Interview de M. Sébastien Martin, ministre délégué, chargé de l'industrie, à LCP le 5 novembre 2025, sur l'ouverture de géant du e-commerce SHEIN au BHV à Paris, les fermetures d'usines, la réindustrialisation, l'industrie de défense, la filière automobile et le budget pour 2026.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Sébastien MARTIN.

SEBASTIEN MARTIN
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être notre invité.

SEBASTIEN MARTIN
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Vous êtes ministre délégué chargé de l'industrie. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale, représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe EBRA. Ce sont les journaux de l'Est de la France. Bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane, dont journal de Saône-et-Loire.

SEBASTIEN MARTIN
Je suis en terrain inconnu.

ORIANE MANCINI
C'est exactement ça. On va parler, Sébastien MARTIN, évidemment de vos dossiers. Ils sont nombreux, mais d'abord un mot. L'actualité du jour, c'est le géant du e-commerce, SHEIN, qui ouvre aujourd'hui son premier magasin physique et pérenne au monde. C'est à Paris, au BHV. Est-ce que ça, ce n'est pas le symbole de notre naïveté, de notre passivité face à la Chine ?

SEBASTIEN MARTIN
Je crois qu'aujourd'hui, il y a un réveil. Il est un peu brutal, parce qu'on s'est dit pendant des années que bénéficier des bas prix de la Chine allait être quelque chose d'intéressant. Mais on voit bien que derrière, il n'y a plus qu'une logique économique. Il y a une logique presque stratégique et qui est très stratégique de la part de la Chine, aujourd'hui, de venir attaquer des pans entiers de notre économie et aussi quelque part de nos valeurs. Parce qu'il y a SHEIN, il y a ce qu'on a vu sur les fameuses poupées. On voit bien qu'on est au milieu aujourd'hui de ce que nous voulons en Europe, comme modèle aussi bien économique que politique. Il ne faut pas délier les deux. Les deux vont ensemble. Il y a une stratégie qui est à la fois économique, d'agressivité et qui est aussi politique, d'attaque de nos valeurs. Et je crois que SHEIN, ça revient à tout ça.

ORIANE MANCINI
Parce que le magasin, il ouvre aujourd'hui à Paris. Est-ce qu'on n'a pas perdu la bataille ?

SEBASTIEN MARTIN
Oui, mais il y a aussi beaucoup de parlementaires qui se battent sur la question des petits colis, qui sera quelque chose qui sera un caillou dans la chaussure, notamment pour SHEIN. Puis je pense que la bataille, elle n'est pas perdue. Le Gouvernement et Serge PAPIN, sur le sujet, est extrêmement mobilisé. Donc on verra dans les semaines qui viennent. Mais je pense aussi qu'il y a certains acteurs économiques qui devraient remettre un petit peu de morale dans leur action. Et y compris les magasins qui décident d'accueillir ces rayons-là. Je crois que quand on est des grandes enseignes françaises qui portent aussi l'image de la France, on doit avoir aussi un petit sens moral.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et aux consommateurs qui recherchent des prix bas, avec des produits corrects, qu'est-ce que vous leur dites ? Il y a un problème de pouvoir d'achat. C'est quand même ça le fond de l'affaire.

SEBASTIEN MARTIN
Sans doute, mais pour autant, je ne suis pas sûr qu'il soit toujours nécessaire de changer de t-shirt, d'acheter un t-shirt par jour, même si c'est à bas prix. Je pense qu'aussi on a une logique de consommation, sans doute parfois un petit peu excessif, extrêmement nourrie par le modèle chinois sur ces questions-là. Et qu'il y a aussi une part de la consommation qui a évolué. Vous vous souvenez, après le Covid, il y a une forme de consommation responsable qui s'est mise en place. Les choses peuvent évoluer. A nous de faire en sorte que ces tendances-là, qui sont des tendances assez malveillantes, ne puissent pas se répandre sur tout le pays.

