Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Erreur fatale, hérésie, le patron du MEDEF ne décolère pas sur le vote qui aura lieu cet après-midi, sur la suspension de la réforme des retraites. Bonjour David AMIEL.
DAVID AMIEL
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes aujourd'hui ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'État. Vous nous présenterez dans un instant votre plan pour lutter contre la fraude sociale et fiscale. Mais je ne peux résister à vous interroger sur ce qui va se passer tout à l'heure à 15h. Vous, David-AMIEL, vous avez 32 ans. Vous avez toujours milité chez Renaissance. Vous êtes un macroniste de la première heure. Et votre parti, cet après-midi, s'apprête à laisser partir la réforme des retraites. Comment c'est possible ?
DAVID AMIEL
Est-ce que c'est facile pour nous ? Non. Mais est-ce qu'il était possible de faire autrement ? Non plus. Parce qu'il n'y a plus à l'Assemblée nationale aujourd'hui de majorité pour poursuivre la réforme des retraites. Donc le Gouvernement fait preuve à la fois de lucidité et de transparence. Puisque le Premier ministre avait fait cet engagement dès les premiers jours de sa prise de fonction de resoumettre à l'Assemblée nationale la suspension de la réforme des retraites. C'était la seule manière de sortir d'une impasse qui sinon aurait précipité…
APOLLINE DE MALHERBE
C'était la seule manière de vous maintenir quoi. En fait c'est surtout ça, non ?
DAVID AMIEL
C'est la seule manière dans cette Assemblée actuelle d'éviter une impasse qui sinon aurait conduit à une crise politique, crise institutionnelle.
APOLLINE DE MALHERBE
Patrick MARTIN la pose comme ça exactement. Il dit : " Avoir un budget et maintenir une forme de stabilité, ok, mais à quel coût ? "
DAVID AMIEL
Le coût aujourd'hui de l'instabilité, d'une chute des gouvernements à répétition, d'une crise financière, d'une crise budgétaire, d'une incapacité à voter un budget aurait été bien supérieur en 2026 à la suspension de la réforme des retraites.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous préférez tuer le macronisme mais pour vous maintenir ?
DAVID AMIEL
Le bilan du macronisme, on aura l'occasion j'imagine d'en reparler…
APOLLINE DE MALHERBE
C'était notamment cette réforme.
DAVID AMIEL
C'est aussi la baisse du taux de chômage, c'est la suppression de la taxe d'habitation, c'est l'investissement dans l'éducation, c'est l'investissement dans l'armée. Effectivement, cette réforme est suspendue parce qu'il n'y a plus aujourd'hui de majorité à l'Assemblée nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors enfin, elle n'est pas encore complètement suspendue, mais en effet comme vous le dites, il n'y a pas beaucoup de suspense. Elle devrait être votée cette suspension cet après-midi. Alors vous, le parti Renaissance, vous n'êtes plus évidemment député puisque vous êtes ministre, mais vous n'allez pas voter en faveur de la suspension, mais le fait de simplement vous abstenir la laisse effectivement passer.
Le déficit des retraites, 15 milliards d'Euros pour 2035, 30 milliards pour 2045, ça va encore alourdir la facture. Dans le même temps, vous venez de nous présenter des mesures pour aller trouver des milliards, mais d'un déficit que vous-même vous allez creuser.
DAVID AMIEL
Le statu quo n'est pas tenable à terme, vous avez raison de le dire. Il n'était pas possible aujourd'hui de poursuivre cette réforme, mais je crois qu'il faut en revanche poursuivre les travaux sur un changement du système. Parce que ce qu'on voit, c'est qu'avec le vieillissement de la population, il faudra dans les années qui viennent une réforme des retraites. On voit aussi, vu la situation politique, vu la situation sociale, qu'on ne pourra pas se contenter de changer un paramètre, l'âge de départ, la durée de cotisation, mais qu'il faudra repenser l'ensemble du système pour le rendre plus juste. Ça fait partie des propositions qui sont faites d'ailleurs par le parti Renaissance, par d'autres forces politiques syndicales. C'est la raison pour laquelle aussi on a lancé une conférence avec le patronat et les syndicats pour proposer aux Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils n'iront pas.
DAVID AMIEL
Bien sûr que si, beaucoup d'organisations patronales y participent.
APOLLINE DE MALHERBE
Le MEDEF n'y va pas, la CGT n'y va pas.
