Texte intégral
AGATHE LAMBRET
Bonjour Roland LESCURE.
ROLAND LESCURE
Bonjour. Bonjour à tous les deux.
AGATHE LAMBRET
Merci d'avoir accepté l'invitation de France Info. Le budget poursuit son chemin à l'Assemblée, largement remanié par les oppositions. Qui va payer ? Les retraités ? Les plus riches ? Les bénéficiaires du RSA ? Ce budget permettra-t-il de résorber la dette ou par le ton de Rustine en attendant 2027 ? Mais d'abord, Roland LESCURE, après-demain vous fêterez vos 30 jours à Bercy dans le Gouvernement LECORNU 2. Vous tenez pour l'instant. Écoutez l'Insoumis Manuel BOMPARD.
MANUEL BOMPARD, COORDINATEUR DE LFI
Il semble évident qu'avant Noël, sans doute au début du mois de décembre, il y aura une nouvelle motion de censure parce que tout le monde aura sous les yeux à ce moment-là la réalité de ce que sont le budget de l'État et le budget de la Sécurité sociale.
AGATHE LAMBRET
C'était sur France Inter. Samedi soir à l'Assemblée, Roland LESCURE, la partie recette du budget de la Sécurité sociale a été adoptée de justesse avec les voix du PS. 176 voix contre 161. Comment vous le vivez ? C'est la victoire de la méthode LECORNU ou juste un répit avant la chute ?
ROLAND LESCURE
C'est une haie de plus. On le voit bien dans votre extrait. Il y en a qui ont la censure automatique, les Insoumis, mais aussi les membres du Rassemblement national qui ont voté contre cette partie recette et d'autres qui souhaitent que le débat se poursuive, qui ne sont pas nécessairement d'accord sur tout. Ils sont même en désaccord sur pas mal de choses. Mais au fond, ils souhaitent que la France ait un budget. Ils souhaitent qu'on avance en responsabilité. Ils souhaitent avoir des victoires et d'autres du coup ont des défaites. Entre ceux qui souhaitent avancer pour améliorer, même si c'est à la marge la vie des gens, et ceux qui souhaitent le chaos, moi je fais mon choix. Je salue la responsabilité des groupes parlementaires, vous avez dit les Socialistes, mais aussi les membres de notre groupe, Ensemble pour la République, MoDem.
PAUL LARROUTUROU
Justement, le RN dénonce un socialo-macronisme, et La France Insoumise parle aussi d'un changement d'alliance, c'est ça ? Il y a une nouvelle alliance entre vous ?
ROLAND LESCURE
Oui, il y a une nouvelle alliance, je vous le confirme, entre ceux que vous venez de mentionner.
PAUL LARROUTUROU
Entre le Rassemblement national et LFI.
ROLAND LESCURE
Le Rassemblement national et La France Insoumise veulent une seule chose, c'est qu'on ne passe pas Noël, Manuel BOMPARD l'a dit clairement, et qu'on puisse avoir des élections anticipées, qu'on puisse avoir un budget voté, passé par ordonnance dans l'urgence, alors que nous, on souhaite travailler avec des gens dont on n'est pas allié.
AGATHE LAMBRET
C'est-à-dire le socialo-macronisme ?
ROLAND LESCURE
Non, de la Droite républicaine au Parti socialiste, il y a des gens qui souhaitent aujourd'hui faire des compromis.
AGATHE LAMBRET
La droite n'a pas donné ses voix à l'adoption de ce budget, et le parti d'Horizons non plus.
ROLAND LESCURE
Elle s'est abstenue.
AGATHE LAMBRET
Donc c'est une nouvelle alliance, il ne reste plus rien de l'ancienne coalition…
ROLAND LESCURE
Non, ce n'est pas vrai, on voit sur différents votes, des alliances, puisque vous utilisez ce mot, variables. Mais la seule constante, c'est qu'il y en a deux qui votent des hausses d'impôts, des baisses d'impôts, peu importe du moment que ça fait le chaos, et d'autres qui sont prêts à travailler ensemble.
PAUL LARROUTUROU
Face au chaos, il y a ce que Jean-René CAZENEUVE, le député macroniste, a appelé sur France Info ce week-end, le bloc de la raison. Vous reprenez cette expression ?
