Interview de M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, à TF1 le 17 novembre 2025, sur le métallurgiste en difficulté NOVASCO, le Sommet Choose France et le budget pour 2026.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Roland Lescure - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique ;
  • Adrien Gindre - Journaliste

Média : TF1

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Bonjour. Bonjour à tous les deux.

ADRIEN GINDRE
On va parler, dans un instant, du sommet de Choose France que le Gouvernement organise aujourd'hui. Mais d'abord, hasard de calendrier : ce matin, à 9 h, le tribunal de commerce de Strasbourg rend sa décision concernant le métallurgiste en difficulté NOVASCO. Et il y a quelques minutes, votre ministre délégué Sébastien MARTIN annonce qu'il va saisir les tribunaux contre le fonds d'investissement qui avait repris l'aciériste en 2024. C'est-à-dire, qu'est-ce que vous en espérez ?

ROLAND LESCURE
Clairement, le compte n'y était pas. Donc, on va être intraitable. Il y a un peu plus d'un an, vous l'avez dit, quand Greybull a repris Novasco, il s'était engagé à investir 90 millions d'euros. Un an plus tard, ils n'ont investi que 1,5 million d'euros. Le compte n'y est pas. On sera intraitable. Sébastien MARTIN, vous l'avez dit, m'a proposé de saisir la justice. Évidemment, je l'ai accepté. Je le soutiens dans cette démarche. On a aussi le projet, s'ils le font, de soutenir les salariés qui, eux aussi, se réservent le droit de saisir la justice.

ADRIEN GINDRE
Ça veut dire que vous espérez encore pouvoir sauver les sites et les emplois ?

ROLAND LESCURE
Alors, il y a deux choses. Un, il y a le tribunal, vous l'avez dit, qui va se prononcer. On espère évidemment au mieux. Et si jamais l'ensemble des sites n'est pas repris, ce qui est quand même le plus probable, on sera aux côtés des salariés.

ADRIEN GINDRE
Ça veut dire quoi, aux côtés des salariés ?

ROLAND LESCURE
Ça veut dire qu'on a saisi les collectivités locales, les élus, un certain nombre d'investisseurs institutionnels pour voir si on peut sauver les sites et évidemment accompagner les salariés.

ADRIEN GINDRE
Une nationalisation, c'est possible ?

ROLAND LESCURE
Non, ce n'est pas le sujet. On n'est pas là pour nationaliser des entreprises industrielles. On est là pour accompagner les repreneurs. En revanche, quand ceux-ci ne sont pas au rendez-vous, et c'est le cas avec Greybull, je le répète, nous serons intraitables. Les chasseurs de primes, c'est terminé. On souhaite des investisseurs qui accompagnent les entreprises dans la durée. Ceux qui viennent et qui partent au bout d'un an en ayant investi 1,5 million sur 90 millions d'engagement, c'est terminé.

ADRIEN GINDRE
Comment vous ferez pour que ce soit terminé ? Comment vous ferez pour qu'il n'y ait pas demain un nouveau Novasco avec un fonds d'investissement peu scrupuleux ?

ROLAND LESCURE
Écoutez. On va regarder encore plus en détail les engagements. On va s'assurer évidemment que les engagements sont tenus. Et je pense que la procédure qu'on va lancer sur Greybull refroidira les ardeurs de ceux qui viennent pour passer.

BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que de nouveaux repreneurs sont les tuyaux, j'allais dire ?

ROLAND LESCURE
Oui. Il y a aujourd'hui deux repreneurs qui ont déposé un dossier.

BRUCE TOUSSAINT
Sérieusement ?

ROLAND LESCURE
Oui, sérieux. Enfin, ça, c'est le tribunal qui en jugera. Moi, je ne suis pas là pour faire le travail du tribunal de commerce à sa place. Mais ce qui est très probable quand même, c'est que l'ensemble des sites ne soient pas repris. Et dans ce cas-là, il faudra accompagner les sites qui eux ne le seront pas.

ADRIEN GINDRE
Dans les bonnes nouvelles de la journée, il y aura, hasard du calendrier, encore une fois, ce sommet Choose France, destiné aux investisseurs français pour créer justement des projets sur notre territoire. Est-ce qu'à l'heure où l'on se parle, vous savez déjà combien de projets, pour quel montant, et pour combien d'emplois justement ?