DAVID AMIEL
Le MEDEF a dit qu'il attendait la discussion budgétaire. Je fais le pari qu'il y reviendra. La CFDT, les organisations syndicales, fonction publique, secteur privé, y participent. Ce sera un lieu important d'échange de débats et de préparation aussi de la discussion en 2027…
APOLLINE DE MALHERBE
David AMIEL, un mot sur cette proposition, effectivement énoncée par Gabriel ATTAL, le président du parti Renaissance hier, avec cette idée d'aller vers une retraite par capitalisation, les 1 000 Euros dès la naissance de l'enfant. Il y a un point qui vous concerne directement, qui est aussi l'idée que le point d'indice et les points qui seraient mis de côté tout au long de la vie professionnelle soient les mêmes, privé comme public. L'idée, au fond, que la retraite soit la même pour les fonctionnaires que pour le privé, est-ce que vous y êtes favorable ?
DAVID AMIEL
Ça fait partie des pistes pour l'après. Il y en aura d'autres qui seront émises dans le cadre de cette conférence. À court terme, je suis favorable notamment à ce que, pour la retraite des femmes dont on sait qu'elles sont pénalisées par rapport aux hommes, on puisse avoir les mêmes mesures de justice dans la fonction publique que dans le secteur privé. Le conclave l'avait fait pour le secteur privé, en tout cas l'avait proposé. J'ai proposé, moi, qu'on améliore la retraite des femmes dans la fonction publique et ça fera partie des pistes sur lesquelles les parlementaires auront à se prononcer.
APOLLINE DE MALHERBE
David AMIEL, je rappelle que vous êtes le ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État. Vous voulez mieux lutter contre la fraude : fraude sociale, fraude fiscale… On parle de quelle fraude ? On parle de quoi ? Qui fraude et avec quoi ?
DAVID AMIEL
On parle du business de la fraude, c'est-à-dire des professionnels de l'arnaque, de ceux qui industrialisent la fraude fiscale et la fraude sociale. On a eu des résultats ces dernières années, on a multiplié par deux…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est quel genre de fraude ? Ce sont des fraudes à quoi ?
DAVID AMIEL
C'est de la fraude aux aides publiques, aux comptes personnels de formation. C'est la fraude fiscale la plus classique, la fraude aux impôts. C'est la fraude aux cotisations sociales, c'est la fraude au remboursement de l'assurance maladie. C'est l'ensemble de ces fraudes. Effectivement, c'est la première fois qu'on a un projet de loi qui couvre l'ensemble des fraudes fiscales, sociales, aux cotisations et aux prestations.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez défendre ce projet aujourd'hui. Je vois d'ailleurs dans les différents points de votre projet de loi qu'il y a par exemple l'idée de taxer une taxation plus lourde des revenus issus d'activités illicites. Ça marche comment ça ? C'est-à-dire qu'il y a une espèce de paradoxe à se dire qu'il y a des activités illicites et qu'en même temps on pourrait les taxer. Comment on fait ?
DAVID AMIEL
C'est pour pouvoir récupérer l'argent plus vite en attendant évidemment que la procédure pénale permette de condamner les personnes, de leur imposer des longues amendes. Le point essentiel de ce projet de loi, c'est de s'adapter aux changements technologiques. Parce qu'aujourd'hui, les délinquants peuvent avoir un temps d'avance. Avec cette loi, on remet la technologie du côté de la loi, pas du côté de la fraude. C'est la raison pour laquelle…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez utiliser l'intelligence artificielle ?
DAVID AMIEL
Notamment ! C'est la raison pour laquelle on aura de la géolocalisation dans les transports sanitaires pour s'assurer que quand on rembourse des actes, ils ont fait des trajets, ils ont effectivement été réalisés. C'est la raison pour laquelle on va permettre des échanges d'informations entre l'assurance maladie et les complémentaires santé pour s'assurer que quand on rembourse des actes médicaux, ils ont bien été réalisés. Et si ce n'est pas le cas, on pourra sanctionner beaucoup plus dur, beaucoup plus fort les professionnels qui fraudent en imposant à la fois une amende administrative et un déconventionnement de la sécurité sociale.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est très intéressant ce que vous dites, la géolocalisation, pour prendre cet exemple, des transports médicaux. Ça veut dire que vous allez en quelque sorte fliquer à la fois le malade et le taxi, éventuellement si c'est un taxi qui effectue ce trajet. Ça veut dire que vous considérez que la fraude, elle est à la fois du côté des usagers et du côté des professionnels ?
DAVID AMIEL
Il y a une fraude du côté d'une infime minorité de professionnels. Mais oui, il y a des professionnels de la fraude. Et c'est ça qui aussi dégrade les comptes de la Sécurité sociale.
L'immense majorité des personnes professionnelles et particulières ne sont pas fraudeurs. Mais justement, pour ne pas qu'on jette la suspicion sur l'ensemble de notre système social, il faut pouvoir réprimer beaucoup plus fortement les fraudeurs. Il faut aussi pouvoir réprimer ceux qui les encouragent à frauder, ceux qui montent des schémas, ceux qui vont sur YouTube, TikTok, vous apprendre à frauder. Pour cela, on ira jusqu'à 7 ans de prison. C'est très important de pouvoir frapper.