ROLAND LESCURE
En tout cas, ceux qui souhaitent avancer, ceux qui souhaitent que la France ait un budget, c'est vraiment une faille profonde entre des parlementaires, et ils sont nombreux, puisque vous l'avez dit, à 15 voix près ça ne passait pas, qui souhaitent le chaos, et ceux qui souhaitent avance. Dans toutes les démocraties du monde, on est capable de le faire. Et en France, on est en train d'apprendre en marchant à le faire. Et moi j'en suis franchement assez heureux, parce que ça fait un an que je plaidais pour ça. Là, on passe de la théorie à la pratique. On est capable d'avancer, de voter des choses avec lesquelles on n'est pas nécessairement en accord, on va avoir la suspension de la réforme des retraites…
AGATHE LAMBRET
Exactement. C'est une première, vous le disiez, la suspension de la réforme des retraites, justement, elle sera débattue mercredi. Est-ce que vous assumez, vous, cette suspension, et est-ce que vous dites aux Macronistes, votez la suspension mercredi ?
ROLAND LESCURE
Deux choses, j'ai soutenu la réforme Borne. J'étais au Gouvernement à l'époque, je pense à mes collègues parlementaires qui ont vu leur permanence dégradée, qui se sont fait insulter sur les réseaux sociaux, ça a été un moment très difficile.
AGATHE LAMBRET
Tout ça pour ça ?
ROLAND LESCURE
Non, pas tout ça pour ça, parce que d'abord, il en reste quelque chose, cette réforme, elle sera suspendue, si c'est voté mercredi. Et si on ne trouve pas mieux, que ce soit d'ici 2027, ou après l'élection de 2027, elle s'appliquera à nouveau. Mais deux, surtout, c'est le prix du compromis. C'est exactement ce que je disais tout à l'heure.
AGATHE LAMBRET
Mais donc est-ce que les Macronistes doivent voter cette suspension, si on suit votre logique ?
ROLAND LESCURE
Je pense que chacun votera en son âme et conscience, ce vers quoi on se dirige. Je suis des débats au sein du groupe. C'est plutôt une abstention. C'est difficile de voter pour la suspension d'une réforme, que vous avez même votée avec tous les risques que je mentionnais tout à l'heure.
PAUL LARROUTUROU
Mais le timing est particulièrement serré, donc c'est mercredi à partir de 15h, et là il reste 380 amendements à examiner. Vous pensez que ça peut passer dans les temps ?
ROLAND LESCURE
Bien sûr que ça peut passer. Et en fait, la ministre Amélie DE MONTCHALIN l'a déjà dit, si ça ne passe pas, on transmettra au Sénat, parce que vous savez qu'après l'Assemblée, ces textes vont au Sénat, les amendements qui auront été votés par l'Assemblée nationale.
PAUL LARROUTUROU
... ça, c'est important.
ROLAND LESCURE
Donc on est dans une logique où on souhaite qu'in fine, moi j'ai parlé de course de haies, vous le disiez, ça fait un mois que je suis nommé, c'est la cinquième semaine. 110 mètres haies, c'est 10 haies. Donc on est à la moitié. Il y aura encore l'examen au Sénat, il y aura le retour à l'Assemblée, avec au milieu ce qu'on appelle une commission mixte paritaire, où les sénateurs et les députés vont essayer de se mettre d'accord. Ce n'est pas un processus facile. Mais là encore, il y a ceux qui font des refus d'obstacles, et qui à chaque haie essaient de nous faire trébucher. Il y a ceux qui souhaitent avancer, et moi je salue ceux qui avancent, et j'espère qu'on va continuer à avancer jusqu'au bout.
AGATHE LAMBRET
Roland LESCURE, plusieurs rassemblements de retraités ont eu lieu en fin de semaine contre le projet du Gouvernement. Écoutez, un retraité, il était devant le Sénat à Paris.
JEAN-GABRIEL, RETRAITE, ANCIEN SALARIE D'ORANGE
Quand on parle de revalorisation des salaires, nous on va parler de revalorisation des pensions, qui elles, ne suivent pas le coût de la vie.
AGATHE LAMBRET
Alors le Premier ministre a dit qu'il était prêt à renoncer au gel de ces pensions, ainsi qu'au gel des minima sociaux. Est-ce que vous le confirmez ce matin, il n'y aura pas de gel des pensions ?
ROLAND LESCURE
Alors deux mots sur ce que je viens d'entendre quand même, parce que les retraites ont été complètement indexées à l'inflation suite au choc en Ukraine. Il n'y a pas un salaire qui a été indexé automatiquement. Je dis ça pour éclairer les efforts qu'on a faits, j'allais dire c'est normal, ils le méritaient bien.