ORIANE MANCINI
Sébastien MARTIN, on l'a dit, vous êtes ministre délégué chargé de l'Industrie. Au premier semestre, il y a eu deux fois plus de fermetures d'usines que d'ouvertures. Est-ce qu'on n'est pas sur un échec de la politique d'Emmanuel MACRON, qui fait de la réindustrialisation une de ses priorités ?

SEBASTIEN MARTIN
Alors d'abord, vous donnez un chiffre qui est juste le bilan ouverture-fermeture. Mais je rappelle que les chiffres que nous donnons sont ouverture plus extension de site. Et quand on met les extensions de site, on reste sur un solde positif. Ce n'est pas pour dire que la situation est parfaite. Loin de là, elle est difficile. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de dire à l'Assemblée nationale, c'est parce que c'est deux fois plus difficile qu'il faudra se battre deux fois plus, mais je tiens à apporter cette précision. C'est important parce que, vous voyez par exemple, dans mon agglomération à Châlons-sur-Saône, j'ai FRAMATOME qui construit 40 000 m² de bâtiments. 40 000 m² de bâtiments, c'est quand même l'équivalent de cinq ou six usines. Donc les extensions, ça a aussi du sens. Avec ce doublement de sites, c'est 200 ou 300 recrutements. Donc on ne peut pas exclure les extensions de sites. Maintenant, la situation est difficile, vous l'avez indiqué. Mais la réindustrialisation, je suis là aussi pour dire que quand tout va bien, on ne peut pas dire que tout est merveilleux. Et quand c'est difficile, on dit que c'est un échec. Non, la réindustrialisation se mesure sur un temps long. Il y a eu ces dernières années presque 500 usines qui ont été ouvertes. Il y a eu 130 000 emplois industriels de plus dans ce pays. Et je crois qu'il y a un consensus pour dire que la réindustrialisation est absolument indispensable. Aujourd'hui, on doit tenir sur la durée. Parfois, c'est difficile. Parfois, je mets un peu mon " casque bleu ". Mais moi, je crois que la réindustrialisation, ce n'est pas qu'un sujet économique. On vient d'en parler à l'instant. C'est un sujet de cohésion nationale et on a besoin d'usines sur nos territoires.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que là, il n'y a pas une forme d'échec de la politique d'Emmanuel MACRON ?

SEBASTIEN MARTIN
Il y a une période qui est difficile. Il y a en ce moment forcément une concurrence internationale, et j'espère qu'on y reviendra, qui est débridée et qui est déloyale et qui attaque un certain nombre de nos fondamentaux. Il y a une instabilité politique, et je pense qu'on parlera des questions budgétaires aussi, qui n'arrange rien, qui a fait perdre 0,3 points de croissance à la France cette année. Et sans doute aussi un certain nombre de projets industriels. Moi, je l'ai vu dans mon territoire. Vous savez, depuis un an, les gens se posent des questions. Et ils retardent leur projet d'investissement. Et ils se disent : " Mais l'usine, je la fais, je ne la fais pas. On va attendre que vous ayez un budget. On va attendre que tout ça soit stabilisé. Il y a des décisions européennes qui doivent être prises. Ah oui, mais si la France est sur une position instable, est-ce qu'elle est capable de porter la voix de la France ? " Donc, je crois que les enjeux de stabilité politique, ils ne sont pas que des enjeux de " politique politicienne ". Ils sont aussi des enjeux économiques extrêmement forts qui doivent participer à la réindustrialisation.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous dites concurrence déloyale.

SEBASTIEN MARTIN
Oui.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Il y a un débat qu'on entend beaucoup chez les politiques, à droite comme à gauche. En France, le travail ne paierait pas assez. De notre côté, nous avons des produits chinois qui sont fabriqués à moindre coût. C'est la quadrature du cercle, pour vous ?

