ce soit en dessous de 200 Euros ou au-dessus de 200 Euros. Ce sera évidemment un examen des conditions financières du ménage. J'allais dire, c'est normal. On est là pour protéger les gens de manière à ce qu'on évite les découverts excessifs.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous allez rendre tout ça très clair en les voyant demain ?

ROLAND LESCURE
Et dernier point, les frais sur les découverts baissent. Aujourd'hui, vous avez 2 Euros de découverts, vous pouvez payer 5 Euros de frais, ce sera terminé. Ce qu'on appelle les frais fixes, forfaitaires, c'est terminé.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils seront proportionnels.

ROLAND LESCURE
C'est peut-être pour ça que les banques ne sont pas, peut-être pas toutes, tout à fait contentes de ce qu'on fait.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous allez en tout cas simplifier tout ça ou clarifier tout ça en les recevant demain.

ROLAND LESCURE
Bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Roland LESCURE…

ROLAND LESCURE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 novembre 2025