PAUL LARROUTUROU
... coûteux.
ROLAND LESCURE
Pour nos retraités, et ça a évidemment coûté beaucoup d'argent.
AGATHE LAMBRET
Et aujourd'hui ?
ROLAND LESCURE
Là, ce qu'on proposait dans le budget, c'est une non-indexation à l'inflation qui va être inférieure à 1%. Donc on disait, les retraites pourraient ne pas être revalorisées de 0,9%. Le Premier ministre a été très clair, il souhaite que le débat ait lieu, il est prêt à discuter de tous les amendements qui viseront à dégeler le gel. Est-ce que ça concernera tous les retraités ? Est-ce qu'on peut envisager que seules les petites retraites…
PAUL LARROUTUROU
Et les petites pensions, c'est combien une petite pension ?
ROLAND LESCURE
Exactement, ça c'est le débat qu'on va avoir au Parlement, que les parlementaires vont avoir.
AGATHE LAMBRET
Mais dites-nous pour vous, c'est combien ?
PAUL LARROUTUROU
C'est combien ?
ROLAND LESCURE
Non, moi je ne veux pas rentrer là-dedans parce que…
PAUL LARROUTUROU
Si. C'est important.
ROLAND LESCURE
Non mais oui, c'est important. Mais je me souviens du débat qu'on a eu en 2017, quand on avait introduit une CSG en hausse pour les retraités, sauf les petites retraites.
PAUL LARROUTUROU
Fortunés.
ROLAND LESCURE
Fortunés, alors ça, c'est encore pire, quand on commence à parler des retraités fortunés. On ne sait vraiment plus de qui on parle.
PAUL LARROUTUROU
Mais on attend quand même du ministère de l'Economie qui nous dise combien. Et une petite pension, c'est très important pour les gens qui nous écoutent.
ROLAND LESCURE
Oui, mais si vous voulez, aujourd'hui, on parle d'une inflation à 0,9%, et on parle de gens qui ont été, dans l'ensemble, revalorisés de manière importante. Donc moi, la question c'est, est-ce qu'on est prêt à envisager que certains fassent un effort ? Est-ce que c'est ce qu'on appelle un décile, donc on pourcentage les 7 premiers déciles, les 8 premiers déciles, on verra, ça c'est le Parlement qui en discutera.
AGATHE LAMBRET
Et ce n'est pas ce qu'a dit le Premier ministre. Pardon Roland LESCURE, Sébastien LECORNU a dit qu'il était prêt...
ROLAND LESCURE
Le Premier ministre a dit qu'il était prêt à débattre de tout.
AGATHE LAMBRET
Voilà. A renoncer à ce gel des pensions.
PAUL LARROUTUROU
Donc toutes les pensions, pas que les petites.
AGATHE LAMBRET
Et vous, aujourd'hui, vous nous dites : " Peut-être que ce sera seulement les petites pensions finalement ".
ROLAND LESCURE
Non, ce qu'il a dit exactement, c'est que je suis prêt à ouvrir le débat sur tous les amendements concernant le dégel du gel. Et ça, ça peut se traduire par un retour sur toute l'indexation de tous les retraités. Il faut juste savoir que ça aura un coût et que, je le dis à chaque fois, face à chaque plus, il faudra un moins. Aujourd'hui, je pense que vos auditeurs, ils entendent des milliards qui volent. Moi, la seule chose que je veux leur dire, mais assez solennellement aujourd'hui, c'est que la France doit avoir .7un budget qui doit être équilibré, avec un déficit. On visait 4.7 ce sera peut-être un peu plus, mais il faut rester le plus proche de 4.7 le plus possible.
PAUL LARROUTUROU
4,7% du PIB.
ROLAND LESCURE
4.7% du Produit intérieur brut. Pourquoi ? Parce que c'est ce qui nous amène vers 3%. C'est ce qui permet de stabiliser la dette. Et surtout, il ne faut pas casser la croissance. Moi, je vois les milliards qui volent, et notamment des impôts. Attention, on a une économie française qui résiste. On a de l'emploi qui résiste. Il faut que ça continue. Ne cassons pas la croissance.