SEBASTIEN MARTIN
Non, les deux sont liés. Les deux sont liés. Vous savez, on a désindustrialisé et en même temps, on se dit, mais le travail ne paye pas assez. Forcément, parce que l'industrie, en moyenne, ça paye entre 20 à 25% de plus que les services, que des métiers, quand vous travaillez dans le commerce, qu'entrer dans les services à la personne. Donc, forcément, quand vous réduisez la part de l'industrie, vous réduisez aussi, quelque part, les salaires, parce que vous avez moins de gens qui bénéficient de salaires plus intéressants. Donc, quand on dit qu'il faut réindustrialiser, on dit aussi que c'est une question de pouvoir d'achat parce qu'on a des gens qui sont mieux payés. Et quand les gens sont mieux payés, ils ont peut-être moins envie d'acheter du SHEIN. Et quand ils ont moins envie d'acheter du SHEIN, on devient moins dépendant de la Chine. Tout est lié. Ce sujet de la réindustrialisation, il est central. Ce n'est pas le moment de lâcher, c'est le moment de se battre.

ORIANE MANCINI
Vous serez aujourd'hui aux assises de l'industrie. Est-ce qu'aujourd'hui, la priorité de l'industrie, c'est l'industrie de défense ?

SEBASTIEN MARTIN
Il y a une partie industrie de défense. Et d'ailleurs, le projet de loi de finances préserve les crédits de la défense. Et la Direction Générale à l'Armement doit passer ses commandes, doit faire tourner l'outil industriel français. C'est une des parties. Mais il n'y a pas que ça. Il y a plein d'autres secteurs industriels. Aujourd'hui, certains ont des difficultés. L'acier, l'automobile, la chimie, on pourra en parler. Il y en a d'autres qui performent. C'est aussi le salon international du nucléaire en ce moment. L'agroalimentaire fonctionne encore pas mal. L'industrie du luxe fonctionne bien. L'aéronautique fonctionne bien. Je voyais l'autre jour, je ne sais plus si c'était sur votre antenne, une entreprise en Bretagne qui faisait construire un lotissement parce qu'elle avait du mal à recruter. Et pour pouvoir recruter, pour pouvoir avoir plus de salariés, elle a fait construire elle-même un lotissement pour loger ses gens. Il y a aussi des bonnes nouvelles. Il ne faut pas s'en cacher.

ORIANE MANCINI
On va parler d'une entreprise connue de tous les Français, c'est DURALEX. DURALEX qui a reçu en quelques heures plus de cinq millions d'euros de promesses d'investissement pour poursuivre son redressement. Est-ce que cet engouement rapide vous a surpris ? Est-ce que pour vous, il traduit un attachement des Français à leur patrimoine industriel ?

SEBASTIEN MARTIN
Oui, moi, je pense que les Français, d'ailleurs on le voit bien, à chaque fois qu'il y a une entreprise en difficulté, c'est souvent vécu avec une forme de tristesse par la population. DURALEX en plus, c'est une marque emblématique. On a tous bu un verre d'eau ou un verre de sirop de grenadine quand on était petit et on regardait le chiffre à l'intérieur. Ça a été une formidable aventure.

ORIANE MANCINI
Mais ça vous a surpris, cinq millions en quelques heures ?

SEBASTIEN MARTIN
C'était une belle surprise, oui. C'était vraiment une très très belle surprise. Moi je suis très très fier de ce qui a été fait là-bas sur le territoire. Je suis très très fier de la mobilisation des élus. On y reviendra. Il n'y a pas de réindustrialisation possible sans mobilisation territoriale, sans mobilisation des élus. Je ne crois plus au modèle l'État qui appuie sur un bouton et tout descend. On a besoin des élus et c'est une très très belle histoire aujourd'hui.

ORIANE MANCINI
On va parler de l'automobile. Vous étiez, hier, en déplacement sur ce sujet, la filière automobile qui s'inquiète de son avenir, notamment avec cette décision de l'Union européenne d'interdire les ventes de véhicules neufs thermiques à partir de 2035. Il y a un rapport du Sénat qui plaide pour décaler cette interdiction. Est-ce que vous, vous êtes pour qu'on décale l'interdiction après 2035 ?

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Sachant que STELLANTIS, si je peux compléter puisque ce sont des producteurs d'automobiles sur notre secteur, l'est de la France, dénonce une réglementation européenne erronée.

