Interview de Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, à Ici Picardie le 20 novembre 2025, sur la surreprésentation des femmes dans les secteurs du soin et du lien et leur sous-représentation dans les secteurs stratégiques, les stéréotypes au lycée et la difficulté à élaborer des listes paritaires dans les petites communes à l'approche des élections municipales, lors de son déplacement dans la Somme à l'occasion de la Semaine de l'industrie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Aurore Bergé - Ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ;
  • Céline Autin - Journaliste

Média : Ici Picardie

Texte intégral

CELINE AUTIN
Bonjour Aurore BERGE.

AURORE BERGE
Bonjour.

CELINE AUTIN
Vous choisissez le contre-exemple en allant cet après-midi à Amfreville chez un sous-traitant verrier qui compte 80 % de femmes dans ses effectifs. Pourquoi aller au plus simple ?

AURORE BERGE
Aller au plus simple, aller là où les entreprises justement se sont adaptées, preuve que c'est possible, preuve que quand on cherche des talents on peut réussir à les trouver mais ça suppose des adaptations parce que c'est une entreprise qui a notamment adapté ses horaires. Typiquement dans des secteurs industriels, on est souvent sur des 3 x 8 qui ne sont pas forcément compatibles avec des vies familiales. Donc là les horaires ont été réadaptés. Et ce qui est bien c'est que quand on fait progresser les horaires pour les femmes, en fait on les fait progresser pour toute la société, pour toute l'entreprise, pour que la parentalité d'ailleurs ça ne repose pas que sur les femmes.

CELINE AUTIN
Ça reste malgré tout un contre-exemple assez peu répandu qu'on pense au secteur ici de l'aéronautique, de l'automobile très fort, des femmes d'ailleurs pour polir des flacons de verre, ça reste de l'ordre un peu du cliché, du stéréotype ?

AURORE BERGE
En fait ce sont les chiffres que vous présentiez tout à l'heure, c'est à dire qu'on a des femmes qui sont surreprésentées dans des secteurs qui sont absolument essentiels pour notre pays, les secteurs du soin, les secteurs du lien, mais qui sont sous-représentées dans des secteurs qui sont là aussi stratégiques en termes de souveraineté, d'attractivité, et des secteurs en plus qui sont souvent mieux rémunérés. Quand on parle d'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, d'écart moyen de rémunération, pourquoi on a cet écart ? Notamment parce que les femmes vont sur des secteurs aujourd'hui qui sont moins bien rémunérés que là où il y a ceux des hommes. Donc ça veut dire qu'il faut qu'on agisse sur les stéréotypes à la racine, formation des enseignants. On va en parler.

CELINE AUTIN
Justement, ces stéréotypes à la racine, c'est peut-être trop compliqué pour les filles, suggèrent des lycéens en filière technologique d'Abbeville, quand on leur demande pourquoi il n'y a pas de filles justement dans leur classe. Comment on se sent à sa place dans ces conditions ?

AURORE BERGE
Alors ce n'est pas trop compliqué, ce sont des sujets qui sont compliqués pour tous, mais qui n'ont pas de sexe, et heureusement…

CELINE AUTIN
Mais comment est-ce que des jeunes de 18 ans peuvent en arriver là encore aujourd'hui en 2025 ? Qu'est-ce qu'on change ?

AURORE BERGE
Ce qui est le plus difficile c'est justement de changer les représentations culturelles, et c'est sûr que quand vous entendez tout au long de votre vie, de votre parcours, parce que c'est dans votre famille ou parce que même vos enseignants, ou parfois sur des représentations médiatiques ou sur les réseaux sociaux, que ce n'est pas pour vous, à la fin vous finissez par penser que ce n'est pas pour vous, que c'est trop difficile, qu'être la seule, ce serait trop compliqué. Donc c'est pour ça qu'on a changé les formations des enseignants, c'est pour ça qu'on fait des programmes spécifiques, FIE maths, FIE sciences, c'est pour ça qu'on a mis aussi les pieds dans le plat sur la question des quotas, dans les filières scientifiques et dans les prépas, parce qu'on ne peut pas se satisfaire de cette situation. Et en plus c'est non seulement un impératif moral, mais c'est aussi un impératif économique, parce qu'on manque de talent. On manque aujourd'hui d'hommes et de femmes singulièrement dans ces métiers-là.

JOURNALISTE
Il est 7h49, vous écoutez Ici Picardie, et nous sommes avec Aurore BERGE, ministre déléguée chargée de l'Egalité femmes-hommes, en déplacement dans la Somme aujourd'hui.