AGATHE LAMBRET
Ne cassons pas ça. On entend ce que vous dites mais vous savez ce qu'ils entendent les Français ? Ils entendent gel des pensions de retraite, ils entendent aussi primes de Noël rabotées pour les allocataires du RSA, pour ceux qui n'auraient pas d'enfants. Le ministre du Travail, Jean-Pierre FARANDOU, s'est dit ouvert à la suspension de cette mesure qui a été très critiquée, si de nouvelles recettes étaient trouvées. Vous-même, vous avez dit, mercredi, on propose de recentrer le dispositif sur ceux qui croient encore au Père Noël, c'est-à-dire les enfants. Donc quand on n'a pas d'enfants, on sera punis.
ROLAND LESCURE
En tout cas, c'est ce qui est dans le budget. Mais je ne voudrais pas donner l'impression qu'on cherche des cibles pour torturer les catégories les unes après les autres. Ce qu'on a essayé de faire dans ce budget, c'est d'avoir des efforts partagés par tous et toutes. Donc on s'est posé la question d'un certain nombre de prestations, qui coûtent des centaines de millions d'Euros, et on s'est dit : " Ben peut-être que la prime de Noël, comme son nom l'indique, elle peut être réservée à ceux qui ont des enfants ". Ça ne veut pas dire qu'on va tout couper.
PAUL LARROUTUROU
Ça veut dire que vous allez diminuer ou supprimer à ceux qui n'ont pas d'enfants.
ROLAND LESCURE
Alors c'est ce qui est dans le budget.
PAUL LARROUTUROU
Je rappelle que c'était créé en 1998, et qu'il y a à peu près 2 millions de ménages qui la touchent.
ROLAND LESCURE
Et qu'elle a été élargie à ceux qui n'ont pas d'enfants il y a un peu moins de temps.
PAUL LARROUTUROU
Et donc ça, vous allez revenir dessus.
ROLAND LESCURE
Non, c'est ce qui est dans le budget, et Jean-Pierre FARANDOU l'a dit, ce débat aura lieu.
PAUL LARROUTUROU
Quelle est votre position ? On comprend le débat mais quelle est votre position ce matin ?
ROLAND LESCURE
Moi, ma position, c'est de dire si on veut ne pas reculer pour mieux sauter, c'est-à-dire si on ne veut pas attendre des années avant de faire un rétablissement des finances publiques, qui du coup sera beaucoup plus douloureux si on le fait plus tard, il faut commencer maintenant. On a un budget qui vise à faire des efforts limités, un peu à tout le monde. Avec des efforts quand même particulièrement accrus pour les plus aisés, on y reviendra peut-être. Et là, on est face à un réflexe, j'allais dire traditionnel et un peu bien français, qui est que derrière chaque économie, il y a une population qui est directement concernée qui s'élève contre ça. On peut tout supprimer. On peut tout taxer. On peut se retrouver avec un déficit... On a déjà essayé ça. On a déjà essayé le déficit qui dérape. Au fond, ce seront les générations futures qui paieront. Il faut rester raisonnable. Ça veut dire quoi ?
AGATHE LAMBRET
Il est vraiment équilibré ce budget, Roland LESCURE, parce que vous nous dites qu'il faut que chacun paye un peu. C'était le grand enjeu de ce budget, la question de la justice fiscale, mais vous vous êtes opposé à la taxe ZUCMAN, même dans sa version allégée. Est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui, nous faire un premier bilan, combien d'impôts supplémentaires ont été votés pour les plus hauts revenus et pour les entreprises, déjà ? Combien de milliards ?
ROLAND LESCURE
Quand on fait la somme de ce qui concerne les plus aisés, c'est CSG patrimoine, contributions différentielles sur le revenu, etc. Et les grandes entreprises, on est au-delà d'onze milliards d'impôts en plus par rapport à l'année dernière, où je vous rappelle qu'on avait déjà taxé une partie de ces populations.
AGATHE LAMBRET
Donc vous dites onze milliards sur les plus riches et les plus grandes entreprises ?
ROLAND LESCURE
Oui.
AGATHE LAMBRET
Et sur les classes moyennes et les classes populaires ?
ROLAND LESCURE
On est nettement en dessous à ce stade.
AGATHE LAMBRET
À combien ?
ROLAND LESCURE
Non mais franchement, le débat n'est pas terminé. On n'a pas terminé encore les impôts discutés dans le projet de loi de finances.
AGATHE LAMBRET
Mais pour l'instant.