SEBASTIEN MARTIN
2035, il y a deux manières de le voir. On dit : " 2035 c'est un totem, on n'y touche pas et c'est 100% de véhicules électriques ". La France qu'est-ce qu'elle dit ? La France elle dit qu'elle est prête à des flexibilités sur 2035 et de voir quelles sont les possibilités d'avoir, certes, une part importante de véhicules électriques et pourquoi pas d'autres technologies à côté en complément. Mais la France elle dit autre chose : elle dit oui à condition qu'on continue à produire ces véhicules et que tout ce qui est à l'intérieur de ces véhicules soit fait en Europe. Moi, je défends le made in France et le made in Europe. Je défends la préférence européenne. Je défends le contenu local. Donc aujourd'hui elle marche sur ses deux jambes. Elle dit : " On voit bien quel est l'état du marché. On voit bien quelles sont les difficultés notamment des sous-traitants dans les territoires. On n'est pas aveugle et sourds à tout ça et on est prêt à discuter parce qu'il faut s'adapter à la réalité du marché. Mais en parallèle de ça, si c'est pour que nos véhicules européens soient bourrés de composants chinois ou de je ne sais pas où, on n'aura rien gagné ". Donc on se bat avec Roland LESCURE pour dire : " Oui à des assouplissements mais surtout aussi avec la préférence européenne ". Je pense que nos concitoyens, ils comprennent tout ça.

ORIANE MANCINI
Juste pour qu'on soit clair, est-ce que ça veut dire que la France pourrait ne pas appliquer cette interdiction en 2035 ?

SEBASTIEN MARTIN
Ça veut dire que la France avec ses partenaires européens, et ça se passe toujours comme ça, discute, échange, notamment avec nos amis allemands. J'étais lundi à Berlin et j'étais avec Katherina REICHE, on a parlé de ce sujet-là. Nous discutons pour dire : " On s'adapte, on s'adapte, on est prêt à s'adapter mais on veut absolument un contenu européen dans nos véhicules parce que c'est ça qui fera la pérennité de nos usines ".

ORIANE MANCINI
Non, mais ce qui n'est pas le cas probablement. Est-ce que ça veut dire que si les véhicules européens ne sont pas 100% européens, il n'y aura pas d'application de cette interdiction ?

SEBASTIEN MARTIN
100% c'est impossible. Vous aurez toujours quelque chose qui peut venir et honnêtement il n'est pas pour nous, la question n'est pas de barricader l'Europe derrière des murs de huit mètres de haut. Mais avoir une part extrêmement importante à l'intérieur de nos véhicules de produits européens et que nos véhicules soient des véhicules européens, je suis désolé, c'est un combat juste que nos amis allemands peuvent entendre.

ORIANE MANCINI
Et c'est une condition pour vous de l'application de l'interdiction de 2035.

SEBASTIEN MARTIN
C'est une condition nécessaire aujourd'hui pour parvenir à un bon accord qui sera un accord qui est pragmatique parce qu'on voit quelle est la réalité du marché et qui sera en même temps essentielle à notre industrie automobile et particulièrement aux sous-traitants.

ORIANE MANCINI
Non mais est-ce que là ça n'a pas créé du flou pour les constructeurs automobiles ? Jusqu'à maintenant on leur dit : " 2035 c'est un totem, là on leur dit si ce n'est pas européen peut-être qu'il y aura des dérogations ".