ROLAND LESCURE
Oui. Alors, on est sur 151 projets, 150, qui représentent au total 30 milliards d'euros : 20 milliards qui avaient déjà été investis, un peu plus, et 9 milliards de nouveaux investissements dans tous les secteurs. Donc, c'est des dizaines de milliers d'emplois avec, à la fois, je dirais, des secteurs historiques. Je peux vous annoncer par exemple qu'Opella va augmenter de manière très importante la fabrication de Doliprane. On produit aujourd'hui 450 millions de boîtes de Doliprane en France. Demain, ce sera 600 millions de boîtes. Donc, une augmentation significative. Ça, je dirais, c'est les industries d'aujourd'hui.

ADRIEN GINDRE
Avec une production accrue sur des sites existants ou la création de nouveaux sites ?

ROLAND LESCURE
Alors, on est là sur des extensions de production, à Lisieux et à Compiègne. À Compiègne, on va investir dans la transition énergétique. Et à Lisieux, on va augmenter les capacités de production. Vous vous souvenez qu'il y a quelques mois, la vente d'une partie de Doliprane par Sanofi à un fonds américain avait fait jaser. Là, on peut dire que ça marche. Six mois plus tard, on augmente de plus de 30 % la production de Doliprane en France. Vous vous souvenez qu'on avait un enjeu de souveraineté sur les médicaments, on avance. Et par ailleurs, il y a des investissements très importants dans ce qu'on appelle les data centers, l'intelligence artificielle.

ADRIEN GINDRE
Les centres de données en français.

ROLAND LESCURE
Les centres de données. Vous avez raison de me corriger. Pour développer l'intelligence artificielle qui est un peu le nerf de la guerre de la nouvelle révolution industrielle, il faut des cerveaux, il faut aussi des serveurs. Des cerveaux, on en a en France. Vous savez qu'on a des entreprises de très belles qualités, et qui sont en train de se développer. Mais il faut aussi du serveur, des centres de data. Et là, on a des investissements très importants. Je vais vous donner un exemple, là encore je vous l'annonce. Thésée, qui est un centre de données dans les Yvelines, qui, aujourd'hui, représente un investissement de 500 millions d'euros, qui va rajouter 60 millions d'euros pour augmenter les capacités de production. Donc, on soutient, je dirais, l'industrie d'hier et d'aujourd'hui, l'industrie agroalimentaire, l'industrie des cosmétiques, l'industrie des biens de consommation, et on investit à fond dans l'industrie de demain.

ADRIEN GINDRE
Écoutez Roland LESCURE, tout de même, certains investisseurs qui ont parfois la main qui tremble au vu du contexte. Antoine THEBAULT, notamment, directeur général de THEBAULT, spécialiste du contreplaqué, qui, lui, va ouvrir une nouvelle usine en Auvergne dans un mois.

ANTOINE THEBAULT, PDG DU GROUPE THEBAULT
C'est vrai que quand on voit aujourd'hui la situation économique et politique de notre pays, on peut paraître un peu fou d'investir en France. C'est certain.

ADRIEN GINDRE
Un peu fou, dit-il. Malgré l'instabilité, malgré l'incertitude, il investisse.

ROLAND LESCURE
Écoutez. L'événement d'aujourd'hui, il a deux objectifs. Un, quand même dire merci à ceux qui ont le courage d'investir en France. Mais deux, aussi : les écouter. Parce que je ne vous cacherai pas qu'aujourd'hui, il y a un certain nombre d'interrogations de la part des investisseurs, des industriels français, notamment face aux discussions budgétaires. Donc, nous, on a souhaité un rendez-vous sans concession. Tous les ministres de Bercy seront là. Le premier ministre sera là pour échanger aussi avec les entreprises, sur le budget. Donc, un : merci et bravo de continuer à investir, de choisir la France. Et deux : n'hésitez pas à vous exprimer, notamment sur les doutes et les inquiétudes que vous avez. Il y en a vis-à-vis du budget.

ADRIEN GINDRE
Notamment sur le budget, il n'y aura finalement pas de vote à l'Assemblée aujourd'hui, sur la partie recette, comme c'était envisagé. Il y a eu un weekend de pause des Députés. Écoutez ce que disait hier, sur LCI, Éric COQUEREL, le président LFI de la commission des finances à l'Assemblée.

ÉRIC COQUEREL, PRESIDENT LFI DE LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
Je n'ai aucune confiance. Je vais vous dire pourquoi je n'ai aucune confiance. En fait, on peut facilement exploser le temps à partie pour examiner le budget. Si on explose le temps, le Gouvernement est tranquille, il peut faire quelque chose d'absolument antidémocratique, qui est le fait de décider des ordonnances, qui appliquent le projet initial sans qu'il y ait de vote.