ROLAND LESCURE
Donc ça va quand même continuer jeudi. Aujourd'hui, ce qu'on sait, c'est que dans le projet de loi de finances, tel qu'il est avancé, il y a des dizaines de milliards d'impôts, dont une bonne partie est totalement inopérante. Mais elle a quand même été votée. Plus de trente milliards sur les multinationales, c'est totalement inconventionnel, c'est contraint à tous les accords internationaux de la France, mais elle a été votée. Donc on a eu une tendance à multiplier les impôts. Et moi je dis, attention, trente milliards d'impôts et trente milliards de dépenses en plus, ça ne bouge pas le déficit, mais ça asphyxie la croissance. On a une économie française qui résiste, qui fait mieux que l'Allemagne, qui fait mieux qu'Italie, qui fait mieux que la moyenne de l'Europe. Restons prudents là-dessus, parce que in fine, c'est ça qui permettra de sauver le modèle social. C'est l'activité économique.
PAUL LARROUTUROU
En un mot avant le fil info, si le budget ne passe pas, est-ce que vous préparez-vous à le passer par ordonnance ?
ROLAND LESCURE
Non, on ne se met pas du tout dans cette logique-là, parce que, d'abord, on croit à la responsabilité d'une majorité des parlementaires qui souhaitent avancer, et on croit au débat parlementaire. On est dans un film un peu nouveau, avec une méthode nouvelle, un scénario inédit. Moi je ne vais pas vous écrire la fin avant qu'elle ait lieu, mais l'objectif, évidemment, il est qu'on ait un budget, et un budget de la Sécu qui soit voté par une majorité des parlementaires français.
AGATHE LAMBRET
Est-ce que vous appelez solennellement les socialistes à s'abstenir sur ce budget, parce que vous avez besoin de l'abstention notamment des socialistes ? Est-ce que vous leur dites, après tout ce qu'on vous a donné, sérieusement ?
ROLAND LESCURE
Non, mais si je les appelais aujourd'hui, ils me diraient, on verra à quoi ressemblera le budget, et franchement, je les comprendrais. Et c'est la même chose pour les membres de nos groupes.
AGATHE LAMBRET
Donc vous ne leur demandez pas de s'abstenir ?
ROLAND LESCURE
J'espère qu'on va avoir un budget…
AGATHE LAMBRET
Vous n'estimez pas avoir suffisamment d'efforts pour convaincre les socialistes ?
ROLAND LESCURE
Non, mais j'espère qu'on aura un budget in fine qui permettra un vote, peut-être même, pourquoi pas, un vote positif des socialistes, un vote positif…
PAUL LARROUTUROU
Vous êtes optimiste ?
ROLAND LESCURE
Non, je suis déterminé. Il faut, vraiment, aujourd'hui, il y a des gens de bonne volonté qui cherchent à avancer. On a tous un rôle à jouer là-dedans, et j'essaie modestement de jouer le mien, en rappelant le cadre. Mais oui, l'objectif, il est qu'on ait un budget voté pour la France, parce qu'au fond, ça concerne tout le monde. L'économie française, c'est de l'emploi. L'économie française, c'est de la compétitivité. Les comptes publics, c'est quand même l'avenir de nos enfants. Tout ça, on doit être positif, déterminé, optimiste, certes, mais déterminé pour que ça arrive.
AGATHE LAMBRET
Roland LESCURE, ministre de l'Économie, dans un instant, Bruno Le MAIRE avait tiré le signal d'alarme quand il était à Bercy, mais Emmanuel MACRON ne l'aurait pas écouté. Étiez-vous au courant ? Vous nous répondez, juste après l'info. En une minute, il est 8h47, et c'est Maureen SUIGNARD.
(…)
AGATHE LAMBRET
Avec Roland LESCURE, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, c'est une petite bombe que lâche Bruno LE MAIRE, ancien ministre de l'économie.
PAUL LARROUTUROU
Une lettre d'alerte révélée dans l'émission " C'est dans l'air " hier, sur la dérive des comptes publics envoyés donc par votre prédécesseur, monsieur LESCURE, Bruno LE MAIRE, au président MACRON en avril 2024. Une lettre qui fait suite à d'autres courriers et dans laquelle Bruno LE MAIRE plaide pour des mesures de redressement via une loi de finances rectificative. On l'écoute.
BRUNO LE MAIRE, ANCIEN MINISTRE DE L'ECONOMIE
Quand vous avez beaucoup discuté, que vous avez à plusieurs reprises, en conseil des ministres, dit qu'il fallait réagir, qu'il fallait que les ministres soutiennent, et que vous voyez tout autour de la table des sourires narquois, du genre « Cause toujours ». Et à un moment donné, vous prenez votre plume.