SEBASTIEN MARTIN
Mais c'est pour les consommateurs également. Vous savez, j'entends ça moi depuis maintenant un peu moins d'un mois que je suis ministre, où d'un côté on demande de la stabilité aux politiques et de l'autre quand on a des dates qui fixent un peu les choses on veut les faire sauter. Et je pense que ce n'est pas une bonne méthode. En économie on a aussi besoin de ce qu'on appelle des signaux de marché qui vous disent : " Parce que quand un industriel il investit il doit voir à long terme comment se passent les choses ". Donc on dit cette date de 2035 on doit la garder avec des assouplissements parce qu'il y a un signal de marché, parce que qu'est-ce que je vais dire aux habitants des Hauts-de-France où il y a eu des investissements majeurs pour faire la vallée de la batterie ? On leur dit quoi à ces gens-là ? On leur dit : " Non non tout ça en fait on s'est trompé, circulez il n'y a rien à voir " ? Et donc il y a un signal de marché qu'est 2035 qui doit être préservé avec des assouplissements parce qu'il y a des inquiétudes, parce qu'il y a un marché qui n'est pas encore là et avec la préférence européenne.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
J'ai une question, 2035 ou au-delà, l'avenir de l'automobile c'est l'électrique ?

SEBASTIEN MARTIN
Il y a une énorme partie de l'avenir de l'automobile qui est électrique. On voit bien qu'il y a des secteurs où c'est compliqué par exemple en ce moment les véhicules utilitaires légers ont beaucoup de mal à trouver un marché sur l'électrique même si celui-ci se crée. Donc on est en train de regarder sur les meilleures technologies. On parle par exemple d'hybrides rechargeables qui désormais vont atteindre cent kilomètres. Donc ça veut dire qu'on va faire beaucoup beaucoup de nos trajets avec le moteur électrique. On parle de fuel extender c'est-à-dire c'est une électrique avec un tout petit moteur thermique à côté qui permet de prolonger l'autonomie des batteries. Il y a des technologies, on travaille dessus mais tout ça ne peut pas se faire si c'est au profit des Chinois et pas au profit des Européens.

ORIANE MANCINI
Autre sujet, c'est ARCELORMITTAL qui est frappé par un plan social qui touche cette usine, le siège français du groupe. Le Sénat a voté la semaine dernière contre la nationalisation. Le débat aura lieu à l'Assemblée dans la niche du groupe La France Insoumise. Ce n'est pas une solution pour vous la nationalisation ?

SEBASTIEN MARTIN
La nationalisation ne serait qu'un mode de perfusion ou de retarder un certain nombre de choses. Il faut que vous ayez les choses en tête assez simplement. Aujourd'hui si vous prenez de l'acier, ce qui vaut 3 en France, vaut aussi 3 en Inde. Mais vaut 5 ou 6 aux États-Unis et vaut 1 en Chine. Et pourquoi ça vaut 1 en Chine alors que ça vaut 3 en Inde ? Parce que la Chine subventionne massivement massivement massivement. Donc vous avez un mécanisme de concurrence déloyale. Alors moi je veux bien qu'on soit toujours les bons élèves de l'OMC, mais quand les autres ne le sont pas, on doit se protéger. On doit se défendre. La Commission européenne a mis sur la table un texte. Et que dit la France par rapport à ce texte ? La France dit au Parlement européen, à tous les pays : " Ce texte est bon. Ce n'est pas la peine de l'amender, de perdre du temps. Il faut l'appliquer très très vite. Très très vite pour avoir des quotas d'importation. Et au-delà de ces quotas d'importation, vous avez des surtaxes de 50% à l'entrée sur le territoire européen ". C'est de la protection. Ce n'est pas du protectionnisme. C'est se protéger contre une forme de concurrence déloyale qui fragilise toute notre filière de l'acier et donc de l'automobile quelque part. Et j'espère qu'on en dira un mot. La chimie fait aussi partie des objets qui sont agressés aujourd'hui.

ORIANE MANCINI
Fabrice, un dernier mot sur ARCELOR.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, le ministre a déjà bien évoqué le sujet. Est-ce que peut-être on peut dire un mot de NOVASCO en Moselle ?

ORIANE MANCINI
Oui, on va dire un mot de NOVASCO, puisqu'effectivement c'est aussi menacé.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, l'aciérie électrique qui est menacée de fermeture définitive. Vous évoquez le rôle de l'État. Les élus et les syndicats vous demandent une intervention d'urgence. Qu'allez-vous faire ?