ADRIEN GINDRE
Qu'est-ce que vous lui répondez ? Est-ce que vous pouvez garantir qu'il y aura bien un vote global à la fin ?

ROLAND LESCURE
Je vous réponds qu'Éric COQUEREL, il ne souhaite pas de budget. Il souhaite une dissolution. C'est clair. Son mentor, Jean-Luc MELENCHON, la demande. Il souhaite même une présidentielle anticipée. Donc, face à ceux qui souhaitent qu'on n'y arrive pas, il y a ceux qui souhaitent qu'on y arrive. Le Gouvernement s'est engagé dans une discussion : pas de 49.3, le débat jusqu'au bout. Il y a aujourd'hui une majorité de l'Assemblée, on l'a vu sur le vote sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

ADRIEN GINDRE
Mais sans certitude qu'il y aura bien un vote à la fin ?

ROLAND LESCURE
Tant que le film n'est pas écrit, il n'est pas terminé. Mais aujourd'hui, nous, on souhaite qu'il y ait un vote. Et il y a aujourd'hui une majorité des parlementaires qui le souhaitent également. Faisons tout pour que ça ait lieu. Ayons tous les débats qu'on doit avoir. Assurons-nous quand même que ce budget est un budget raisonnable qui soutient les entreprises.

ADRIEN GINDRE
Raisonnable ? La ministre des Comptes Publics dit probablement un déficit aux alentours de 5%. Si c'est le cas à la fin... Comment ?

ROLAND LESCURE
C'est trop.

ADRIEN GINDRE
Si c'est le cas à la fin, vous ferez quoi ?

ROLAND LESCURE
Eh bien, on n'en est pas là.

ADRIEN GINDRE
Vous diriez " Mieux vaut pas de budget " ?

ROLAND LESCURE
Moi, c'est le message que j'ai donné ce matin, et que je vous redonne à nouveau : 5%, c'est trop. Et donc, on a l'examen qui va se poursuivre. On est à peu près au milieu du gué aujourd'hui, on a fait la moitié. On va au Sénat, l'Assemblée poursuit son examen. Moi, je dis aux parlementaires qui sont responsables, qui souhaitent un budget : Attention, on a une dynamique industrielle, en France, qui se poursuit. On a eu une bonne croissance au troisième trimestre, il faut continuer à accompagner ça. Donc, un peu d'impôt, oui, pas trop. Des économies de dépense, c'est ce qui est plus difficile aujourd'hui. Quand on regarde les discussions à l'Assemblée nationale…

ADRIEN GINDRE
Parce qu'on n'a pas du tout introduit pour le moment les économies de dépense.

ROLAND LESCURE
Exactement. Donc, moi, je dis : faisons des économies de dépense. C'est le plus difficile et c'est aussi le plus efficace.

ADRIEN GINDRE
Mais si ce n'est pas convoité

BRUCE TOUSSAINT
Vous n'êtes pas d'accord avec votre ministre, donc, si je comprends bien.

ROLAND LESCURE
Pourquoi vous dites ça ?

BRUCE TOUSSAINT
Sur le chiffre donné par Amélie DE MONTCHALIN.

ROLAND LESCURE
Non, non. Ce que dit Amélie DE MONTCHALIN, c'est qu'au jour d'aujourd'hui, on est aux alentours de 5 %. L'examen n'est pas terminé. On a encore de l'espoir, elle et moi, qu'il y ait des vraies économies de dépense qui soient votées.

BRUCE TOUSSAINT
Et le vote par ordonnance, c'est une possibilité ?

ROLAND LESCURE
Non, mais absolument pas. On n'en est pas là du tout.

BRUCE TOUSSAINT
Il n'y aura pas de vote par ordonnance ?

ROLAND LESCURE
Non, mais aujourd'hui, l'objectif, il est qu'on aille jusqu'au bout. Vous savez que ça ne dépend pas que de nous. Ça dépend aussi des parlementaires. Nous, on fait tout pour que ce débat ait lieu et qu'il ait bien lieu. Et n'écrivons pas la fin du film avant qu'il ait lieu. On est dans une certaine forme de nouveau cinéma. Là, c'est une nouvelle méthode avec des résultats, j'espère, inédits. Et je le souhaite du fond du coeur un budget voté et un bon budget.

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 novembre 2025