PAUL LARROUTUROU
Je rappelle que vous avez un conseil des ministres à 10 heures. Est-ce que vous ressentez la même chose ? Est-ce que le président a ignoré ses requêtes ? N'est-il pas irresponsable ?
ROLAND LESCURE
Non. Je pense que Bruno LE MAIRE, à l'époque, ce n'était pas un secret. Il alertait sur la situation. Il l'a fait publiquement. Moi, je me souviens aussi, puisque j'étais à ses côtés à Bercy à l'époque, qu'on avait beaucoup protégé pendant la Covid, qu'on protégeait beaucoup pendant la guerre en Ukraine, et qu'à chaque fois qu'on arrivait à l'Assemblée, on avait des questions…
PAUL LARROUTUROU
C'est la période de l'argent magique.
ROLAND LESCURE
Non, mais on avait des questions au Gouvernement, où on nous reprochait de ne pas en faire assez.
AGATHE LAMBRET
Donc c'était de la faute des oppositions, parce que ce n'est pas ce que dit Bruno LE MAIRE.
ROLAND LESCURE
Non, je peux vous dire…
AGATHE LAMBRET
Il dit qu'il a alerté le président, mais personne ne l'appréciait dans son propre camp. Oui, mais il parle de son camp.
ROLAND LESCURE
Vous n'en faites pas assez pour les boulangers, vous n'en faites pas assez pour les ménages. La facture énergétique est en train d'exploser. Au Royaume-Uni, la facture, elle a quadruplé. Nous, on a eu une hausse de l'inflation énergétique de l'ordre de 15%. On a protégé comme jamais auparavant. Et moi, ce qui m'intéresse aujourd'hui…
AGATHE LAMBRET
Là, on vous parle de la dérive des comptes publics, Roland LESCURE. On ne vous parle pas de « On a fait suffisamment ou pas ».
ROLAND LESCURE
Et il y a eu des commissions d'enquête. On les a vues, d'ailleurs, dans le reportage d'hier. Il y a eu plein de…
PAUL LARROUTUROU
Vous l'avez regardé, le reportage ? Et surtout, est-ce que vous l'avez lu, cette lettre, à l'époque ?
ROLAND LESCURE
Non, je ne l'ai pas lue à l'époque. Elle portait bien son nom. Elle était secrète, mais j'ai eu des échanges avec Bruno LE MAIRE. C'était mon ministre de tutelle sur le risque qu'il voyait. Aujourd'hui, moi, ce qui m'intéresse franchement... On a eu des commissions d'enquête, on a eu des reportages. On sait à peu près tout ce qui s'est passé à l'époque. Ce qui m'intéresse surtout maintenant, c'est ceux qui critiquent Bruno LE MAIRE comme étant l'homme des mille milliards. Est-ce qu'aujourd'hui, ils sont prêts à faire des efforts ? Parce que c'est trop facile. L'histoire du bouc émissaire, là, tout ça, c'est la faute d'un tel ou d'un tel. Et aujourd'hui, on n'est responsable de rien. Non, aujourd'hui, ceux qui sont responsables... Bruno LE MAIRE, il n'est plus en politique. Ceux qui sont responsables aujourd'hui, ils siègent à l'Assemblée nationale.
PAUL LARROUTUROU
Et à l'Élysée, il n'est pas responsable, le Président de la République, de ce déficit ?
ROLAND LESCURE
Évidemment, le Président de la République, je peux vous dire, il soutient les efforts qu'on tient, aujourd'hui, pour faire adopter un budget de responsabilité qui va nous ramener vers la voie d'une dette qui se stabilise.
AGATHE LAMBRET
Mais donc, aucune responsabilité, Roland LESCURE, ni le Président de la République, ni Gabriel ATTAL, qui était Premier ministre à l'époque, ne sont responsables de cette dérive. Ce n'est pas ce que dit Bruno LE MAIRE. Il dit, je les ai alertés, il dit qu'il avait des sourires narquois quand il mettait en garde la situation.
ROLAND LESCURE
Moi, j'étais au Conseil des ministres à l'époque, j'étais ministre auprès de Bruno LE MAIRE. Je me sens aussi responsable que lui, il assume, et que tous les autres, de la situation dans laquelle on est. Je veux juste rappeler qu'on n'était pas les seuls. Et qu'à l'époque, on avait beaucoup protégé les Français, et je pense que les gens nous reconnaissent que ça a été utile, et que maintenant, il faut sortir de là. Et que ceux qui sont encore au pouvoir, y compris l'Assemblée nationale, j'espère qu'ils se souviennent de ça, plutôt que de pointer du doigt des responsabilités passées qui, au fond, apportent peu aujourd'hui. Aujourd'hui, il faut qu'on avance.