APOLLINE DE MALHERBE
7 ans de prison pour ceux qui, effectivement, donnent en quelque sorte les modes d'emploi des tutos fraudes ?
DAVID AMIEL
Pour les tutos fraudes, pour les officines qui se spécialisent dans le montage de schémas frauduleux, contre cela, il faut pouvoir frapper beaucoup plus fort.
APOLLINE DE MALHERBE
Des faux arrêts maladie, ou trouver facilement sur Internet, tout cela ?
DAVID AMIEL
Exactement, ou des kits pour pouvoir mettre en place une fraude fiscale. Il faut pouvoir frapper beaucoup plus fort contre ces personnes qui facilitent et qui accélèrent la fraude.
APOLLINE DE MALHERBE
La défenseuse des droits, Claire HEDON, pointe les risques d'atteinte aux droits des libertés. Est-ce que vous entendez cette critique ?
DAVID AMIEL
Il y a des débats dans les deux sens. J'ai vu aussi des sénateurs qui souhaitent aller beaucoup plus loin que le projet de loi. On aura le débat au Parlement. Je crois que cette lutte contre la fraude fiscale, la fraude sociale, elle est extrêmement importante. Elle est très attendue des Français. On ne peut pas demander des efforts aux gens sans commencer par frapper beaucoup plus vite et beaucoup plus fort pour ceux qui ne respectent pas le contrat républicain.
APOLLINE DE MALHERBE
Les auditeurs réagissent en direct, Matthieu.
MATTHIEU BELLIARD
J'ai le message de Yannick, notamment sur le WhatsApp RMC, qui nous écrit : " Je suis maçon, j'ai 46 ans, je me lève tous les matins presque en pleurant tellement j'ai mal au dos. Et tous les matins, je dois me gaver de cachets à base d'opium pour me soulager. Pour autant, je suis contre la suspension de la réforme des retraites. Je pense que la comédie a assez duré et qu'il faut qu'on mette de la capitalisation au coeur du jeu. Depuis des années, on voit que le nombre d'actifs baisse par rapport aux retraités et pourtant on ne fait que bricoler ".
Laurent nous dit, un message dans le même sens, beaucoup plus court. « Ce n'est pas une réforme, c'est un ajustement technique. Il n'y a pas de changement sur le mode de fonctionnement des retraites, nous dit Laurent.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous répondez, David AMIEL ?
DAVID AMIEL
Je pense qu'il pointe quelque chose de très juste. C'est-à-dire qu'effectivement, il va falloir repenser l'ensemble du système pour le rendre plus juste, pour l'adapter à la nouvelle donne démographique. C'est la question de l'introduction d'une part de capitalisation, non pas à la place de la répartition, mais en plus du système par répartition. Parce qu'effectivement, la démographie n'est plus la même qu'au moment où on a inventé ce système dans l'après-guerre. On avait des générations beaucoup plus nombreuses.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne vous sentez pas un peu schizo ? Je veux dire, dans la même journée, vous allez à la fois finalement soutenir cette suspension de la réforme des retraites, qui est une des réformes pour lesquelles vous vous êtes le plus battus. Vous commencez déjà à imaginer une autre façon de faire les réformes des retraites. Et en même temps, vous ne combattez pas cette suspension-là, qui était la seule réforme du système actuel. Bref, comment vous faites dans votre tête ? Moi, j'ai du mal à comprendre cette défense de la politique presque du pire pour vous…
DAVID AMIEL
Je crois que les gens comprennent très bien qu'aujourd'hui, il n'y a plus de majorité à l'Assemblée.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils comprennent très bien qu'il n'y a plus de conviction.
DAVID AMIEL
Ils comprennent surtout qu'il n'y a plus de majorité à l'Assemblée nationale. Donc, si chacun arrive, campé sur ces dogmes, sur ces certitudes, refuse de tendre la main, refuse de voir la réalité telle qu'elle est, c'est-à-dire qu'aucun camp n'a gagné les dernières élections, que personne n'est capable de mettre en oeuvre l'ensemble de son programme, eh bien, on ira dans le mur.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais Horizons, par exemple, va voter contre. C'est plus cohérent.
DAVID AMIEL
Effectivement, il y a des compromis. Ça veut dire pouvoir tendre la main, accepter des choses qui ne sont pas ce qu'on préférerait faire si on était en majorité absolue, mais faire preuve aussi de responsabilité. Je crois que c'est à ça aussi que les Français nous appellent, qu'ils en ont précisément marre de ces politiques qui font semblant d'être les seuls à avoir une majorité absolue, d'être les seuls à pouvoir mettre en oeuvre leur programme. Ils ont conscience qu'il faut qu'on puisse s'entendre si on ne veut pas que le pays aille dans le mur.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup David AMIEL d'avoir répondu à mes questions et à celles des auditeurs ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 novembre 2025