CELINE AUTIN
Les Ecologistes ont fait voter dans le budget la défiscalisation des pensions alimentaires pour celles et ceux qui les reçoivent, essentiellement des femmes avec des enfants à charge. Le Gouvernement était contre, pour quelles raisons ?

AURORE BERGE
Alors moi, j'ai toujours donné ma position personnelle et dit que j'étais favorable à cette mesure. Je l'apportais aussi quand j'étais députée, donc je n'ai pas changé d'avis.

CELINE AUTIN
Mais pourquoi votre majorité était contre ?

AURORE BERGE
On a un enjeu qui est un enjeu budgétaire, donc il faut qu'on regarde précisément ensuite les conséquences budgétaires de cette proposition, de cette mesure, qui concerne en effet beaucoup de femmes, et qui aujourd'hui pénalisait beaucoup de femmes, qui souvent entraient même dans l'impôt sur le revenu, parce que la fiscalisation de la pension alimentaire les faisait, non pas changer de tranche, mais entrer dans l'impôt sur le revenu.

CELINE AUTIN
On a ici une députée France Insoumise, Zahia HAMDANE, de La Somme, qui porte une proposition qui va plus loin avec l'indexation des pensions sur l'inflation. Ce sera examiné en séance la semaine prochaine. Quel sera votre avis, votre réponse sur la question des pensions alimentaires ?

AURORE BERGE
Aujourd'hui elles sont encadrées, et ce qu'on a fait, et à mon avis beaucoup plus important que la question de l'indexation, c'est garantir qu'il n'y ait pas d'impayés de pensions alimentaires. Le premier fléau que connaissaient les femmes qui étaient divorcées, qui souvent étaient avec les enfants à charge, c'est que les pensions alimentaires n'étaient pas payées. Nous, on a créé un service public qui garantit qu'il n'y ait pas d'impayés de pensions alimentaires, qui garantit que les femmes ne renoncent pas aussi à demander cette pension alimentaire parce qu'elles ont peur que la pension soit un outil de chantage avec l'ancien compagnon, un outil de chantage vis-à-vis de la garde des enfants notamment. Donc ça je pense que c'est absolument fondamental, et les pensions peuvent être réévaluées de toute façon de manière régulière.

CELINE AUTIN
Et c'est effectivement devenu une prérogative de la CAF. En deux mots, pour finir, à quatre mois des élections municipales, "s'engager, devenir maire, c'est prendre un risque pour une femme" nous a dit cette semaine la maire de Montdidier, un risque à la fois à la fin d'un mandat, pendant, d'où la difficulté aussi des petites communes en ce moment à monter des listes 100 % paritaires. Vous entendez ces difficultés ?

AURORE BERGE
Oui, mais moi, je suis très heureuse que pour la première fois en 2026 on ait des élections municipales qui soient enfin paritaires.

CELINE AUTIN
Mais qui mettent en difficulté les femmes, nous dit la maire de Montdidier.

AURORE BERGE
Moi je ne crois pas à ça. Je crois que, comme souvent, il y a des résistances à partir du moment où il y a des changements. Et je crois que ça va s'installer, et que ça va devenir naturel, que dans toutes les communes de France on est des hommes et on est des femmes…

CELINE AUTIN
En disant cela, il faisait référence aux emplois que les femmes ne retrouvent pas forcément à la fin d'un mandat.

AURORE BERGE
Alors, on parle là des communes de moins de 1 000 habitants, on parle de personnes qui vont devenir conseillères municipales, adjointes aux maires, et qui n'ont pas, et heureusement, à renoncer à une vie professionnelle. Et les choses sont encadrées d'ailleurs pour ça, pour pouvoir exercer leur vie professionnelle et un mandat local. Et les femmes sont déjà partout dans la vie de nos communes. Qui tient les comités des fêtes dans la plupart de nos villages ? Qui anime les réunions de parents d'élèves ? C'est souvent les femmes. Eh bien autant qu'elles aient des responsabilités. Et le fait là aussi de changer les représentations et de se dire qu'on aura des femmes conseillères municipales, adjointes aux maires, maires, vice-présidentes d'intercommunalités ou présidentes, ça participe aussi enfin à normaliser ça.

CELINE AUTIN
Aurore BERGE, je le rappelle, vous êtes ministre déléguée à l'Egalité femmes-hommes en déplacement dans la Somme aujourd'hui. Merci d'avoir accepté de répondre à nos questions.

AURORE BERGE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 novembre 2025