AGATHE LAMBRET
Roland LESCURE, parmi les pistes que vous explorez pour faire des économies, il y a celle des ruptures conventionnelles. Elles augmentent chaque année. En 2024, c'est 515 000 départs négociés entre l'employeur et le salarié, 10 milliards d'euros par an environ. Est-ce que c'est trop ? Vous dites que c'est fini, maintenant, cet âge d'or des ruptures conventionnelles ?
ROLAND LESCURE
C'est 25% de la dépense totale. Moi, j'ai 59 ans. Autour de moi, je vois des amis qui négocient des ruptures conventionnelles, qui, en fait, correspondent à des pré-retraites déguisées. C'est souvent à l'initiative de l'employeur. C'est parfois à l'initiative partagée, on va dire ça comme ça.
AGATHE LAMBRET
La CGT dit " Beaucoup plus à l'initiative de l'employeur ".
ROLAND LESCURE
En tout cas, plutôt là encore que de se renvoyer la balle, on peut reconnaître qu'il y a un sujet, et on peut faire en sorte que les partenaires sociaux nous fassent des propositions pour améliorer la situation. Il n'y a pas d'euro magique. Chaque euro doit compter aujourd'hui.
AGATHE LAMBRET
Quelle solution ? Créer un nouveau régime spécial ? Allonger le délai de carence avant lequel on peut toucher l'indemnité chômage ?
ROLAND LESCURE
Il y a plusieurs paramètres qui peuvent être touchés. Le délai, le taux d'indemnisation. Moi, je ne me mets pas à la place des partenaires sociaux dont c'est le rôle de négocier tout ça. Mais en tout cas, reconnaître ensemble qu'il y a un sujet, qu'on a un dispositif qui est utile, parce qu'il permet, dans des conditions particulières, d'avoir une séparation, je dirais, moins coûteuse que des plans sociaux ou des ruptures plus rigides. Maintenant, attention, on a un chômage qui est au plus bas historique, on a un chômage des jeunes qu'on n'a jamais connus en France au plus bas depuis toujours. Il faut garder cette flexibilité, je sais que le mot ne plaît pas, mais qui a permis aujourd'hui de faire en sorte que le chômage soit au plus bas, en limitant les euros, parce que chaque euro, aujourd'hui, doit compter, chaque euro doit être efficace.
PAUL LARROUTUROU
Dossier brûlant dont on va parler jusqu'au salon de l'agriculture en février, l'accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, donc les pays d'Amérique latine, ce qu'on appelle l'accord Mercosur. Jeudi soir, le chef de l'État qui a toujours critiqué cet accord le trouve, je cite, plutôt positif. Quelques heures plus tard, sa ministre de l'Agriculture twitte : " Le compte n'y est pas ", et pour finir, hier, le président a fait une conférence de presse pour dire qu'il reste vigilant. On n'y comprend absolument plus rien, alors que la FNSA, le syndicat agricole, appelle à manifester mercredi. Expliquez-nous, monsieur le ministre de l'Économie, ce volte-face.
ROLAND LESCURE
Alors, il n'y a pas de volte-face.
PAUL LARROUTUROU
On a tout écouté, il y a une énorme volte-face.
ROLAND LESCURE
L'ensemble de l'extrait du président rappelle qu'il y a des filières à risque. Essayons d'être clair et simple.
PAUL LARROUTUROU
Vous reconnaissez que le président a complètement…
ROLAND LESCURE
Moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'est-ce qu'il y a dans ce traité. Il y a quatre filières, aujourd'hui, qui sont extrêmement à risque. Le bovin, les poulets, le sucre, l'éthanol. Elles sont extrêmement à risque, et tous les traités du monde, fussent-ils positifs, ne doivent pas nous conduire à sacrifier ces filières. Et donc, on négocie ce qu'on appelle des clauses de sauvegarde, qui font que si ces marchés sont bouleversés, on les protégera, et surtout, des clauses de réciprocité, qui font…
PAUL LARROUTUROU
Des clauses miroirs.
ROLAND LESCURE
Un steak français consommé en France, il n'y a pas de raison qu'il soit plus contraint dans sa production, de meilleure qualité, certes, du coup, mais qu'un steak argentin, d'un boeuf élevé en argentine.