SEBASTIEN MARTIN
Les élus et les syndicats, ils reconnaissent aussi que l'État était là. Je rappelle qu'il y avait un plan avec un investisseur que nous, nous avons posé sur la table les 85 millions d'euros sur lesquels nous nous étions engagés et qu'en face, il n'y a pratiquement rien eu. Donc cette question-là, d'ailleurs j'aurai les dirigeants de ce fonds au téléphone aujourd'hui ou demain matin, il va falloir qu'ils rendent des comptes sur cette question-là.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Il y a des choses qui ne sont pas claires pour vous.

SEBASTIEN MARTIN
Quand vous vous engagez à investir plusieurs dizaines de millions d'euros et qu'en fait vous investissez moins de deux, et qu'après à la fin vous dites que ça ne marche pas, c'est que vous n'avez pas tenu vos engagements. Donc moi je veux avoir les gens de ce fonds d'investissement et voir avec eux comment ils comptent aussi assumer leurs responsabilités.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous avez quel pouvoir de pression ?

ORIANE MANCINI
Vous allez quoi, les convoquer ?

SEBASTIEN MARTIN
Écoutez, on s'appelle le Gouvernement français, on s'appelle l'État, il y a des contrats qui sont signés, des engagements qui sont pris, ça peut valoir aussi un peu de force de droit. Je vais les convoquer, on va discuter, on va voir comment ils comptent assumer une part de leurs responsabilités.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu'une prise de contrôle temporaire de l'État, ça peut être une solution ?

SEBASTIEN MARTIN
Ce que je viens de répondre sur ARCELORMITTAL vaut aussi pour d'autres secteurs. Moi, nous avons une décision du tribunal, il y a une décision du tribunal qui arrive le 12. Il n'y a pas forcément que par la nationalisation qu'on peut prendre du temps pour trouver une solution. Je réunis les élus locaux demain après-midi au ministère, une fois encore, c'est État et territoire qui doivent travailler ensemble sur ces sujets-là. J'ai aussi eu des échanges avec l'organisation syndicale, notamment au niveau national, avec la CGT. Donc je pense qu'il faut qu'on arrive. En tout cas, moi, je me battrai jusqu'à la dernière minute pour trouver une solution pour ce site.

ORIANE MANCINI
Un mot sur la FONDERIE DE BRETAGNE. Six mois après la reprise de la FONDERIE DE BRETAGNE par un groupe EUROPLASMA, le business plan n'est toujours pas clair. Il y a des inquiétudes des salariés. Est-ce que le nouvel actionnaire, il est suffisamment impliqué ? Est-ce qu'il faut s'inquiéter pour l'avenir de ce site ?

SEBASTIEN MARTIN
Écoutez, nous, on demande à y voir un peu plus clair-là. Parce qu'il y a quelques jours, le directeur général du site, qui était une personne en qui tout le monde avait confiance, a été limogé par la direction d'EUROPLASMA. J'ai demandé à ce que le 15 novembre ou le 16 novembre, le 17 novembre pardon, ait lieu en sous-préfecture, une réunion, un comité de suivi du site avec les responsables d'EUROPLASMA pour qu'ils nous clarifient leur feuille de route. Je pense que c'est la moindre des choses. Qu'on sache exactement où ils veulent aller, parce que quelle est la gouvernance du site ? On ne le sait plus. Quels sont les plans de montée en charge ? On ne le sait pas. Et donc, moi, j'ai eu le maire de Lorient, le conseil régional, tout le monde. On réunit tout le monde le 17 novembre et on va y voir beaucoup plus clair sur la situation d'EUROPLASMA.

ORIANE MANCINI
Un mot, vous parliez tout à l'heure du budget et de ses conséquences, des conséquences de l'instabilité et pour le moment de l'absence d'un compromis sur le budget, sur la croissance française et par conséquent sur l'industrie. Vous étiez député LR, droite républicaine, il y a encore quelques semaines. Le président de votre parti, on va voir si c'est encore le cas, Bruno RETAILLEAU, juge le budget invotable en l'état. Est-ce que vous lui dites : " Ne pas voter ce budget, c'est mettre en danger une partie de l'économie française " ?