AGATHE LAMBRET
Mais on n'y est pas pour l'instant. La clause de sauvegarde, elle existe depuis 2019, non ?
ROLAND LESCURE
Non.
AGATHE LAMBRET
Et elle est difficile à activer, c'est ce que disent les détracteurs de cet accord.
ROLAND LESCURE
Oui, je sais, mais attention parce que moi, je me souviens que sur le Canada, on disait beaucoup de choses. Cet accord, c'est un accord gagnant.
AGATHE LAMBRET
Tout le monde se trompe sur vous ?
ROLAND LESCURE
Non, il y a des défis sur le Mercosur, sur les quatre filières dont j'ai parlé, et il y a aussi des filières qui, si il est signé, vont en profiter. Notamment des filières agricoles. Aujourd'hui, le cognac, il est attaqué dans le monde entier. Aux Etats-Unis, en Chine. Donc, les vins et spiritueux, si cet accord est signé, vont en profiter.
PAUL LARROUTUROU
Je vous laisse boire un petit verre d'eau.
ROLAND LESCURE
L'automobile, l'avion, tout ça, on va en profiter.
PAUL LARROUTUROU
Avant qu'Agathe vous pose la question qui, j'aimerais moi comprendre, quel est votre message à la FNSEA qui, je le rappelle, va manifester mercredi ? Les agriculteurs sont furieux contre le Président de la République.
ROLAND LESCURE
Mais avant de manifester, écoutez ce qu'on a dit et surtout regardez ce qu'on fait. Nous, on se bat.
PAUL LARROUTUROU
Vous n'avez pas changé d'avis sur le Mercosur ?
ROLAND LESCURE
Non, moi je me souviens des incompréhensions sur le CETA, je m'en souviens. Donc attention, avant de manifester, regardez bien ce qu'on fait. On veut vous protéger. On négocie des clauses de sauvegarde, on négocie ce qu'on appelle des clauses miroirs pour s'assurer que les filières qui sont en danger ne soient pas sacrifiées à l'aune d'un traité qui, par ailleurs, va bénéficier à d'autres filières, l'automobile, l'aéronautique, les cosmétiques…
AGATHE LAMBRET
Vous l'avez dit, on vous entend, Roland LESCRIRE, il faut qu'on avance, pardon. Comme tous les jours, c'est le moment de la question qui, voilà, à retrouver sur les réseaux sociaux de France Info. Aujourd'hui, la question qui libère alors que la demande de remise en liberté de Nicolas SARKOZY sera examinée par un juge d'appel aujourd'hui. Écoutez l'ex-insoumis François RUFFIN, c'était sur BFM TV.
FRANÇOIS RUFFIN
Qu'il reste en prison et qu'il y reste le plus longtemps possible.
AGATHE LAMBRET
Qu'il reste en prison et qu'il y reste le plus longtemps possible, dit-il, est-ce que vous êtes d'accord avec François RUFFIN ?
ROLAND LESCURE
C'est un juge, vous l'avez dit, qui va prendre la décision, et moi, je ne m'interfère pas dans les décisions de justice, je les respecte. Sur l'incarcération du président SARKOZY, je comprends, moi, ceux qui ont été ses amis, qui ont suivi sa carrière politique, qui sont aujourd'hui émus, bouleversés, je le comprends. Et je comprends les intimidations des uns et des autres, mais le seul message que je souhaite dire aujourd'hui, c'est la loi, elle doit être la même pour tous, et moi, ministre, je n'interfère pas avec la loi.
AGATHE LAMBRET
Mais vous êtes aussi citoyen, vous n'êtes pas choqué de cette situation. Vous dites, comme François RUFFIN, qu'il reste en prison, ou alors, c'est un ancien président de la République, la situation change.
ROLAND LESCURE
Au risque de vous décevoir, là ce n'est pas du « En même temps », c'est ni l'un ni l'autre, la justice, elle fait son travail, moi j'ai confiance en elle.
PAUL LARROUTUROU
Et quand le ministre de la Justice va en prison, Gérald DARMANIN, pour voir Nicolas SARKOZY, vous trouvez que c'est une bonne idée ?
ROLAND LESCURE
La justice, elle est la même pour tous et pour toutes.
PAUL LARROUTUROU
C'est une bonne idée de la part de Gérald DARMANIN d'être allé voir en prison ?
ROLAND LESCURE
La justice, elle est la même pour tous et pour toutes. La loi est dure, mais c'est la loi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 novembre 2025