SEBASTIEN MARTIN
Le budget est peut-être invotable, mais il est discutable. Et le rôle des parlementaires, il est de l'améliorer, s'ils considèrent que ce budget n'est pas satisfaisant. Et je crois que le Premier ministre n'a jamais rien dit d'autre que la proposition du Gouvernement était sur la table, qu'il revenait désormais aux parlementaires d'améliorer le texte s'ils souhaitaient l'améliorer et que le Gouvernement, pour autant, avait aussi quelques principes. On l'a vu à travers la taxe ZUCMAN notamment, qui est de dire, et le ministre de l'Industrie que je suis ne peut que défendre, l'idée que : « OK, on peut discuter du partage de la richesse, mais de l'outil industriel, de l'outil productif qui crée cette richesse, on doit absolument préserver des mesures qui peuvent être proposées des fois ».

ORIANE MANCINI
Donc vous appelez les LR au compromis ?

SEBASTIEN MARTIN
Vous savez, je rentre d'Allemagne où ils ont la culture du compromis. On n'aura pas la même culture du compromis qu'en Allemagne, ça ne va pas se créer comme ça en six mois. Mais quand même, je crois que... Moi j'ai été frappé, vous savez, un dimanche matin, le jour où j'étais nommé ministre le soir, dimanche matin je vais dans une manifestation dans ma circonscription, et une dame me dit : " Vous savez, la situation actuelle me stresse, j'en dors plus ". Je pense que les Français en ont marre aussi, de tout ça. Ils ont envie qu'on s'entende, qu'on trouve des solutions, que la France ait un budget et que la France avance.

ORIANE MANCINI
Vous faites partie des six ministres LR au Gouvernement, est-ce qu'aujourd'hui vous appartenez encore aux LR ?

SEBASTIEN MARTIN
Écoutez, je suis suspendu. Ô temps, suspends ton vol ! Je suis suspendu. Moi mes valeurs je sais lesquelles elles sont.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous le vivez bien d'être suspendu ?

SEBASTIEN MARTIN
Mes valeurs je sais lesquelles elles sont. Moi, quand j'avais quatorze ans, chez moi, mon père était gaulliste, avait voté CHIRAC, et il y a quelqu'un qui est venu lui dire en face : " Bah écoute je n'ai pas voté pour ton Jacques CHIRAC, j'ai voté LE PEN ", et il l'a foutu dehors de chez lui. Donc moi je sais où j'habite, je sais où sont mes valeurs, ce sont ceux de la droite républicaine.

ORIANE MANCINI
Et Bruno RETAILLEAU, il sait où il habite aujourd'hui ?

SEBASTIEN MARTIN
La droite républicaine, elle est sûre de ses valeurs, elle croit en l'industrie, et elle croit en la nécessité de servir l'État. Et moi je sers l'État aujourd'hui.

ORIANE MANCINI
Il sait où il habite, Bruno RETAILLEAU, ou pas ?

SEBASTIEN MARTIN
Bruno RETAILLEAU c'est à lui de dire ce qu'il veut pour notre formation politique. Est-ce qu'il veut qu'elle soit fermée sur elle-même, ou est-ce qu'il veut qu'elle soit aussi ouverte à des personnalités qui veulent ouvrir leur pays ?

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que Les Républicains pourraient disparaître ?

SEBASTIEN MARTIN
Et n'importe quelle famille politique, vous savez, peut un jour disparaître. Et je ne crois pas que ce soit en se renfermant sur nous-mêmes qu'on se renforcera.

ORIANE MANCINI
Merci Sébastien MARTIN.

SEBASTIEN MARTIN
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Merci beaucoup.

ORIANE MANCINI
Fabrice, la Une de l'Alsace, ce sont les deux otages français, Cécile et Jacques, enfin libérés. C'est à la Une de l'Alsace et de beaucoup de journaux du groupe EBRA, d'ailleurs.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 novembre 2025